La garantie “ foudre ” ne s’applique qu’aux animaux foudroyés - Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005
Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005

DOMMAGES COLLATÉRAUX LIÉS A LA FOUDRE

Pratiquer

LEGISLATION

Auteur(s) : Philippe Tartera

Fonctions : 6, impasse Salinié, 31100 Toulouse

La cour de cassation confirme que la garantie “ foudre ” des contrats d’assurances ne couvre pas la mort des animaux effrayés par un orage ou par la foudre.

1. Les faits : Animaux effrayés par l’orage

• M. Delovin possède un troupeau de deux cents moutons. Il a souscrit auprès d’une compagnie d’assurances une police “ incendie ” dont l’une des clauses garantit ses biens, y compris ses animaux, contre « les dommages matériels résultant de l’action directe de la foudre et de l’électricité ».

Une nuit, alors que le troupeau se trouve en transhumance dans les Alpes, un violent orage éclate. Un mouton est frappé par la foudre et les cent quatre-vingt-dix-neuf autres, affolés, se précipitent dans un ravin et se tuent. L’assureur ayant offert de régler une seule bête, M. Delovin l’assigne en indemnisation de la perte de tout le troupeau.

• M. Ducheval est exploitant d’un haras. Il a souscrit auprès d’une compagnie d’assurances une police multirisque qui garantit notamment les animaux de son exploitation pour le risque “ foudre ”. Lors d’un violent orage, un poulain du haras, effrayé par les éclairs et le tonnerre, se blesse mortellement contre une clôture. M. Ducheval demande à son assureur de l’indemniser de la valeur du poulain. S’étant heurté au refus de l’assureur, M. Ducheval assigne ce dernier en paiement.

2. Le jugement : Les assureurs gagnent en cassation

Dans l’affaire des moutons, la cour d’appel d’Aix-en-Provence donne raison le 27 septembre 1976 à M. Delovin : son assureur est condamné à lui payer la valeur des deux cents bêtes.

Dans l’affaire du poulain en revanche, la cour d’appel de Caen déboute M. Ducheval le 30 janvier 2001, en retenant que la perte du poulain ne constitue pas un dommage au sens de la définition qu’en donne le contrat d’assurance.

Les deux affaires sont portées devant la cour de cassation : celle des moutons à l’initiative de l’assureur, celle du poulain à l’initiative de son propriétaire. L’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence est cassé par une décision du 3 novembre 1978. Les magistrats suprêmes relèvent qu’« en faisant droit à la demande de M. Delovin, alors qu’un seul mouton avait subi l’action directe de la foudre, la cour d’appel a dénaturé la cause claire et précise du contrat d’assurances ». Selon la même logique, le pourvoi de M. Ducheval est rejeté par une décision du 24 juin 2003 : son poulain n’a pas été foudroyé, il n'est donc pas indemnisé.

3. Pédagogie du jugement : Pas de foudroiement sans électrisation

Tous les éleveurs disposent d’une garantie “ foudre ”, ou “ fulguration ”, dans leur contrat d’assurances multirisque ou dans leur contrat incendie. Cette clause couvre généralement les animaux, qu’ils soient à l’intérieur des bâtiments ou au pâturage. La plupart du temps, les animaux qui sont présentés aux vétérinaires mandatés par les compagnies d’assurances dans le cadre des expertises de fulguration sont censés avoir été réellement foudroyés. Le foudroiement peut être “ direct ” (le courant de foudre lui-même traverse le corps). Il est le plus souvent indirect : il s’agit des foudroiements “ par éclair latéral ” (le courant de foudre traverse un objet voisin, comme un arbre ou un poteau, et un courant dérivé traverse l’animal), “ par tension de toucher ” (variante du précédent avec existence d’un contact entre l’objet conducteur et l’animal) ou “ par tension de pas ” (le courant de foudre frappe un point du sol, se répartit dans le sol, remonte par un membre de l’animal et ressort par un autre point de contact avec le sol). Dans tous ces cas, il existe une réelle électrisation (passage du courant à travers le corps de l’animal) : la garantie du contrat d’assurance est acquise.

Cependant, il n’est pas rare que des victimes indirectes de la chute de la foudre soient présentées au vétérinaire expert. Il s’agit fréquemment d’animaux qui se sont blessés ou tués parce qu’ils ont eu « peur de l’orage » ou « peur d’un éclair », parfois d’animaux blessés ou tués par des chutes d’objets (branches d’arbres par exemple). Ces types de dommages, qui ne résultent pas du passage du courant de foudre à travers le corps, ne sont donc pas garantis par les contrats d’assurances et ne doivent pas être pris en compte dans le cadre des expertises.

Certains cas peuvent être plus ambigus. Par exemple, en montagne, dans le cas des animaux trouvés morts au fond d’un ravin, ou dans la pente d’un dénivelé abrupt : certains praticiens concluent parfois que les animaux devaient se trouver au sommet d’une crête pendant l’orage, et qu’ils ont pu être « projetés par la foudre ». Cependant, si l’expertise met en évidence des signes qui montrent que les animaux ont dévalé la pente, si les cadavres présentent des traumatismes multiples, et a fortiori si l’autopsie démontre des lésions hémorragiques et des fractures, il est seulement possible de conclure que les animaux ont été polytraumatisés, et non foudroyés.

En savoir plus

- Tartera P. L’expertise du foudroiement chez les bovins. Point Vét. 2001 ; 32(217): 42-44.

- Tartera P. Images du foudroiement chez les bovins. Point Vét. 2001 ; 32(217): 48-51.

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