Comment se procurer les médicaments “manquants” - Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005
Le Point Vétérinaire n° 258 du 01/09/2005

ARSENAL THÉRAPEUTIQUE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville
44470 Carquefou

Le nouveau décret “importation” ouvre une possibilité d’importation en cascade de médicaments non disponibles en France.

Les vétérinaires se procurent facilement la quasi-totalité des médicaments dont ils ont besoin dans les catalogues des centrales d’achats vétérinaires. Néanmoins, de nombreux articles, dans cette revue même, décrivent des traitements qui correspondent aux données les plus actuelles de la science, mais dont l’accès n’est pas toujours facile. Parfois, il est même interdit de prescrire ou d’administrer ces traitements médicalement les plus appropriés.

La cascade du “hors AMM”

En France, la cascade dite du “hors AMM” dicte un ordre prioritaire pour quatre niveaux de prescription du traitement le plus approprié. Cette cascade peut s’interpréter comme une restriction de la liberté de prescription du praticien puisqu’avant cette disposition, cette liberté était presque totale. En Europe, son objectif premier est, à l’inverse, de permettre de justifier le traitement des animaux par des médicaments non indiqués dans l’espèce et ou l’indication, qu’il s’agisse :

- de spécialités vétérinaires administrées chez des espèces ou pour des indications différentes de celles prévues dans leur notice ;

- de médicaments à usage humain ;

- de préparations extemporanées ;

- ou, depuis peu, de médicaments disponibles en Europe (voir le TABLEAU “Les écarts entre la cascade française et la cascade européenne”).

Le déclenchement de la cascade suppose d’abord qu’il n’y ait pas de médicament « appropriédisponible et autorisé dans l’espèce ou dans l’indication ». La notion de médicament « approprié » est suffisamment floue pour permettre toutes les interprétations. Dans le droit français, quatre niveauxthéo­riques de prescription sont alors prévus. Les deux premiers permettent de prescrire des médicaments vétérinaires autorisés (avec AMM) mais non validés pour l’espèce et/ou l’indication. Ces médicaments sont alors facilement accessibles aux vétérinaires, puisqu’il s’agit de spécialités déjà référencées dans les catalogues des centrales d’achats (voir l’ENCADRÉ “Les restrictions en productions animales”).

Le médicament humain

En l’absence de médicament vétérinaire approprié mais hors AMM, le praticien peut prescrire à son client ou se procurer « pour son propre usage professionnel » des médicaments humains. Ces derniers ne peuvent pas lui être livrés, ni par les centrales vétérinaires (qui ne peuvent pas non plus les acquérir), ni par les grossistes répartiteurs humains, ni parles laboratoires pharmaceutiques humains.

Le vétérinaire ou son client ne peuvent s’approvisionner que dans une pharmacie sur présentation d’une ordonnance. Le vétérinaire n’a donc pas le droit de revendre à son client les médicaments humains qu’il aurait acquis dans une pharmacie.

Les stupéfiants

Pour les morphiniques, médicaments humains de la catégorie des stupéfiants, le vétérinaire peut désormais facilement les prescrire sur des ordonnances dites “sécurisées” ou “protégées”. Lorsqu’il s’agit d’un usage professionnel, le praticien devrait les détenir dans une armoire ou dans un local spécifique fermé à clé.

Les médicaments dits “hospitaliers”

Ces médicaments “hospitaliers” appartiennent pour la plupart à la catégorie des médicaments dits “à prescription restreinte”. Seuls les médecins hospitaliers peuvent les prescrire, voire seulement une catégorie de spécialistes. Ces médicaments hospitaliers quittent cependant de plus en plus la réserve dite “hospita­lière” (la délivrance exclusive par une pharmacie hospitalière) pour être disponibles dans les pharmacies et faciliter ainsi le renouvellement des ordonnances en ville.

Aujourd’hui, le vétérinaire ne peut toujours pas prescrire ou s’approvisionner en de tels médicaments. Les pharmaciens d’officine ou des hôpitaux ne peuvent pas fournir les vétérinaires ou leurs clients sans être en infraction. Toutefois, depuis mars 2003, un dispositif réglementaire est en place pour permettre aux vétérinaires de s’approvisionner directement auprès des laboratoires fabricants (et non auprès des officines). Le ministère de la Santé bloque cependant depuis 2003 la parution de l’arrêté qui établit la liste des médicaments qui deviendraient par ce biais accessibles aux vétérinaires. Ces traitements ne pourront alors être administrés que par des vétérinaires et pour des animaux de compagnie (non destinés à la consommation humaine).

Les médicaments sous ATU

« Lorsque la situation sanitaire l’exige et qu’il n’existe pas de médicament vétérinaire approprié avec AMM », l’Agence nationale peut délivrer des autorisations temporaires d’utilisation ou ATU pour une durée limitée à un an (renouvelables plusieurs fois). À une exception près, les ATU sont délivrées à des vaccins inactivés et le plus souvent pour des espèces de productions animales démunies de vaccins spécifiques, notamment en pisciculture.

Cette autorisation est nécessaire pour obtenir ensuite ces médicaments directement du laboratoire (et non de la centrale).

Médicament “importé en cascade”

Le nouveau décret “importation”,parule28 mai au Journal Officiel, permet aussi des importations personnelles, par le détenteur des animaux, de médicaments autorisés dans d’autres états européens lorsqu’aucun médicament vétérinaire avec AMM ou ATU en France n’est approprié (nouveaux articles R. 5141-123, 123-2 à 123-5) (voir le TABLEAU “Comment se procurer les médicaments “manquants”). Il est nécessaire au détenteur des animaux d’obtenir l’autorisation d’importation de l’Afssa-ANMV qui lui est alors délivrée au « cas par cas ». La demande doit cependant être présentée à l’Afssa-ANMV par un vétérinaire (ou éventuellement par un pharmacien). Après autorisation, ces médicaments peuvent ensuite être importés par le détenteur des animaux (dans son véhicule personnel ou par une autre voie pendant un an au maximum et pour une quantité fixée).

La demande d’importation comprend alors :

- le nom du détenteur des animaux, responsable de l’importation ;

- l’objectif de l’importation (joindre l’ordonnance vétérinaire) ;

- le médicament importé (nom, forme, composition, espèces de destination, voie d’administration) ;

- les quantités et la durée (≤ 1 an).

L’Afssa dispose d’un délai de vingt jours (éventuellement prorogé de quinze jours) pour répondre. L’absence de réponse vaut refus d’importation.

Il n’est toutefois pas prévu qu’une telle demande soit délivrée à un vétérinaire ou à un pharmacien, par exemple pour constituer un stock d’“urgence” sans avoir au préalable le nom du détenteur des animaux responsable de cette importation. Néanmoins, les nouvelles dispositions réglementaires n’excluent pas qu’un établissement pharmaceutique (laboratoire ou centrale) puisse faire une demande d’importation “en cascade” en vue de fournir les vétérinaires qui auraient besoin de tels médicaments pour se constituer un stock d’urgence.

Les restrictions en productions animales

Si les principes actifs n’ont pas de limites maximales de résidus, les médicaments ne peuvent pas être administrés en productions animales.

Lors de changement d’espèce de destination, les temps d’attente forfaitaires minimaux sont de sept jours dans le lait et les œufs et de vingt-huit jours dans la viande et les abats.

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