Complication rythmique d’endocardite - Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005
Le Point Vétérinaire n° 255 du 01/05/2005

Se former

CARDIOLOGIE

Auteur(s) : Daniel Hervé*, Jean-François Rousselot**

Fonctions :
*61, rue Émile-Raspail, 94110 Arcueil
**414 A, chemin des Canniers, quartier Lagoubran, 83190 Ollioules

Un chien mâle de race caniche âgé de douze ans est atteint d’une endocardiose mitrale avec une insuffisance cardiaque de stade 2.

→ Il est traité depuis trois ans avec du ramipril (Vasotop®) à la dose de 0,25 mg/kg/j et l’association altizide-spironolactone(1) (Aldactazine®). Un premier électrocardiogramme n’a mis en évidence qu’une tachycardie sinusale (145 bpm). Depuis vingt-quatre heures, l’état de l’animal s’est subitement dégradé.

→ L’examen clinique révèle un animal calme. Ses muqueuses sont congestionnées. Le temps de recoloration n’est pas augmenté. Une tachypnée constante est notée, avec des quintes de toux.

→ L’examen cardiovasculaire met en évidence un choc précordial rapide (240 bpm) et de rythme irrégulier. Des salves encore plus rapides (260 bpm) mais régulières surviennent parfois. Un souffle mitral d’intensité 4/6, déjà connu, et des crépitations fines étendues à l’ensemble des champs pulmonaires sont audibles. Un oedème pulmonaire broncho-alvéolaire est suspecté.

→ Une électrocardiographie, des radiographies thoraciques et une échocardiographie sont réalisées.

Examens complémentaires

→ L’électrocardiogramme montre une tachy-arythmie, avec une fibrillation atriale et un bloc de branche gauche (aspect RR’ des dépolarisations ventriculaires et élargissement de l’onde R) (TRACÉ). Ce rythme irrégulier est associé à des salves fréquentes de tachycardie ventriculaire droite paroxystique. Les complexes ventriculaires sont monomorphes et se succèdent régulièrement.

→ Des radiographies thoraciques confirment le développement d’un œdème pulmonaire broncho-alvéolaire péri-hilaire qui s’étend dans les parties dorsales des lobes diaphragmatiques. Une cardiomégalie gauche, déjà objectivée trois mois auparavant, est visible.

→ L’échocardiographie met en évidence une amplification de la dilatation atriale gauche depuis trois mois : le rapport Ag/Ao est augmenté à 2,12 (contre 1,58 lors de la première échocardiographie). La dilatation cavitaire du ventricule gauche s’est aussi accrue. Une rupture partielle des cordages tendineux secondaires est visible, avec un prolapsus valvulaire septal net et une hétérogénéité myocardique marquée.

→ Les valeurs hématobiochimiques sont normales, notamment pour la troponine I (indicateur d’un phénomène inflammatoire myocardique). Aucun phénomène inflammatoire myocardique n’est noté.

Diagnostic et traitement

→ Le diagnostic est celui d’une fibrillation atriale, avec une tachycardie paroxystique ventriculaire droite qui sont les complications d’une insuffisance cardiaque gauche due à une endocardiose mitrale. La chute de débit consécutive à la dysrythmie est à l’origine d’un oedème.

→ Le remodelage myocardique qui accompagne l’endocardiose est probablement responsable de cette dysrythmie :

- la dilatation atriale, atteignant un seuil critique, provoque une désorganisation tissulaire myocardique génératrice de fibrillation atriale ;

- l’hétérogénéité myocardique reflète une altération musculaire ventriculaire à l’origine des troubles paroxystiques. Elle peut être imputée à une insuffisance coronarienne consécutive à la tachy-arythmie atriale. Le myocarde est en effet le seul organe perfusé pendant la diastole. Or celle-ci est raccourcie en raison de la fréquence cardiaque élevée.

→ Le pronostic est sombre à court terme. La fibrillation atriale est en effet irréversible et la tachycardie ventriculaire peut évoluer rapidement vers une fibrillation ventriculaire et un arrêt cardiaque.

→ Le traitement vise quatre objectifs : réduire l’œdème pulmonaire et prévenir sa récidive, ralentir la fréquence cardiaque, diminuer l’ectopie ventriculaire et, si possible, améliorer la perfusion coronarienne.

Dans un premier temps, une oxygénothérapie est instaurée et 4 mg/kg de furosémide sont administrés par voie intraveineuse. Une diminution nette de l’œdème pulmonaire est obtenue en quatre heures.

Le traitement est alors poursuivi en ambulatoire. Il associe un IECA, le ramipril (Vasotop®, 0,25 mg/kg/j le matin), du dinitrate d’isosorbide (Risordan®(1), 2 mg/kg/j le soir) et du furosémide (Dimazon®, 1 à 4 mg/kg/j, selon les signes “respiratoires”).

→ Le choix de l’anti-arythmique est fonction de l’association des troubles, à la fois supraventriculaires et ventriculaires. En raison de ses effets favorisants des troubles ventriculaires par hyperexcitabilité, la digoxine(1) n’est pas retenue et l’amiodarone(1) est prescrite à 15 mg/kg/j en une seule prise.

→ Pour améliorer la perfusion myocardique, un coronarodilatateur est recommandé, en l’occurrence la molsidomine(1) à la dose de 150 µg/kg/j en quatre prises. L’observance de ce traitement, toujours délicate, est bonne en raison de la motivation des propriétaires.

Évolution

→ Le traitement diurétique équilibré permet de prévenir la récidive immédiate de l’œdème pulmonaire cardiogénique, mais fait appel à des doses élevées (4 mg/kg/j). Cette augmentation des doses conduit à prescrire conjointement l’association altizide-spironolactone(1). La posologie du furosémide est ainsi diminuée de moitié pour un résultat identique.

→ L’amiodarone(1) ne fait diminuer la fréquence atriale qu’après vingt jours de traitement. Les salves de tachycardie ventriculaire paroxystique ont en revanche disparu après huit jours, sans récidive.

Le chien est mort neuf mois plus tard d’une récidive d’oedème pulmonaire, malgré l’équilibrage correct du traitement, en raison d’une ingestion massive de jambon de Paris. L’apport sodique excessif a probablement généré une rétention hydrosodée fatale. Cet épilogue met en exergue le danger d’un excès sodique comme d’une restriction trop sévère.

  • (1) Médicament à usage humain.

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr