Le rouget du porc : diagnostic, traitement et prévention - Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005
Le Point Vétérinaire n° 254 du 01/04/2005

MALADIES BACTÉRIENNES PORCINES

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Josée Vaissaire

Fonctions : Laboratoire d’études
et de recherches en pathologie
animale et zoonoses
AFSSA Maisons-Alfort
22, rue Pierre Curie BP 67
94703 Maisons-Alfort Cedex

Le rouget du porc, présent en France, n’est pas l’apanage de la seule espèce porcine. Les conditions d’élevage et d’environnement jouent un rôle dans sa transmission.

Le rouget du porc est une maladie infectieuse, inoculable, enzootique due à une bactérie Erysipelothrix rhusiopathiae (voir l’ENCADRÉ “Erysipelothrix rhusiopathiae, l’agent du rouget”). En France, cette infection, qui n’est plus une maladie légalement réputée contagieuse, provoque chez le porc une infection aiguë ou subaiguë, septicémique ou localisée, qui peut évoluer sous une forme chronique avec des manifestations ou des lésions d’arthrite et/ou d’endocardite.

Les porcs peuvent être porteurs sains et ne jamais extérioriser la maladie.

Cette maladie est une zoonose (voir l’ENCADRÉ “Le rouget est une zoonose”). L’homme se contamine au contact des animaux malades, de leurs excreta ou le plus souvent de leurs carcasses.

Quelles sont les sources ?

La bactérie est largement répandue dans la nature : elle est retrouvée dans les sols, les boues, les plantes et chez de nombreuses espèces animales (mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, crustacés, mollusques, arthropodes).

Le porc est considéré comme le principal réservoir d’Erysipelothrix rhusiopathiae. Trente à 50 % des animaux sont porteurs sains et hébergent la bactérie dans leurs amygdales, leurs nœuds lymphatiques et la valvule iléo-cæcale. Ces animaux éliminent l’agent du rouget dans le milieu extérieur par leurs excreta (fèces, urine principalement) et contaminent ainsi l’environnement.

D’autres espèces animales sont affectées par la maladie et jouent un rôle dans le portage et dans la contamination de l’environnement, particulièrement les oiseaux, les rongeurs, les lagomorphes (lièvres) et les suidés sauvages. Les bovins, les ovins et les caprins peuvent être porteurs, ainsi que les équins. Des signes cliniques peuvent également être observés dans ces espèces.

Les carnivores domestiques et sauvages peuvent aussi être atteints, notamment les chiens de chasse et éventuellement les renards. Ils peuvent être porteurs et excréteurs sains ou présenter des signes cliniques après une phase d’hyperthermie suivie de bactériémie. Les localisations les plus fréquentes sont l’appareil urinaire (néphrite, cystite) ou les articulations (arthrites).

Les poissons hébergent fréquemment la bactérie dans leur mucus cutané.

Les oiseaux jouent un rôle particulier. Les dindes, les pintades, les pigeons, les colombes, les canards, les oies, les perdreaux, les faisans, les cailles, etc. sont sensibles au rouget et les passages successifs de la bactérie dans ces espèces exacerbent la virulence des souches d’Erysipelothrix rhusopathiae. Les souches éliminées dans le milieu extérieur sont alors particulièrement pathogènes pour le porc.

Quels sont les modes de contamination ?

Chez les mammifères, la contamination s’effectue essentiellement par voie cutanée à partir de lésions préexistantes (éraflures, écorchures, érosions) ou par voie intradermique (par piqûre).

Chez le porc, les lésions podales, fréquentes en élevage hors sol (caillebotis), sont autant de portes d’entrée pour la bactérie. Dans les élevages en semi-plein-air ou en parcours, où les lésions podales sont plus rares, les risques de contamination sont néanmoins élevés par l’intermédiaire des sols ou en raison des contacts avec d’autres espèces porteuses du germe, comme les oiseaux.

La contamination par voie digestive peut survenir mais elle est rare.

Quels sont les symptômes du rouget chez le porc ?

Trois principales formes de rouget sont décrites. Elles surviennent plus souvent chez des sujets âgés de plus de douze semaines issus de mères vaccinées et qui ne sont plus protégés par leurs anticorps maternels. Elles peuvent survenir sur des sujets plus jeunes non protégés par des anticorps.

Le porc peut présenter des signes cliniques suite à une exposition massive à l’agent causal, à des variations brusques des méthodes d’élevages ou à des conditions particulières d’environnement, telles que des maladies virales intercurrentes, des changements alimentaires ou de ration, des variations climatiques, des transports, une promiscuité avec d’autres espèces sensibles (volailles ou oiseaux en liberté), un épandage de fientes, etc. Les signes cliniques observés varient en fonction des sérovars.

La période d’incubation varie en théorie d’un à huit jours en fonction de l’intensité de l’exposition, de la virulence de la souche et du sérovar en cause. Chez les porcs charcutiers ou les cochettes, les troubles se déclarent souvent très brusquement, après une maladie virale, un changement brusque d’habitat, un transport, ou encore lors de promiscuité avec des élevages ou des fientes d’oiseaux sensibles (canards, dindes, pigeons, tourterelles).

1. Le rouget aigu

La forme aiguë, dite classique, débute par une forte hyperthermie chez tous les animaux atteints, accompagnée chez certains d’abattement, d’anorexie et parfois de vomissements. D’autres animaux ne présentent pas de symptômes. Vingt-quatre à 48 heures après les premiers signes, les lésions cutanées caractéristiques apparaissent chez quelques animaux, sous formes de plaques érythémateuses, rouges et géométriques au niveau des flancs, du ventre, des cuisses, du cou ou des oreilles (PHOTO 1). Cette éruption cutanée s’accompagne généralement d’une phase de diarrhée liquide pendant un à deux jours. L’évolution est ensuite rapide, soit vers la mort en quelques heures, soit vers la guérison.

Après cette phase de bactériémie, des localisations secondaires et des septicémies peuvent apparaître chez les animaux survivants. Les localisations secondaires sont essentiellement des arthrites, des néphrites, parfois des endocardites. Les truies gestantes peuvent avorter.

Cette forme aiguë est généralement due aux sérovars 1 et 2. La morbidité peut atteindre 10 à 50 % et la mortalité 5 à 30 %.

2. Le rouget subaigu

La forme subaiguë débute aussi par une hyperthermie accompagnée d’anorexie chez quelques sujets. Les signes cutanés sont plus discrets et la diarrhée peut être inexistante. Les localisations articulaires sont les plus fréquentes et peuvent affecter une ou plusieurs articulations, avec des boiteries marquées. L’animal atteint peut rester en décubitus et présenter des difficultés pour boire et se nourrir. L’amaigrissement est de règle. Une atteinte rénale et/ou cardiaque est possible sous la forme d’une néphrite interstitielle aiguë et/ou d’une endocardite.

3. Le rouget chronique

Dans la forme chronique, les signes généraux sont le plus souvent absents. Des boiteries apparaissent en raison d’une ou de plusieurs arthrites chez quelques animaux, ce qui provoque des retards de croissance.

Le rouget chronique peut aussi se manifester par des endocardites qui évoluent lentement et provoquent la mort subite de sujets adultes. Ces cas sont le plus souvent observés chez des truies élevées en parcours et en contact avec des oiseaux ou avec leurs fientes, qui meurent brutalement après la mise bas. L’autopsie révèle alors des lésions caractéristiques de dépôts indurés et blancs sur les valvules atrioventriculaires gauches.

4. Le rouget suraigu

Une forme plus rare est la forme suraiguë appelée aussi “rouget blanc” en raison de son évolution très rapide, de l’ordre de quelques heures. L’animal ne présente pas les signes cutanés caractéristiques et la mort survient brutalement. Cette forme est rencontrée lors de la contamination de porcs par des souches aviaires ou “avianisées”, en particulier lorsque les animaux sont placés sur des parcours qui ont reçu des épandages de fientes contaminées de dindes ou d’autres oiseaux.

5. Motif de saisie

Les lésions caractéristiques de la maladie, lorsqu’elles sont trouvées sur les carcasses à l’abattoir, entraînent la consigne puis la saisie de celles-ci après analyses (PHOTO 2). Il s’agit surtout de lésions cutanées superficielles de forme géométrique (plaques érythémateuses), d’endocardites valvulaires végétantes, de néphrites (“le gros rein rouge”) et d’arthrites séreuses parfois purulentes.

Quelle est la répartition du rouget du porc ?

La maladie est présente en France sous la forme de cas sporadiques dans les exploitations. Elle est détectée aussi bien dans des élevages fermiers de type traditionnel, hors sol ou de semi-plein-air, que dans des élevages intensifs ou semi-intensifs. Elle est toutefois plus souvent présente dans les fermes de type traditionnel où elle évolue sous une forme subaiguë. Elle est plus rare dans les élevages intensifs hors sol mais parfois plus meurtrière car elle survient alors souvent sous une forme aiguë en raison de conditions particulières (lot d’animaux porteurs au départ, béton ou ciment mal lissé, caillebotis avec des fils ronds qui entraînent des pincements, glissades, écorchures, oiseaux nichant dans les locaux, poly-élevage sur l’exploitation).

Comment diagnostiquer le rouget du porc ?

1. Le diagnostic bactériologique

Le diagnostic bactériologique est le plus utilisé.

Les prélèvements sont réalisés avec précaution car le rouget est une zoonose. Ils sont constitués de peau (au niveau d’une plaque érythémateuse), de la rate, des reins, du foie, de sang, de liquide synovial ou d’une articulation atteinte non ouverte.

Ils sont mis en culture sur des milieux riches (gélose trypticase-soja au sang de mouton ou gélose Columbia® au sang de cheval). Le broyage des prélèvements est conseillé avant l’ensemencement, en particulier pour les cartilages des articulations, ainsi qu’un passage en phase liquide (bouillon-sérum) avant la mise en culture sur milieux gélosés.

Après 24 heures d’incubation, les colonies sont fines, translucides, en gouttes de rosée. Après deux jours de culture, elles sont plus grosses et présentent une fine hémolyse sur gélose au sang de mouton mais ne sont pas hémolytiques sur le sang de cheval.

Des milieux sélectifs contenant des antibiotiques et des antifongiques peuvent être utilisés afin de savoir si des lots de porcs sont porteurs ou non. La recherche peut être effectuée à partir de fèces ou de prélèvement sur la valvule iléo-cæcale. Les colonies apparaissent en deux à quatre jours. Les meilleurs milieux sélectifs mis au point et testés sont à base de kanamycine, de néomycine, de vancomycine, de novobiocine et de gentamicine.

Les sérotypages suivent encore la méthode de Wood et al (1978) par immunodiffusion en gélose.

En France, les sérotypes rencontrés le plus fréquemment chez le porc sont les sérotypes 1 (1a et 1b) et 2 qui représentent environ 85 % des souches. Les 15 % de souches restantes sont représentées par les sérotypes 5, 6, 18 et N.

Les techniques de biologie moléculaire (PCR) sont utilisées depuis plusieurs années par des équipes étrangères (japonaises) à partir de différentes séquences d’ARN ribosomial (23S rRNA, 5S rRNA et 16S rRNA).

2. Diagnostic sérologique

Le diagnostic sérologique est moins utilisé. Il emploie des techniques d’agglutination, d’hémagglutination passive, de fixation du complément et d’immunofluorescence.

Comment traiter le rouget chez le porc ?

Erysipelothrix rhusiopathiae est sensible à de nombreux antibiotiques. Les bêtalactamines, notamment les pénicillines G, A (ampicilline, amoxicilline) et M (méticilline, oxacilline) et les céphalosporines sont les antibiotiques les plus couramment utilisés.

Il est également sensible à l’érythromycine, aux furanes, à la ciprofloxacine et à la clindamycine.

Sa sensibilité aux tétracyclines, au chloramphénicol (qui n’est plus autorisé chez les animaux de rente) et à la spiramycine est variable.

Il est généralement résistant aux aminosides (streptomycine, kanamycine, néomycine, gentamicine), aux sulfamides, à la fluméquine, à la rifampicine et à la vancomycine.

Quelle prophylaxie mettre en œuvre ?

La prophylaxie médicale du rouget est fondée sur l’emploi de sérums, lorsqu’ils sont disponibles, ou de vaccins.

L’administration de sérums hétérologues, fabriqués sur des chevaux, a été autrefois très utilisée en cas d’épizootie pour protéger les jeunes sujets pendant plus de quinze jours, le temps qu’une immunisation active se mette en place et que le taux d’anticorps induit par la vaccination puisse protéger durablement les animaux.

Les vaccins sont toujours fabriqués à partir du sérovar 2 (le sérovar 1 est parfois ajouté dans certains d’entre eux) qui confère la meilleure protection vis-à-vis de la grande majorité des sérotypes présents sur notre territoire (à l’exception du sérovar 10, extrêmement rare, et des sérovars 11 et 13, exceptionnels).

Deux types de vaccins peuvent être utilisés : des vaccins vivants atténués et des vaccins inactivés. Seuls ces derniers sont autorisés en France.

La prévention nécessite une vaccination bien conduite, dans des conditions correctes. Elle est essentiellement pratiquée sur les reproducteurs : les cochettes sont immunisées avant la mise à la reproduction. Les truies subissent ensuite un rappel après chaque mise bas. Dans les régions fortement contaminées, les porcs sont vaccinés à l’entrée en engraissement (deux injections à trois semaines d’intervalle) afin d’éviter de créer des troupeaux d’animaux très réceptifs parce que complètement indemnes d’anticorps, donc à risques.

Il convient également d’éviter de placer des bandes de porcs ou des reproducteurs à l’extérieur près des zones d’épandage de lisiers ou de fientes d’oiseaux, ou à proximité de grands élevages d’oiseaux (dindes, pintades). La cohabitation entre espèces sensibles représente un risque supplémentaire de contamination et de virulence de la bactérie du rouget.

Erysipelothrix rhusiopathiae, l’agent du rouget

L’agent du rouget, Erysipelothrix rhusiopathiae, est un fin bacille à Gram positif qui se décolore facilement, non sporulé et non capsulé, bien que des observations au microscope électronique révèlent une couche superficielle qui évoque une capsule. Sa culture est relativement aisée sur des milieux enrichis en sang ou en sérum, sous atmosphère enrichie en CO2, à une température optimale comprise entre 33 et 37 °C. Il peut néanmoins pousser entre 4 et 42 °C. C’est une bactérie intracellulaire qui comportait 22 sérovars (numérotés de 1 à 22) et un groupe N de non groupables suivant la classification de Wood (1978). Plus récemment Takahashi et coll. (1987, 1988) ont proposé 23 sérovars et la nomenclature d’Erysipelothrix tonsillarum pour les sérovars 3, 7, 10, 14, 20, 22, et 23, considérés comme non pathogènes pour le porc et d’Erysipelothrix rhusiopathiae pour les sérovars 1a, 1b, 2, 4, 5, 6, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 16, 17, 19, 21 et N, pathogènes pour le porc. La nomenclature évolue encore actuellement. Ces sérovars sont pourvus d’une microcapsule liée à la virulence et impliquée dans la résistance à la phagocytose. Erysipelothrix rhusiopathiae ne produit pas de toxine mais excrète une hyaluronidase et une neuraminidase. Cette dernière semble jouer un rôle dans la virulence des souches.

Le rouget est une zoonose

Le rouget est une maladie transmissible à l’homme chez lequel elle provoque l’érysipéloïde de Rosenbach. Elle est contractée accidentellement par une blessure, une piqûre, une coupure ou une érosion. Le germe peut également pénétrer au travers de la peau détrempée. L’homme se contamine au contact d’animaux, de carcasses ou de sous-produits d’animaux infectés.

Il s’agit le plus souvent d’une affection cutanée bénigne, parfois douloureuse, localisée autour du point de pénétration, qui peut évoluer en lésion nécrotique. Elle peut s’étendre à l’articulation la plus proche et provoquer une arthrite. Une forme cutanée diffuse peut-être observée avec l’apparition de plaques violacées à centre plus clair sur différentes parties du corps. De rares endocardites et septicémies ont été rapportées.

Points forts

Trente à 50 % des porcs sont porteurs sains et hébergent la bactérie dans leurs amygdales, leurs nœuds lymphatiques et la valvule iléo-cæcale.

La période d’incubation varie en théorie d’un à huit jours en fonction de l’intensité de l’exposition, de la virulence de la souche et du sérovar en cause, mais en pratique les troubles se déclarent souvent très brusquement.

Des contaminations régulières par l’intermédiaire d’effractions cutanées sur des sols peu adaptés et la cohabitation avec d’autres espèces animales porteuses de la bactérie (oiseaux) favorisent l’installation de la maladie.

La morbidité de la forme aiguë dite classique, généralement due aux sérovars 1 et 2, peut atteindre 10 à 50 % et la mortalité 5 à 30 %.

Les vaccins sont toujours fabriqués à partir du sérovar 2 (le sérovar 1 est parfois ajouté) ce qui confère la meilleure protection vis-à-vis de la grande majorité des sérotypes présents en France.

  • 2 - Imada Y, Takase A, Kikuma R et coll. Serotyping of 800 strains of Erysipelothrix isolated from pigs affected with erysipelas and discrimination of attenuated live vaccine strain by genotyping. J. Clin. Microbiol. 2004;42(5):2121-2126.
  • 4 - Takeshi K, Makino S, Ikeda T et coll. Direct and rapid detection by PCR of Erysipelothrix sp. DNAs prepared from bacterial strains and animal tissues. J. Clin. Microbiol. 1999;37(12):4093-4098.
  • 7 - Wood RL, Harrington R. Serotypes of Erysipelothrix rhusiopathiae isolated from swine and from soil and manure of swine pens in the United States. Am. J. Vet. Res. 1978;39:1833-1840.
  • 8 - Wood RL, Haubrich DR, Harrington R. Isolation of previously unreported serotypes of Erysipelothrix rhusiopathiae from swine. Am. J. Vet. Res. 1978;39:1958-1961
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