La borréliose de Lyme chez le chien et chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 253 du 01/03/2005
Le Point Vétérinaire n° 253 du 01/03/2005

MALADIES INFECTIEUSES DU CHIEN ET DU CHAT

Se former

EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Lénaïg Halos

Fonctions : Équipe “bactéries pathogènes
vectorisées”
UMR 956 BIPAR,
ENV Alfort,
7, av. du Général de Gaulle
94704 Maisons-Alfort

La maladie de Lyme est la maladie transmise par les tiques la plus répandue chez l’homme dans l’hémisphère nord. Ses manifestations chez le chien et chez le chat restent peu documentées.

Les borrélioses sont des maladies infectieuses transmises par des arthropodes vecteurs et dues à des bactéries du genre Borrelia (voir l’ENCADRÉ “Éléments de bactériologie”). La borréliose à Borrelia burgdorferi, connue sous le nom de maladie de Lyme, a une répartition mondiale et affecte de nombreuses espèces : homme, animaux sauvages et domestiques comme les chevaux, les bovins et le chien.

• Dès 1910, Afzelius, un dermatologue suédois, décrit un érythème migrant.

En 1922, deux médecins français, Garin et Bujadoux, rapportent une paralysie provoquée par morsure de tiques ; une bactérie spiralée est déjà soupçonnée d’être l’agent infectieux.

La maladie trouve son nom en 1976 à la suite d’une épidémie saisonnière d’arthrite rhumatoïde à Lyme, petite ville d’une région boisée des États-Unis. La symptomatologie est semblable à celle décrite en Europe au début du siècle.

En 1982, l’équipe de W. Burgdorfer isole à partir de tiques la bactérie spirochète responsable : elle est nommée Borrelia burgdorferi (PHOTO 1).

Dans les années 80, Borrelia burgdorferi est retrouvée dans des tiques en Europe, puis isolée dans le liquide céphalorachidien de patients atteints de maladie de Lyme en France.

• Chez l’animal, les premières observations cliniques avec identification du germe ont eu lieu dans les années 80 aux États-Unis : en 1984 chez le chien [13], puis chez le cheval et le chat en 1986, chez la vache et chez les petits ruminants en 1987 [5].

Depuis le milieu des années 1990, des cas de borrélioses canines sont rapportés dans tous les pays d’Europe.

Comment est transmise B. burgdorferi ?

1. Transmission vectorielle

Le cycle biologique de B. burgdorferi nécessite un arthropode vecteur. Il s’agit le plus souvent d’Ixodidés, communément appelés tiques dures.

En Europe, Ixodes ricinus et peut-être, dans une moindre mesure, Rhipicephalus sanguineus chez le chien [a], sont les espèces impliquées dans la transmission des Borrelia. La bactérie a été isolée chez d’autres genres de tiques comme Dermacentor spp et chez d’autres arthropodes (Ctenocephalides felis) mais ils ne sont sans doute pas impliqués dans la transmission [5, 11].

Cycle biologique d'Ixodes ricinus

Ixodes ricinus est une tique exophile, aux habitats variés, qui recherche un hôte en se plaçant à l’affût sur des végétaux (PHOTO 2).

Son cycle évolutif est dit triphasique car il nécessite un passage sur trois hôtes successifs (voir la FIGURE “Cycle biologique d’), avec un repas sanguin pour chaque stade de développement (PHOTO 3). Chez Ixodes ricinus, le mâle adulte ne se gorge pas.

L’homme, les chiens et les chats sont des hôtes accidentels [15].

Les nymphes qui sont moins exigeantes dans le choix de leur hôte sont le principal vecteur de la maladie de Lyme humaine.

Cycle de Borrelia dans la tique

Chez leur vecteur, les Borrelia subissent des modifications à la fois quantitatives et qualitatives qui conditionnent la transmission des bactéries à l’hôte mammifère.

Quand une larve ou une nymphe ingère des Borrelia en se nourrissant sur un hôte infecté, les spirochètes sont d’abord localisées dans l’intestin où elles se multiplient activement jusqu’à la mue de la tique. Le nombre de spirochètes décroît ensuite et les individus à l’affût sont faiblement infectés.

Une fois la tique infectée fixée sur un nouvel hôte, les spirochètes se multiplient à nouveau rapidement dans la lumière de l’intestin moyen, où a lieu une modification d’expression de leurs protéines membranaires (d’OspA en OspC) (voir l’ENCADRÉ “Les protéines de l’enveloppe externe”). Les spirochètes migrent ensuite dans l’hémocœle de la tique jusqu’aux glandes salivaires d’où elles peuvent être transmises à l’hôte. Ce cycle nécessite environ deux à trois jours : le risque de transmission est donc très faible avant 48 heures de fixation [7]. La transmission de la bactérie chez le vecteur se fait essentiellement de manière transstadiale et, dans une moindre mesure, de manière transovarienne, c’est-à-dire qu’une femelle infectée pond des œufs potentiellement infectés. Il a été démontré que moins de 5 % des larves issues d’une femelle infectée sont porteuses de Borrelia burgdorferi [2].

2. Transmission directe

La transmission directe est possible mais anecdotique. La transmission materno-fœtale a ainsi été démontrée chez l’homme, chez le chien et chez le cheval.

La transmission par voie orale a été montrée chez le chat après l’ingestion de lait cru contaminé et la transmission directe à partir d’urine est suspectée chez le chien [5].

La transmission du germe est possible lors de transfusion, mais la spirochétémie est faible pour Borrelia et cette voie de transmission reste donc peu probable [8].

3. Réservoirs

Le réservoir principal de la maladie en Europe est constitué par les petits rongeurs de forêt, ainsi que par les insectivores comme le hérisson ou la musaraigne. Le rôle des oiseaux, notamment les merles et les faisans, est de plus en plus évoqué, d’autant qu’ils sont soupçonnés de diffuser largement la maladie en raison de leur potentiel migratoire [19, c].

Le rôle du chien dans la transmission de la maladie à l’homme a été écarté (voir l’ENCADRÉ “Le chien est-il un facteur de risque pour son propriétaire ?”).

Quelles sont les caractéristiques épidémiologiques de la borréliose ?

1. Incidence et facteurs de réceptivité

• Dix à 30 % des chiens sont infectés en France suivant les régions [5] et approximativement 5 % d’entre eux développent des symptômes [12]. Borrelia burgdoferi ss est responsable de 90 % des cas cliniques chez le chien, contre 10 % pour Borrelia garinii. Borrelia afzelii n’est pratiquement jamais retrouvée chez le chien. Une étude menée en Allemagne a toutefois démontré la présence de B. afzelii dans les tissus d’un chien qui présentait des troubles nerveux sévères [18].

Les chiens de toute race, des deux sexes et de tout âge peuvent être atteints, sans prédisposition. Les animaux qui sortent en zones boisées ou broussailleuses dans les zones d’endémie sont davantage susceptibles d’être infestés par des tiques donc infectés.

• Des études sérologiques menées au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Allemagne ont révélé de 5 à 36 % de chats séropositifs pour Borrelia burgdorferi, mais aucun cas d’infection naturelle n’a été rapporté à ce jour [16].

2. Aire de répartition

La distribution de la borréliose de Lyme recouvre la zone tempérée de l’hémisphère nord et comprend la majeure partie de l’Eurasie et des États-Unis, zones d’endémie de la maladie.

Tous les pays d’Europe du Nord sont touchés de manières variables selon les régions et avec de grandes différences de risque à l’intérieur d’une même zone [19].

En France, aucune étude n’a porté sur l’ensemble du territoire mais des foyers importants ont été signalés dans différentes régions (voir la FIGURE “Carte des “zones à risque” pour la maladie de Lyme en France”) [4, 5]. En fait, toutes les zones rurales de moins de 1 500 mètres d’altitude sont exposées, à l’exception d’une bande de territoire sur le pourtour méditerranéen : ceci correspond à l’aire de répartition du vecteur I. ricinus.

Des études moléculaires menées dans différentes régions en France ont montré qu’en moyenne 16 % des tiques I. ricinus sont infectées par Borrelia burgdorferi ss. Des variations existent en fonction de la zone étudiée mais le portage est étendu à l’ensemble du territoire : les zones où aucune tique n’est porteuse de la bactérie sont rares. Ceci confirme le fait que la borréliose de Lyme est endémique sur tout le territoire français [9].

Quelle est sa pathogénie ?

Les Borrelia sont des bactéries invasives et très mobiles. Elles se multiplient et se disséminent à partir du site d’attachement de la tique et se localisent dans des sites spécifiques (notamment l’articulation la plus proche) [19, 20].

Les interactions entre les bactéries et les cellules de l’hôte stimulent la sécrétion de nombreux médiateurs de l’inflammation (cytokines pro-inflammatoires, etc.). Initialement, la production de ces facteurs est probablement locale. Leur accumulation (dans l’articulation ou dans d’autres sites : péricarde, système nerveux central) pourrait, à partir d’une concentration seuil, déclencher la migration des leucocytes vers ces régions, puis la production de facteurs anti-inflammatoires. L’enchaînement entre la migration des bactéries, les interactions avec les cellules de l’hôte, puis les productions successives de facteurs pro et anti-inflammatoires pourrait expliquer le caractère intermittent des arthrites observées [20].

La relation entre le nombre de spirochètes et l’apparition de signes cliniques n’est pas précisément démontrée [19] et il semble que le profil génétique de l’hôte influe fortement sur le développement et la gravité des symptômes [20].

Quelles sont les manifestations cliniques de la borréliose ?

1. Chez l’homme

Chez l’homme, la maladie peut prendre divers aspects selon qu’elle se déclare sur le continent européen ou américain. Les espèces génomiques en cause expliqueraient ces variations : B. burgdorferi ss serait plutôt impliquée dans les affections articulaires et cutanées, B. garinii entraînerait des manifestations neurologiques et B. Afzelii serait en cause lors de symptômes cutanés tardifs (acrodermatites chroniques atrophiantes).

La maladie de Lyme évolue en général en trois phases bien distinctes. La première correspond aux manifestations cutanées précoces localisées au point d’inoculation du germe. Le marqueur clinique de cette phase, considéré comme pathognomonique de la maladie de Lyme, est l’érythème migrant qui se développe de manière centrifuge (jusqu’à 60 centimètres de diamètre) autour du site de morsure et guérit spontanément en quelques semaines.

La seconde phase peut survenir de quelques semaines à quelques mois après l’infection avec des manifestations cutanées, nerveuses, articulaires (arthrite, arthralgie) ou cardiaques. Les manifestations les plus courantes en Europe (30 à 40 % des cas) sont de type nerveux.

Les manifestations de la phase tertiaire peuvent survenir des mois ou des années après l’inoculation ou ne jamais apparaître. Elles sont de type chronique et, comme en phase secondaire, elles sont d’ordre nerveux, articulaire (arthrite chronique), cutané (acrodermatite chronique atrophiante) ou cardiaque [7, 19].

2. Chez le chien et chez le chat

Chez l’animal, en dépit d’un taux d’infection relativement élevé dans les zones d’endémie, le nombre de cas documentés est faible, en particulier en Europe.

Comme les autres espèces qui expriment cliniquement la maladie, le chien développe un tableau clinique varié et non spécifique, dominé par de la fièvre, de l’asthénie et de l’anorexie, et des boiteries.

Les trois stades de la maladie décrits chez l’homme ne sont pas retrouvés. L’expression clinique de la maladie apparaît deux à cinq mois après la morsure infectante et les signes cliniques manifestés ressemblent à ceux associés à la phase 2 chez l’homme [7, 20, d]. Ainsi, les lésions cutanées primaires, si elles sont pathognomoniques chez l’homme, s’avèrent discrètes et sont rarement observées chez le chien. L’érythème migrant, caractéristique de l’affection humaine, ne semble pas exister ou reste indétectable. Des lésions de la peau et du système musculo-squelettique ont toutefois été décrites chez le chien car l’infection s’étend localement aux tissus adjacents par migration active des Borrelia le long des tissus fibreux [20].

L’atteinte du système locomoteur, caractérisée par une boiterie, constitue le signe majeur de la maladie canine : elle survient dans 50 à 90 % des cas [7, d, α]. Cette boiterie est décrite comme oligo-articulaire (elle concerne le plus souvent une ou deux articulations), migratoire et intermittente. Il s’agit d’une mono ou d’une polyarthrite, sans signe radiographique, localisée aux articulations du carpe, du tarse, des phalanges, de l’épaule, du coude ou du grasset. Les articulations sont chaudes, douloureuses et leur volume est augmenté. L’arthrite évolue souvent rapidement : les symptômes régressent en quatre jours en moyenne avant de réapparaître sur une autre articulation dans 30 à 50 % des cas. Une périarthrite chronique subclinique peut se développer après plusieurs récidives. Ce stade de la maladie est atteint en quatre mois environ.

Le tableau clinique évolue différemment selon les lieux de dissémination des Borrelia : celles-ci peuvent être retrouvées en abondance dans le liquide céphalorachidien, le myocarde, les méninges. En revanche, le foie, la rate, les reins, le cerveau, de même que le compartiment sanguin, restent pauvres en bactéries. Cette répartition différentielle des germes est à l’origine de symptômes moins fréquents.

Des troubles cardiaques (bloc auriculo-ventriculaire et myocardite ou atteintes cardiaques plus modérées) ont été décrits [7].

Les affections rénales dues à Borrelia sont très rares chez l’homme, mais des troubles rénaux avec protéinurie et hématurie ont été rapportés chez le chien atteint de borréliose de Lyme [7, d, α].

D’autres symptômes ont été signalés, notamment des troubles nerveux (agressivité, épilepsie, paralysie, perte de proprioception, hyperesthésie et paralysie unilatérale de nerfs faciaux). Une hépatite non spécifique attribuée au tropisme particulier de B. garinii pour le foie, des avortements et des troubles oculaires (uvéite) ont également été évoqués [7, α].

Aucune affection naturelle n’a jamais été mise en évidence chez le chat ; la symptomatologie décrite découle d’infections expérimentales et comprend des modifications comportementales, une anorexie et une perte de poids [16].

Comment établir un diagnostic de borréliose ?

Il n’existe aucun signe clinique, hématologique ou biochimique qui puisse être considéré comme pathognomonique d’une maladie de Lyme chez le chien.

1. Anamnèse et examen clinique

Le diagnostic repose en premier lieu sur l’anamnèse qui fait état d’un séjour en zone d’endémie ou sur la présence de tiques sur l’animal, associée à l’observation d’un tableau clinique évocateur (boiterie ou troubles de la démarche associés à des signes généraux de fièvre et d’apathie). Si d’autres localisations (cœur, foie, système nerveux) apparaissent au cours de consultations ultérieures, la maladie de Lyme doit être fortement suspectée [7]. Cette évolution clinique est toutefois insuffisante à elle seule pour établir un diagnostic de certitude.

Le diagnostic différentiel doit notamment envisager d’autres maladies pouvant être transmises par la morsure de tique, comme l’ehrlichiose canine. Il convient également d’éliminer des causes immunitaires néoplasiques ou dégénératives [a].

2. Tests sérologiques

Le diagnostic de laboratoire est indispensable pour confirmer une suspicion clinique. La culture de B. burgdorferi est particulièrement fastidieuse. Les examens sérologiques constituent l’essentiel du diagnostic expérimental, malgré de nombreuses réactions croisées.

La sensibilité des tests sérologiques est directement dépendante de la cinétique de la réponse immunitaire à l’infection. La concentration sérique en IgM dirigées contre Borrelia burgdorferi croît dans les deux à trois semaines qui suivent le début de l’infection et atteint son maximum entre trois et six semaines post-infection, puis décroît progressivement. La concentration en IgG commence à croître quatre à six semaines après le début de l’infection, pour atteindre un pic après la sixième semaine et reste élevée pendant des mois, voire des années. Chez la plupart des chiens, la séroconversion en IgG a lieu avant l’apparition des signes cliniques, en général dans les quatre à six semaines qui suivent la morsure infectante [7].

Les tests sérologiques les plus couramment employés sont l’immunofluorescence indirecte (IFI) et l’ELISA. Malgré leur grande sensibilité, ces deux techniques souffrent toutefois d’un manque de spécificité : lors d’études épidémiologiques la majorité des chiens séropositifs en IgG n’a présenté aucun signe clinique [10]. En outre, comme les procédures de validation des différents kits disponibles dans le commerce ne sont pas standardisées, les résultats sont toujours à interpréter avec précaution.

L’autre test disponible est le Western Blot (WB), qui permet de caractériser une réponse anticorps (IgM, IgG) à divers antigènes (OspA, OspB, OspC, flagelline, etc.) de tailles différentes : 15 à 100 kDa. Son interprétation chez le chien reste difficile mais il a récemment fait l’objet de standardisation. Le WB permet en outre de distinguer une réponse sérologique induite par une infection naturelle d’une réponse vaccinale. Les animaux vaccinés réagissent en effet de manière plus marquée aux protéines de 31 à 34 kDa (OspA), alors que ceux infectés naturellement présentent une réaction minimale à ces dernières et une réponse à un large spectre de protéines bactériennes (de 15 à 100 kDa) (voir la FIGURE “).

En pratique, l’analyse sérologique est réalisée en deux étapes : en premier lieu un test IFI ou ELISA, avec la réalisation d’une cinétique des anticorps sur deux mois, puis confirmation des résultats positifs ou douteux par WB.

3. PCR

En raison de sa sensibilité et de sa spécificité élevées, l’amplification génique par PCR (Polymerase chain reaction) est une technique de diagnostic prometteuse [19]. Elle peut être appliquée à la détection spécifique de l’ADN de B. burgdorferi sl dans les prélèvements articulaires (membrane et liquides synoviaux), le liquide céphalorachidien, la peau, mais rarement dans le sang, en raison d’une faible spirochétémie. Cette technique permet en outre de faire la distinction entre les différentes espèces génomiques de Borrelia burgdorferi sl.

Le manque de standardisation des méthodes employées rend toutefois les résultats difficilement comparables et elle n’est pas appliquée actuellement au diagnostic de routine.

4. Critères diagnostiques

De manière synthétique, une démarche diagnostique pratique de la borréliose canine est fondée sur l’association de cinq critères majeurs [β, d] :

- la présence de symptômes évocateurs ;

- l’historique de contact avec une tique ou de sortie dans une zone d’endémie dans les deux à cinq mois qui précèdent l’apparition des signes cliniques ;

- l’exclusion des autres causes possibles des signes cliniques ;

- la présence d’anticorps dirigés contre B. burgdorferi dans le sérum ;

- la réponse clinique aux antibiotiques.

Un ou deux de ces critères seuls ne sont pas suffisants pour établir un diagnostic de maladie de Lyme.

Comment traiter cette affection ?

• Chez le chien comme chez l’homme, un traitement antibiotique permet en général la résolution des symptômes. La durée du traitement est nécessairement longue (environ trente jours) afin d’éliminer les Borrelia séquestrées au plus profond des tissus fibreux [19, a, α]. Les antibiotiques les plus couramment utilisées sont les tétracyclines, en particulier la doxycycline (10 mg/kg, deux fois par jour, pendant trente jours) et les bêtalactamines, comme l’amoxicilline (20 mg/kg, trois fois par jour, pendant trente jours) [20] ou la pénicilline (20 000 U/kg, trois fois par jour, pendant trente jours) [α]. Récemment, lors d’un cas supposé de borréliose canine en France, le traitement a consisté en l’administration de céfalexine, à la dose de 60 mg/kg/j en deux prises quotidiennes pendant trente jours [b].

• Malgré une antibiothérapie prolongée, la persistance de l’infection est fréquente chez le chien. Les micro-organismes sont séquestrés dans la peau, les tissus conjonctifs ou les articulations et la réactivation de l’infection peut survenir à la faveur d’un état d’immunodépression ou lors de co-infections [12, 20].

L’existence de ces co-infections par plusieurs agents pathogènes transmis par les tiques est en outre de plus en plus fréquemment évoquée, mais reste mal documentée [14, 19]. Elles sont responsables de tableaux cliniques plus complexes et d’échecs thérapeutiques [1]. Des co-infections par B. burgdorferi, Bartonella sp. et Babesia sp. ont été décrites chez l’homme et chez l’animal. Des cas de neuroborrélioses atypiques humaines se sont révélé être dues à la présence simultanée de Borrelia burgdorferi sl et de Bartonella henselae. La recherche d’un deuxième agent pathogène doit donc être envisagée dans les cas de borréliose atypique [14, 15, 19].

Comment prévenir l’infection ?

1. Prophylaxie sanitaire

La prophylaxie sanitaire consiste à limiter les risques de transmission par les vecteurs et constitue le premier moyen de lutte contre la borréliose de Lyme. La lutte contre les hôtes réservoirs est impossible en raison de la diversité des espèces concernées. L’éradication des tiques est également inconcevable dans les zones forestières, mais peut être envisagée dans des zones limitées comme les jardins privés ou les parcs publics.

Les mesures de protection individuelle offrent en revanche de bons résultats et sont faciles à mettre en œuvre. Il s’agit en premier lieu de diminuer la pression d’infestation du chien par les tiques en utilisant des acaricides (colliers imprégnés d’amitraz, pulvérisations d’acaricides, etc.). Le risque d’infection est également limité si la transmission de la bactérie par les tiques est empêchée. Le passage des bactéries n’intervenant que quarante-huit heures après le début du repas sanguin, l’élimination des tiques sur le chien durant la période “pré-infectante” diminue largement le risque de transmission. Il est donc nécessaire de procéder à l’inspection minutieuse de l’animal après les sorties en zones favorables aux tiques (PHOTO 4). Cette observation doit être à la fois visuelle et tactile car les larves et les nymphes de tiques sont de petite taille et difficiles à repérer sur le corps d’un animal. La tique est alors détachée :

- soit à l’aide d’une pince à épiler : saisie au plus près de la peau, elle est tirée de manière continue en tournant légèrement et très lentement, afin de ne pas arracher le corps de l’animal ;

- soit à l’aide d’un “crochet à tique”.

L’utilisation d’alcool ou d’éther est fortement déconseillée car, sous l’effet du stress, la tique sécrète les bactéries ou les protozoaires qu’elle héberge et qui peuvent alors infecter le chien.

2. Prophylaxie médicale

Depuis 2002, date à laquelle le vaccin humain a été retiré du marché, l’espèce canine est la seule à faire l’objet d’une vaccination. En France, un seul vaccin, Merilym® , développé par le laboratoire Merial, est disponible depuis la fin des années 1990. Il est composé d’une souche isolée à partir d’une tique de Saône-et-Loire, inactivée et adjuvée avec de l’hydroxyde d’aluminium.

Le protocole vaccinal recommandé par le laboratoire consiste en une primovaccination (deux injections à un mois d’intervalle à partir de l’âge de trois mois), suivie d’un rappel annuel, de préférence avant le printemps (début de la première saison d’activité des tiques). Ce vaccin assure une protection contre B. burgdorferi sensu stricto, qui est la bactérie la plus impliquée dans la maladie de Lyme chez le chien, mais pas contre les deux autres Borrelia du complexe burgdorferi endémique en France : B. garinii et B. afzelii.

La vaccination des chiens contre B. burgdorferi ss reste peu pratiquée en France, contrairement à d’autres pays européens plus à l’Est comme l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse ou la Tchéquie. Ceci est à mettre en relation avec une sensibilisation accrue de la population, due à l’incidence plus élevée des maladies transmises par les tiques dans ces pays. Si l’incidence de ces affections augmente significativement sur le territoire français, la question de la vaccination chez le chien se posera davantage.

L’intérêt de la vaccination contre B. burgdorferi n’est pas ressenti de manière identique par tous les praticiens. La question “pourquoi vacciner sachant qu’une très faible proportion d’animaux développe des symptômes ?” peut en effet être posée. La vaccination est à envisager dans une démarche globale de sensibilisation à la lutte contre les maladies transmises par les tiques.

La borréliose de Lyme ne représente pas une affection dominante en pratique vétérinaire. Il convient toutefois de ne pas sous-estimer son importance, en raison de son extension actuelle à des zones où elle n’avait encore jamais été décrite et de ses conséquences dans le domaine de la santé publique.

Éléments de bactériologie

Le genre Borrelia appartient à l’ordre des spirochètes qui contient de nombreux genres pathogènes pour l’homme ou pour l’animal, comme Leptospira sp. et Treponema sp., respectivement agents de la leptospirose et de la syphilis.

Comme tous les spirochètes, les Borrelia sp. sont des bactéries spiralées Gram négatives, de 8 à 30 µm de long sur 0,3 µm de large. Elles ont la particularité d’avoir un seul chromosome linéaire et un cycle de développement qui requiert à la fois des hôtes mammifères et arthropodes.

Les agents, responsables de la maladie de Lyme appartiennent au complexe d’espèces Borrelia burgdorferi sensu lato (sl) qui regroupe onze espèces dont quatre ont été reconnues comme pathogènes pour l’homme et l’animal : Borrelia burgdorferi sensu stricto (ss), Borrelia afzelii, Borrelia garinii et Borrelia japonica. Le pouvoir pathogène des autres espèces du complexe Borrelia burgdorferi sl n’est pas connu.

Aux États-Unis où la maladie de Lyme est la plus fréquente, seule Borrelia burgdorferi ss est retrouvée ; Borrelia burgdorferi ss, Borrelia afzelii et Borrelia garinii sévissent en Europe. Au Japon, une autre espèce pathogène pour l’homme, Borrelia japonica, a été décrite récemment mais sa pathogénicité chez le chien n’est pas connue.

Cinq espèces génomiques sont présentes en Europe. Borrelia garinii, Borrelia afzelii et Borrelia valaisiana (pathogénicité inconnue) sont les trois espèces les plus fréquentes. Borrelia burgdorferi ss, d’introduction plus tardive, et Borrelia lusitaniae sont plus rares.

La variabilité des tableaux cliniques de maladies de Lyme chez l’homme est principalement due aux différentes espèces en cause. Chez les chiens, Borrelia burgdorferi ss est l’espèce la plus fréquemment décrite, mais la prévalence des infections à B. garinii, B. afzelii (et B. japonica) reste mal connue. L’infection par ces différents génogroupes pourrait, comme chez l’homme, expliquer la disparité des symptômes observés [17].

Les protéines de l’enveloppe externe

Les bactéries du genre Borrelia sont caractérisées par la présence d’une enveloppe externe dont la structure est proche de celle des bactéries Gram -.

Des protéines majeures, qui ont un rôle antigénique et immunogène, sont associées à cette enveloppe externe et porte le nom d’Osp (Outer surface proteins). Les plus importantes sur le plan antigénique sont OspA, OspB et OspC. L’expression de ces protéines varie au cours du cycle de développement de la bactérie et semble jouer un rôle essentiel dans sa survie et sa capacité à infecter l’hôte. Ainsi lorsque Borrelia est dans la tique ce sont principalement les protéines OspA qui sont exprimées (elles permettent de traverser la barrière digestive de la tique et de coloniser les glandes salivaires). Lors du repas sanguin, des facteurs physiques et chimiques vont induire l’expression d’OspC et diminuer celle des OspA. C’est à partir de ce moment que les spirochètes deviennent infectants.

Un vaccin humain a été élaboré à partir d’OspA. Cette protéine est toutefois extrêmement variable d’une espèce de Borrelia à l’autre, mais aussi d’une souche à l’autre, en particulier au sein de l’espèce B. garinii où cette variabilité a même été utilisée comme méthode de typage des souches. Ce vaccin protège bien contre l’infection ultérieure par une souche de B. burgdorferi sensu stricto, dont la protéine OspA est très proche de celle de la souche utilisée pour le vaccin, mais pas contre B. garinii ou afzelii. Il est efficace aux États-Unis où la seule espèce pathogène est B. burgdorferi sensu stricto [7, 20].

Le chien est-il un facteur de risque pour son propriétaire ?

La question du risque pour les propriétaires de chiens a longuement été soulevée.

Le chien peut en effet conduire ses propriétaires à fréquenter les biotopes favorables aux tiques (broussailles de sous-bois, zones herbeuses etc.) et donc les exposer. Il est également susceptible (comme le chat) de rapporter dans les locaux d’habitation des tiques infectées. En outre, comme le chien peut héberger la bactérie de manière asymptomatique pendant de longs mois, il pourrait représenter un réservoir local de la bactérie.

Une étude épidémiologique menée aux Pays-Bas sur une population de chasseurs et sur leurs chiens a toutefois démontré que la possession d’un chien ou la proximité d’un chien infecté ne sont pas des facteurs de risque pour l’homme [10].

À lire également

a - Hovius KE. Borréliose canine. Dans : Beugnet F. Guide des principales maladies vectorielles des carnivores domestiques. Ed. Merial. 2002:173-183.

b - Rigori S. Maladie de Lyme chez un chien. L’Action Vétérinaire. 2004;1681:2-7.

c - Smith M, Gray J, Granström M et coll. EUCALB 1997-2004. European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis. http://vie.dis.strath.ac.uk/vie/LymeEU/ (mise à jour mai 2003).

d - Straubinger RK. Lyme borreliosis in dogs. In: Carmichael L. Recent advances in canine infectious diseases. International Veterinary Information Service (www.ivis.org), Ithaca NY. http://www.ivis.org/advances/Infect_Dis_Carmichael/straubinger/chapter_frm.asp" target="_blank">type="web">http://www.ivis.org/advances/Infect_Dis_Carmichael/straubinger/chapter_frm.asp (mise à jour 2000).

Remerciements à Jean-Christophe Thibault (Mérial), RK Straubinger, John K. Scariano, Gwenaël Vourc’h, Delphine Fuliputti et Guy Baranton.

Points forts

Trois espèces pathogènes du complexe d’espèces Borrelia burgdorferi sensu lato sont présentes en France. Chez le chien, 90 % des affections seraient causées par Borrelia burgdorferi sensu stricto.

La maladie en France se transmet essentiellement par morsure de tique de l’espèce Ixodes ricinus. Le risque de contracter la maladie augmente donc dans les biotopes de ces tiques (bois, broussailles) et lors du pic de leur activité (printemps et automne).

La bactérie n’est transmise de la tique à son hôte que quarante-huit heures après la fixation : le retrait de la tique avant ce délai réduit considérablement le risque d’infection.

Cinq pour cent des chiens infectés développent des symptômes variés et non spécifiques : fièvre, asthénie, anorexie et, dans 50 à 90 % des cas, boiterie oligo-articulaire, migratoire et intermittente.

Le diagnostic sérologique comporte deux étapes : un test IFI ou ELISA, avec la réalisation d’une cinétique des anticorps sur deux mois, puis la confirmation des résultats positifs ou douteux par Western Blot.

  • 5 - Euzeby JP. Borrelia burgdorferi et la maladie de Lyme chez les animaux. Revue générale. Rev. Méd. Vét. 1989;140(5):371-388.
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