OPHTALMOLOGIE FÉLINE
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COURS
Auteur(s) : Laurent Bouhanna
Fonctions : Ophtalmologie vétérinaire
exclusive
63, boulevard de Picpus
75012 Paris
L’affection herpétique est sous-diagnostiquée chez le chat. Son traitement est difficile et parfois décevant : les rechutes, les récidives et les séquelles sont en effet fréquentes.
Les chats infectés par le virus herpès félin présentent le plus souvent des lésions de la cornée et/ou de la conjonctive. Une atteinte de l’appareil respiratoire supérieur est parfois associée. Le virus herpès félin est la première cause de conjonctivites et de kératites chez le chat. L'implication de ce virus dans de nombreuses autres manifestations oculaires est connue ou soupçonnée.
Le virus herpès félin, agent de la rhinotrachéite infectieuse, est un (á-herpesvirus à ADN qui provoque des lésions des cellules épithéliales lors de leur réplication [9].
• La contamination s'effectue par les voies nasale, orale et conjonctivale. Le virus est principalement excrété par ces voies pendant les trois semaines qui suivent l’infection [9]. Certains animaux excrètent également le virus dans les fèces et l’urine [21]. Il n’y a, à ce jour, aucune preuve de contamination in utero [9].
Un à deux jours après l’exposition, la multiplication du virus et la nécrose des cellules épithéliales débutent au niveau du nasopharynx et de la muqueuse conjonctivale [9]. Il a en outre été montré que le virus herpès félin infecte et nécrose préférentiellement l’épithélium de la conjonctive oculaire et se réplique dans l’épithélium cornéen [14].
Des surinfections bactériennes secondaires sont possibles.
• L'immunisation par des anticorps d'origine maternelle persiste pendant deux à dix semaines, mais ne protège pas toujours les animaux contre une infection subclinique [9]. Ces infections considérées comme subcliniques ou “faibles” sont nombreuses et l’animal n’est alors pas présenté en consultation à ce stade. Suite à la contamination, environ 80 % des animaux sensibles deviennent porteurs du virus herpès et 45 % d’entre eux sont excréteurs asymptomatiques ou développent la maladie [7].
Avec le développement des techniques de diagnostic moléculaire (polymerase chain reaction, PCR), le pourcentage de porteurs asymptomatiques répertoriés a augmenté.
• Le virus herpès peut être présent, à l’état quiescent, dans les tissus nerveux. Il a été détecté dans le ganglion trijumeau de chats infectés asymptomatiques [8, 17] et chez des chats qui ont présenté une manifestation aiguë quatre jours après l’infection [17]. Le portage asymptomatique semble persister toute la vie de l’animal. Des périodes d’excrétion peuvent survenir (déclenchées par différents facteurs de stress), mais elles ne sont pas systématiques.
Manifestations cliniques oculaires directes
L’infection primaire par le virus herpès, sa multiplication et d’éventuelles infections bactériennes secondaires provoquent une conjonctivite. La réplication du virus peut aussi se limiter à la cornée, puis intervient une infection bactérienne secondaire [16].
Après une période d’incubation de deux à six jours apparaissent le plus souvent chez le chaton [9] :
- des écoulements séreux oculaires et nasaux ;
- des éternuements ;
- une anorexie ;
- une hyperthermie.
Selon une étude récente, seuls 17 à 21 % des coryzas(1) sont d’origine herpétique [1]. Quatre jours après l’infection, une nécrose diffuse de l’épithélium conjonctival est observée, avec de nombreuses inclusions intranucléaires dans les cellules épithéliales [16].
La conjonctivite est le plus souvent bilatérale (PHOTO 1). Caractérisée par une hyperhémie conjonctivale (rougeur), elle est accompagnée d’écoulements séreux qui deviennent mucopurulents en quelques jours.
Lors de conjonctivite herpétique aiguë sévère, avec une nécrose épithéliale, une hémorragie, parfois spectaculaire, peut se produire (PHOTO 2). Les propriétaires du chat rapportent parfois que celui-ci a présenté des “larmes rouges”.
Un chémosis (œdème de la conjonctive) peut apparaître, mais il est moins fréquent que lors de conjonctivites bactériennes (en particulier lors de chlamydiose).
La plupart des chats se rétablissent en dix à vingt jours, sans séquelles oculaires. Lors d’infection sévère ou d’immunosuppression, l’infection peut évoluer vers des conjonctivites chroniques ou des rechutes sous forme de conjonctivite uni- ou bilatérale [9].
L’évolution clinique peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et les récidives sont fréquentes. Une information claire du propriétaire est donc essentielle [16].
Les ulcères cornéens provoqués par le virus herpès concernent surtout le chat adulte et correspondent généralement à une réactivation d’un virus latent.
Cette réactivation est souvent secondaire à un état d’immunodéficience (infections par le FeLV et/ou le FIV), à un stress (voyage, intervention chirurgicale, déménagement, arrivée d’un nouvel animal) ou à l’administration de corticoïdes (par voie générale ou locale).
Les ulcères cornéens dits “dendritiques” sont considérés comme pathognomoniques de l’infection herpétique (PHOTOS 3 ET 4) [19, 22]. Ce type d’ulcère résulte directement de l’action délétère du virus sur la couche de cellules basales de l’épithélium cornéen [22].
Les formes d’ulcères très découpées, également caractéristiques de l’infection herpétique, sont souvent appelées ulcères “en carte de géographie” (PHOTO 5) [16].
Les signes cliniques dépendent de la profondeur de l’infection cornéenne et de sa chronicité. Les lésions du stroma ne sont pas liées directement à la multiplication du virus, mais à une réponse immunitaire à l’antigène viral [18].
Lors d’atteinte aiguë, une conjonctivite faible à modérée est observée, ainsi qu’un blépharospasme et des écoulements. La kératite peut être uni- ou bilatérale et aucune composante respiratoire n’y est associée.
Lors d’atteinte chronique, un œdème du stroma et une néovascularisation cornéenne peuvent être présents.
Lors d’ulcère, des infections bactériennes secondaires précoces peuvent être à l’origine d’un ulcère stromal profond, voire perforant (PHOTOS 6 et 7) [4].
Une pigmentation mélanique cornéenne secondaire, rarissime chez le chat, a été décrite [4] (PHOTO 8).
Physiologiquement, les paupières du chaton restent closes les quatorze premiers jours afin de permettre le développement complet des tissus oculaires. Une infection par le virus herpès avant l’ouverture des paupières peut provoquer une ophtalmie néonatale (conjonctivite mucopurulente qui distend les paupières). Le symblépharon correspond à des adhérences de la conjonctive d'une paupière à la cornée ou d’une conjonctive sur une autre conjonctive (PHOTO 9). Il est consécutif à une nécrose épithéliale profonde (destruction des cellules souches de l'épithélium cornéen) qui pourrait être induite par le virus [10].
Le symblépharon n’est pas rare chez les jeunes animaux dont l'anamnèse évoque une herpesvirose ou un coryza.
Il n’existe pas de traitement efficace, car l’excision des tissus adhérents peut conduire à de nouvelles adhérences.
Une occlusion secondaire des points lacrymaux, qui entraîne un épiphora chronique, peut être associée au symblépharon [4].
Une kératoconjonctivite sèche (KCS) survient fréquemment chez des chats infectés par le virus herpès. Elle s’expliquerait par des lésions du tissu de la glande lacrymale qui fournit la phase aqueuse du film lacrymal [10].
Les signes cliniques sont classiquement :
- une hyperhémie conjonctivale ;
- un aspect sec de la cornée ;
- une hyperplasie de l’épithélium cornéen ;
- éventuellement, des ulcérations de la cornée.
Le diagnostic de KCS chez le chat repose sur les signes cliniques et sur le test de Schirmer (valeurs usuelles chez le chat : 8 à 15 mm en une minute [10]).
Le traitement de la KCS consiste à instiller des larmes artificielles. L’application de gels aqueux (Humiscreen®, Ocrygel®) permet un temps de contact élevé et limite le nombre d’administrations.
La ciclosporine A(2) par voie locale (Optim-mune®) est le traitement de choix des KCS canines, mais son efficacité n’a pas encore été prouvée chez le chat [10]. Elle est en outre susceptible de provoquer une immunosuppression locale et d’entraîner une réactivation du virus herpès. Son utilisation locale chez un chat infecté doit donc être réalisée sous surveillance stricte (contrôle hebdomadaire en début de traitement).
La kératite stromale méta-herpétique (ou post-herpétique) correspond à une inflammation du tissu cornéen profond. Il convient de ne pas négliger ses conséquences possibles sur la vision : opacification de la cornée et cicatrices (PHOTOS 10 et 11) [16].
Le mécanisme d’apparition n’est pas totalement élucidé : des épisodes récidivants de kératite due à une réponse immunitaire à des antigènes viraux provoqueraient des altérations du collagène du stroma et une opacification [16].
Pour les entités pathologiques suivantes, la relation directe entre l’infection par le virus herpès et l’affection est suspectée mais non démontrée.
Le séquestre cornéen (ou nécrose cornéenne féline) est une affection rencontrée uniquement chez le chat. Il atteint plus fréquemment certaines races, comme le persan, l’himalayen ou le birman [10]. Le chat européen est plus rarement affecté. La cause et la pathogénie de cette affection ne sont pas connues.
Le dépôt de pigment marron clair à brun et la dégénérescence du collagène stromal sont caractéristiques [10].
Le virus herpès a été associé au séquestre cornéen chez le chat, mais son implication dans cette affection n'est pas prouvée (PHOTO 12) [10]. L’infection chronique de la cornée par le virus herpès félin provoque en effet des lésions du stroma qui pourraient aboutir à la formation d’un séquestre [16].
Les tests PCR de détection du génome viral de l’herpès virus réalisés sur des séquestres cornéens ont été positifs dans 18 (5/28) à 55,5 % (86/156) des cas, selon la sensibilité du test [5, 20, 23].
Le traitement consiste en une kératectomie superficielle [4]. Si la kératectomie est profonde, une greffe conjonctivale, cornéenne ou de Bio Sys® (sous-muqueuse intestinale de porc) est effectuée.
Dans des stades très précoces, une guérison pourrait être obtenue en administrant un traitement médical local à base de corticoïdes ou de ciclosporine A(2) en pommade (Optimmune®) [á].
Lors d’herpesvirose associée, l'utilisation topique d’une solution d'interféron 2á(3) (200 UI, quatre fois par jour pendant quatre à six semaines) donnerait des résultats satisfaisants [a].
Les récidives sont possibles.
La kératite éosinophilique, ou kératoconjonctivite proliférative, est une atteinte progressive et infiltrante de la cornée observée chez le chat (PHOTO 13).
Une masse rose à blanchâtre, irrégulière et vascularisée est visible en zone limbique périphérique (latérale ou nasale) sur un œil ou sur les deux. Cette masse peut envahir la conjonctive et la cornée [10]. Un frottis conjonctival, qui montre la présence de granulocytes éosinophiles, de plasmocytes et de lymphocytes, est considéré comme diagnostique [10].
Le virus herpès a été détecté dans des prélèvements de kératites éosinophiliques. L’immunofluorescence indirecte (réalisée dans un premier laboratoire) s'est révélée positive dans 33 % (9/27) des cas [13] et la PCR dans 76,3 % (45/59) des cas (dans un autre laboratoire) [20]. Le rôle du virus herpès dans la kératite éosinophilique reste néanmoins à démontrer.
Le traitement de la kératite éosinophilique nécessitant l’administration locale de corticoïdes, une infection active ou latente par le virus herpès peut être réactivée.
Lorsque la lésion est étendue mais bien délimitée, une kératectomie superficielle associée au traitement médical permet une guérison plus rapide (PHOTOS 14 et 15).
La kératopathie calcifiée en bande, décrite chez l’homme, le cheval, le chien, le rat et le miniporc, a été rapportée récemment chez le chat [c]. Elle est rare et serait associée à l’infection par le virus herpès félin.
Une zone centrale horizontale blanchâtre est visible sur la cornée, accompagnée d’une légère vascularisation.
L’examen histologique révèle une kératite superficielle avec une ulcération épithéliale et des dépôts de calcium (épais dans le stroma, granuleux et discontinus dans la membrane basale de l’épithélium) (PHOTO 16) [c].
La lésion apparaît lorsque des phosphates et des carbonates de calcium se déposent dans la cornée, au niveau de la membrane basale et de la partie antérieure du stroma. La précipitation des sels de calcium se produirait après une inflammation oculaire (uvéite, KCS, ulcération épithéliale ou kératite interstitielle virale).
Le traitement consiste à retirer la lésion par kératectomie superficielle et à administrer un traitement antiviral local, à base de trifluridine(3) (virophta®) [2].
Une étude récente a montré la présence d’ADN de virus herpès félin dans l’humeur aqueuse de 14 % des chats (12/86) qui présentaient des signes cliniques d’uvéite antérieure et testés négatifs pour les autres causes connues d’uvéites félines (toxoplasmose, FIV, FeLV et PIF) [12]. La présence intra-oculaire de virus herpès peut être la cause ou la conséquence de l’uvéite. Les résultats suggèrent toutefois que ce virus pourrait induire une uvéite antérieure chez certains chats [12].
Des études approfondies sont nécessaires pour déterminer la prévalence du virus herpès lors d’uvéites dites “idiopathiques” chez le chat.
Lorsqu’un chat suspect d’infection par le virus herpès est présenté à la consultation, des examens clinique et ophtalmologique minutieux sont requis.
• Les commémoratifs sont essentiels. En effet, souvent, des symptômes de coryza ont précédé ou accompagnent les lésions oculaires. Le propriétaire peut ainsi rapporter des épisodes antérieurs de coryza.
L’aspect récidivant et difficile à traiter est aussi en faveur de cette affection.
• Certaines lésions (ulcères dendritique et “en carte de géographie”) sont caractéristiques de l’infection par le virus herpès. Ces symptômes aident à établir le diagnostic de kératite herpétique, mais doivent être confrontés aux résultats des tests de laboratoire [4].
Une infection aiguë par le virus herpès est fréquemment suspectée lors de symptômes respiratoires et oculaires, mais un test de laboratoire est nécessaire pour étayer le diagnostic.
La coloration au rose de Bengale permettait d’identifier précocement les lésions dendritiques, avant l’ulcération de l’épithélium cornéen [25], mais ce produit n'est plus disponible.
Le test à la fluorescéine révèle des ruptures de l’épithélium cornéen donc les ulcérations cornéennes caractéristiques.
Un frottis conjonctival peut être utile lors d’infections aiguës primaires, notamment pour rechercher des inclusions intranucléaires. Ces inclusions ne sont toutefois pas identifiables avec la coloration de Wright-Giemsa et peuvent échapper au diagnostic [19].
Dans les cas chroniques, le frottis conjonctival peut orienter le diagnostic, mais ne permet pas d’établir un diagnostic définitif, car le type cellulaire majoritairement observé est le granulocyte neutrophile [19].
L’isolement du virus est la méthode de choix pour le diagnostic des infections herpétiques [19]. Ce test est sensible lors d'infections aiguës, mais il l’est moins pour les infections chroniques (excepté pendant un épisode de réactivation) car le virus n'est plus présent au niveau conjonctival, mais latent dans les ganglions nerveux [19].
La sérologie (ELISA) ou la séroneutralisation sont des tests diagnostiques effectués par de nombreux laboratoires. Leur intérêt est limité en clinique en raison de la prévalence élevée des vaccinations contre la rhinotrachéite infectieuse (FHV-1), d’où des titres élevés en anticorps chez les chats vaccinés [9]. Pour les chats infectés chroniques, le double prélèvement n’a pas d’intérêt car les titres en anticorps forment alors un plateau [19].
Le test par anticorps fluorescents peut être réalisé sur un frottis cornéen ou conjonctival. Cet examen manque néanmoins de sensibilité. Une étude récente montre qu'il est plus souvent positif lors d’infection aiguë de l’appareil respiratoire que chez des chats atteints d’une infection oculaire chronique [12]. Lors de la réalisation de ce test, il est recommandé d’effectuer le prélèvement avant d’instiller de la fluorescéine dans l’œil car le colorant peut créer des faux positifs [6].
Le test par PCR permet d’amplifier et d’identifier des quantités minimes du matériel génétique recherché. La PCR est intéressante pour établir le diagnostic, souvent difficile, des conjonctivites herpétiques [20], mais les faux positifs sont néanmoins possibles. Un résultat positif à la PCR indique que l’animal a été infecté, mais ne prouve pas la présence d’une infection virale active au moment du prélèvement [11]. La relation exacte entre la présence d’ADN viral et l’affection oculaire reste sujette à controverse.
Actuellement, en France, la recherche du virus herpès félin par PCR est effectuée par deux laboratoires, VET France (Évry) et Scanelis (Toulouse).
Des études récentes ont comparé les différents tests diagnostiques disponibles pour le virus herpès.
• L’une d’elles a comparé, en particulier, l’isolement du virus, le test aux anticorps fluorescents, la séroneutralisation et la sérologie ELISA chez des chats normaux, chez des chats qui présentent des signes cliniques d’atteinte de l’appareil respiratoire supérieur et chez des chats atteints d’affections oculaires chroniques [12]. Une séroprévalence élevée est mise en évidence avec le test ELISA dans toutes les populations de chats. Avec l’immunofluorescence directe et par isolement du virus, le virus herpès est mis en évidence chez les chats normaux, ainsi que chez ceux qui présentent des signes cliniques d’infection herpétique. Cette étude conclut à la nécessité d’effectuer chaque test en parallèle pour parvenir à exclure l’hypothèse d’herpèsvirose (l’herpèsvirose n’est exclue que lorsque tous les tests sont négatifs) [12].
• Une autre étude rapporte des résultats positifs en PCR simple dans 76,3 % des prélèvements réalisés sur des kératites éosinophiliques, dans 55,1 % des prélèvements sur des séquestres cornéens et dans 5,9 % des prélèvements sur des tissus cornéens normaux [20].
La PCR nichée (technique plus récente et plus spécifique que la PCR classique) permet d’identifier le virus herpès dans 54 % des cas de conjonctivite, dans 12 % des prélèvements réalisés sur des conjonctives normales, dans 18 % des séquestres cornéens et dans 46 % des cornées normales [23].
• La PCR nichée serait un test plus sensible que l’isolement du virus ou que les anticorps fluorescents chez les chats qui présentent une conjonctivite ou une atteinte de l’appareil respiratoire supérieur associée à une conjonctivite [24].
Le premier objectif du traitement est de prévenir les infections bactériennes secondaires. Les bactéries les plus fréquemment isolées sont Chlamydia ou Mycoplasma. Les tétracyclines (oxytétracycline, Posicycline®(3)) et le chloramphénicol (Ophtalon®) en topique sont utilisés quatre fois par jour pour leur efficacité contre ces deux agents infectieux [2].
L'infection secondaire par des Pseudomonas est fréquente. L’instillation d’un collyre antibiotique à base de tobramycine(3) (Tobrex® Collyre) ou de gentamycine (Soligental® Collyre) est alors indiquée. Une couverture antibiotique par voie générale à l’aide de quinolones (marbofloxacine, Marbocyl® ; ou enrofloxacine, Baytril®) est également recommandée (PHOTOS 17 et 18) [2, 3].
L’efficacité in vitro des antiviraux locaux contre le virus herpès a été comparée : la trifluridine(3) (Virophta® Collyre) est l’antiviral le plus puissant. Par ordre décroissant d’efficacité viennent ensuite l’idoxuridine(3) (Iduviran®), la vidarabine(4) et l’aciclovir(3) (Zovirax®) (photo 19) [15].
Pour le ganciclovir(3) (Virgan®), un antiviral de “dernière génération”, aucune étude chez le chat n'a été publiée ; son efficacité clinique et sa présentation (gel) en feraient toutefois un traitement de choix de l’herpès félin.
Les produits antiviraux classiques sont virustatiques. Des administrations fréquentes sont donc recommandées [2]. La trifluridine(3) est administrée six à dix fois par jour pendant deux jours, puis la fréquence est progressivement abaissée sur les deux à trois semaines suivantes. Ce traitement peut provoquer de légères irritations transitoires de la conjonctive et de la cornée [2]. Cette molécule présente en outre une certaine cytotoxicité.
Une résistance à la trifluridine(3) peut également apparaître. Dans ce cas, cette molécule est remplacée par l’idoxuridine(3) ou la vidarabine(4).
L’administration systémique de médicaments antiviraux a été étudiée chez le chat. L’aciclovir(3) est très efficace pour les herpès humains, mais il n’est généralement pas recommandé chez le chat [15] : dans cette espèce, les concentrations plasmatiques efficaces ne sont en effet jamais atteintes. En application locale, la déficience des cellules cornéennes du chat en enzyme thymidine-kinase nécessaire à l’activation de l’aciclovir(3) expliquerait sa moindre efficacité [15].
La réponse au traitement est variable suivant les cas. La kératite épithéliale a un meilleur pronostic que la kératite stromale chronique pour laquelle la réponse aux produits antiviraux est faible [10].
La L-lysine(3) est un inhibiteur compétitif de l’arginine ou un inducteur de l’arginase. La supplémentation en L-lysine(3) inhibe la croissance in vitro du virus herpès [b].
La supplémentation orale en L-lysine(3) entraîne une diminution de la charge virale chez des chats infectés par le virus herpès [d].
Selon les recommandations actuelles, la dose par voie orale est de 250 mg, une fois par jour et par animal.
Une faible dose d’interféron 2((3) a un effet bénéfique, dose-dépendant, sur la sévérité des signes cliniques lors d’infections aiguës par le virus herpès chez des chats d’expérimentation, en particulier si elle est administrée avant la contamination [e].
L’instillation de 200 UI par goutte d’interféron 2(, préparé en collyre, quatre fois par jour est recommandée [a].
L’interféron 2((2) (Virbagen® Oméga) utilisé en topique est en cours d’étude. Cette cytokine, dotée d’une activité antivirale puissante, agit en diminuant la réplication du virus herpès félin. Son efficacité n’est pas spécifique d’un virus ou d’un groupe de virus donné.
L’activité antivirale serait maximale lors d’application locale sur l’œil d’interféron ù(2) à la dose de 0,5 MUI/ml. L’instillation de collyre à l’interféron ù(2) (Virbagen® Oméga dilué au 20e, pour obtenir une concentration finale de 0,5 MUI/ml), cinq fois par jour pendant dix jours, est préconisée (recommandations du laboratoire) (PHOTOS 20 et 21).
L’administration de corticoïdes est à proscrire pour la plupart des infections herpétiques car ils entraînent une immunosuppression locale et retardent l’épithélialisation de la cornée [16]. Leur usage peut donc provoquer la réactivation d’une infection latente et favoriser l’apparition de séquelles oculaires.
Lors de kératites stromales chroniques (ou méta-herpétiques), les corticoïdes locaux ou la ciclosporine A(1) peuvent être utiles. Le but est alors de diminuer la réponse immunitaire contre les antigènes du virus herpès et de minimiser ainsi l’opacification cornéenne [16]. Ce traitement doit alors être associé à une surveillance étroite (contrôles hebdomadaires) et l'administration systématique d'un antiviral local serait intéressante en raison du risque de réactivation.
Malgré la vaccination, l’infection par le virus herpès félin reste fréquente chez les chats domestiques. Elle est prouvée ou supposée responsable de nombreuses manifestations oculaires aiguës ou chroniques. L’utilisation topique de l'interféron ù(2) est en cours d’étude et pourrait apporter à l’avenir une solution intéressante dans le traitement souvent difficile des affections oculaires herpétiques.
(1) Coryza : syndrome qui re-groupe trois types de symptômes qui sont un écoulement nasal, un écoulement oculaire et des éternuements.
(2) Hors résumé des caractéristiques du produit (RCP).
(3) Médicament à usage humain.
(4) Médicament non disponible en France.
a - Boydell P, Roxburgh G. Treatment of corneal necrosis with topical interferon. World Small Animal Veterinary Association (WSAVA) congress. Lyon, France. 1999.
b - Collins BK, Nasisse MP, Moore CP. In vitro efficacy of L-lysine against feline herpesvirus type-1. Proceedings 26th Annual Meeting of the American College of Veterinary Ophthalmologists. Newport, États-Unis. 1995 : 141.
c - De Geyer G, Letron IR. Calcific band keratopathy associated with feline herpesvirus-1 infection. Proceedings Joint meeting of BrAVO/ECVO/ESVO/ISVO. Cambridge, Royaume-Uni. 2003.
d - Maggs DJ, Nasisse MP. Effects of oral L-lysine supplementation on the ocular shedding rate of feline herpes virus (FHV-1) in cats. Proceedings of the 28th Annual Meeting of the American College of Veterinary Ophthalmologists. Santa Fe, États-Unis. 1997 : 101.
e - Nasisse MP, Halenda RM, Luo H. Efficacy of low dose oral natural human interferon alpha (nHuIFN) in acute feline herpesvirus-1 (FHV-1) infection. A preliminary dose determination trial. Proceedings of the 27th Annual Meeting of the American College of Veterinary Ophthalmologists. 1996 : 79.
f - Verneuil M. Topical application of feline interferon omega in the treatment of hepatic keratitis : preleminary study. Proceedings of the ECVO/ESVO/DOK international ophtalmology meeting. Munich, Allemagne. 2004.
á - Bouhanna L. Séquestre cornéen débutant chez un persan – La cyclosporine A en pommade : une alternative à l’exérèse. La Semaine Vét. 1999 ; 943 : 14.
La transmission d'anticorps d'origine maternelle protège les chatons contre les formes sévères d'infection herpétique, mais n'empêche pas toujours les infections subcliniques.
Après une infection, le virus herpès peut persister à l'état quiescent dans les tissus nerveux. Une réactivation est possible, par exemple à la faveur d'un stress. Elle se manifeste par une récidive clinique et une excrétion virale.
Les ulcères dendritiques et les ulcères en “carte de géographie” sont des lésions caractéristiques de l'infection par le virus herpès.
Les corticoïdes et la ciclosporine A(1) peuvent être utiles dans le traitement de kératites stromales chroniques. Il convient toutefois de réaliser un contrôle minutieux pendant le traitement, car ces molécules favorisent parfois une réactivation virale.