Intérêt des AINS dans le traitement du cancer - Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004
Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004

CANCÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

Se former

COURS

Auteur(s) : Philippe Michon*, Paul Dumas**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire,
31, rue des Ramoneurs,
59600 Maubeuge
**Laboratoire de pathologie
vétérinaire du Nord,
14, avenue Paul Langevin
59654 Villeneuve-d’Ascq Cedex

Les données récentes sur l'utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens en cancérologie humaine et vétérinaire suggèrent qu'ils deviendront un élément majeur des traitements anticancéreux chez le chien et le chat.

L’utilisation d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour lutter contre le cancer débute avec les études épidémiologiques qui ont révélé que la prise continue d’aspirine chez l’homme a un effet protecteur contre les cancers colorectaux. L’administration d’anti-inflammatoires afin d'inhiber la croissance tumorale a montré des résultats prometteurs dans plusieurs modèles animaux et sur divers types de cancers. De nombreux cas décrivent une réduction des cancers colorectaux par les AINS, mais également celle des cancers de la prostate et des métastases pulmonaires [b, c]. La multiplication des publications ces deux dernières années et les résultats dont font état les chercheurs anglo-saxons [a, b, c] feront probablement des AINS COX-2 spécifiques un élément incontournable de l’arsenal thérapeutique en cancérologie tant chez l’homme que chez le chien et le chat.

Les eicosanoïdes en cancérologie : la voie des COX-2

1. Participation des eicosanoïdes dans le développement des cancers

• La participation des eicosanoïdes, dont les prostaglandines (PG), dans le développement des cancers est connue depuis plus de vingt-cinq ans (voir l'ENCADRÉ “Métabolites de l'acide arachidonique : les eicosanoïdes” et la FIGURE “La synthèse des eicosanoïdes à partir de l'acide arachidonique”).

Trois publications de 1978 rapportent une augmentation de l’incidence des cancers cutanés chez la souris lors d’administration de prostaglandines [35].

Une augmentation de la synthèse de prostaglandines peut modifier :

- le métabolisme carcinogène ;

- la croissance des tumeurs ;

- le potentiel métastatique.

Les prostaglandines produites par les cyclo-oxygénases (COX, encore appelées prostaglandines-H-synthétases, PGHS) augmentent le développement et la progression des cancers, en agissant comme cancérigènes et promoteurs tumoraux avec des effets marqués sur la carcinogenèse [53].

• De nombreux effets des prostaglandines (PG) sont connus :

- une action immunosuppressive : par exemple, l'inhibition des fonctions lymphocytaires Th et B matures par la PGE2 [50] ;

- une action promotrice de l’angiogénèse ;

- une augmentation de la perméabilité vasculaire par la PGD2 [50] ;

- une réduction de l’apoptose cellulaire, ce qui permet aux cellules néoplasiques de vivre plus longtemps [b]. L’action réductrice de l’apoptose cellulaire pourrait être due à la conversion de l’acide eicosapentanoïque en divers médiateurs inflammatoires. Celui-ci, présent dans les huiles de poissons, est un acide gras polyinsaturé qui a la particularité d’induire l’apoptose, notamment des cellules leucémiques humaines [7] ;

- des effets ostéolytiques des PGE1 et PGE2 [38] ;

- une augmentation de l’adhésion des cellules cancéreuses [48 cité par b] ;

- une augmentation de la capacité à disséminer des cellules tumorales [48 cité par b].

• D’autres voies de recherche sur les substances inflammatoires sont explorées : des études suggèrent notamment une intervention possible des métabolites de l’acide arachidonique dérivés de la voie de la lipoxygénase (LOX) dans le signal de croissance tumorale [9].

2. Dérégulation de l'activité des COX dans les cellules tumorales

Des prostaglandines peuvent être produites en quantité accrue par certaines cellules tumorales qui présentent une dérégulation de l’activité des COX-1 et 2, plus marquée pour l’activité COX-2 [b]. La COX-1 est rencontrée de façon systématique dans les tissus normaux ou pathologiques, contrairement à la COX-2, qui signe un phénomène pathologique : arthrose, troubles cardiaques, cancers [30]. Cette dérégulation est précoce et s'effectue via l’ARNm [3].

• Chez l'homme, la surexpression COX-2 est étroitement corrélée à l’évolution clinique des carcinomes ovariens [49]. Cette surexpression concerne également les cancers du côlon, les cancers du poumon qui ne sont pas à petites cellules, le cancer du sein, de la vessie, du pancréas, de la prostate et les cancers du cou et de la tête [29, 30, b, c]. Dans le cas du cancer du col de l’utérus, cette dérégulation est présente dans douze cas sur treize alors que la détection de COX-2 est toujours négative chez les sujets sains [31].

• Chez le chien, peu d’études ont été effectuées pour déterminer le statut COX-2 des tumeurs. Si la situation dans cette espèce est comparable à celle de l’homme, seule une partie des tumeurs serait COX-2 positive. L’induction d’une expression COX-2 a toutefois été rapportée dans différents cancers canins [b], mais elle demeure associée à une expression COX-1 des cellules tumorales [20, 22].

L’induction d’ARNm (ARN messager) de COX-2 avec une production de prostaglandines D2 a été mise en évidence dans des lignées cellulaires de mastocytomes canins. Parallèlement à cette induction, l’expression d’ARNm COX-1 est freinée. L’expression de COX-2 a également été observée dans des cellules cancéreuses rénales canines [20], dans 81 % des tumeurs nasales (carcinomes et adénocarcinomes) [21], lors de tumeurs mammaires (24 % des adénomes et 56 % des adénocarcinomes) [12] et dans les épithéliums des adénocarcinomes colorectaux (47 %) [40].

• Chez le chat, la dérégulation de la COX-2 concernerait 37 % des carcinomes et 9 % des cancers épidermoïdes buccaux. Dans cette espèce en revanche, les carcinomes épidermoïdes cutanés, les carcinomes mammaires, les cancers intestinaux, les adénocarcinomes pulmonaires et les lymphomes ne seraient pas concernés par ce type d’activité [b].

• L’origine de la dérégulation COX-2 a été recherchée. Dans le cas des cancers du col de la vessie, le facteur de croissance épithéliale qui est surexprimé s’est révélé capable de provoquer la dérégulation de l’enzyme COX-2 ainsi que celle de l’ARNm COX-2 [31].

Une autre voie de recherche est celle du blocage (par des inhibiteurs spécifiques) des oxydants pro-inflammatoires, comme l’acide hypochlorique (HOCl) et le peroxynitrite (ONO2-) [1].

Effets anticancéreux des AINS : mécanismes d’action

Plusieurs laboratoires cherchent actuellement à identifier les mécanismes cellulaires à l’origine des effets anticancéreux des AINS [a]. Le mécanisme par lequel les AINS réduisent la prolifération cellulaire reste en effet mal connu, donc sujet à controverse.

1. Action COX dépendante

• La majorité des AINS inhibe les cyclo-oxygénases COX-1 et COX-2 à des degrés divers. Certains AINS sont plus spécifiques de l'une des deux formes. La COX-inhibition par les AINS et les effets antitumoraux in vivo s’exercent d’une façon dose-dépendante identique [a].

• Les AINS ont des effets pro-apoptotiques, anti-angiogéniques et anti-prolifératifs sur les tumeurs [41], ainsi qu’une action inhibitrice des voies des signaux critiques pour la transformation maligne [16].

Le piroxicam(1), par exemple, lors d’un protocole d’association au cisplatine(1), a doublé l’index apoptotique de onze chiens sur douze mais n'a pas eu d'incidence sur la réponse tumorale. Son action anti-angiogénique est en revanche corrélée à une réponse tumorale [42].

• Les effets antitumoraux des anti-inflammatoires non stéroïdiens ont été attribués à un probable effet inhibiteur de la COX-2.

Cette hypothèse a été renforcée par des études sur des modèles murins de cancer du côlon humain (lors desquelles le traitement aux anti-inflammatoires non stéroïdiens a prouvé son efficacité protectrice) et également par des études statistiques de données sur les tumeurs humaines exprimant les COX-2.

Une expérimentation sur les cancers mammaires de la souris n’a en outre montré aucun effet d’un inhibiteur COX-1 sélectif, alors qu’un inhibiteur COX-2 spécifique a eu des effets probants [32].

Un autre effet attribué à cette inhibition de la COX-2 est l’inversion de la cachexie observée dans certains types de cancers grâce à l’administration de célécoxib(1) qui est COX-2 sélectif [10].

2. Action COX indépendante

De nombreuses études ont également rapporté des effets anti-prolifératifs et pro-apoptotiques des AINS sur des lignées cellulaires tumorales qui sont considérées comme COX-2 négatives. Ceci semble indiquer que le mécanisme d’action peut être un mécanisme non COX-2 dépendant.

Dans des lignées cellulaires de mastocytomes canins pour lesquelles l’induction d’ARNm de COX-2 avec production de prostaglandines D2 a été mise en évidence, la dexaméthasone inhibe l’expression de cet ARNm et la production de PGD2. L’aspirine agit différemment et n’a aucun effet sur l’expression de l'ARNm, mais a tout de même un effet inhibiteur de la production de prostaglandine D2 [15].

Certains effets des AINS, comme l’effet sur la douleur, ne sont pas liés aux prostaglandines. Les effets immunosuppresseurs de la douleur ont également été prouvés : chez le rat, l’injection de morphine avant une inoculation tumorale diminue l’efficacité de cette dernière.

Il est ainsi reconnu que la gestion de la douleur peropératoire prévient la diminution des défenses contre les processus métastatiques lors de traitement chirurgical oncologique [46].

3. Voies de recherche actuelles

Les mécanismes protecteurs et antitumoraux directs des anti-inflammatoires non stéroïdiens ne sont donc pas déterminés avec certitude. La volonté de tout expliquer par un effet COX-2 direct sur les cellules tumorales a fait oublier les autres voies de recherches. Elle a même amené certains auteurs à penser que seules les tumeurs COX-2 dérégulées pouvaient bénéficier de l’administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Pourtant, si les cellules tumorales peuvent être COX-2-indépendantes, la néovascularisation et les tissus environnants expriment fréquemment, voire systématiquement, l’enzyme COX-2 [56]. Ainsi, lors d’une étude sur les tumeurs colorectales canines, aucune des cellules tumorales bénignes (adénomes) n’a exprimé la COX-2, mais une surexpression a été constatée dans les tissus environnants dans 65 % des cas [40].

Une étude sur les mélanomes humains et leurs métastases a rapporté des résultats similaires. Cinq lignées sur sept ont présenté une suractivité COX-2, tandis que toutes les cellules environnantes ont montré une surexpression COX-2 [13].

D'autres travaux ont montré que l’inhibition de la voie métabolique de la PGE2 dérivée de la COX-2 permet de supprimer un facteur de survie des cellules de la tumeur, mais aussi de sa vascularisation [10].

Si le mécanisme antiprolifératif des AINS est partiellement COX-2 indépendant, cela suggère que ces molécules pourraient avoir des indications dans le traitement et la prévention des cancers plus larges que celles actuellement développées, en particulier chez le chien et chez le chat.

Utilisation des AINS en cancérologie

1. Le piroxicam(1) en cancérologie

Le piroxicam(1) est un anti-inflammatoire dont l’activité anticancéreuse sur les tumeurs de la vessie chez le chien est reconnue en pratique. Ce principe actif est l’exemple type d’une molécule dont l'indication, à l'origine contre la douleur chez l’homme, a évolué vers une utilisation antimitotique spécifique en médecine vétérinaire.

Le piroxicam(1) possède une activité non spécifique COX-1/COX-2 avec une prédominance COX-1 chez le chien [55]. Le mécanisme moléculaire de son action COX-2 reste mal compris [51].

Mise en évidence de l'activité anticancéreuse du piroxicam(1)

• En médecine humaine, une étude indique que son administration chez des patients atteints de métastases pulmonaires a permis [4] :

- une augmentation du temps de doublement des nodules métastatiques pulmonaires chez dix-huit patients sur trente et un. Chez dix d'entre eux, le temps de doublement a été multiplié par deux ;

- une courte rémission chez cinq patients sur trente et un ;

- une rémission complète chez un patient atteint d’un fibrosarcome métastatique.

• L'administration de piroxicam(1) chez le rat est associée à une réduction des tumeurs intestinales [47].

• Chez le chien, le piroxicam(1) a été administré lors d'une première étude à des animaux atteints de tumeurs non provoquées expérimentalement [22]. Des rémissions ont été observées chez :

- trois chiens sur dix qui présentaient des cancers transitionnels de la vessie ;

- trois chiens sur cinq atteints de carcinomes épidermoïdes (PHOTOS 1A et 1B) ;

- un des trois chiens avec des adénocarcinomes mammaires ;

- un chien avec un sarcome de Sticker.

Les doses administrées étaient comprises entre 0,3 mg/kg/24 heures et 1,5 mg/kg/48 heures, mais la dose maximale tolérée était de 1 mg/kg/48 heures.

Les effets indésirables ont été des ulcérations gastro-intestinales et des nécroses papillaires rénales subcliniques chez deux chiens.

Les effets du piroxicam(1), administré à la dose de 0,3 mg/kg/j lors de carcinomes transitionnels de la vessie (PHOTOS 2A et 2B), ont fait l'objet des plus nombreuses publications (voir le TABLEAU “Efficacité du traitement par le piroxicam(1) des carcinomes transitionnels de la vessie chez le chien”) [2, 23, 26, 44].

Les résultats sont supérieurs à ceux obtenus par les traitements au cisplatine(1) à la dose de 60 mg/m2/21 jours qui ne donnent que trois rémissions partielles et quatre stabilisations chez dix-huit animaux traités [8].

• Chez le chien, le piroxicam(1) se révèle également efficace en monothérapie, à la dose de 0,3 mg/kg/24 heures, dans près de la moitié des cas de carcinomes épidermoïdes oraux (voir le TABLEAU “Efficacité du traitement par le piroxicam).

Les effets secondaires ont été minimes à cette dose : un seul chien a présenté une légère irritation gastro-intestinale, résolue par l’ajout de misoprostol(1) (voir l'ENCADRÉ “Lutte contre la toxicité digestive”) [52].

• Le piroxicam(1) aurait également un intérêt pour traiter les formes inopérables de carcinomes épidermoïdes à la dose de 0,3 mg/kg/j [α]. En revanche, l'adjonction de piroxicam(1) à la dose de 0,3 mg/kg/j n'améliore pas la réponse au traitement à la doxorubicine(1) des lymphomes multicentriques canins [43].

Mécanisme d'action du piroxicam(1) sur les tumeurs

Le mécanisme de rémission des chiens traités avec du piroxicam(1) demeure peu clair. Les effets du piroxicam(1) et de l’aspirine(2) ont été étudiés in vitro sur des lignées de cellules canines cancéreuses (mélanome, sarcome des tissus mous, carcinome transitionnel et carcinome épidermoïde) [23, 24]. Le piroxicam(1) a été administré seul et en association avec un inhibiteur de la lipoxygénase. Ces études ont établi que, malgré une inhibition de la croissance tumorale par le piroxicam(1), aucune inhibition significative de la croissance cellulaire ne pouvait être obtenue avec des concentrations compatibles avec une utilisation in vivo, sans risque d’effets secondaires toxiques. Ces résultats ont donc permis de conclure que l’effet de ces anti-inflammatoires non stéroïdiens sur les tumeurs canines n’était pas un effet cytotoxique direct.

Dans le cas des carcinomes transitionnels de la vessie, la production monocytaire de prostaglandines E2 semble diminuer chez les chiens à tumeurs sensibles au piroxicam(1) [23]. Le piroxicam(1) pourrait avoir un effet antinéoplasique dû à l’apoptose et à une altération du cycle cellulaire [27].

Utilisation du piroxicam(1) en cancérologie canine

Les propriétaires rapportent généralement que les animaux cancéreux traités avec du piroxicam(1) ont une meilleure qualité de vie, qu'ils présentent une activité accrue et qu'ils sont plus alertes : ces améliorations peuvent toutefois être liées à un effet anti-inflammatoire.

La toxicité semble rare, bien que le piroxicam(1) par voie orale ait été associé à des ulcérations gastro-intestinales et à des nécroses papillaires rénales. Une étude mentionne cependant des effets indésirables gastriques souvent marqués dès la dose de 0,3 mg/kg/j [(].

Des protocoles d’association du piroxicam(1) dans des polychimiothérapies ont été testés. Le piroxicam(1) associé au cisplatine(1) induit significativement plus de rémissions que le cisplatine(1) seul chez des chiens atteints de cancer transitionnels de la vessie [24, 42]. Il en est de même pour son association à 0,3 mg/kg/j avec la mitoxantrone(1) [14]. La toxicité rénale est toutefois réelle dans ces protocoles et il est recommandé de surveiller la fonction rénale en cas d’utilisation chez le chien. L’adaptation de la dose permet de gérer la toxicité rénale.

Le fait que le piroxicam(1) ait été le plus étudié chez le chien ne doit pas faire oublier que d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens ont également une activité anti-tumorale sur les tumeurs naturellement acquises du chien et de l’homme [24].

2. Les AINS en usage topique et local

• Les effets des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur la croissance tumorale pourraient être augmentés lors d’application locale. Les thérapies intralésionnelles ou topiques seraient appropriées dans certains types de tumeurs et l’administration locale de médicaments pourrait augmenter la concentration du principe actif au niveau de la tumeur et minimiser les effets secondaires.

• L’utilisation du piroxicam(1) à la dose de 1 mg/kg en suppositoires rectaux chez des chiens ayant des polypes tubulo-papillaires rectaux (cinq malins et trois bénins [27, 28]) augmenterait significativement les concentrations locales en piroxicam(1) et les bénéfices cliniques.

Les concentrations locales et sériques n’ont toutefois pas été mesurées. Les propriétaires des chiens ont considéré que l’amélioration des signes cliniques (présence de sang dans les selles, ténesme, mucus fécal) était bonne à excellente. Les réponses sont satisfaisantes qu’il y ait ou non une inflammation associée. Dans cette étude, la fréquence d’administration a dû être limitée en raison de la taille des suppositoires humains de piroxicam(1).

Ces modalités d'administration semblent avoir également limité les effets toxiques.

• Le célécoxib(1) utilisé en topique est actif sur les papillomes et les carcinomes induits par les UV-B et pourrait avoir un effet préventif sur les récidives de tumeurs cutanées chez la souris [54].

3. Les AINS COX-2 en cancérologie

• L’augmentation de la sélectivité COX-2 des nouveaux AINS représente une alternative intéressante au piroxicam(1) pour le traitement des cancers car elle permet de réduire les effets indésirables gastro-intestinaux [a, b].

Les potentialités du carprofène contre les ostéosarcomes ont déjà été évoquées [b, c].

Une efficacité élevée du célécoxib(1) a été démontrée sur les leucémies érythrocytaires murines, y compris à des doses très faibles [5].

• Les doses à administrer nécessitent toutefois d'être précisées : de nombreuses études indiquent que l'administration chez le chien de la moitié de la dose anti-inflammatoire de carprofène conseillée par le fabricant pourrait être suffisante [b].

• L’administration d’un inhibiteur spécifique de la COX-2 permet également de diminuer la douleur des rats atteints d’ostéosarcomes jusqu’à pratiquement la supprimer [b]. Dans cette espèce, les gliomes intracrâniaux agressifs sont COX-2 hypersécrétants et sont sensibles à l’action d’une molécule COX-2 sélective, administrée soit comme unique traitement, soit comme adjuvant d’un autre traitement [45].

• L’association des anti-inflammatoires non stéroïdiens avec d’autres molécules de chimiothérapie anticancéreuse est particulièrement intéressante. Ainsi l’étodolac(1), un anti-inflammatoire non stéroïdien COX-2 spécifique, inhibe la dissémination hépatique de cellules hautement métastatiques de cancer du côlon chez l’homme. Bien que n’augmentant pas l’effet inhibiteur contre la prolifération cellulaire du 5-fluoro-uracile(1) in vitro, il réduit de façon importante les métastases in vivo, sans effet secondaire marqué [39].

• L’inhibition COX-2 spécifique par le célécoxib(1) a été étudiée en association avec la radiothérapie et a montré une amélioration de la réduction de taille des tumeurs. L’irradiation augmente en effet les niveaux de COX-2 et de PGE2 dans les cellules tumorales. L’inhibition de cette enzyme, même quand son élévation est limitée aux cellules issues de la néovascularisation, améliore les résultats de la radiothérapie [10].

Les chiens atteints d'affections néoplasiques sont habituellement traités par les anti-inflammatoires non stéroïdiens lorsque les traitements usuels ont échoué, qu'ils ont été refusés par le propriétaire ou qu'ils n’existent pas. L’adjonction des anti-inflammatoires COX-2 sélectifs dans les protocoles de chimiothérapie est probablement bénéfique lors de nombreuses formes de cancer.

Ils peuvent être utilisés seuls, et plusieurs études prometteuses sur le sujet, qui concernent le méloxicam et le carprofène, sont en cours aux États-Unis [a, b].

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament vétérinaire hors RCP.

Métabolites de l’acide arachidonique : les eicosanoïdes

L’acide arachidonique est libéré des phospholipides membranaires par les phospholipases A2 et C, puis emprunte trois voies de métabolisation :

- la voie du cytochrome P450 (peut-être d’importance secondaire) ;

- la voie de la lipo-oxygénase (LOX), source de leucotriènes ;

- la voie des cyclo-oxygénases 1 et 2, sources de prostanoïdes, de prostaglandines, et de thromboxanes.

La cyclo-oxygénase 2 est produite par un gène précoce de l’inflammation, différent du gène de la COX-1. Elle est localisée dans le réticulum et l’enveloppe nucléaire [50].

La cyclo-oxygénase 3 (COX-3) a récemment été identifiée comme un site d’action du paracétamol [6].

ATTENTION

• De nombreux effets des prostaglandines (PG) sont connus :

- une action immunosuppressive ; - une action promotrice de l’angiogénèse ;

- une augmentation de la perméabilité vasculaire ;

- une réduction de l’apoptose cellulaire.

À lire également

(- Bensignor E. Nouveautés du traitement médical des tumeurs cutanées. L’Action Vétérinaire. 1997 ; 1404 : 19-23.

Lutte contre la toxicité digestive

Prévention des ulcérations :

- misoprostol(1) (Cytotec®) : 2 à 5 mg/kg/8 h

Traitement des ulcérations :

- cimétidine(1) (Tagamet®) : 10 mg/kg/12 h

- ranitidine(1) (Azantac®) : 1 à 2 mg/kg/12 h

- oméprazole(1) (Mopral®) : 0,87 mg/kg/j sans dépasser 20 mg.

D'après [38]. (1) Médicament à usage humain

Congrès

a - Argyle DJ. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs in cancer management. The North American Veterinary Conference proceedings, Floride. 2004 : 690.

b - Lascelles BD. NSAID’s and cancer – is there any potentiel ? The North American Veterinary Conference proceedings, Floride. 2004 ; 2 : 869.

c - Lascelles BD. Pain and cancer. Masterclass North American Veterinary Conference. 2003 : présentation orale (version américaine longue des PdJ Virbac appelée « Meet the Professor Luncheon »).

Points forts

Les prostaglandines produites par les cyclo-oxygénases influent sur le développement des cancers en agissant comme cancérigènes et promoteurs tumoraux, avec des effets marqués sur la carcinogenèse.

Les AINS exercent notamment des effets pro-aptotiques, anti-angiogéniques et anti-prolifératifs sur les tumeurs. L'hypothèse d'une inhibition de la COX-2 est privilégiée, mais ne permet toutefois pas d'expliquer l'ensemble de leurs effets antitumoraux.

Les propriétés antalgiques des AINS (non liées aux prostaglandines) leur confèrent un intérêt dans la lutte contre la douleur lors de cancer.

La gestion de la douleur peropératoire prévient la diminution des défenses contre les processus métastatiques lors de traitement chirurgical oncologique.

Les effets des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur la croissance tumorale pourraient être augmentés lors d’application locale.

  • 11 - Davis TW, Zweifel BS, O'Neal JM et coll. Inhibition of COX-2 by celecoxib reverses tumor induced wasting. J. Pharmacol. Exp. Ther. 2004 ; 308(3) : 929-934.
  • 12 - Doré M, Lanthier I, Sirois J. Cyclooxygenase-2 expression in canine mammary tumors. Vet. Pathol. 2003 ; 40(2) : 207-212.
  • 21 - Kleiter M, Malarkey DE, Ruslander DE et coll. Expression of cyclooxygenase-2 in canine epithelial nasal tumors. Vet. Radiol. Ultrasound. 2004 ; 45(3) : 255-260.
  • 39 - Matsunaga N, Yamada N, Ohira M et coll. Combined treatment with selective cyclooxygenase-2 inhibitor and fluorinated pyrimidines for liver metastasis of colon cancer. Oncol. Rep. 2004 ; 11(1) : 167-171.
  • 45 - Nam DH, Park K, Park C et coll. Intracranial inhibition of glioma cell growth by cyclooxygenase-2 inhibitor celecoxib. Oncol. Rep. 2004 ; 11(2) : 263-268.
  • 49 - Raspollini MR, Amunni G, Villanucci A et coll. COX-2 status in relation to tumor microvessel density and VEGF expression : Analysis in ovarian carcinoma patients with low versus high survival rates. Oncol. Rep. 2004 ; 11(2) : 309-313.
  • 55 - Wilson JE, Chandrasekharan NV, Westover KD et coll. Determination of expression of cyclooxygenase-1 and -2 isozymes in canine tissues and their differential sensitivity to nonsteroidal anti-inflammatory drugs. Am. J. Vet. Res. 2004 ; 65(6) : 810-818.
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