Affections par obstruction de l’œsophage - Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004
Le Point Vétérinaire n° 250 du 01/11/2004

GASTRO-ENTÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

Se former

COURS

Auteur(s) : Patrick Lecoindre

Fonctions : Clinique Vétérinaire des Cerisioz
5, route de St-Symphorien-d’Ozon
69800 Saint-Priest

Les affections par obstruction de l’œsophage chez le chien et chez le chat ne sont pas rares. Elles peuvent être d’origine intraluminale (corps étrangers), intramurale (sténoses) ou extramurale (anomalies vasculaires, compressions extrinsèques).

Les affections par obstruction de l’œsophage sont fréquentes chez le chien et chez le chat. Leur diagnostic doit être précoce car des complications graves peuvent être à l’origine de séquelles irréversibles. Si, sur le plan clinique, une obstruction de l’œsophage, quelle que soit son origine, se traduit généralement par l’apparition d’un syndrome dysphagique, il convient de distinguer les obstructions d’origine intraluminale (corps étrangers), intramurale (sténoses) ou extramurale (anomalies vasculaires, compressions extrinsèques).

Obstructions intraluminales : les corps étrangers œsophagiens

1. Épidémiologie et pathogénie

• Chez le chat et chez le chien, l’œsophage est très extensible, ce qui permet le passage de bolus volumineux [8, 10, 15, 16]. L’obstruction par corps étrangers est relativement fréquente, surtout chez le chien qui, lors de la prise alimentaire, fait preuve de moins de discernement que le chat. Certaines races comme les terriers (west highland, cairn, yorkshire) semblent prédisposées, sans que la raison en soit connue [8, 15]. Une disproportion anatomique entre la taille de la tête et celle du corps, ainsi que des comportements alimentaires propres à ces races pourraient constituer des facteurs favorisants.

• Les corps étrangers les plus fréquemment ingérés (os, pierres, morceaux de bois, etc.) sont souvent vulnérants. Des objets de natures diverses sont également observés : hameçons, aiguilles, pièces de monnaie, capsules de bouteille, résidus d’os en peau de buffle, etc. Des corps étrangers non vulnérants peuvent aussi être incriminés s’ils sont très volumineux ou si la lubrification de l’œsophage est insuffisante (sécrétion salivaire insuffisante, œsophagite chronique) [18, 19]. Chez le chat, et en particulier chez les animaux à poils longs, des trichobézoards volumineux peuvent entraîner une obstruction grave de l’œsophage, qui survient au moment de leur rejet après un vomissement.

• Les zones d’obstruction de l’œsophage sont les régions anatomiques qui ne peuvent se dilater : l’entrée de la poitrine, la base du cœur, le hiatus (ou orifice) œsophagien du diaphragme. Selon les études, la localisation la plus fréquente est le hiatus diaphragmatique [8, 15]. Chez le chat, les corps étrangers souvent de petite taille (aiguille, hameçon, arêtes de poisson) se bloquent généralement dans la partie cervicale crâniale de l’œsophage où des phénomènes spastiques tendent à limiter leur progression [14, 18]. Les trichobézoards semblent plus fréquemment bloqués à l’entrée de la poitrine.

• Lors d’obstruction par un corps étranger, la pression qui résulte du péristalisme peut entraîner une œsophagite ulcéronécrotique (nécrose de contact : PHOTOS 1A, 1A et 1A) [10, 11]. Le degré d’altération de la paroi de l’œsophage est en effet proportionnel au temps de contact du corps étranger. Une perforation œsophagienne peut ainsi survenir. Elle occasionne une médiastinite, un épanchement pleural, une pleurésie, un abcès pulmonaire ou un pneumothorax [8, 15].

Expérimentalement, il semble que les chiens puissent tolérer des perforations œsophagiennes de 12 mm de diamètre, sans correction chirurgicale [7, 19], mais, de l’expérience de l’auteur, les perforations traumatiques accompagnées de nécrose et de complications septiques nécessiteraient une correction chirurgicale systématique.

2. Symptômes

• Les manifestations cliniques apparaissent brutalement et sont marquées lors de corps étranger volumineux et vulnérants. Elles sont dominées par de violents efforts de régurgitation, souvent accompagnés de troubles respiratoires et d’un état de choc. Ces symptômes sont engendrés par la migration du corps étranger et son blocage à la base du cœur [10, 16, 18, 19].

• Si le corps étranger franchit cet obstacle, il se bloque généralement au niveau du hiatus œsophagien. L’animal peut alors présenter un état clinique quasi normal et, en l’absence de commémoratifs, le diagnostic peut être considérablement retardé [10].

• Une salivation nauséabonde, un ptyalisme, une dysphagie, des régurgitations, une anorexie, voire un véritable refus de la nourriture, sont souvent observés lors d’obstruction œsophagienne [10, 16, 18]. Si le corps étranger n’obstrue pas complètement la lumière de l’œsophage, la survie de l’animal peut être longue car il peut ingérer des liquides.

• L’apparition de troubles respiratoires majeurs (toux, dyspnée), une hyperthermie et un état de choc peuvent être les signes d’une perforation de l’œsophage [10].

3. Diagnostic

• L’examen radiographique sans préparation est diagnostique si le corps étranger est radio-opaque [1]. Les signes radiographiques indirects caractéristiques d’une obstruction par corps étranger sont recherchés [1, 8, 15] :

- dilatation œsophagienne segmentaire en amont de l’obstruction ;

- accumulation de débris alimentaires ou de fluides ;

- augmentation de la radio-transparence associée à la présence d’air dans l’œsophage ;

- visualisation de la paroi dorsale de la trachée et des muscles longs du cou en région médiastinale crâniale (car ils sont soulignés par l’air œsophagien accumulé en amont du corps étranger).

Une densification alvéolaire ou bronchique, et un épanchement médiastinal ou pleural peuvent être associés à une obstruction par corps étranger œsophagien.

L’interprétation du cliché peut être compliquée par l’absence de commémoratifs et il est parfois difficile de différencier une lésion intraluminale et une lésion pariétale.

L’administration d’un produit baryté (irritant) est déconseillée, voire contre-indiquée, si une perforation ne peut être exclue. Des produits iodés hydrosolubles (Télébrix®, Lipiodol®) sont préférables.

• L’endoscopie est l’examen de choix. Elle permet une confirmation de l’obstruction par corps étranger, un bilan lésionnel de la muqueuse œsophagienne et, dans certains cas, une exérèse du corps étranger ou un contrôle peropératoire de son extraction lorsqu’elle est réalisée par voie rétrograde après gastrotomie [8, 9, 10, 11].

4. Traitement

Traitement endoscopique

• L’exérèse du corps étranger peut être réalisée par voie rétrograde grâce aux techniques endoscopiques lorsque :

- le corps étranger est de petit volume et peu vulnérant ;

- il est situé dans la portion cervicale ou thoracique antérieure, en avant du cœur ;

- les risques de perforation sont faibles.

Dans ces cas de figure, l’extraction par voie endoscopique est rapide et peu traumatisante. Selon les études rétrospectives publiées, le taux de réussite de l’intervention varie de 60 à 90 % [1]. Avec l’expérience et un matériel adapté, il est toutefois possible en première intention de tenter l’extraction de corps étrangers d’aspect vulnérant et très enchâssés (observation personnelle).

• Les pinces utilisées sont de type pinces à mors à dents de rat, crocodile, basket, tripodes ou bipodes puissantes. Elles peuvent être introduites dans le canal opérateur de l’endoscope. Les pinces dites de Babcock, employées en chirurgie cœlioscopique, permettent d’extraire et de désincarcérer des corps étrangers vulnérants (PHOTOS 2A, 2B, 2C et 2D). Elles sont glissées le long de l’endoscope et l’extraction est réalisée sous contrôle endoscopique.

• Lorsque l’extraction par voie endoscopique rétrograde est impossible (corps étranger trop volumineux, vulnérant et enclavé dans la paroi œsophagienne), il convient de tenter de le repousser dans l’estomac sous contrôle endoscopique, où il est digéré par les sucs digestifs ou extrait par gastrotomie.

Traitement chirurgical

• Le recours à l’extraction chirurgicale est nécessaire lors [2, 7, 12, 19] :

- d’échec de la technique endoscopique ;

- de signes évidents de perforation œsophagienne, de médiastinite ou de pleurite ;

- de corps étranger enchâssé dans la paroi et ne présentant aucune mobilité.

• L’extraction peut se faire sous contrôle endoscopique par voie gastrique après gastrotomie, afin d’éviter au maximum d’aggraver les lésions de la muqueuse œsophagienne. Cette technique est moins traumatisante qu’une œsophagotomie et les suites postopératoires sont plus simples.

La gastrotomie peut être réalisée par voie abdominale classique ou par voie transdiaphragmatique après thoracotomie par le huitième espace intercostal gauche. Ce dernier abord permet de contrôler l’intégrité de l’œsophage et d’intervenir sur une éventuelle perforation.

• En cas de dégâts pariétaux sévères de l’œsophage, un parage de la paroi est entrepris. Il nécessite des techniques d’œsophagectomie et des méthodes substitutives de reconstruction avec l’utilisation de lambeaux. Les risques postopératoires de fuites œsophagiennes et de sténose sont élevés.

Traitement médical des lésions associées

• Après l’exérèse du corps étranger, l’examen endoscopique permet d’établir un bilan lésionnel. Le plus souvent, une œsophagite ulcéronécrotique est observée. Il convient de la traiter afin de prévenir une sténose cicatricielle ou la formation d’un diverticule [10, 14, 16, 18, 19].

• Ce traitement fait appel aux antisécrétoires, aux prokinétiques (afin d’éviter au maximum les reflux gastro-œsophagiens) et aux antibiotiques à large spectre pour prévenir les risques de médiastinite.

Des glucocorticoïdes sont parfois administrés pour diminuer la réaction de fibrose cicatricielle qui peut générer une sténose, mais leur emploi est controversé car leur efficacité n’est pas démontrée et d’éventuels effets délétères sont possibles pour la muqueuse digestive (retard de cicatrisation, inhibition des prostaglandines, etc.).

• Une diète de vingt-quatre à quarante-huit heures après l’extraction du corps étranger est généralement préconisée. Elle peut être prolongée si l’œsophage présente des lésions profondes de nécrose. L’utilisation d’une sonde de gastrotomie percutanée endoscopique (type PEG) est alors préférable à celle de sondes nasogastriques ou d’œsophagostomie car elle évite les reflux gastro-œsophagiens (favorisés par la présence d’une sonde dans le cardia) et un effet potentiellement irritant de la sonde œsophagienne.

De l’expérience de l’auteur, lorsque les lésions de l’œsophage sont modérées, une réalimentation précoce serait préconisée. L’effet mécanique du passage du bol alimentaire éviterait une sclérose de la muqueuse, qui peut déboucher à terme sur une sténose. Une protection de la muqueuse œsophagienne avant chaque prise alimentaire est alors réalisée en administrant des antiacides à fort pouvoir couvrant (sucralfate(1)).

Obstructions intramurales : les sténoses œsophagiennes

Les brûlures d’origine caustique, les lésions vulnérantes occasionnées par des corps étrangers, les plaies chirurgicales, les infiltrations néoplasiques et, surtout, les œsophagites sévères de reflux observées lors d’anesthésie sont les causes les plus fréquentes de sténose œsophagienne.

1. Physiopathologie

• Les obstructions intramurales, ou sténoses œsophagiennes, sont des complications graves et fréquentes de processus inflammatoires sévères et profonds d’origine peptique, caustique ou traumatique [10, 13, 14, 18]. Les lésions observées initialement sont :

- des pertes de substance ;

- un œdème ;

- une nécrose avec parfois une perforation.

L’œdème sous-séreux et la stase lymphatique peuvent intéresser tout le territoire œsophagien.

Si la lésion est profonde, une néoformation de tissu conjonctif remplace les tissus nécrosés pariétaux et sert de support à la ré-épithélialisation endoluminale.

La prolifération fibroblastique débute dès la vingt-quatrième heure et les phénomènes inflammatoires régressent dans les jours qui suivent. La régénération muqueuse et la constitution de la fibrose coexistent. La rétraction inextensible de ce tissu conjonctif composé essentiellement de collagène est responsable de la sténose.

• Les sténoses peptiques sont probablement les plus fréquentes chez l’animal (observations personnelles). Elles sont la conséquence de vomissements intenses et prolongés ou d’un reflux gastro-œsophagien (RGO) pathologique ou iatrogénique (PHOTOS 3A et 3B) :

- le RGO est souvent associé à des affections péri-œsophagiennes de la région du sphincter œsophagien caudal (abcès ou tumeur), à certaines maladies neuromusculaires ou endocriniennes ou à une hernie hiatale ;

- le RGO iatrogénique est induit par une anesthésie générale. Le relâchement du sphincter œsophagien caudal et l’hypomotilité œsophagienne provoquée par de nombreuses molécules utilisées en anesthésie (anticholinergiques, analgésiques ou pré-anesthésiques, barbituriques), et la position en décubitus dorsal favorisent le passage et le contact prolongé, avec la muqueuse œsophagienne, des sécrétions acidopeptiques de l’estomac, souvent mélangées à des sécrétions biliopancréatiques.

Les sécrétions contenues dans le RGO sont corrosives pour la muqueuse œsophagienne et entraînent une œsophagite peptique qui, si elle est profonde, s’accompagne de la formation d’un tissu cicatriciel et d’une sténose [13].

• Les sténoses caustiques sont souvent étendues et de pronostic sévère. L’étendue et la sévérité des brûlures dépendent de trois facteurs :

- la nature du produit caustique. Les substances basiques (Destop®, ammoniaque liquide), en raison de leur viscosité, sont surtout responsables de lésions œsophagiennes car la durée de contact avec la muqueuse est prolongée ;

- la quantité et la concentration du produit ingéré ;

- la durée de contact avec la muqueuse digestive.

• Les sténoses traumatiques consécutives à la migration de corps étrangers sont paradoxalement plus rares et bénignes. Malgré l’intensité des lésions observées par endoscopie après l’extraction du corps étranger, la cicatrisation est rapide et sans conséquence, surtout si un traitement médical est entrepris précocement.

• Des sténoses néoplasiques (PHOTOS 4A et 4B) d’installation plus progressive, mais de pronostic sombre, peuvent être observées chez le chien et chez le chat. Elles sont toutefois rares. Dans ces espèces, les carcinomes indifférenciés ou à cellules squameuses sont les tumeurs les plus fréquentes (voir l’article consacré aux tumeurs de l’œsophage dans un prochain numéro du Point Vétérinaire).

2. Symptômes

Le tableau clinique lors de sténose n’est pas spécifique. Il est dominé par des régurgitations qui concernent essentiellement les aliments solides. L’intensité des symptômes est liée à l’étendue et à la sévérité de la sténose.

Les régurgitations systématiques et immédiates des aliments ingérés et le passage plus facile des liquides sont toutefois des signes cliniques évocateurs d’une sténose œsophagienne. L’évolution est subaiguë à chronique et conduit à une anorexie totale et à un amaigrissement sévère.

Une toux et une détresse respiratoire plus ou moins marquées caractérisent une broncho-pneumonie par fausse déglutition.

3. Diagnostic

Le diagnostic est fondé sur les examens radiographiques et endoscopiques.

• Une masse intraluminale ou extraluminale peut être évidente sur une radiographie sans préparation et expliquer l’obstruction œsophagienne, mais cet examen est beaucoup moins sensible lors de sténose caustique, traumatique ou peptique [10, 13, 16, 18]. Après administration d’un produit de contraste, une dilatation de l’œsophage est visible crânialement à un segment étroit et rétréci. Une suspension de baryum à forte concentration (volume : 80 à 100 % du poids) est souvent utilisée. Modérément adhérente, elle est intéressante lors de lésion intraluminale ou de sténose qu’elle franchit ou contourne assez facilement.

• Comparée à la radiographie, l’endoscopie permet en outre de collecter des renseignements sur l’état de la muqueuse (PHOTOS 5A et 5B).

Ces deux examens sont donc complémentaires et celui qui se révèle le plus utile diffère selon les situations : si l’endoscopie permet une évaluation de la muqueuse, certaines sténoses sont trop étroites pour le passage d’un endoscope de 10 mm. L’examen radiographique (avec ou sans préparation) est alors plus intéressant car il permet d’évaluer l’étendue et le nombre des sténoses.

4. Traitement

Un apport nutritionnel est indispensable chez ces animaux souvent cachectiques. Dans les cas les plus graves, pour lesquels une récidive rapide de la sténose est à craindre, un tube de gastrotomie est placé après la dilatation de la sténose. Pour les cas plus bénins, une alimentation liquide est fournie à l’animal rapidement après la dilatation.

Traitements spécifiques des sténoses

• Le traitement des sténoses peptiques et traumatiques, souvent localisées et annulaires, est fondé sur une dilatation instrumentale endoscopique. En moyenne, deux à cinq séances sont nécessaires, espacées de dix à quinze jours selon la gravité et l’étendue de la sténose.

Un traitement médical antisécrétoire (antihistaminiques, inhibiteurs de la pompe à protons) est indispensable après dilatation. Certains auteurs préconisent l’administration de corticoïdes pour ralentir le processus cicatriciel fibrosant [10].

Le pronostic est bon dans 80 % des cas si le traitement est précoce [6, 10].

• Lors de sténoses d’origine caustique, l’étendue et la sévérité des lésions, l’état de choc consécutif à la douleur et le risque de perforation font que le traitement par dilatation instrumentale est souvent un échec. Les sténoses relèvent presque toujours d’une solution chirurgicale [5, 7]. À l’heure actuelle, l’utilisation d’une prothèse endoluminale pédiatrique en latex ou en caoutchouc siliconé renforcée d’une armature spiralée ne semble pas assurer une survie à long terme de l’animal (observations personnelles).

Techniques de dilatations instrumentales

• La dilatation instrumentale est une technique déjà ancienne en gastro-entérologie humaine. De plus en plus utilisée en médecine vétérinaire, elle donne des résultats intéressants à condition de respecter les principes généraux et d’avoir un matériel performant [4, 6, 10, 11].

• Elle est indiquée lors de sténoses caustiques localisées, peptiques, post-traumatiques ou postopératoires.

Elle est en revanche contre-indiquée en cas de perforation œsophagienne, de sténoses graves étendues (caustiques) ou de sténoses néoplasiques.

• Divers matériels peuvent être utilisés :

- les bougies souples (dilatateurs de Savary-Gilliard) permettent une dilatation progressive sur un fil guide, qui est placé sous contrôle endoscopique au travers de la sténose jusque dans l’estomac. Radio-opaques, elles sont facilement repérables en scopie télévisée ;

- les ballonnets endoscopiques (ou dilatateurs pneumatiques) sont surtout utilisés pour de petites sténoses annulaires, souvent d’origine peptique. Ils sont introduits dans le canal opérateur de l’endoscope, placés dans la sténose, puis gonflés sous contrôle visuel. Le gonflage peut se faire jusqu’à une pression de référence, contrôlée avec un manomètre, mais l’appréciation visuelle est souvent suffisante ;

- les olives métalliques (dilatateur d’Eder-Puestow) ont un diamètre croissant. Elles sont vissées sur un support métallique dont l’embout est à flexibilité variable. Traumatisantes, elles sont aujourd’hui plus rarement utilisées.

• Le fibroscope lui-même, par béquillages successifs prenant appui sur la zone sténosée, peut conduire à une dilatation correcte, mais le plus souvent il sert à placer un ballonnet ou le fil métallique pour guider ensuite les dilatateurs (bougies de Savary-Gilliard ou dilatateurs d’Eder-Puestow). Les bougies ou dilatateurs sont sélectionnés par calibre croissant, jusqu’à une dilatation complète de la sténose. L’opération est ensuite contrôlée par endoscopie, afin d’éliminer les risques de perforation qui sont élevés lors de l’utilisation des bougies (PHOTO 6).

• Pour traiter les sténoses sévères, l’auteur utilise surtout les ballonnets endoscopiques avec un gonflage d’abord à l’air puis à l’eau. La dilatation obtenue est ensuite complétée par l’utilisation de dilatateurs du type bougie de Savary (PHOTOS 7A et 7B).

• Le résultat de ces différentes méthodes dépend essentiellement du degré de fibrose cicatricielle, de l’étendue de la sténose et, surtout, du délai d’intervention. Des échecs sont en effet observés lors de sténose étendue, souvent d’origine caustique, ou lors de sténose ancienne très sclérosée. Lors de suspicion de sténose œsophagienne, il est donc impératif d’intervenir rapidement avant l’apparition de lésions irréversibles.

“Obstructions” ou occlusions extramurales

Une obstruction extramurale de l’œsophage peut être la conséquence d’une striction par une bride vasculaire ou d’une compression par une masse médiastinale, rétropharyngienne ou cervicale.

1. Brides vasculaires

Chez le chien, certaines anomalies vasculaires d’origine congénitale peuvent être à l’origine d’une dilatation localisée de l’œsophage. Ces dilatations sont communément désignées sous le terme de “jabot œsophagien” ou de diverticule œsophagien.

Cette affection est plus fréquemment décrite chez le berger allemand et le setter irlandais, qui présentent un risque trois à dix fois supérieur aux autres races. Le boston-terrier et le dogue allemand semblent également prédisposés.

Cette anomalie vasculaire est en revanche très rare chez le chat [3, 14, 16, 18].

Bien que cette affection ne semble pas héréditaire, la reproduction des animaux atteints est déconseillée.

Physiopathologie

• L’anomalie de loin la plus fréquente chez le chien est la persistance du quatrième arc aortique droit (PAAD).

L’aorte résulte normalement de la différenciation du quatrième arc gauche. Le sixième arc donne le canal artériel qui relie in utero l’aorte du fœtus à l’artère pulmonaire avant de régresser à la naissance. Lorsque le quatrième arc droit persiste à la place du gauche, l’œsophage est enserré par l’anneau vasculaire constitué de l’aorte, de l’artère pulmonaire et du canal artériel résiduel (voir la FIGURE “Conséquence de la persistance du quatrième arc aortique droit”).

• D’autres anomalies, beaucoup plus rares, ont également été recensées, tels le double arc aortique, un canal artériel surnuméraire ou une malposition des artères sous-clavières.

Symptômes

Les symptômes sont d’abord digestifs, liés à la diminution de la lumière œsophagienne. Dans la plupart des cas, les manifestations débutent précocement. Alors que l’animal ne présente aucune perturbation pendant l’alimentation lactée, il commence à rejeter les solides dès le début du sevrage.

Au début, les régurgitations surviennent immédiatement après l’absorption de solides. Par la suite, le rejet alimentaire peut être plus ou moins différé, en raison de la constitution de la dilatation, voire d’un “jabot”. Les répercussions sur la croissance sont rapidement perceptibles.

La survenue de symptômes respiratoires est souvent la conséquence de l’évolution d’une pneumonie par fausse déglutition.

Diagnostic

• La suspicion de bride vasculaire est aisée sur la base des éléments cliniques et épidémiologiques.

• Sur un cliché radiographique sans préparation, le jabot œsophagien peut apparaître comme une dilatation située crânialement à la base du cœur, souvent bien visible en raison de la présence d’aliments ou de liquides. Ce jabot déprime la trachée ventralement et modifie la silhouette cardiaque sur un cliché de profil.

Sur un cliché de face, la dilatation œsophagienne est souvent visible et des signes évocateurs d’une persistance du quatrième arc aortique droit peuvent aussi être observés (position de la trachée anormale avec une discrète incurvation vers la droite entre l’entrée du thorax et la bifurcation trachéobronchique).

La confirmation est facilement apportée par la radiographie avec produit de contraste. Le jabot œsophagien peut être accompagné d’une perte de motricité de la partie distale de l’œsophage qui se dilate et mime un méga-œsophage.

• L’examen endoscopique est intéressant pour le diagnostic différentiel des causes d’obstruction œsophagienne, particulièrement chez le jeune animal. Lors de brides vasculaires, la localisation de l’obstruction est toujours à la base du cœur, alors que les sténoses peuvent survenir dans tous les segments de l’œsophage. Durant l’examen endoscopique, il est essentiel de localiser le trajet de l’aorte par rapport à l’œsophage.

Traitement

• Le traitement est chirurgical et il convient d’intervenir rapidement afin d’éviter l’installation de lésions neurologiques pariétales irréversibles. Il peut être nécessaire, après ligature et traitement de l’anneau vasculaire, de réaliser une dilatation de la zone de striction de l’œsophage qui est généralement fibrosée.

• Malgré le traitement chirurgical, un pourcentage élevé d’animaux opérés même précocement gardent un diverticule et des anomalies de motricité œsophagienne. Il n’existe pas, à ce jour, de molécules prokinétiques efficaces sur la musculature striée de l’œsophage du chien.

2. Compressions extrinsèques

Étiologie

De nombreuses affections des organes périphériques de l’œsophage peuvent entraîner une augmentation de leur volume et provoquer une compression de celui-ci. Une insuffisance cardiaque décompensée, une hypertrophie inflammatoire ou néoplasique des nœuds lymphatiques bronchiques peuvent être à l’origine d’une obstruction partielle. Plus fréquemment encore, les tumeurs de la cavité thoracique, comme les lymphosarcomes, les thymomes ou les tumeurs de la base du cœur (chémodectomes), sont souvent responsables d’une compression œsophagienne.

Symptômes

Les symptômes observés sont ceux d’une obstruction œsophagienne : apparition de régurgitations, de dysphagie, puis d’un amaigrissement. Dans le cas particulier du lymphosarcome médiastinal du chat, le premier signe d’appel est digestif, avec des régurgitations qui surviennent dans les secondes ou dans les minutes après l’ingestion alimentaire.

Diagnostic

• L’examen radiographique, voire l’échographie, permet d’établir le diagnostic. L’examen échographique permet en outre de réaliser la cytoponction des masses responsables de la compression œsophagienne.

• L’endoscopie permet de confirmer une compression et de dresser un bilan lésionnel de la muqueuse au niveau de la striction et en amont. Dans certains cas, des images endoscopiques suspectes font envisager un envahissement pariétal de l’œsophage par la tumeur adjacente.

Traitement

Le traitement est avant tout étiologique. La dilatation de l’œsophage n’est pas indiquée, sauf lors de suspicion d’envahissement pariétal, mais le pronostic est alors sombre.

Le diagnostic différentiel lors d’obstruction n’est pas aisé à établir, particulièrement en l’absence de commémoratifs précis. Ainsi, la différenciation entre une sténose bénigne, un corps étranger, une hernie hiatale et une tumeur de l’œsophage fait appel à la complémentarité des techniques diagnostiques radiographique, échographique et endoscopique. L’apparition de nouvelles méthodes d’imagerie comme l’échographie transœsophagienne ou l’écho-endoscopie devrait, dans un futur proche, améliorer encore les capacités diagnostiques.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

Lorsqu’un corps étranger se bloque au niveau du hiatus œsophagien du diaphragme, les signes cliniques peuvent être discrets.

L’endoscopie est l’examen de choix pour confirmer une obstruction par corps étranger. Elle permet en outre d’évaluer les lésions de la muqueuse et, éventuellement, l’extraction du corps étranger.

Si des lésions pariétales sévères de l’œsophage ont été provoquées par le corps étranger, une reconstruction chirurgicale est possible, mais les complications postopératoires sont fréquentes.

Le traitement des sténoses localisées et annulaires par dilatation est généralement efficace. Les sténoses d’origine caustique sont en revanche d’un mauvais pronostic.

Une proportion élevée d’animaux opérés même précocement pour une bride vasculaire conserve un diverticule et des anomalies de motricité œsophagiens.

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