Sexage des spermatozoïdes chez les bovins - Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004
Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004

TECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION

Se former

COURS

Auteur(s) : Sylvie Chastant-Maillard*, X. Druart**

Fonctions :
*UP Reproduction, UMR 1198
INRA/ENVA Biologie
du Développement
et Reproduction, ENVA,
7 avenue du Général-de-Gaulle,
94704 Maisons-Alfort Cedex
**UNCEIA, Services techniques,
13, rue Jouet,
94702 Maisons-Alfort Cedex

Des paillettes d’insémination artificielle contenant du sperme de taureau sexé sont déjà disponibles sur le terrain à l’étranger. Le sperme est actuellement trié par cytométrie de flux.

La détermination du sexe d’un nouveau-né a lieu dès la fécondation et dépend uniquement de l’apport chromosomique du spermatozoïde. En effet, l’ovocyte est toujours porteur d’un chromosome sexuel X. Si le spermatozoïde fécondant est porteur d’un chromosome sexuel X (ce spermatozoïde étant alors nommé “spermatozoïde X”), l’embryon formé est XX et donnera naissance à une femelle, tandis que si le spermatozoïde héberge un chromosome Y (“spermatozoïde Y”), l’embryon a pour formule XY : il s’agira donc d’un mâle. En production bovine, il peut être intéressant de choisir avant la naissance le sexe du veau. Le sexage des embryons, qui nécessite le recours à la collecte et à la transplantation embryonnaire, est apparu dans les années 1980. Le sexage des spermatozoïdes est une technique nouvelle, apparue au début des années 1990, qui est actuellement sur le point d’être diffusée sur le terrain chez les bovins. Il s’agit de séparer dans le sperme les deux populations de spermatozoïdes X ou Y. L’insémination réalisée avec l’une ou l’autre fraction permet ainsi de choisir le sexe de l’embryon avant même la fécondation.

Techniques de sexage

Outre le chromosome sexuel, les spermatozoïdes X diffèrent potentiellement des spermatozoïdes Y par trois critères : le volume de la tête, la quantité d’ADN et les protéines de surface.

1. Tri selon le contenu en ADN

Pour pouvoir séparer efficacement les spermatozoïdes X et Y, il est nécessaire que les quantités d’ADN de leurs noyaux soient suffisamment différentes, d’environ 3 %. Chez les bovins, les spermatozoïdes Y contiennent 3,8 % d’ADN de moins que les spermatozoïdes X. Ce pourcentage est de 4,2 chez le bélier, de 3,7 chez l’étalon, de 3,6 chez le verrat et de 2,8 chez l’homme [10].

La séparation de nombreux types cellulaires selon leur contenu en ADN est réalisable grâce à un appareil nommé cytomètre de flux (FACS). Cependant, les spermatozoïdes posent deux problèmes spécifiques pour l’utilisation de cette technique : la condensation importante de leur chromatine et leur asymétrie (quelle que soit l’espèce, malgré des variations, les spermatozoïdes sont des cellules en forme de poire aplatie ou de raquette). Leur séparation est possible depuis la fin des années 1980 [9].

Le processus utilisé à l’heure actuelle est le suivant (voir la FIGURE “Principe du tri des spermatozoïdes selon le contenu en ADN par cytométrie”) : les spermatozoïdes fraîchement récoltés sont incubés pendant une heure en présence d’un colorant vital (Hoechst 33342). Ce colorant fixé à l’ADN émet une fluorescence bleue lorsqu’il est éclairé dans la gamme ultraviolette. Les spermatozoïdes marqués sont ensuite transportés par une gaine de liquide sous pression dans une fine aiguille qui les contraint à passer en file indienne au travers d’un faisceau laser de forte énergie. Ils émettent alors une fluorescence bleue dont l’intensité est proportionnelle à leur contenu en ADN. Les spermatozoïdes sont identifiés par un détecteur comme porteurs du chromosome X ou Y selon l’intensité de leur fluorescence, les spermatozoïdes X étant plus fluorescents que les spermatozoïdes Y. Grâce à la vibration d’un cristal piézoélectrique, ils sont ensuite séparés à raison d’un spermatozoïde par gouttelette. Puis une charge positive ou négative est appliquée à chaque gouttelette selon le type de spermatozoïde qu’elle contient. Cette charge permet ensuite, grâce au passage entre deux électrodes, de diriger les spermatozoïdes vers deux tubes de collecte différents (en fait trois, car se collectent au centre, sans déviation par les électrodes, les spermatozoïdes lésés ou pour lesquels la quantité d’ADN n’a pu être déterminée) [8, 14].

2. Tri selon le volume de la tête

La différence de contenu en ADN entre les spermatozoïdes X et Y a pour conséquence une différence correspondante des volumes de la tête des deux types de spermatozoïdes. Cependant, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de technique permettant de séparer les deux populations de spermatozoïdes selon ce critère (PHOTO 1).

3. Tri par les protéines de surface

Plutôt que d’effectuer un tri individuel des spermatozoïdes, une stratégie potentiellement plus efficace serait de réaliser une sélection de masse, d’où l’approche par les protéines de surface.

Des protéines spécifiques du sexe semblent avoir été identifiées sur les spermatozoïdes bovins [2]. Des anticorps spécifiques anti-spermatozoïdes X et anti-spermatozoïdes Y pourraient donc être produits et permettre une sélection des spermatozoïdes d’un sexe (voir la FIGURE “Principe du tri des spermatozoïdes grâce à des anticorps dirigés contre des protéines spécifiques du sexe”). Cette technique permettrait de plus grands rendements de sexage que la cytométrie. Il est néanmoins nécessaire de supposer que ces protéines spécifiques du sexe sont exprimées à la surface du spermatozoïde. En outre, des données physiologiques concernant la spermatogenèse font douter de l’existence même de ces antigènes. Enfin, l’analyse de plus de 1 000 protéines des spermatozoïdes par électrophorèse bidimensionnelle n’a montré aucune différence en fonction du sexe [6].

4. Situation actuelle en pratique

À l’heure actuelle, seul le tri selon le contenu en ADN par cytométrie est pratiqué. Une entreprise américaine fondée en 1996, XY Inc. (Fort Collins, Colorado), a breveté la technique et commercialise du sperme sexé. Elle a également fondé la société Cytomation, qui commercialise les cytomètres. Le dépôt d’un brevet couplé à la vente du matériel correspondant crée actuellement une forme de monopole sur le sexage du sperme et verrouille quelque peu la diffusion et le développement de l’insémination en sperme sexé. Cette société privée n’est autorisée à pratiquer le sexage du sperme que chez les espèces de mammifères non humains (voir l’ENCADRÉ “Sexage des spermatozoïdes dans les autres espèces animales”), mais une autre société parallèle travaille sur le sexage du sperme humain [5] (voir l’ENCADRÉ “Sexage des spermatozoïdes chez l’homme”).

Résultats

Les résultats ne proviennent que des données diffusées par la société XY Inc. sur son site Internet et par des publications dans des revues internationales à comité de lecture.

1. Efficacité du tri

La perte sur la totalité de l’éjaculat est importante, puisque seulement 20 à 25 % des spermatozoïdes sont finalement sexés. La pureté actuellement obtenue est de l’ordre de 90 à 95 % [8, 12, 15], sauf chez l’homme, pour lequel la pureté n’est que de 75 % pour les spermatozoïdes triés comme étant Y (90 % pour les spermatozoïdes X). Cependant, la principale difficulté du tri consiste à obtenir un rendement suffisant, c’est-à-dire un nombre suffisant de spermatozoïdes fécondants triés par unité de temps, de façon à pouvoir disposer de doses suffisantes pour obtenir une fécondation. Le rendement actuel chez les bovins (grâce à un cytomètre à haute vitesse MoFlo®) est de l’ordre de quinze millions de spermatozoïdes de chaque sexe par heure, soit sept doses inséminantes (à raison de deux millions de spermatozoïdes par paillette) [3, 14].

2. Quelle technique de reproduction utiliser avec du sperme sexé ?

La difficulté du tri consiste donc à obtenir à la fin du processus des spermatozoïdes fécondants en nombre suffisant. Or la technique impose aux spermatozoïdes des contraintes importantes, telles que la coloration de l’ADN, l’éclairage au laser, une pression importante pour les faire passer dans un tube de petit diamètre dont ils sortent à 100 km/h, une chute à grande vitesse dans le tube de collecte et un passage pendant plusieurs heures à température ambiante [1, 13]. Tous ces processus s’accompagnent de la formation de radicaux libres, d’une induction précoce de la capacitation, avec une modification des protéines de surface du spermatozoïde [11]. C’est pourquoi les premières naissances ont été obtenues par micro-injection de spermatozoïdes dans les ovocytes (ICSI : Intra-Cytoplasmic Sperm Injection), technique qui ne nécessite qu’un faible nombre de spermatozoïdes, même non mobiles (en 1989, des lapereaux sont nés par ICSI). Puis les améliorations de la technique de tri ont permis d’augmenter les quantités de spermatozoïdes viables triés et des naissances ont eu lieu après fécondation in vitro (en 1993 chez les bovins), puis après insémination artificielle (IA). La première naissance de veau après IA de sperme sexé frais a eu lieu en 1997, celle après IA avec du sperme sexé congelé en 1999. Les paillettes de sperme sexé utilisées contiennent deux millions de spermatozoïdes, au lieu de vingt millions dans les paillettes classiques en France. La faiblesse de la dose est néanmoins compensée par le fait que le processus de sexage élimine les spermatozoïdes morts.

3. Conditions d’insémination avec du sperme sexé

Pour pouvoir connaître un large développement en pratique, le sexage du sperme doit être compatible avec sa congélation (laquelle provoque une mortalité des spermatozoïdes et diminue encore le nombre de spermatozoïdes fécondants disponibles). Compte tenu du nombre limitant de spermatozoïdes après sexage, des travaux ont été menés afin de déterminer les conditions d’insémination permettant d’obtenir des taux de gestation corrects avec un nombre minimal de spermatozoïdes.

Seidel et coll. [15] ont inséminé mille génisses avec des doses contenant un à trois millions de spermatozoïdes sexés et congelés ; trois cent soixante-dix génisses témoins ont été inséminées avec du sperme non sexé des mêmes taureaux (à raison de vingt millions de spermatozoïdes par dose). Le taux de gestation à deux mois obtenu avec le sperme sexé était de 47 %, contre 60 % pour le sperme non sexé. La fertilité serait normale (de l’ordre de 70 à 80 % de celle obtenue avec du sperme non trié) avec des doses de deux millions de spermatozoïdes sexés congelés. En Suisse, le docteur Reichert annonce une efficacité de l’insémination (pourcentage d’inséminations fécondantes par rapport au nombre d’IA réalisées) de 50 à 55 %. Aucune amélioration des taux de gestation n’a été obtenue en augmentant la quantité de spermatozoïdes sexés [3].

Cependant, la plupart des résultats n’ont pour l’instant été obtenus que chez des génisses correctement suivies et inséminées avec des taureaux de très bonne fertilité [15]. Les résultats chez les vaches sont encore sujets à caution. Si des taux de gestation de 50 % ont été obtenus chez des vaches allaitantes [4], l’efficacité chez les vaches laitières dans des conditions de terrain reste à évaluer. La détection des chaleurs doit être de bonne qualité, avec un intervalle “début des chaleurs – IA” inférieur à douze heures. Il est aussi probablement nécessaire de modifier la technique d’IA (bicornuale, plus profonde que classiquement). La bonne gestion de l’insémination (détection des chaleurs, geste technique) et la fertilité du taureau semblent être les deux facteurs clés de la réussite de la technique [3].

4. Diffusion de la technique sur le terrain

À l’heure actuelle, les paillettes de sperme sexé ne sont pas encore réellement disponibles pour les éleveurs. XY Inc., qui a pris un grand nombre de brevets sur la technique de sexage par cytométrie et la congélation du sperme sexé, cherche à établir des collaborations avec des coopératives d’insémination ou des structures impliquées dans la reproduction bovine dans de nombreux pays afin de diffuser sa méthode (moyennant le paiement de redevances et l’achat de l’équipement breveté). La collaboration la plus avancée a été établie avec la coopérative d’insémination anglaise Cogent, qui regroupe plus de trois mille cinq cents éleveurs bovins. Suite à cette collaboration, trois premiers veaux Prim’Holstein femelles sont nés en 1999. Ils furent les premiers bovins ainsi nés hors du sol américain. Ensuite, les collaborations européennes de XY Inc. se sont poursuivies en Suisse : Big X AG (la filiale suisse de XY Inc.) a obtenu en octobre 2000 la naissance de douze veaux (onze femelles, comme attendu, et un mâle). Des essais de terrain d’assez grande ampleur ont été lancés dans plusieurs pays. Ils devraient impliquer cinq mille vaches aux États-Unis, dix mille au Royaume-Uni et dix mille en Suisse. En Australie, les éleveurs ovins sont intéressés par cette technique : les vingt-cinq premiers agneaux issus de sperme sexé sont nés à la suite d’IA en juillet 2001, avec une exactitude de détermination du sexe de 96 %. Les paillettes utilisées étaient dosées à quatre millions de spermatozoïdes (au lieu d’une dose inséminante classique de soixante millions).

Normalité des animaux nés

Sur les quelques milliers de veaux déjà nés à partir de sperme sexé, XY Inc. ne signale pas d’augmentation significative de l’incidence des anomalies. Le taux de pertes entre un et deux mois de gestation, la durée de la gestation, le poids de naissance, les taux de mortalité néonatale, puis jusqu’au sevrage ne sont pas différents de ce qui est observé pour des inséminations classiques [3]. Pour l’instant, la fertilité des génisses nées de sperme sexé est annoncée comme normale [3]. Il convient évidemment d’observer un plus grand nombre d’animaux pour conclure à l’absence d’anomalies générées par le sexage du sperme par cytométrie.

Objectifs du sexage du sperme

De façon générale, l’objectif du sexage de spermatozoïdes est d’éviter le gâchis animal de telle sorte que, selon les termes de XY Inc., “chaque gestation soit une gestation digne d’intérêt”. Il s’agit en particulier en production laitière d’éviter la naissance des mâles, qui sont euthanasiés avec le coût éthique et économique que cela comporte. Chaque année, l’euthanasie de six cent mille veaux mâles nouveau-nés coûte l’équivalent de quarante-deux millions d’euros pour le cheptel britannique. Le des spermatozoïdes permettrait en outre d’améliorer l’efficacité du renouvellement (deux fois moins d’accouplements nécessaires pour obtenir un nombre donné de génisses) et de la sélection et de diminuer les difficultés de vêlage. Globalement, le sexage permettrait donc une augmentation de l’efficacité de la gestion de la reproduction.

1. Dans un système de production laitière

Dans un système de production laitière, le sperme sexé pourrait être utilisé pour éviter la naissance de veaux mâles qui ne sont pas destinés à être conservés (voir la FIGURE “Intérêt du sexage des spermatozoïdes en production bovine laitière”). Les vaches les plus intéressantes génétiquement pourraient être inséminées avec du sperme X de façon à produire les femelles de renouvellement, tandis que les autres seraient soit inséminées avec du sperme non trié moins coûteux, soit inséminées avec du sperme Y de race à viande (tout dépendra du coût de la paillette sexée, de l’avantage économique du moment à vendre des mâles croisés, le choix du taureau devant aussi tenir compte des difficultés de vêlage supplémentaires chez les génisses).

2. Dans un système allaitant

En production allaitante, le sperme sexé permettrait d’obtenir un nombre maximal de mâles (à meilleur potentiel de croissance que les femelles) pour la vente et un nombre juste suffisant de femelles de renouvellement. L’insémination en sperme sexé devrait permettre de diminuer de 44 % le nombre de vaches nécessaires pour l’obtention des génisses de renouvellement. Le revenu issu de la vente des veaux augmenterait de 6,3 % et la marge brute de 20 % [7]. Ce système oblige cependant les éleveurs allaitants à modifier leurs pratiques d’élevage en utilisant l’insémination artificielle au lieu de la monte naturelle.

3. Dans le cadre de la sélection génétique

Dans le cadre de la sélection génétique, il s’agit de produire des veaux mâles à partir des femelles d’élite. La descendance des mères à taureaux est le plus souvent obtenue après superovulation et collecte d’embryons. Considérant qu’une collecte produit en moyenne trois embryons qui donneront chacun un veau, la probabilité d’obtenir au moins un mâle sans sperme sexé est de 88 %. En inséminant avec du sperme enrichi à 90 % en spermatozoïdes Y, la probabilité est de 99 %. Pour quatre naissances par collecte, ces deux probabilités passent respectivement à 94 et 99 %. Le sperme sexé permet donc d’augmenter la probabilité d’obtenir la naissance d’au moins un mâle, mais pas dans une proportion très importante [7].

Ensuite, dans le cadre du testage sur descendance, il est nécessaire d’obtenir les résultats de lactation de cinquante filles pour pouvoir évaluer la valeur génétique des jeunes taureaux. Or six inséminations en sperme non trié sont nécessaires pour obtenir une fille terminant sa lactation. Si le sperme est enrichi en spermatozoïdes X, ce chiffre pourrait être diminué et le coût de la sélection en serait ainsi réduit.

De façon plus anecdotique, l’insémination avec du sperme sexé permettrait d’obtenir des descendants femelles de vaches transgéniques produisant des protéines médicamenteuses dans leur lait, donc de plus grandes quantités de lait génétiquement modifié.

Le tri des spermatozoïdes par cytométrie est une technique lourde, nécessitant un matériel coûteux (300 000 €) et de manipulation difficile. Actuellement, le développement sur le terrain des paillettes de sperme sexé congelé est limité par le rendement des cytomètres et le brevet déposé sur la technique. Le surcoût entraîné par le sexage doit aussi être pris en compte. Pour une paillette de faible concentration (1,5 million de spermatozoïdes), il est de l’ordre de 30 à 50 € par paillette. Si le nombre de paillettes sexées augmente dans les années à venir, passant de quelques milliers à quelques millions, le coût pourrait être diminué jusqu’à atteindre 20 € [14].

Compte tenu du faible rendement de la technique de cytométrie, l’alternative d’une sélection de masse grâce à des anticorps de surface spécifiques du sexe serait particulièrement intéressante. Malheureusement, la société Gensel, qui développait cette voie de recherche, vient de déposer son bilan.

Sexage des spermatozoïdes dans les autres espèces animales

À l’heure actuelle, des naissances à partir de sperme sexé ont été obtenues dans sept espèces : homme, bovin, cheval, porc, mouton, lapin et élan. Chez le porc et chez le cheval, la quantité de spermatozoïdes nécessaire pour une insémination est très importante. Cependant, l’équipe de Seidel a déjà obtenu plus de vingt gestations dans l’espèce équine [14] ; « Call me Madam », le premier poulain issu de sperme sexé, est né en 1998. Des taux de gestation acceptables sont obtenus avec 0,2 % de la dose inséminante normale, à condition de pratiquer une insémination sous endoscopie avec dépôt du sperme à la jonction utérotubaire [3]. Moins soumis à des exigences économiques que l’élevage bovin, le milieu du sport équestre semble très demandeur de sperme sexé : les joueurs de polo ne souhaitent que des femelles, les chevaux de saut sont préférentiellement des mâles (PHOTO 2). Le coût d’un poulain né après sexage du sperme et insémination artificielle serait actuellement selon XY Inc. de 5 000 € (y compris le suivi de la jument), mais devrait diminuer avec les années.

Chez les espèces en voie de disparition (bœuf gaur, bison, gorille, cheval de Cleveland Bay et gazelle font partie des projets de XY Inc.), l’intérêt du sexage serait d’accroître la proportion de femelles afin d’augmenter les capacités de reproduction d’une population.

Sexage des spermatozoïdes chez l’homme

En parallèle de la firme XY Inc. chez les animaux, une autre société américaine, Microsort, a obtenu l’autorisation d’effectuer le sexage du sperme chez l’homme. Le premier enfant ainsi obtenu fut une fille en1994.

Chez l’homme, le sperme sexé est utilisé en fécondation in vitro et ICSI. Sur les trois cent trente-deux couples ayant eu recours au sexage du sperme recensés par Fugger et coll. en 1999 [5], 14 % l’avaient fait pour prévenir l’apparition d’une maladie liée au chromosome X (hémophilie, myopathie de Duchenne, retard mental, etc.) et 86 % pour l’équilibre de la famille (naissance d’un enfant du sexe non encore représenté dans la fratrie, les couples demandeurs ayant déjà en moyenne 3, 4 enfants et n’en souhaitant plus qu’un seul). L’enfant supplémentaire souhaité est une fille dans 60 % des cas [5].

Points forts

À l’heure actuelle, seule la différenciation de la quantité d’ADN de la tête est utilisée pour sexer le sperme bovin.

La séparation par les protéines de surface pourrait éventuellement être une technique d’avenir.

La principale difficulté du tri consiste actuellement à obtenir un nombre suffisant de spermatozoïdes fécondants triés par unité de temps, de façon à pouvoir disposer de doses suffisantes pour obtenir une fécondation.

Les paillettes de sperme sexé utilisées contiennent deux millions de spermatozoïdes, au lieu de vingt millions dans les paillettes d’IA classiques en France.

La bonne gestion de l’insémination (détection des chaleurs, geste technique) et la fertilité du taureau semblent être les deux facteurs clés de la réussite en sperme sexé.

En savoir plus

Voir le site Internet de la firme XY Inc. : www.xyinc.com

  • 1 - Amann RP. Issues affecting commercialization of sexed sperm. Theriogenology 1999 ; 52 : 1441-1457.
  • 3 - Cran DG. Current developments in sperm sorting in farm animals. 19e réunion de l’Association Européenne de Transfert Embryonnaire. Rostock (Allemagne), 12-13 septembre 2003 : 113-123.
  • 4 - Doyle SP, McSweeney KD, Schenk JL, Green RD, Seiel GE Jr. Inseminating lactating Angus cows with sexed semen. J. Anim Sci. 2000 ; 78(Suppl. 1) : 198.
  • 7 - Hohenboken WD. Applications of sexed semen in cattle production. Theriogenology. 1999 ; 52 : 1421-1433.
  • 8 - Johnson LA. Sexing mammalian sperm for production of offspring : the state-of-the-art. Animal Reproduction Science 2000 ; 60-61 : 93-107.
  • 10 - Johnson LA, Welch GR. Sex preselection : high-speed flow cytometric sorting of X- and Y- sperm for maximum efficiency. Theriogenology 1999 ; 52 : 1323-1341.
  • 11 - Rath D, Sieg B, Leigh J, Klinc P, Besseling M, Krüger C, Wolken A, Frenzel A, Westermann P, Probst S, Grosfeld R, Hadeler KG, Ehling C. Current perspectives of sperm sorting in farm animals. 19e réunion de l’Association Européenne de Transfert Embryonnaire. Rostock (Allemagne), 12-13 septembre 2003 : 125-128.
  • 12 - Rens W, Yang F, Welch G, Revell S, O’Brien PCM, Solanky N, Johnson LA, Ferguson-Smith MA. An X-Y paint set and sperm FISH protocol that can be used for validation of cattle sperm separation procedures. Reproduction 2001 ; 121 : 541-546.
  • 14 - Seidel GE Jr. Sexing bovine sperm. 34th annual convention of the American Association of Bovine Practitioners. Vancouver (Canada), 13-15 septembre 2001 ; 34 : 106-108.
  • 15 - Seidel GE Jr, Schenk JL, Herickof LA, Doyle SP, Brink Z, Green RD, Cran DG. Insemination of heifers with sexed sperm. Theriogenology. 1999 ; 52 : 1407-1420.
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