Première quinolone injectable contre les mammites bovines - Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004
Le Point Vétérinaire n° 247 du 01/07/2004

CONTRE LES MAMMITES AIGUËS “COLIBACILLAIRES”

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

La marbofloxacine devient la première fluoroquinolone injectable (Marbocyl® 10 %) indiquée pour le traitement des mammites colibacillaires aiguës bovines.

La marbofloxacine (Marbocyl®) devient la première fluoroquinolone, et même le premier antibiotique injectable récent, à avoir démontré son efficacité dans les trois dominantes de la pathologie infectieuse bovine :

- les affections respiratoires (à Pasteurella multocida, Mannheimia hæmolytica et Mycoplasma bovis) pour les solutions injectables à 2 et 10 % ;

- les gastro-entérites à E. coli des veaux pour la forme orale en bolus ;

- et, depuis quelques semaines, les mammites aiguës à E. coli pour la solution injectable à 10 %.

Le précédent Stop M®

Cette indication “mammite” était attendue pour la marbofloxacine, comme elle l’est encore pour d’autres antibiotiques injectables (les autres fluoroquinolones ou les céphalosporines). Jusqu’à présent, les autorités d’enregistrement ont toujours été réticentes (et donc exigeantes) à accorder une telle indication à des antibiotiques injectables, alors que les traitements de référence sont intramammaires. L’indication “mammite” pour un antibiotique injectable n’est toutefois pas une première. En2003, une poudre pour suspension injectable d’une ster de pénicilline G, le pénéthamate (Stop M®), a en effet obtenu son autorisation de mise sur le marché (AMM), avec pour indication unique le traitement des mammites cliniques et subcliniques à streptocoques. Le spectre d’activité étroit de la pénicilline G ne permet toutefois pas à Stop M® de revendiquer une activité sur d’autres bactéries que les streptocoques, en particulier vis-à-vis des colibacilles. Ces deux antibiotiques injectables ne sont donc pas concurrents. D’autant que les streptocoques sont peu sensibles aux fluoroquinolones.

Mammites expérimentales

Pour l’obtention de cette nouvelle indication, le dossier clinique s’appuie sur deux types d’essais : des études expérimentales sur des mammites induites par inoculation d’une souche d’E. coli pathogène et des essais cliniques de terrain comparatifs. Dans tous ces essais, le schéma thérapeutique pour la marbofloxacine est de 2 mg/kg/j (1 ml/50 kg) par voie intramusculaire pendant trois jours. Le nouveau résumé des caractéristiques du produit (RCP) permet également l’administration par les voies intraveineuse et sous-cutanée.

L’étude principale sur des mammites colibacillaires expérimentales inclut deux groupes de douze vaches saines prim’holstein. Les deux groupes reçoivent la souche pathogène d’E. coli mammaire (1 ml titrant 28 UFC) le soir. Le premier groupe n’est pas traité, le second l’est dès le lendemain pendant trois jours. Le traitement est donc précoce par rapport à l’apparition des signes cliniques.

Versus témoins non traités

Même si les mammites colibacillaires guérissent le plus souvent spontanément, l’efficacité du seul traitement injectable à la marbofloxacine sur les signes cliniques locaux et généraux est évidente par rapport au groupe non traité (voir la FIGURE “Résultats des études sur les mammites expérimentales”). L’analyse statistique le confirme au seuil habituel de 5 %, même sur un nombre réduit d’animaux. Dans le groupe non traité, deux vaches sont mortes à la suite de cette mammite aiguë non soignée.

Intramammaire associé

Les essais de terrain présentés par Vétoquinol comparent deux protocoles thérapeutiques qui associent, dans les deux groupes, un traitement local (à base de cloxacilline) avec une antibiothérapie injectable par voie intramusculaire pendant trois jours :

- soit la marbofloxacine à la dose de 2 mg/kg/j ;

- soit la combinaison amoxicilline à la dose de 7 mg/kg/j et acide clavulanique à la dose de 1,75 mg/kg/j (Synulox®). Selon le RCP, cette spécialité n’est pas indiquée pour le traitement des mammites, mais pour celui des affections respiratoires.

Contre E. coli seulement

L’analyse de cet essai, réalisé au départ sur cent dix-huit vaches, n’a porté que sur les mammites pour lesquelles E. coli a été isolé, soit dans 41,5 % des cas seulement, ce qui correspond à vingt-six vaches traitées par la marbofloxacine et à trente-deux traitées par l’association amoxicilline-acide clavulanique. Dans cet essai, 48,3 % des prélèvements ont révélé la présence d’une bactérie à Gram positif, le plus souvent un streptocoque (St. uberis surtout). A posteriori, cela justifie la présence de la cloxacilline, inactive contre les entérobactéries mais active contre les bactéries à Gram positif (streptocoques et staphylocoques), dans cet essai randomisé (mais sans aveugle).

Comme dans les études expérimentales, les résultats de cet essai de terrain vis-à-vis des seuls E. coli sont nettement en faveur de la marbo-floxacine, en termes aussi bien de guérison clinique et bactériologique que de retour à une production laitière normale (voir le TABLEAU “Résultats des essais cliniques de terrain […]”).

QI et AUIC

Préalablement aux essais cliniques, l’efficacité s’appuie aussi sur une analyse pharmacocinétique/pharmacodynamie (PK/PD). Cette analyse confronte les concentrations minimales inhibitrices (CMI) des bactéries pathogènes mammaires avec les taux de marbofloxacine dans le lait. Les concentrations dans le lait sont en équilibre avec celles du plasma, à des taux très proches, à l’exception des pics (Cmax) qui, dans le lait, ne dépassent pas1 µg/ml (contre environ 1,5 à 2 µg/ml pour les pics plasmatiques).

Vis-à-vis d’E. coli, cette analyse laisse prévoir une excellente efficacité en dépassant très largement les valeurs cibles prédictives de 10 pour le quotient inhibiteur (QI) et de 125 pour l’aire sous la courbe inhibitrice (AUIC) (voir le TABLEAU “Analyse pharmacocinétique/pharmacodynamie et indicateurs d’efficacité de la marbofloxacine”).

Et contre les bactéries à Gram positif ?

Les CMI vis-à-vis de Staphylococcus aureus (CMI90 à 0,23 µg/ml, CMI50 à 0,15 µg/ml), et a fortiori celles vis-à-vis des streptocoques (CMI90 souvent de l’ordre du µg/ml), semblent cependant trop élevées pour prédire une efficacité régulière contre les mammites à bactéries à Gram positif. L’essai clinique publié ne donne malheureusement aucun résultat clinique ou bactériologique sur ces causes fréquentes de mammites cliniques.

Pas d’antagonisme avec les bêtalactamines

Compte tenu de la guérison bactériologique spontanée des mammites colibacillaires, mais aussi de leur fréquente sévérité (chocendotoxinique), la question de la meilleure voie d’administration à mettre en œuvre est souvent posée. L’antibiothérapie par voie parentérale est alors fréquemment choisie. Des essais avec la cefquinome ont en outre démontré l’intérêt d’associer une antibiothérapie parentérale avec une antibiothérapie locale. L’association de la marbofloxacine avec des bêtalactamines par voie locale ne conduit pas à suspecter un antagonisme, mais plutôt un effet synergique entre ces deux familles d’antibiotiques.

Le thermomètre en salle de traite

Selon Bernard Poutrel (INRA), le point essentiel est de traiter précocement ces mammites, et donc de les diagnostiquer dès les tout premiers signes. En s’appuyant sur les études réalisées sur des mammites colibacillaires expérimentales, il préconise :

- une suspicion dès que la consistance habituelle de la mamelle est modifiée ;

- puis une confirmation par la prise de la température rectale.

L’hyperthermie dans les douze heures qui suivent le début de l’infection (inoculation expérimentale) est un signe précoce et presque systématique (93 %), mais relativement fugace (pour des hyperthermies univoques supérieures à 39,8 °C). En revanche, la modification de l’aspect du lait, la diminution de l’appétit ou celle de la production laitière sont des signes d’apparition plus tardive (vingt-quatre heures après l’inoculation), comparés à l’hyperthermie.

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