Les masses spléniques chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 246 du 01/06/2004
Le Point Vétérinaire n° 246 du 01/06/2004

CANCÉROLOGIE CANINE ET FÉLINE

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Constant Lecœur*, Éric Monnet**

Fonctions :
*5, villa Poirier
75015 Paris
**Colorado State University
Fort Collins, Colorado 80523

Une masse splénique chez le chien n’est pas systématiquement un hémangiosarcome. Il convient de définir la nature de cette masse avant d’émettre un pronostic sombre.

La rate est un organe qui participe à l’hématopoïèse, au stockage des plaquettes et des érythrocytes. Elle a un rôle de filtre des globules rouges anormaux. Elle permet également la synthèse d’anticorps IgM par la production de lymphocytes B. En outre, elle est le siège de réaction du système phagocytaire, qui piège et détruit les bactéries.

La plupart des cas cliniques de pathologie splénique canine et féline rapportent des tumeurs spléniques, et plus particulièrement des hémangiosarcomes spléniques chez des chiens de grand format [7, 8].

Quels sont les moyens diagnostiques d’une masse splénique ?

Les anomalies de structure de l’organe peuvent parfois être diagnostiquées par palpation. Cependant, ce sont le plus souvent la radiographie et l’échographie qui permettent le diagnostic de certitude. L’échographie permet, en outre, une identification de l’étendue des lésions et de leur échogénicité, ainsi que la réalisation d’un bilan d’extension abdominal (ganglions lymphatiques et foie).

Quand et comment réaliser une splénectomie ?

La splénectomie est indiquée lors de masses spléniques qui résultent d’un processus néoplasique ou d’une torsion de l’organe (PHOTO 1) [3]. Cette intervention est également indiquée lors d’hématome de grande taille (PHOTO 2).

L’organe est accessible par laparotomie médiane. En raison du petit nombre d’attaches mésentériques de la rate, sa préhension est aisée. Une identification de la vascularisation permet des ligatures vasculaires et une résection rapide de l’organe.

• Lors de splénectomie totale, la ligature des artères gastriques courtes, de l’artère gastro-épiploïque gauche et de l’artère splénique issue du lobe gauche du pancréas diminue le temps opératoire par rapport à la ligature hilaire de la vascularisation splénique, sans compromettre la vascularisation de l’estomac [1] (voir la FIGURE “Anatomie de la vascularisation splénique”). Cette ligature s’effectue à l’aide d’un fil résorbable de décimale 2 à 3, après clampage des artères ou l’utilisation de systèmes d’auto-ligatures (PHOTOS 3 et 4).

• La splénectomie peut être partielle : une suture de la capsule à l’aide d’un surjet simple avec un fil résorbable (dec. 1,5 à 2) est alors réalisée, après un clampage a traumatique de la portion à réséquer (clamp de Carmalt par exemple) . L’utilisation de systèmes d’auto-agrafes TA90® ou TA 55® (Kendal, États-Unis) permet de diminuer le temps opératoire et les adhésions avec l’omentum [9]. Ces techniques de splénectomie partielle augmentent toutefois les risques d’hémorragies postopératoires. Il est donc indiqué de vérifier l’hémostase après leur réalisation [9]. Une splénectomie totale est le plus souvent préférable.

Quelles sont les complications de la splénectomie ?

La complication la plus fréquente de la splénectomie est l’hémorragie lors de ligature imparfaite.

Les principales modifications hématologiques rencontrées après splénectomie sont une leucocytose et une anémie régénérative, anomalies à rapporter à l’évolution de l’affection splénique [5]. Une étude rapporte des hyperthermies après splénectomie chez 22 % des animaux traités et 35 % de cultures bactériennes aérobies positives sur les tissus spléniques prélevés lors de l’intervention (en particulier à Staphylococcus) [5]. La signification physiologique de ces découvertes est toutefois inconnue.

Des tachycardies ventriculaires et plus fréquemment des extrasystoles ventriculaires, sont rencontrées après splénectomie [2]. Les animaux qui présentent un hémangiosarcome, un hémopéritoine, une hypotension avant l’intervention semblent prédisposés à ces complications. L’incidence maximale de ces arythmies se situe entre cinq et douze heures après la splénectomie. Un suivi électrocardiographique de la fonction cardiaque peut être effectué toutes les deux à trois heures pendant quarante-huit heures après la splénectomie. Une étude montre toutefois qu’il serait préférable de suivre les animaux à risque à l’aide d’un électrocardiogramme en continu (Holter), plutôt qu’avec des électrocardiogrammes intermittents qui se révèlent souvent inefficaces pour détecter les arythmies [2].

Après splénectomie, des pancréatites traumatiques et des fistules gastriques (rares) ont également été décrites [6].

Quelle conduite tenir devant une suspicion d’hémangiosarcome ?

Un hémangiosarcome est suspecté lors d’hémorragie abdominale et s’accompagne d’un hémopéritoine. Cet hémopéritoine se produit la plupart du temps sans traumatisme important. Les signes cliniques sont un collapsus, des muqueuses pâles et un abdomen tendu et douloureux. L’hémangiosarcome peut s’accompagner d’arythmies cardiaques : il s’agit en particulier de tachycardies et d’extrasystoles ventriculaires [2]. Des échographies abdominale et cardiaque sont les examens de choix lors de suspicion d’hémangiosarcome. L’échographie abdominale peut s’accompagner d’une ponction échoguidée de la tumeur pour évaluation cytologique [4]. Cette dernière peut entraîner des hémorragies et potentiellement une transplantation des cellules néoplasiques. Les risques d’hémorragie doivent donc être surveillés après la ponction. Le foie et l’atrium droit doivent être échographiés afin de rechercher une éventuelle tumeur primitive ou des métastases [6].

Chez le chien atteint d’hémangiosarcome, la médiane de survie est de deux à trois mois (cette valeur peut être doublée lors de chimiothérapie adjuvante) [8]. Chez le chat, elle est de quatre à cinq mois [7]. La chimiothérapie fait appel à l’adriblastine(1), à la vincristine(1) et au cyclophosphamide(1).

Quelle est la part des tumeurs lors de masse splénique ?

Chez le chien, l’hémangiosarcome, l’hyperplasie nodulaire et les hématomes sont les affections les plus fréquentes [8]. Les chiens de races de grande taille, particulièrement le berger allemand et le danois, sont prédisposés aux torsions spléniques [3]. Chez le chat, le mastocytome et le lymphosarcome sont les plus diagnostiqués [7].

Les masses spléniques sont souvent considérées comme synonyme d’hémangiosarcome, une affection fatale. Cependant l’étude histologique de Sprangler et Kass sur cinq cents masses spléniques montre que 51,4 % des masses étudiées ne sont pas tumorales : il s’agit alors d’hématomes et de nodules lymphoïdes hyperplasiques [6]. Parmi les tumeurs malignes examinées, seulement 51 % sont des hémangiosarcomes, soit 25 % des masses spléniques analysées. Les autres tumeurs identifiées sont des sarcomes (11,5 % des tumeurs analysées) et des tumeurs bénignes [6].

Lors de diagnostic de masse splénique, le praticien ne doit pas conclure systématiquement à un hémangiosarcome, mais tout au plus le suspecter. Le pourcentage de survie à deux et douze mois après l’exérèse d’une masse splénique non tumorale (environ 50 % des cas) est respectivement de 83 et 64 % [5]. C’est pourquoi la nature de la masse splénique doit être définie avant d’émettre un pronostic sombre.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

• La complication la plus fréquente de la splénectomie est l’hémorragie lors de ligature imparfaite.

• Des tachycardies ventriculaires et plus fréquemment des extrasystoles ventriculaires, sont rencontrées après une splénectomie.

• Une ponction échoguidée de la tumeur pour évaluation cytologique peut entraîner des hémorragies et une transplantation des cellules néoplasiques.

• Chez le chien atteint d’hémangiosarcome, la médiane de survie est de deux à trois mois.Chez le chat, elle est de quatre à cinq mois.

• Le pourcentage de survie à douze mois après l’exérèse d’une masse splénique non tumorale (environ 50 % des cas) est de 64 %.

  • 1 - Hosgood G, Bone DL, Vorhees III WD et coll. Splenectomy in the dog by ligation of the splenic and short gastric arteries. Vet. Surg. 1989 ; 18 (2) : 110-113.
  • 2 - Marino DJ, Mathiesen DT, Fox PR et coll. Ventricular arrythmias in dogs undergoing splenectomy : a prospective study. Vet. Surg 1994 ; 23 : 101-106.
  • 3 - Neath PJ, Brockman DJ. Retrospective analysis of 19 cases of isolated torsion of the splenic pedicle in dogs. J. Small Anim. Pract. 1997 ; 38 : 387-392.
  • 4 - O’Keefe DA, Couto CG. Fine-needle aspiration of the spleen as an aid in the diagnosis of splenomegaly. J. Vet. Intern. Med. 1987 ; 1(3) : 102-109.
  • 5 - Richardson EF, Brown NO. Hematological and biochemical changes and results of aerobic bacteriological culturing in dogs undergoing splenectomy. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1996 ; 32 : 199-210.
  • 6 - Sprangler WL, Kass PH. Pathologic factors affecting postsplenectomy survival in dogs. J. Vet. Intern. Med. 1997 ; 11 : 166-171.
  • 7 - Sprangler WL, Culberston MR. Prevalence and type of splenic diseases in cats : 455 cases (1985-1991). J. Amer. Vet. Med. Assn. 1992 ; 201 : 773-776.
  • 8 - Sprangler WL, Culberston MR. Prevalence, type, and importance of splenic diseases in dogs : 1480 cases (1985-1989). J. Amer. Vet. Med. Assn. 1992 ; 200 : 829-834.
  • 9 - Waldron DR, Robertson J. Partial splenectomy in the dog : A comparison of stapling and ligation techniques. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1995 ; 31 : 343-348.
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