Conduite à tenir lors de suspicion de PIF chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 246 du 01/06/2004
Le Point Vétérinaire n° 246 du 01/06/2004

MALADIES INFECTIEUSES FÉLINES

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Peggy Binaut*, Caroline Zoller**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Foch
38, avenue Foch
34500 Béziers
**Clinique vétérinaire Foch
38, avenue Foch
34500 Béziers

L’accumulation de critères diagnostiques et l’aspect du liquide d’épanchement orientent vers une suspicion de PIF. Il n’existe pas de traitement qui puisse guérir l’animal.

La péritonite infectieuse féline (PIF) est une affection à médiation immune, induite par l’infection systémique d’un coronavirus (voir la FIGURE “Pathogénie proposée de la PIF”), qui induit l’inflammation de plusieurs séreuses (polysérite).

Première étape : étude de l’anamnèse

• La plupart des infections par le virus de la PIF sont probablement dues à l’ingestion de particules virales, mais la transmission par aérosol, par les urines, par le matériel ou par personne interposée est également possible.

• De nombreux chats atteints de PIF sont co-infectés par le virus FeLV qui déprime l’immunité cellulaire, nécessaire à la résistance contre la PIF.

• L’incidence est plus élevée chez les chats âgés de six mois à deux ans : le chaton élevé en milieu infecté peut contracter, auprès de sa mère ou d’autres congénères (excrétion fécale), une souche bénigne de coronavirus (FeCV). Or, vers six semaines, l’immunité maternelle décline. Le chaton âgé de sept à huit semaines présente alors un syndrome hyperthermique, avec de la diarrhée, une conjonctivite ou des symptômes respiratoires, qui peut durer plusieurs jours à quelques semaines. Puis, pendant des semaines ou des mois, le virus se multiplie, plus ou moins sous le contrôle de la réponse immunitaire du chaton. C’est souvent à l’occasion d’une baisse de la réponse immune (stress lors du changement de propriétaire ; infection par les virus FeLV ou FIV) que la réplication virale s’accroît et qu’il émerge une souche pathogène, le FIPV, par mutation/recombinaison.

À la différence du FeCV qui infecte uniquement les entérocytes, le FIPV infecte également les macrophages et les monocytes et s’y multiplie. Selon l’immunité cellulaire de l’animal, celui-ci peut, soit éliminer le virus, soit devenir porteur asymptomatique, soit déclarer une forme clinique qui peut être humide (vascularite) ou sèche (pyogranulomes). Les formes sèche et humide peuvent en outre coexister chez un même animal. Les porteurs asymptomatiques peuvent déclarer une forme clinique de PIF des années plus tard, à la faveur d’une baisse d’immunité cellulaire, ce qui pourrait expliquer l’apparition de formes cliniques de PIF chez les chats âgés de plus de dix ans.

Deuxième étape : accumuler les critères diagnostiques

L’absence d’examen complémentaire simple et fiable oblige à accumuler les critères diagnostiques.

• La sérologie n’est pas spécifique de la PIF car elle met en évidence des anticorps anticoronavirus, qu’il s’agisse du FeCV ou du FIPV. Dans les populations à risque, comme les effectifs d’animaux de race, la valeur prédictive positive d’une sérologie positive est nulle. En revanche, chez un animal vivant seul, donc dans un milieu à risque limité, l’examen est interprétable. La sérologie présente également un défaut de sensibilité : les anticorps peuvent être fortement consommés par la formation d’immuns-complexes et leur titre être ainsi extrêmement faible et non détectable.

• La PCR (polymerase chain reaction) (qui met en évidence du génome viral) n’est pas non plus spécifique de la PIF, puisqu’elle ne différencie pas les différents coronavirus. Son intérêt réside davantage dans le dépistage des excréteurs chroniques asymptomatiques par examen des selles que dans une aide au diagnostic de la PIF maladie.

En pratique, le praticien doit donc effectuer des examens multiples pour collecter les anomalies compatibles avec la PIF afin d’établir son diagnostic (voir la FIGURE “Algorithme d’aide au diagnostic de la PIF”).

Troisième étape : choisir les examens complémentaires selon l’aspect de l’épanchement

• L’aspect de l’éventuel liquide d’épanchement peut également orienter le diagnostic : lors de PIF, il est épais, visqueux, jaune paille à ambre, et peut contenir des amas de fibrine après quelques minutes (PHOTO 1). Sa densité est de 1,017 à 1,047 et sa concentration de protéines est élevée (50 à 120 g/l, globulines principalement) ; il contient peu de cellules (1 000 à 10 000cellules/µl, principalement des neutrophiles). Un tel épanchement, s’il est péritonéal, est toutefois proche de celui induit par une cholangiohépatite chronique [6].

• Une leucocytose avec une anémie modérée, un bilan d’hémostase compatible avec une CIVD (augmentation du temps de Quick, du temps de céphaline kaolin et des produits de dégradation de la fibrine), une hyperprotidémie avec hypo-albuminémie et hypergammaglobulinémie, une hyperbilirubinurie, une augmentation de l’activité des enzymes hépatiques, de la créatininémie ou de l’urémie peuvent aussi orienter le diagnostic vers une PIF.

Bien que l’étude des résultats des analyses hématobiochimiques et du liquide d’épanchement permette de s’orienter vers le diagnostic de PIF, aucune des anomalies rencontrées n’est pathognomonique et il convient d’envisager les autres possibilités diagnostiques (voir le TABLEAU “Diagnostic différentiel des manifestations cliniques de la PIF” et la PHOTO 2).

• Actuellement, l’obtention d’un diagnostic définitif nécessite un examen histopathologique réalisé, soit du vivant de l’animal (biopsie après un bilan d’hémostase préalable), soit, le plus souvent, après sa mort.

Dans le cadre d’un élevage, l’autopsie semble d’autant plus indispensable que les mesures de contrôle de la PIF sont lourdes. Il convient de ne les mettre en œuvre que lors de certitude de PIF.

Quatrième étape : difficultés du traitement

Il n’existe pas de traitement connu qui puisse guérir définitivement un cas de PIF, une fois les symptômes déclarés. Malgré quelques cas de rémission, la plupart des chats meurent plusieurs semaines à plusieurs mois après l’apparition des premiers signes cliniques. Certains protocoles permettent de prolonger la survie, mais ils ne sont que palliatifs et font appel à des médicaments toxiques pour l’animal. Ils deviennent en général inactifs après trois mois.

1. Traitement symptomatique

Le traitement symptomatique est essentiel. Il consiste en une antibiothérapie à large spectre afin d’éviter les surinfections, une alimentation et une prise de boisson adéquate (sonde nasogastrique si nécessaire), l’administration de doses élevées d’acide ascorbique (125 à 250 mg, deux fois par jour), voire d’aspirine (10 mg/kg tous les deux à trois jours) pour ses propriétés anti-inflammatoire et anticoagulante [13].

Un traitement symptomatique des fonctions altérées est associé selon le type de forme clinique de PIF : transfusion lors d’anémie majeure, ponction évacuatrice lors d’épanchements volumineux, etc.

2. Traitement immunosuppresseur

La PIF étant une maladie à médiation immune, le traitement immunosuppresseur vise à réduire la réponse humorale, ainsi que les réactions inflammatoires sévères et la vascularite induites par les immuns-complexes, le complément et d’autres facteurs. La gravité de la maladie est ainsi réduite et la survie de l’animal est prolongée d’un à trois mois.

• Les corticoïdes, base du traitement, sont administrés à dose immunosuppressive : prednisolone 2 à 4 mg/kg/j par voie orale. Ils procurent une rémission dans environ 10 % des cas [6]. En cas de réponse positive, il est préférable de poursuivre le traitement pendant au moins trois mois avant de diminuer la dose [7].

• Les traitements les plus efficaces sont des associations de prednisolone et de cyclophosphamide(1) (2 à 4 mg/kg par voie orale, une fois par jour pendant quatre jours consécutifs chaque semaine). Un tel traitement n’est toutefois pas envisageable chez des chats anémiés, en mauvais état, ou qui présentent une atteinte nerveuse.

• Les autres agents cytotoxiques utilisables sont le melphalan(1) (2 mg/m2 par voie orale toutes les quarante-huit heures) et le chlorambucil(1) (20 mg/m2 par voie orale toutes les deux à trois semaines), en surveillant la numération-formule sanguine en raison des risques d’aplasie médullaire [13].

Ce traitement immunosuppresseur peut cependant affaiblir les mécanismes de défense antimicrobienne (lymphocytes T, fonctions macrophagiques), réactiver les virus latents tels que l’herpèsvirus et augmenter la sensibilité aux virus oncogènes comme le FeLV. D’autres traitements, non plus immunosuppresseurs, mais immunomodulateurs, sont donc envisagés.

3. Traitement immunomodulateur

Les agents immunomodulateurs peuvent, soit stimuler les mécanismes antiviraux, soit diminuer la croissance virale, soit avoir ces deux actions combinées.

• L’interféron α humain(1) à forte dose (106 U de rHu-IFNω recombinant human interferon α, par voie intramusculaire), surtout s’il est associé à l’administration de Propionibacterium acnes(2) (bactérie anaérobie qui possède une activité réticulo- et immunomodulatrice, 0,4 mg par voie intrapéritonéale), semble avoir un effet positif : l’apparition de la maladie est retardée et le temps de survie est augmenté, à condition que ce protocole soit utilisé rapidement après le contact infectieux [20].

• L’interféron ω félin(3) (Virbagen Oméga®), en association avec un traitement immunosuppresseur (prednisolone), semble améliorer les formes humides, notamment chez les animaux plus âgés (plus de six ans ; la raison de cette différence liée à l’âge est inconnue, mais peut-être la pathogénie de la maladie est-elle différente à un âge avancé). Cet effet est observé à la dose de 1 MU/kg de r-Fe-IFNω (recombinant feline interferon ω) par voie sous-cutanée, tous les deux jours jusqu’à rémission, puis une fois par semaine [a].

• L’interféron par voie orale et l’interféron félin [20] semblent avoir moins d’intérêt dans le traitement de la PIF.

• Une étude portant sur deux cas spontanés de PIF a mis en évidence un effet positif possible des inhibiteurs de la synthèse de thromboxane. L’agent étudié est l’ozagrel hydrochloride(1) qui, par diminution de la production de thromboxane A2, inhibe l’agrégation plaquettaire et la contraction microvasculaire : la vascularite induite par la PIF pourrait donc être traitée par cet agent. En association avec les corticoïdes, l’étude révèle une amélioration clinique et une augmentation du temps de survie d’une dizaine de mois, mais des effets secondaires sur l’hémostase sont observés [19].

Les autres résultats des expériences d’immunomodulation sont décevants. À l’heure actuelle, il n’existe donc pas de réelle alternative au traitement immunosuppresseur.

• Le lévamisole ou la ciclosporine n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans le traitement de la PIF [13].

• Les antiviraux de synthèse comme la ribavirine(1) sont trop toxiques chez le chat pour être envisagés [4].

La vaccination (Primucell FIP® aux États-Unis et dans différents pays européens) n’est pas disponible en France (son efficacité et son innocuité sont controversées). Les mesures prophylactiques reposent donc sur :

- la limitation de la circulation au sein de l’élevage ;

- la limitation des contaminations extérieures (contrôle sérologique et quarantaine de deux mois d’un nouvel arrivant, réduction au minimum des contacts entre chats) ;

- la protection des chatons par un sevrage précoce ;

- le renforcement des mesures sanitaires, notamment au niveau des litières ;

- l’évaluation de la contamination de l’effectif par PCR et/ou sérologie [16].

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Formulation vétérinaire aux États-Unis avec, comme indications, les pyodermites canines ou le FeLV.

  • (3) Pas d’AMM pour cette indication.

Congrès

a - Ishida T, Shibanai A, Tanaka S et coll. Recombinant Feline Interferon. Therapy of Feline Infectious Peritonitis. Second International FCoV/FIP Symposium, Glasgow, 4-7 august 2002.

  • 1 - Andrew SE. Feline infectious peritonitis. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 2000 ; 30(5) : 987-1000.
  • 2 - August JR. Feline Coronavirus Infections. In : Ettinger SJ. Textbook of Veterinary Internal Medicine. 4th Ed. Saunders, Philadelphia, 1995 : 421-425.
  • 3 - Evermann JF, Henry CJ, Marks SL. Feline infectious peritonitis. J. Amer. Vet. Med. Assn. 1995 ; 206(8) : 1130-1134.
  • 4 - Fradin-Fermé M, Prélaud P. La péritonite infectieuse féline. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1999 ; 34 : 309-319.
  • 5 - Gamet Y. La péritonite infectieuse féline. 1-Etiologie, épidémiologie et pathogénie. Point Vét. 1999 ; 30(199) : 269-272.
  • 6 - Gamet Y. La péritonite infectieuse féline. 2-Symptômes, diagnostic et prophylaxie. Point Vét. 1999 ; 30(199) : 273-278.
  • 7 - Hoskins JD. Coronavirus Infection in cats. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 1993 ; 23(1) : 1-16.
  • 8 - Lombard CW. Pericardial disease. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 1983 ; 13(2) : 337-353.
  • 9 - Owens JM. Pericardial effusion in the cat. Vet. Clin. N. Amer. 1977 ; 7(2) : 373-383.
  • 10 - Rush JE, Keene BW, Fox PR. Pericardial disease in the cat : a retrospective of 66 cases. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1990, 26, 39-46.
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