Simplifier la mydriase à l’aide d’un insert à libération lente - Le Point Vétérinaire n° 245 du 01/05/2004
Le Point Vétérinaire n° 245 du 01/05/2004

OPHTALMOLOGIE CANINE ET FÉLINE

Éclairer

NOUVEAUTES

Auteur(s) : Vincent Cerclet

Fonctions : 662, avenue de la Justice de Castelnau
34090 Montpellier

Pour préparer une intervention chirurgicale, un fond d’œil ou traiter une uvéite, l’insert est une alternative intéressante aux collyres mydriatiques.

En ophtalmologie vétérinaire, différentes situations nécessitent l'obtention d’une mydriase : mydriase préalable à un examen du fond d’œil, intervention chirurgicale (chirurgie du cristallin), mydriase thérapeutique lors d’uvéites par exemple.

Les molécules les plus couramment utilisées en ophtalmologie vétérinaire sont la phényléphrine, encore appelée néosynéphrine(1) (un sympathicomimétique), l’atropine et le tropicamide(1) (des anticholinergiques).

La nécessité de pratiquer des instillations répétées chez des animaux peu coopératifs et/ou algiques entraîne un risque élevé de mauvaise observance d’un traitement.

L’utilisation en ophtalmologie humaine d’un insert à libération lente (Mydriasert®(1), Laboratoires Ioltech), développé chez l’homme pour obtenir une mydriase pendant quatre à six heures si nécessaire, semble prometteuse en ophtalmologie vétérinaire.

Une association mydriatique libérée progressivement

Mydriasert®(1) est un insert insoluble qui libère les principes actifs à vitesse constante une fois le processus entamé. L’insert doit être retiré après usage.

La charge totale de l’insert est de 5,376 mg de phényléphrine(1) et 0,280 mg de tropicamide(1) soit, en équivalent “collyre”, une goutte de phényléphrine(1) 10 % et une goutte de tropicamide(1) 0,50 % (Mydriaticum®). Chez l’homme, quatre à cinq heures sont nécessaires pour libérer la charge complète. Le maintien de l’insert pendant deux heures dans un œil n’autorise la libération que de 40 à 50 % de la charge totale. Une mydriase large et stable, de type préopératoire est donc obtenue avec l’équivalent d’une demi-goutte de chacun des collyres, soit environ quinze fois moins de principes actifs comparé au protocole mydriatique préopératoire moyen à l’aide des collyres.

L’intérêt de l’association phényléphrine-tropicamide(1) repose sur l’action mydriatique rapide et marquée de la phényléphrine(1), complétée par l’effet mydriatique plus durable et par l’effet cycloplégique du tropicamide(1). Cette combinaison permet en outre de diminuer les doses de chaque principe actif [3, 6, 7].

Cette association fixe n’est pas disponible en collyre sur le marché européen pour une raison technique simple d’instabilité physicochimique.

D’un point de vue pharmacologique, associer un sympathomimétique direct (phényléphrine(1)) à un anti-cholinergique (tropicamide(1)), tous deux de courte durée d’action, permet d’agir sur les deux structures musculaires antagonistes impliquées dans le fonctionnement de l’iris et de neutraliser celui-ci de manière optimale.

Placé dans le cul-de-sac conjonctival

L’insert est délivré en emballage individuel stérile à usage unique.

Dans l’essai réalisé, l’insert a été placé systématiquement dans le cul-de-sac conjonctival inférieur (PHOTO 1).

Sa mise en place ne présente aucune difficulté majeure chez le chien. La présence chez l’animal de la membrane nictitante ne soulève en particulier pas de difficulté et ne semble pas augmenter le risque d’expulsion de l’insert. Un seul insert a été expulsé sur les quatorze chiens traités, probablement en raison d’une technique de mise en place imparfaite (premier essai).

Chez le chat, la mise en place semble plus délicate. Il convient, en particulier, de veiller à placer l’insert le plus loin possible dans le cul-de-sac, sous peine de rejet, en particulier lors d’instillation ultérieure de collyres ou de lavage préopératoire (un cas sur dix).

Évaluation de l’efficacité

L’essai réalisé porte sur vingt-cinq cas répartis en trois groupes selon l’indication :

- premier groupe : chirurgie du cristallin ;

- deuxième groupe : mydriase préparatoire à un examen du fond d’œil ;

- troisième groupe : uvéites.

• Huit chiens et deux chats opérés par la technique de phaco-émulsification sont dilatés en phase préopératoire grâce à Mydriasert®. L’insert est mis en place lors de l’hospitalisation de l’animal le matin de l’intervention, vers 9 heures (T0) pour une intervention prévue en seconde moitié de matinée.

Sans pupillomètre, l’appréciation de la mydriase reste subjective. Il n’existe pas, selon notre expérience, de différencie notable de résultat par rapport à une préparation préopératoire classique (voir le TABLEAu “Efficacité de l’insert mydriatique lors de chirurgie du cristallin”). L’insert est en revanche plus facile d’emploi, et les doses cumulées de principes actifs sont beaucoup plus faibles.

Les résistances à la dilatation pupillaire, fréquentes lors de luxations du cristallin (uvéites à bas bruit, synéchies), semblent équivalentes avec les collyres et l’insert.

L’administration de flurbiprofène(1) (Ocufen®) en phase préopératoire, à raison d’une goutte matin, midi et soir, les deux jours précédant le traitement, semble contribuer à une meilleure stabilité de la mydriase au cours de l’intervention.

• Cinq chiens et trois chats reçoivent un insert pour obtenir une mydriase préalable à un examen du fond d’œil. La pose est effectuée entre quarante-cinq minutes et une heure avant l’examen. L’insert est systématiquement retiré au début de l’examen. Un rinçage énergique du fornix permet en général de chasser l’insert.

Dans tous les cas, la mydriase a été satisfaisante et il n’y a eu aucune réaction d’intolérance locale. Dans deux cas (animaux turbulents : un chien et un chat), l’insert n’a pas été retrouvé lors de l’examen. La durée de contact semble toutefois avoir été suffisante pour assurer une mydriase suffisante pour un examen dans de bonnes conditions.

La pose de l’insert est suffisamment aisée pour être confiée à un(e) assistant(e), ce qui permet un gain de temps pour le praticien.

• Le traitement mydriatique et cycloplégique est un volet essentiel du traitement de la plupart des uvéites. Il permet le traitement de la douleur par relâchement du spasme ciliaire et la prévention des synéchies par la dilatation pupillaire.

Le traitement classique nécessite l’administration d’atropine (très amère, donc souvent mal tolérée, en particulier chez le chat) ou de tropicamide(1), mieux toléré mais dont l’effet cycloplégique semble moins efficace [1, 5].

Dans tous les cas, en particulier lors d’uvéites aiguës souvent très douloureuses, l’administration des collyres n’est pas toujours aisée. La mauvaise observance du traitement augmente les risques de complications, en particulier le risque de synéchies.

Mydriasert® peut trouver ici une indication de choix en ophtalmologie vétérinaire.

Trois chiens, cinq chats et un lapin ont reçu un insert Mydriasert® en traitement d’attaque d’uvéite (voir le TABLEAU “Efficacité de l’insert mydriatique dans le traitement des uvéites”). L’insert a été enlevé ou remplacé en général après six à huit heures.

L’utilisation de l’insert dans les uvéites aiguës de type traumatique semble intéressante. Elle permet de limiter les instillations de collyres et les manipulations d’animaux souvent peu coopératifs. La mydriase est en général assez rapide et de qualité satisfaisante. Aucune complication (de type synéchies) n’a été constatée.

Son utilisation lors d’uvéites évoluées ou chroniques semble plus aléatoire, mais mériterait une étude plus approfondie.

Des collyres (mydriatiques, anti-inflammatoires, antibiotiques) ont été ajoutés dans l’œil après la pose de l’insert, sans nuire à son efficacité. Il convient toutefois de faire attention lors d’utilisation de gel de suppléance lacrymale qui semble favoriser l’expulsion de l’insert.

Une excellente tolérance

La tolérance systémique et locale est excellente. Aucun cas d’intolérance locale ou d’allergies n’a été mis en évidence (en ophtalmologie humaine, elles sont rares et imputables dans la grande majorité des cas à la phényléphrine(1), puis au conservateur.) Aucun effet secondaire systémique n’a été mis en évidence.

L’utilisation du Mydriasert® semble prometteuse en ophtalmologie vétérinaire. Elle permet en effet une simplification du protocole préopératoire : l’administration de flurbiprofène(1) (48 heures avant, une goutte matin, midi et soir) et Mydriasert® (lors de l’hospitalisation) assure une mydriase de bonne qualité et stable. Mydriasert® permet une diminution des manipulations, du stress de l’animal (et du propriétaire…). L’observance du traitement est en outre améliorée : en particulier dans le traitement des uvéites aiguës, la dilatation est en général assez rapide, sans les inconvénients de l’atropine, et l’administration concomitante d’autres collyres est possible. Le relais de la mydriase s’effectue par collyre ou par pose d’un autre insert. Le gain de temps est également important en phase préopératoire et lors des examens diagnostiques (angiographie, fond d’œil).

  • (1) Médicament à usage humain.

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