Mucocœle de la vésicule biliaire chez un schnauzer - Le Point Vétérinaire n° 245 du 01/05/2004
Le Point Vétérinaire n° 245 du 01/05/2004

HÉPATOLOGIE DU CHIEN

Pratiquer

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Constant Lecœur*, Éric Monnet**

Fonctions :
*5 villa Poirier, 75015 Paris
**Colorado State University,
300 West Drake Road,
Fort Collins, CO 80523-1620, États-Unis

Un mucocœle de la vésicule biliaire est diagnostiqué chez un schnauzer nain grâce à l’échographie. La cholécystectomie permet la résolution des symptômes.

Le mucocœle de la vésicule biliaire se définit par une accumulation de mucus qui entraîne une distension de cet organe. Cette affection rare a déjà été décrite par certains auteurs [1, 4]. Elle est diagnostiquée grâce à l’échographie et peut s’avérer une urgence chirurgicale.

Cas clinique

1. Anamnèse et commémoratifs

Un schnauzer nain mâle non castré, âgé de huit ans, est référé en urgence pour une léthargie, des vomissements aigus, un ictère, une hyperthermie (40,1 °C) et une douleur abdominale depuis 24 heures. Le vétérinaire référant a effectué une radiographie abdominale qui a montré la présence de gaz et une diminution du contraste radiographique en partie crânio-ventrale de l’abdomen. Il suspecte une péritonite suite à un abcès hépatique ou pancréatique. Le chien est référé pour recevoir des soins intensifs et pour une éventuelle laparotomie exploratrice.

2. Examen clinique

L’examen clinique révèle une hyperthermie (40,1 °C), un abattement et une douleur abdominale crâniale. Ces signes cliniques orientent vers le diagnostic différentiel d’une douleur abdominale aiguë. Les hypothèses d’abcès hépatique ou pancréatique, et de cholécystite nécrosante sont retenues, compte tenu des résultats de la radiographie abdominale.

3. Traitement d’urgence

L’animal est admis en unité de soins intensifs. Un prélèvement de sang est effectué et il reçoit un bolus de 20 ml /kg de NaCl 0,9 %, suivi d’une perfusion du même soluté, à la dose de 2ml/kg/h et de fentanyl à la dose de 2 mg/kg/h. Les résultats de la biochimie sont compatibles avec une cholesthase hépatique ou post-hépatique : phosphatases alcalines (PAL) 3200UI/l ; alanine-amino transférase (ALT) 3647 UI/l ; gamma-glutamyl transférase (GGT) 36 UI/l et bilirubine totale 5,9 mg/dl. Les autres paramètres sont normaux, y compris l’amylase et la lipase. La numération-formule est compatible avec une infection : leucocytose et granulocytose associées à un grand nombre de neutrophiles dégénérés. Le ionogramme ne révèle qu’une diminution de la kaliémie, compatible avec les vomissements.

Le chien reçoit alors deux injections intraveineuses d’enrofloxacine (Baytril®, 5 mg/kg) et d’amoxycilline (Clamoxyl®, 10 mg/kg) et une supplémentation en potassium (30 meq/l de NaCl 0,9 %).

4. Examens complémentaires

En raison de la suspicion de péritonite septique, l’échographie abdominale et le lavage péritonéal sont les deux examens complémentaires de choix.

L’échographie abdominale révèle une distension de la vésicule biliaire par un matériel hyperéchogène strié en continuité avec les parois de l’organe ; ce matériel occupe en outre le canal cholédoque (PHOTO 1). Un épaississement de la paroi de la vésicule biliaire est également noté. Cette image est compatible avec un mucocœle de la vésicule biliaire.

Cette affection est une indication opératoire de cholécystectomie : il est donc décidé de ne pas effectuer le lavage péritonéal et d’intervenir chirugicalement.

Les temps de coagulation (temps de Quick et de céphaline-kaolin) sont réalisés avant l’intervention pour s’assurer que la fonction hépatique n’est pas perturbée par la cholestase extrahépatique et que le stock de facteurs de coagulation (produits par le foie) est adéquat, donc que les risques chirurgicaux ne sont pas augmentés. Les temps de Quick et de céphaline-kaolin sont au-dessus de leurs normes respectives de une et trois secondes. Il est donc décidé de réaliser un typage sanguin avant l’intervention, afin de pouvoir réaliser une transfusion adaptée en cas d’hémorragie sévère.

5. Traitement chirurgical

La laparotomie permet d’identifier une vésicule biliaire distendue par du matériel ferme. La paroi de l’organe est également nécrosée par endroit.

Une cholécystectomie est alors décidée. Après une entérotomie du duodénum proximal, le canal cholédoque est cathétérisé afin de retirer le matériel solide qu’il contient et pour s’assurer de la levée de l’obstruction. Le conduit cystique est ensuite clampé. La vésicule biliaire est détachée des lobes hépatiques par dissection mousse et cautérisation au bistouri électrique. Le conduit cystique est ligaturé avec un fil de polydioxanone (PDS® 3-0) et la vésicule biliaire est excisée, en prenant soin de préserver les conduits hépatiques (PHOTO 2).

L’entérotomie duodénale est suturée à l’aide d’un surjet simple (PDS® 3-0). Après lavage abdominal avec un litre de NaCl 0,9 % préalablement tiédi, la laporatomie est refermée classiquement. La pièce d’exérèse est soumise à une analyse histologique.

6. Résultats histopathologiques

Les replis de la muqueuse sont distendus (deux à trois fois leur taille normale) et remplis par un matériel muqueux. Au sein de la couche musculaire, un grand nombre de granulocytes neutrophiles et de macrophages, associés à de l’œdème, sont présents. Au niveau de ces zones d’inflammation, une activité fibroblastique est notée. Ces résultats sont compatibles avec une cholécystite chronique, associée à une hyperplasie cystique de la muqueuse à l’origine du mucocœle.

7. Soins postopératoires

L’animal est perfusé avec du Ringer-lactate à la dose de 2 ml /kg/h, et du fentanyl(1) est administré à la dose de 3 µg/kg/h pendant vingt-quatre heures. L’antibiothérapie est poursuivie avec de l’enrofloxacine et de l’amoxicilline aux mêmes doses, à raison de deux administrations quotidiennes.

La fréquence cardiaque, la pression artérielle, la glycémie et la quantité d’urine émise, sont mesurées quatre fois par jour. L’hématocrite et la protéinémie sont mesurés deux fois par jour. Tous ces paramètres sont stables en phase postopératoire.

Le fentanyl est progressivement diminué et arrêté. De l’eau et de la nourriture sont progressivement proposées au chien et aucun vomissement n’est noté.

Quarante-huit heures après l’intervention, certains paramètres biochimiques sont mesurés et permettent de constater une nette amélioration : PAL 1874 UI/l, ALT 563 UI/l, bilirubine totale 0,3 mg/dl.

Après quatre jours d’hospitalisation, l’animal est rendu à ses propriétaires avec une antibiothérapie à base d’enrofloxacine et d’amoxicilline pendant huit jours.

8. Suivi postopératoire

Trois mois après l’intervention chirurgicale, les propriétaires du chien sont contactés : leur chien mène une vie parfaitement normale.

Discussion

Le mucocœle de la vésicule biliaire, accumulation de mucus dans cet organe, a été décrit histologiquement par plusieurs auteurs [1, 3, 4].

Il est associé à une hyperplasie muqueuse de la paroi de la vésicule biliaire et pourrait être la conséquence d’une inflammation chronique, telle qu’une cholécystite d’origine bactérienne [1, 2]. Certains auteurs ont obtenu des cultures bactériennes positives à partir du matériel retiré lors de l’intervention chirurgicale [1]. L’étiologie exacte de cette affection reste cependant à déterminer. Elle semble atteindre principalement des races de petit format, dont le cocker et le schnauzer nain [1].

1. Un diagnostic échographique

Une étude [1] a permis de décrire les caractéristiques échographiques de cette lésion.

Deux types d’images sont caractéristiques du mucocœle de la vésicule biliaire : soit un motif strié, soit un motif stellaire hyperechogène. Ces motifs peuvent être associés et faire penser à une coupe de “kiwi” (voir la FIGURE “Images échographiques du mucocœle de la vésicule biliaire”). Pour ce cas clinique, un motif strié hyperéchogène a été constaté, qu’il convient de ne pas confondre avec de la boue biliaire. La boue biliaire est en effet une image souvent rencontrée chez l’animal sain, mais cette accumulation de bile n’est pas solidaire des parois de l’organe et change de position lors de mouvement de l’animal. L’association de bile hyperéchogène et d’un motif strié ou stellaire statique est pathognomonique d’un mucocœle de la vésicule biliaire [1]. D’autres anomalies échographiques peuvent être associées, telles qu’une dilatation des canaux cholédoque ou cystique due à l’obstruction biliaire et une augmentation de l’épaisseur de la paroi vésiculaire, parfois associée à un dédoublement de celle-ci (épaisseur normale : 2 à 3 mm chez le chien). La dilatation des canaux biliaires extrahépatiques et l’épaississement de la paroi de la vésicule biliaire sont toutefois des signes inconstants et non spécifiques de l’affection. L’examen échographique permet également de rechercher des signes de rupture de la paroi vésiculaire, une perte de contraste de la graisse péricholécystique et la présence d’un épanchement dans l’abdomen.

La scintigraphie avec du 99 m-technetium-mebrofenin a été utilisée pour mettre en évidence la cholestase. Cette technique est non spécifique et se révèle difficile à mettre en œuvre en pratique [4].

2. Le mucocœle de la vésicule biliaire est une indication de cholécystectomie

L’accumulation de mucus dans la vésicule biliaire et le canal cholédoque provoque une cholestase, d’abord extrahépatique, puis intrahépatique. Suite à cette distension de la paroi par l’accumulation de mucus, la vésicule biliaire peut se rompre, ce qui entraîne une péritonite biliaire, voire septique. L’analyse histologique révèle dans 80 % des cas une nécrose partielle de la paroi [1].

Le traitement chirurgical consiste à lever l’obstruction et à retirer une structure qui n’est plus fonctionnelle et qui est devenue perméable, donc de réaliser une cholécystectomie. En l’absence de rupture de la vésicule biliaire et de péritonite, les différentes études décrivent de bons résultats cliniques après la réalisation de cette technique [1, 4]. Une rupture de la vésicule aggrave le pronostic.

En raison de la gravité d’une péritonite biliaire et compte tenu du pourcentage élevé de nécrose pariétale à l’analyse histologique, il est indiqué de réaliser une cholécystectomie lors de mucocoele de la vésicule biliaire. Cette intervention doit s’accompagner d’une culture bactérienne du matériel biliaire et d’une antibiothérapie. Pour ce cas clinique, il aurait été judicieux d’effectuer un prélèvement bactériologique pour une culture et un antibiogramme, afin de préciser si la cholécystite était de nature infectieuse et ainsi de choisir une antibiothérapie adaptée.

  • Médicament à usage humain

Points forts

Le mucocœle de la vésicule biliaire semble atteindre principalement des races de petit format, dont le cocker et le schnauzer nain.

Deux types d’images échographiques sont caractéristiques du mucocœle de la vésicule biliaire : soit un motif strié, soit un motif stellaire hyperéchogène. Ces motifs peuvent être associés et faire penser à une coupe de “kiwi”.

Le traitement de choix du mucocœle de la vésicule biliaire est la cholécystectomie.

La cholécystectomie doit s’accompagner d’une culture bactérienne du matériel biliaire et d’un antibiogramme, afin de préciser si la cholécystite est de nature infectieuse et de choisir une antibiothérapie adaptée.

  • 1 - Besso JG, Wrigley RH, Gliatto JM et coll. Ultrasonographic appearance and clinical findings in 14 dogs with gallbladder mucocoele. Vet. Radiol. Ultrasound. 2000;41(3):261-271.
  • 2 - Fossum TW, Willard MD. Diseases of the gallbladder and extrahepatic biliary system. In Ettinger SJ, Feldman EC. Textbook of Veterinary Internal Medicine. 4th ed. WB Saunders Co. Philadelphia. 1995:1393-1398.
  • 3 - Kovatch RM, Hildebrandt PK, Marcus LC. Cystic mucinous hypertrophy of the mucosa of the gallbladder in the dog. Path. Vet. 1965;2:574-584.
  • 4 - Newell SM, Selcer BA, Mahaffey MB et coll. Gallbladder mucocoele causing biliary obstruction in two dogs: ultrasonographic, scintigraphic, and pathological findings. J. Amer. Anim. Hosp. Assn. 1995;31:467-472.
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