Une cour d’appel accommode le délai de rédhibition - Le Point Vétérinaire n° 244 du 01/04/2004
Le Point Vétérinaire n° 244 du 01/04/2004

DYSPLASIE COXOFÉMORALE CHEZ LE CHIEN

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LÉGISLATION

Auteur(s) : Alain Grépinet*, Wilfried Grépinet**

Fonctions :
*Vétérinaire expert près de la cour d’appel de Montpellier, chargé de cours à l’ENVT
**Avocat au barreau de Lyon

Le délai de rédhibition de trente jours est mal adapté au cas de la dysplasie coxofémorale. Une cour d’appel propose une interprétation.

1. Les faits : La chienne est dysplasique

Le 27 novembre1997, M. Vendeur vend à M. Acheteur une chienne de race Beauceron, née le 23 septembre 1997. Le7 septembre1998, l’acheteur apprend que sa chienne est atteinte de dysplasie coxofémorale ; il en alerte le vendeur dès le lendemain par courrier recommandé. N’obtenant pas satisfaction, M. Acheteur assigne M. Vendeur le 31 mars 1999 aux fins de remboursement des frais vétérinaires et accessoires engagés et d’indemnisation du préjudice subi.

Par jugement du 23 novembre 1999, le tribunal d’instance de Besançon déclare cette action irrecevable comme n’ayant pas été introduite dans le délai d’un mois à compter de la livraison de l’animal, ainsi que le prévoient les articles 285 et suivants du Code rural(1) et leur décret d’application, et faute de preuve que les parties souhaitaient déroger à ces dispositions. M. Acheteur forme appel de cette décision.

2. Le jugement : Le “bref délai” non respecté

Le 3 décembre 2002, la cour d’appel de Besançon confirme le jugement du tribunal d’instance, motivant ainsi sa décision :

« Lorsqu’elle a été livrée, la chienne n’avait qu’un peu plus de deux mois. L’acheteur a constaté l’existence de la dysplasie dix mois plus tard, la chienne n’ayant pas encore un an. Si la dysplasie est un vice rédhibitoire conduisant à l’application de la garantie légale et, s’il est vrai qu’en ce cas l’action en garantie doit être introduite dans un délai d’un mois à compter de la livraison, cette nécessité vient en contradiction - lorsque l’animal est vendu avant l’âge d’un an - avec la précision selon laquelle il est tenu compte, pour ce vice, des radiographies de l’animal réalisées jusqu’à l’âge d’un an.

En raison de cette apparente contradiction, il convient de dire que pour les chiens vendus avant l’âge d’un an, la dysplasie est soumise au bref délai édicté en matière de vices cachés des articles 1641 et suivants du Code civil. Ce sont dès lors les règles dégagées dans ces articles qui doivent être appliquées.

La question se pose dès lors de savoir si l’acheteur a ou non respecté le bref délai pour introduire son action en garantie, et comment il doit être calculé dans un tel domaine.

Le bref délai doit s’entendre, dans un tel cas, comme étant simplement un mois à compter de la date où le chien a atteint l’âge d’un an pour le cas où la dysplasie a été connue avant, et à compter de la date de sa connaissance si elle est postérieure à cet âge d’un an. Cette position de la cour est dictée par un souci d’équilibre avec la situation d’un acheteur d’un chien âgé de plus d’un an, lequel ne pourra exercer son action en garantie que dans le délai d’un mois à compter de la livraison.

En l’espèce la dysplasie a été connue par l’acheteur avant la date du premier anniversaire de sa chienne. Au regard des principes ci-dessus définis, l’action en garantie introduite le 31 mars 1999 est hors délai, puisque postérieure de plus de six mois à la connaissance du vice et au premier anniversaire de la chienne.

En outre, l’acheteur n’établit pas que les parties auraient convenu d’une garantie plus favorable. »

3. La pédagogie du jugement : La dysplasie : une place à part

Cet arrêt confirme que la notion de délai est très importante dès lors qu’une action en garantie est susceptible d’être intentée. Le délai d’action (nécessairement très court) est l’une des caractéristiques majeures de la procédure des vices rédhibitoires. Ce délai, qui est de trente jours pour les carnivores domestiques, court à compter de la livraison de l’animal. Mais, s’agissant des vices cachés, le délai à respecter est le fameux “bref délai” à compter du jour de la découverte du vice, édicté par l’article 1648 du Code civil et laissé à la seule appréciation du juge. Dans le présent arrêt, le juge propose une définition de ce bref délai, eu égard au fait qu’il y a une « apparente contradiction » entre le délai de rédhibition de trente jours à compter de la livraison du chiot (qui est vendu le plus souvent vers l’âge de deux à trois mois) et le moment où est découverte la dysplasie (le plus souvent entre huit et quatorze mois). Ici, pour la première fois semble-t-il, une définition et une démarche claires sont proposées.

Cet arrêt a également le mérite de souligner que la dysplasie coxofémorale du chien a une place à part dans la liste des vices rédhibitoires, et ce d’autant plus qu’elle constitue un vice relativement fréquent chez les chiens de race de grande taille. Or les vendeurs savent bien que leur seule véritable protection réside dans le fait que cette anomalie se révèle dans un délai très supérieur aux trente jours qui suivent la livraison. Ils savent aussi qu’en l’absence de conventions contraires l’acheteur ne peut plus invoquer le droit commun, c’est-à-dire les articles 1641 et suivants du Code civil(2). La Cour de cassation l’a récemment rappelé d’une façon éclatante.

Dès lors, tout praticien qui a le souci d’informer ses clients désireux d’acheter un chiot peut éventuellement leur proposer un modèle de contrat tel que celui qui a été élaboré par l’association française des vétérinaires experts (AFVE)(3), contrat équitable qui protège l’acheteur autant que le vendeur.

  • (1) Articles L213-1 et suivants selon la codification actuelle.

  • (2) Article 1641 : Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Article 1648 : L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l’usage du lieu où la vente a été faite.

  • (3) Ce modèle de contrat disponible sur planete-vet, est reproduit en recto-verso sur les deux pages suivantes.

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