Un cas de testicule ectopique chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003
Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003

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CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Hervé Brissot*, Bernard Bouvy**, Gilles Dupré***

Fonctions :
*Clinique Frégis,
service de chirurgie,
43, avenue A. Briand,
94110 Arcueil
**Clinique Frégis,
service de chirurgie,
43, avenue A. Briand,
94110 Arcueil
***Clinique Frégis,
service de chirurgie,
43, avenue A. Briand,
94110 Arcueil

La stimulation de la sécrétion de testostérone est une technique efficace de confirmation de suspicion de testicule ectopique chez un chat qui ne présente pas de gonade en position scrotale.

Un chat mâle persan castré, âgé de trois ans, est présenté à la consultation pour modification comportementale (PHOTO 1).

Cas clinique

1. Anamnèse

Depuis quelques mois, la propriétaire de ce chat a noté un changement dans la nature des mictions et un comportement de marquage dans l’ensemble de l’appartement. Les jets d’urines sont nombreux, d’apparence normale, mais leur odeur est plus forte qu’auparavant. Le chat présente en outre une excitation sexuelle devant des objets (comme des coussins) et miaule beaucoup. Excepté ces changements récents, l’animal présente un bon état général. Les prises alimentaires sont normales et aucun trouble digestif ni aucun épisode d’abattement ne sont notés.

2. Commémoratifs

Les commémoratifs rapportent deux castrations successives à quatre mois d’intervalle. En revanche, le résultat de ces interventions chirurgicales, qui ont toutes deux été pratiquées par voie périnéale, n’est pas connu. À chaque fois, le chat a eu des difficultés pour récupérer. La propriétaire signale également une infection urinaire postopératoire, avec un épisode de pyurie et une convalescence de près de six mois.

3. Examen clinique

L’examen général ne met pas en évidence d’anomalie particulière. Le chat est vif et présente un bon état général.

La palpation attentive du périnée et de la région scrotale confirme l’absence de testicules. La palpation abdominale, en particulier des creux inguinaux, est normale, mais rendue délicate par le tempérament vif du chat et son épais pelage.

Suite à l’examen clinique et au recueil des commémoratifs, l’hypothèse diagnostique retenue en premier lieu est la persistance d’un testicule ectopique sécrétant.

Les autres hypothèses diagnostiques comprennent :

- un trouble fonctionnel de la miction (infection de l’appareil urinaire, urolithiase, trouble neurologique) ;

- un trouble comportemental ;

- un dysfonctionnement humoral à l’origine d’un syndrome polyurie-polydypsie (peu probable).

Compte tenu des différentes interventions et de la convalescence difficile qu’elles ont entraîné chez l’animal, une exploration biologique des fonctions organiques et de la sécrétion de testostérone est proposée.

4. Examens complémentaires

• L’examen du culot de centrifugation des urines recueillies par cystocentèse se révèle normal.

• La numération et la formule sanguines ne présentent pas d’anomalie.

• Les valeurs des concentrations plasmatiques de l’albumine, des protéines totales, de l’urée, de la créatinine, des phosphatases alcalines et des transaminases GPT sont dans les intervalles de leurs valeurs usuelles respectives.

• La testostéronémie basale est de 1,1 nmol/l (valeurs usuelles : 1 à 20 nmol/l).

Les premiers examens ne montrent pas de défaillance organique ou de modifications hématologiques majeures. La testostéronémie mesurée ne permet pas de confirmer la persistance d’une sécrétion testiculaire hormonale.

L’hypothèse diagnostique principale, l’absence d’autres troubles organiques et le manque de fiabilité du simple dosage du taux hormonal sans stimulation motivent la réalisation d’une épreuve de stimulation testiculaire. Deux prises de sang sont réalisées à vingt-quatre heures d’intervalle, la seconde intervenant après une injection de 50 unités de HCG (gonadotrophine chorionique) :

- testostéronémie à T0 : 2,08 nmol/l ;

- testostéronémie à T + 24 h : 21,86 nmol/l.

En vingt-quatre heures, le taux de testostérone sanguin a donc été multiplié par 10,5 et est supérieur à 20 nmol/l. La différence est jugée significative et permet de conclure à la présence d’un testicule sécrétant [1].

5. Traitement chirurgical

Une intervention chirurgicale est pratiquée. Après une prémédication (diazépam(1), Valium®: 0,25 mg/kg, par voie intraveineuse ; chlorhydrate de morphine(1) : 0,05 mg/kg, par voie sous-cutanée), l’anesthésie est induite par l’administration d’un bolus de kétamine (5 mg/kg, par voie intraveineuse). Le relais anesthésique est pratiqué après intubation endotrachéale, par l’inhalation d’un mélange d’halothane (2 %) et d’oxygène pur. Un circuit anesthésique pédiatrique « ouvert » de type Bain permet de contrôler la ventilation.

Après la tonte de l’abdomen, un léger renflement de tissu adipeux est visible au niveau de l’anneau inguinal gauche. Une échographie des deux anneaux inguinaux permet d’objectiver la présence d’un testicule au niveau du canal inguinal gauche.

Un abord ménagé de l’anneau inguinal permet de dégager le testicule et de le réséquer (PHOTO 2). Le testicule retiré est réservé pour analyse histologique.

Le réveil du chat est normal et il est rendu à sa propriétaire. Un contrôle quotidien de la plaie est conseillé. Un anti-inflammatoire est administré (acide tolfénamique, Tolfédine®) pendant trois jours, à la dose de 4 mg/kg/j par voie orale.

6.Suivi postopératoire

La convalescence se déroule normalement. Quinze jours après l’intervention, le chat est revu pour un contrôle clinique et le retrait des points. La plaie a cicatrisé sans complication. La propriétaire rapporte un retour à un comportement normal, sans épisodes d’excitation sexuelle, ni marquage urinaire. Les urines n’ont plus la forte odeur constatée auparavant.

Une stimulation hormonale de contrôle est réalisée selon le même protocole que précédemment. Les taux de testostéronémie s’élèvent respectivement à 5,1 et 5,7 nmol/l et la différence n’est pas jugée significative.

L’examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse ne met pas en évidence d’images de développement néoplasique et confirme la nature testiculaire du tissu retiré.

Discussion

1. Épidémiologie

L’ectopie testiculaire est une affection rare chez le chat. Selon une étude de 1992, seuls 25 chats parmi 1 345 (1,9 %) admis en vue d’une castration ont présenté une anomalie testiculaire : 2 étaient monorchides (présence d’un testicule unique) et 23 étaient cryptorchides (cryptorchidie uni- ou bilatérale) [2]. D’après cette étude, le persan semble prédisposé à la cryptorchidie : pour cet effectif, 29 % des chats de cette race présentent une anomalie testiculaire. Les cryptorchidies unilatérales semblent plus fréquentes que les bilatérales (seulement 5 cas sur 23) [2, 4].

2. Diagnostic

Le diagnostic de l’affection est difficile à établir lorsque l’animal a déjà été castré ou qu’il a été recueilli alors qu’il était adulte.

• La recherche d’un testicule ectopique est indiquée lors de comportement urinaire anormal, de mictions malodorantes ou de comportement de marquage territorial exacerbé [2, 4].

• L’identification de caractères sexuels secondaires, comme la présence de spicules péniens kératinisés, a été proposée (PHOTO 3) [4]. Dans le cas décrit, la propriétaire a refusé un examen sous anesthésie générale en première intention et la recherche de spicules péniens n’a donc pas été pratiquée. Il n’a en outre pas été possible d’en identifier lors de l’intervention.

• La stimulation de la sécrétion de testostérone a été proposée chez des chats à comportements de mâles et sans testicule en position scrotale. La sécrétion de testostérone est pulsatile et varie sur un cycle de vingt-quatre heures. Il convient de différencier cette sécrétion d’une production extra-testiculaire physiologique. L’augmentation significative, après stimulation, caractérise une sécrétion hormonale testiculaire (voir l’encadré « Épreuves de stimulation de la sécrétion testiculaire de testostérone ») [1, 4, a]. Lorsque la testostéronémie basale, parfois non négligeable avant stimulation, reste inchangée après contrôle, l’hypothèse de la persistance d’un testicule peut être écartée.

Le chat présente en outre la particularité d’avoir une production de testostérone influencée par l’utilisation d’anesthésiques : la kétamine et les barbituriques abaissent ainsi la concentration plasmatique, alors que les α2-agonistes (médétomidine, xylazine) l’augmentent [a].

Dans le cas de ce chat, une testostéronémie après stimulation supérieure à 20 nmol/l a été jugée significative.

• L’examen de la cavité abdominale et des anneaux inguinaux peut permettre la découverte de testicules ectopiques. Une cryptorchidie bilatérale semble toujours associée à une localisation intra-abdominale. Lors de cryptorchidie unilatérale, le testicule ectopique semble en revanche pouvoir être situé indifféremment en position intra- ou extra-abdominale [2].

La migration normale des testicules s’effectue du pôle rénal vers le scrotum via le canal inguinal pour sortir de l’abdomen. La recherche du testicule ectopique peut nécessiter l’identification du canal déférent. Celui-ci part du testicule et passe par le canal inguinal, pour immédiatement se diriger vers l’entrée du bassin et vers le pénis.

En position abdominale, le testicule est le plus souvent retrouvé à proximité de la vessie [2].

En position extra-abdominale, le testicule ectopique est retrouvé au niveau du canal inguinal, délimité par l’anneau inguinal profond (passage triangulaire bordé par les muscles droit de l’abdomen, oblique externe et oblique interne) et l’anneau inguinal superficiel (passage elliptique formé par la séparation des fibres de l’aponévrose externe du muscle oblique abdominal externe) [2, 3].

Lors d’ectopie unilatérale, aucune prédisposition n’a pu être mise en évidence pour le côté gauche ou droit.

• Compte tenu de l’égale répartition des cas d’ectopie abdominale ou extra-abdominale, un abord postérieur médian de l’abdomen est conseillé. Dans un premier temps, les anneaux inguinaux sont inspectés après dissection du coussinet adipeux, à partir de l’incision médiane. Puis, en cas d’échec, une laparotomie est indiquée [2]. Dans le cas décrit, l’échographie inguinale a permis d’identifier des structures testiculaires. L’inspection de l’anneau inguinal superficiel gauche a permis de visualiser et d’éliminer le testicule ectopique, après dissection du tissu adipeux.

• À l’inverse du chien, les testicules ectopiques du chat ne montrent pas de critères histologiques de malignité [2, 4]. L’analyse anatomopathologique n’a pas mis en évidence d’images tumorales chez ce chat.

La cœlioscopie pourrait être une alternative intéressante à la technique chirurgicale classique et constituer un outil supplémentaire pour permettre une recherche et une exérèse intra-abdominale moins traumatisantes.

  • (1) Médicament à usage humain.

Points forts

→ L’ectopie testiculaire est une affection rare chez le chat. Le chat persan semble prédisposé.

→ Chez un chat déjà castré ou recueilli alors qu’il était adulte, la recherche d’un testicule ectopique est indiquée lors de comportement urinaire anormal, de mictions malodorantes ou de comportement de marquage territorial exacerbé.

→ L’augmentation significative de la sécrétion de testostérone après stimulation permet de différencier une sécrétion d’origine testiculaire d’une production basale extra-testiculaire physiologique.

→ À la différence de ce qui est observé chez le chien, les testicules ectopiques du chat montrent rarement des critères histologiques de malignité.

→ Les anesthésiques peuvent modifier la production de testostérone chez le chat.

→ Les dosages hormonaux doivent être confiés à un laboratoire spécialisé. Une validation avec le technicien est nécessaire pour interpréter les résultats.

Congrès

a - Prélaud P, Rosenberg D, De Fornel P. Exploration gonadique. Dans : Prélaud P, Rosenberg D, De Fornel P. (eds). Tests hormonaux. Masson-AFVAC. Paris. 2002 : 145-180.

Épreuves de stimulation de la sécrétion testiculaire de testostérone

→ La testostérone est principalement sécrétée par les testicules. Sa production est pulsatile et varie au cours de la journée. Même chez un animal castré, une sécrétion résiduelle d’origine non testiculaire demeure. La variation de production et la persistance d’une sécrétion hormonale basale non testiculaire impliquent le recours systématique à un test de stimulation pour identifier une sécrétion testiculaire.

Différents protocoles sont indiqués :

1 GnRH 1 à 2 µg/kg, ou HCG 50 à 100UI, par voie intraveineuse et contrôle après 60 minutes [1].

2 GnRH 25 µg/kg, ou HCG 250 UI, par voie sous-cutanée et contrôle après 24 heures [2, 4].

3 HCG 300 à 500 UI, par voie intramusculaire et contrôle à 24 heures [a].

La stimulation est jugée significative lorsque T1 > 10 x T0.

Les prélèvements ne doivent jamais être pratiqués chez un animal anesthésié. Le sang prélevé est conservé sur un tube sec (analyse sérique) ou hépariné (analyse du plasma) [a].

→ Les valeurs usuelles de la testostérone sont : 1 à 20 nmol/l (à évaluer avec chaque laboratoire) [a].

→ Il convient de toujours vérifier avec le laboratoire sa capacité à pratiquer le dosage et de toujours préférer un laboratoire spécialisé en analyses biologiques animales. Il est également nécessaire de vérifier la qualité du dosage : les kits de dosage pour chien ne sont pas toujours compatibles [a].

D’après [1, 4, a].

  • 1- Médaille C. Test de stimulation à l’HCG chez le mâle. Dans : Vade-Mecum des analyses vétérinaires. Ed. MED’COM. Paris. 2002 : 152-153.
  • 2- Millis DL, Hauptmann JG, Johnson CA. Cryptorchidism and monorchidism in cats. J. Amer. Vet. Med. Assn. 1992 ; 200 : 1128.
  • 3- Smith BJ. Urogenital system. Atlas of feline anatomy for veterinarians. Hudson LC, Hamilton WP (eds). WB Saunders. Philadelphia. 1993 : 169-188.
  • 4- Verstegen J. Feline reproduction. Dans : Ettinger SJ, Feldman EC (eds). Textbook of veterinary internal medicine. 5th ed. WB Saunders. Philadelphia. 2000 : 1585-1598.
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