Les désordres et tumeurs histiocytaires du chien - Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003
Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003

CANCÉROLOGIE DU CHIEN

Se former

COURS

Auteur(s) : Pierre Maliver*, Marie Lagadic**

Fonctions :
*Laboratoire de cytohistopathologie,
95 rue Raspail,
94703 Maisons-Alfort Cedex
**Laboratoire de cytohistopathologie,
95 rue Raspail,
94703 Maisons-Alfort Cedex

Le diagnostic différentiel des désordres histiocytaires est difficile à établir. Il utilise les informations croisées de la clinique, de l’histologie et de l’immunohistochimie et conduit à des pronostics variés.

Les désordres et tumeurs histiocytaires du chien représentent un large éventail clinique, qui va du simple histiocytome cutané jusqu’à l’histiocytose maligne aux manifestations polymorphes. Certaines affections peuvent dérouter le praticien en raison d’un diagnostic différentiel large et de pronostics différents. Le recours à l’examen histologique est une étape essentielle de la démarche diagnostique car ces entités présentent, pour certaines, des caractéristiques histologiques spécifiques. D’autres, au contraire, sont d’interprétation délicate et peuvent nécessiter des analyses plus poussées, à la fois cliniques et immunohistochimiques. Cet article détaille les grandes entités parmi ces désordres et tumeurs histiocytaires du chien : l’histiocytome cutané, l’histiocytose cutanée, l’histiocytose systémique et le sarcome histiocytaire/histiocytose maligne (origine multicentrique) (voir le TABLEAU 1 «Comparaison épidémiologique, histologique, clinique et pronostique des différents désordres et tumeurs histiocytaires»).

Épidémiologie et clinique

1. Histiocytome cutané

L’histiocytome cutané dériverait des cellules de Langerhans et présenterait un immunophénotype différent du macrophage tissulaire [5, 7] (voir l’ENCADRÉ «Présentation de la population cellulaire histiocytaire»). Il demeure l’entité la plus connue et la plus fréquente des désordres et tumeurs histiocytaires : il représente 3 à 14 % des tumeurs cutanées du chien [3].

Il affecte préférentiellement les jeunes chiens, mais peut être observé à n’importe quel âge. Les boxers, teckels, cockers spaniels, dogues allemands et bull-terriers sont plus fréquemment touchés.

Cette tumeur se présente sous la forme d’un nodule cutané, le plus souvent unique. Il s’agit d’une lésion intradermique, souvent à croissance rapide, avec une peau légèrement éclaircie en surface (en macroscopie, l’histiocytome cutané est régulièrement blanchâtre à la coupe), parfois alopécique (ce qui explique également en partie l’éclaircissement de la peau) ou ulcérée. La majorité des nodules mesure entre 1 et 2 cm (0,5 à 4 cm). Ils sont observés préférentiellement sur la partie antérieure du corps (membres antérieurs, tête, pavillon auriculaire) [a].

Ce désordre histiocytaire a tendance à régresser spontanément en trois mois environ. Cette régression est régulée par des lymphocytes T cytotoxiques (CD8 positifs) [7]. L’aspect clinique est souvent évocateur, notamment chez le jeune chien.

Il convient toutefois de prendre en compte dans le diagnostic différentiel :

- un plasmocytome cutané ;

- un mastocytome dont l’aspect clinique est polymorphe ;

- toute inflammation nodulaire (notamment granulomateuse).

Le plasmocytome cutané est une tumeur du chien adulte (âgé de neuf à dix ans), qui intéresse plus particulièrement les races de grande taille, au niveau du tronc, des membres et de la tête (surtout le pavillon auriculaire). Il peut également être situé dans la cavité buccale (gencive, langue), ou même parfois au niveau du tractus digestif (rectum) et est généralement de faible agressivité locale.

Il existe des formes d’histiocytome cutané multiple (à ne pas confondre avec une histiocytose cutanée) et des formes régressives retardées (l’histiocytome a tendance à régresser spontanément : cette régression est alors plus longue qu’à l’accoutumée). Ces formes régressives retardées sont plus fréquemment notées lors d’histiocytomes multiples. Exceptionnellement, une migration ou des métastases aux nœuds lymphatiques peuvent être observées [a].

2. Histiocytose cutanée

L’histiocytose cutanée est également une prolifération histiocytaire, caractérisée par sa forme cutanée généralement multicentrique.

Elle affecte préférentiellement les jeunes chiens, plus particulièrement les golden retrievers et les bergers allemands [18].

L’histiocytose cutanée est considérée comme un désordre immunitaire, non néoplasique, multifocal, de cellules dendritiques dermiques activées [1]. Des formations nodulaires cutanées ou des plaques sous-cutanées multiples, parfois érythémateuses et infiltrantes, sont observées [a]. Il s’agit de lésions évolutives au comportement clinique aléatoire, qui peuvent régresser puis réapparaître. Ces lésions sont souvent confinées au derme profond et au pannicule adipeux ou peuvent intéresser également les nœuds lymphatiques de drainage, sans dissémination systémique.

En raison de l’évolution lente de cette affection, le diagnostic clinique différentiel fait intervenir :

- une panniculite nodulaire stérile ;

- un mastocytome multicentrique ;

- un mycosis fongoïde ;

- un mélanocytome (mélanome bénin) multicentrique ;

- une histiocytose systémique.

3. Histiocytose systémique

L’histiocytose systémique correspond à une prolifération de cellules dendritiques interstitielles activées qui affecte notamment le bouvier bernois de façon héréditaire [6, 10, 11], à l’âge adulte (sept ans en moyenne), quel que soit son sexe. Les chiens d’autres races peuvent également être affectés (notamment le golden retriever, le dobermann pinscher et le rottweiler) [10, a].

L’histiocytose systémique intéresse préférentiellement la peau mais, contrairement à l’histiocytose cutanée, elle affecte aussi un ou plusieurs autres organes [a] :

- la muqueuse nasale ou oculaire ;

- les nœuds lymphatiques ;

- le poumon ;

- le foie ;

- la rate ;

- la moelle osseuse.

L’histiocytose systémique est également considérée comme un désordre immunitaire non néoplasique.

Cette affection intéresse différents tissus, en particulier le plan cutané, les nœuds lymphatiques et parfois des sites oculaires (conjonctivaux et épiscléraux). Les lésions cutanées sont notées notamment au niveau du flanc, du museau, du chanfrein, des paupières et du scrotum. Il s’agit d’une maladie débilitante, d’évolution chronique : les symptômes «vont et viennent», avec des épisodes transitoires de rémission clinique. D’autres signes cliniques non spécifiques incluent une léthargie, une anorexie et une perte de poids. Des conjonctivites, des uvéites ou des glaucomes ont été constatés : il convient ainsi d’envisager une histiocytose systémique chez tout bouvier bernois qui présente des lésions oculaires.

L’analyse des viscères d’animaux euthanasiés montre en outre régulièrement des petits foyers histiocytaires disséminés, associés aux lésions macroscopiques constatées cliniquement.

Rentrent également dans le diagnostic différentiel une histiocytose cutanée, un mastocytome cutané multicentrique, un lymphome cutané multicentrique épithéliotrope (mycosis fongoïde) ou non, une histiocytose maligne, une dissémination cutanée d’un myélome multiple, un mélanome malin achromique multicentrique : il convient de prendre en compte toute affection tumorale (primitive ou métastatique) ou infectieuse à manifestation majoritairement cutanée et d’aspect nodulaire.

4. Sarcome histiocytaire/histiocytose maligne

L’histiocytose maligne est une prolifération histiocytaire rapidement évolutive et métastatique d’histiocytes d’aspect histologique malin.

Le sarcome histiocytaire correspond à une ou plusieurs tumeurs disséminées : le terme d’histiocytose maligne est employé lorsque l’origine de la prolifération (indistinguable cliniquement d’un sarcome histiocytaire disséminé) est multicentrique (et profonde).

Cette prolifération concerne également préférentiellement le bouvier bernois (facteur héréditaire, transmission polygénique, âge moyen de six ans) quel que soit le sexe, mais a aussi été décrite dans d’autres races (golden retriever, dobermann pinscher et rottweiler).

Le sarcome histiocytaire se développe à partir d’un site unique : il demeure localement invasif et métastase aux nœuds lymphatiques qui drainent la zone tumorale. Il est le plus souvent retrouvé primitivement dans le plan sous-cutané, mais d’autres localisations ont été observées [2].

L’histiocytose maligne, d’évolution rapide, se traduit entre autres par une léthargie, une anorexie, une perte de poids, une dyspnée et parfois des symptômes nerveux (parésie ou paralysie postérieure, convulsions, incoordination motrice) ou locomoteurs (boiterie, déformation et/ou douleur à la palpation d’un segment osseux).

Les symptômes respiratoires constituent fréquemment le motif de consultation.

Une anémie peut être constatée, parfois associée à une forme particulière d’histiocytose maligne (régénérative avec hémolyse ou non régénérative avec envahissement médullaire et érythrophagocytose par les histiocytes). L’atteinte organique s’accompagne de modifications biochimiques (comme une élévation des phosphatases alcalines et des transaminases ALAT lors d’envahissement du foie). Un syndrome paranéoplasique peut aussi être observé (hypercalcémie) [6]. La concentration de ferritine sanguine peut être augmentée, associée à la forme érythrophagocytaire [09].

La peau n’est pas l’organe «témoin» : les sites primaires sont la rate, les nœuds lymphatiques, le poumon, la moelle osseuse, parfois la peau et le tissu sous-cutané (notamment des extrémités) [a].

Les sites secondaires sont les nœuds lymphatiques hilaires lors d’atteinte pulmonaire primitive, le foie, puis ensuite les autres organes (dont la peau, ce qui toutefois reste rare). Le poumon présente régulièrement une consolidation diffuse, des opacités nodulaires ou des infiltrations diffuses superficielles, lésions qui expliquent facilement la dyspnée. Une lymphadénopathie médiastinale, sternale, périhilaire ou bronchique (PHOTOS 1 ET PHOTOS 2) peut être observée [13,14].

L’examen échographique montre souvent des nodules spléniques hypo-échogènes de 0,5 à 4 cm de diamètre, avec parfois des bords spléniques déformés. Les lésions du foie sont variables, avec des nodules hypo-échogènes, hyperéchogènes ou mixtes. D’autres organes infiltrés sont parfois détectés à l’échographie (reins, glandes surrénales, pancréas, tractus gastro-intestinal) [12]. La moelle osseuse et le liquide céphalorachidien peuvent être infiltrés : l’analyse cytologique duliquide céphalorachidien et celle du myélogramme sont donc intéressantes pour la démarche diagnostique. À l’autopsie, des lésions supplémentaires peuvent être retrouvées au niveau de la peau, du système nerveux central, des os, du cœur, des surrénales, etc.

Diagnostic

1. Histiocytome cutané

L’histiocytome cutané peut être diagnostiqué grâce à un examen cytologique ou histologique : il s’agit d’une population histiocytaire proliférative, dermique, superficielle et profonde, qui respecte les follicules pileux. L’épiderme est souvent hyperplasique ou ulcéré, avec parfois des crêtes épidermiques qui s’immiscent entre les histiocytes prolifératifs. Ces histiocytes apparaissent généralement bien différenciés, avec un noyau vésiculeux de taille modérée, à chromatine fine parfois micronucléolée. Leur cytoplasme est légèrement éosinophile, abondant, aux limites indistinctes. De nombreuses mitoses sont notées, malgré le caractère bénin de l’histiocytome. Des thèques de cellules histiocytaires sont parfois observées au sein de l’épiderme, qui peuvent ressembler aux micro-abcès de Pautrier (présents lors de mycosis fongoïde). Le noyau est de forme et de taille variables, parfois indenté (PHOTOS 3A ET PHOTOS 3B). Cette population histiocytaire peut s’accompagner de foyers nécrotiques et/ou lymphocytaires. Ces foyers lymphocytaires sont plutôt notés en région profonde et traduiraient, comme les foyers nécrotiques, un phénomène d’involution régulée par les lymphocytes T cytotoxiques. Ces cellules de Langerhans prolifératives expriment les antigènes CD1 (constitutifs des cellules présentatrices d’antigènes), CD11c, les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de classe II et l’E-cadhérine. En revanche, elles n’expriment pas l’antigène CD90 (Thy-1) spécifique des cellules dendritiques, ni le CD4 [8].

Le diagnostic histologique ne permet pas toujours d’exclure totalement, chez le chien adulte ou âgé, l’hypothèse d’un mycosis fongoïde d’aspect histiocytoïde. En effet, ces deux composantes cellulaires prolifératives (histiocytaire et lymphoïde T d’allure histiocytoïde) se ressemblent histologiquement et des thèques intra-épidermiques peuvent être notées pour ces deux entités, même si elles demeurent moins fréquentes lors d’histiocytome. Le recours à l’immunohistochimie peut être alors particulièrement utile afin de distinguer une population histiocytaire d’une population lymphoïde tumorale de type mycosis (laquelle sera CD3 et CD 8 positive) [8].

2. Histiocytose cutanée

L’analyse histologique, avec l’analyse de plusieurs formations nodulaires révèle une prolifération histiocytaire bien différenciée, rencontrée plus fréquemment au sein du derme profond et du tissu sous-cutané. Le derme superficiel est peu touché et il n’est pas observé d’épidermotropisme. L’histiocytose cutanée ressemble histologiquement à l’histiocytome, mais présente généralement un angiotropisme, avec des infiltrats périvasculaires essentiellement histiocytaires et lymphocytaires. Les autres types cellulaires inflammatoires sont en moindre quantité. Ces lésions peuvent envahir la paroi vasculaire (PHOTOS 4A ET PHOTOS 4B).

L’aspect histologique peut être délicat à interpréter lorsqu’un infiltrat cellulaire hétérogène, sans prédominance d’histiocytes, est présent : il peut être confondu avec une dermatite granulomateuse ou pyogranulomateuse, d’origine infectieuse ou idiopathique. Des colorations spéciales sont alors souvent requises pour éliminer un agent infectieux, parfois à compléter avec une recherche bactériologique.

Un bilan d’extension complet, avec analyse cytologique ou histologique des nœuds lymphatiques superficiels, est utile à l’établissement du diagnostic. Ces cellules dendritiques dermiques activées expriment, comme les cellules de Langerhans, les antigènes CD1, CD11c et du CMH de classe II. Elles expriment en plus les antigènes CD90 (Thy-1) et CD4 : ces antigènes sont présents respectivement pour les cellules dermiques dendritiques et pour les cellules dendritiques activées [16, 18].

Le suivi clinique (notamment une réponse satisfaisante au traitement mis en place) est indispensable afin de différencier plus particulièrement une histiocytose cutanée (chiens plutôt jeunes, sans symptômes généraux particuliers) d’une histiocytose systémique (bouvier bernois notamment ou chien adulte), qui affecte généralement aussi les muqueuses (nasales ou oculaires).

3. Histiocytose systémique

Histologiquement, l’histiocytose systémique se caractérise par des cellules dendritiques interstitielles activées, prolifératives, relativement bien différenciées : l’apparence histologique et immunohistochimique est similaire à celle de l’histiocytose cutanée. En outre, des foyers de nécrose vasculaire peuvent entraîner une nécrose secondaire, notamment cutanée. Les foyers angiocentriques sont notés aussi dans les organes internes atteints : l’hétérogénéité de l’infiltrat cellulaire nécessite également l’utilisation de colorations spéciales pour identifier un éventuel agent infectieux.

Le diagnostic dépend donc essentiellement de l’évolution clinique (syndrome chronique avec des phases de rémission, symptômes oculaires, etc.) et du bilan d’extension. L’immunohistochimie peut également être parfois utile pour différencier une histiocytose systémique d’un lymphome multicentrique, mais ne permet pas de différencier une histiocytose cutanée d’une histiocytose systémique.

4. Sarcome histiocytaire/histiocytose maligne

Lors de sarcome histiocytaire ou histiocytose maligne, les histiocytes apparaissent franchement atypiques. Il s’agit d’une composante cellulaire ronde, avec un noyau et un cytoplasme de grande taille ; les noyaux sont hyperchromatiques et macronucléolés (PHOTOS 5A, PHOTOS 5B, PHOTOS 6A, PHOTOS 6B ET PHOTOS 7). Des cellules géantes multinucléées sont aussi notées avec, dans certaines formes, présence d’érythrophagocytose, voire de leucophagocytose.

Des lésions intraparenchymateuses hétérogènes sont visualisées grâce à l’imagerie médicale (radiologie pulmonaire, échographies du foie et de la rate).

Le diagnostic peut donc s’appuyer sur des lésions radiologiques pulmonaires et échographiques, une analyse cytologique du LCR ou un myélogramme en cas d’atteinte de la moelle osseuse.

Le diagnostic différentiel est délicat lors d’histiocytose maligne car les organes affectés sont surtout internes : l’analyse histologique est donc particulièrement intéressante. Outre l’existence d’une prédisposition raciale du bouvier bernois, il convient de différencier, entre autres, l’histiocytose maligne d’un carcinome ou d’un sarcome en voie de généralisation, d’une granulomatose lymphomatoïde, d’un lymphome multicentrique, etc.

Pronostic et traitement

1. Histiocytome cutané

Lors d’histiocytome cutané, le pronostic est bon après exérèse chirurgicale : il s’agit dans la plupart des cas d’une lésion unique, avec un faible risque de récidive après exérèse.

Chez le chien âgé, il convient de suspecter, en cas de récidive ou d’apparition d’autres lésions cutanées (plaques, nodules) ou cutanéo-muqueuses, un mycosis fongoïde.

2. Histiocytose cutanée

Lors d’histiocytose cutanée, le pronostic est a priori favorable, car elle régresse parfois spontanément et réagit dans certains cas aux traitements immunomodulateurs ou immunosuppresseurs (prednisone aux posologies habituelles, voire ciclosporine en cas d’inefficacité) [a].

Le traitement doit cependant souvent être maintenu au long cours pour obtenir des résultats satisfaisants et être associé à la gestion des effets secondaires (par exemple des glucocorticoïdes) et/ou du coût conséquent pour le propriétaire de l’animal (ciclosporine).

3. Histiocytose systémique

Le pronostic de l’histiocytose systémique est réservé, davantage en raison de son caractère chronique débilitant et de sa mauvaise réponse aux traitements, qu’en raison de sa sévérité organique.

Des résultats encourageants avec la ciclosporine ont été obtenus dans une seule étude, mais ils restent à confirmer sur un plus grand nombre de cas et à comparer avec un lot témoin [1].

Les traitements classiques aux glucocorticoïdes et/ou cytotoxiques s’avèrent peu efficaces. La moyenne de survie est de neuf à dix mois (deux à quarante-huit mois) [11].

4. Sarcome histiocytaire/histiocytose maligne

Le pronostic est très réservé lors de sarcome histiocytaire, il est amélioré cependant en cas d’exérèse précoce et large d’une tumeur primitive bien circonscrite, localisée au plan sous-cutané.

Le pronostic est sombre pour l’histiocytose maligne (survie de quelques semaines à quelques mois). Les traitements actuels sont inefficaces : des essais ont été effectués avec de la doxorubicine(1) (Adriblastine®) ou de la doxorubicine liposomale(1), avec des résultats médiocres [15].

Des essais encourageants ont été réalisés en immunothérapie avec une lignée cellulaire humaine (cellule lymphoïde T cytotoxique), avec des temps de survie de neuf à vingt-deux mois : ce type de traitement reste malheureusement peu accessible et son efficacité nécessite d’être confirmée [17].

Les désordres et tumeurs histiocytaires restent à l’heure actuelle des entités mal connues pour certaines d’entre elles. L’origine même de la cellule histiocytaire impliquée dans ces différentes entités prête encore à discussion. La mise en place d’un traitement adapté et efficace reste en outre une gageure pour les affections les plus agressives. L’aspect clinique polymorphe de l’histiocytose systémique ou maligne nécessite donc une démarche clinique et diagnostique rigoureuse, qui associe souvent l’imagerie médicale (radiographie et échographie), la cytologie et l’histologie, voire l’immunohistochimie. L’évolution clinique est rapidement fatale lors d’histiocytose maligne, ce qui laisse parfois peu de temps pour entreprendre une large investigation clinique. Cette évolution est chronique et insidieuse lors d’histiocytose systémique, et le diagnostic différentiel est alors particulièrement large. Il convient donc de rester prudent devant l’apparition de lésions nodulaires cutanées multiples, quel que soit l’état général du chien, surtout s’il s’agit d’une race prédisposée comme le bouvier bernois.

L’âge moyen (plutôt jeune) de l’apparition de ces deux syndromes pour une affection cancéreuse du chien et leur gravité respective nécessitent l’apparition de traitements plus ciblés, donc plus efficaces. Il existe chez l’homme et d’autres espèces des affections similaires (notamment chez le chat ou chez le cheval).

  • (1) Médicament à usage humain.

Présentation de la population cellulaire histiocytaire

→ Les désordres et tumeurs histiocytaires mettent en jeu une catégorie cellulaire complexe : la cellule histiocytaire, avec d’une part la population monocyte/ macrophage et d’autre part la population des cellules dendritiques (dont les cellules de Langerhans).

→ Le monocyte est défini comme circulant, le macrophage est son homologue dans les tissus. Ce dernier a des dénominations spécifiques : par exemple, cellule de Kupffer dans le parenchyme hépatique.

→ Les cellules de Langerhans sont épithéliotropes et sont retrouvées en particulier dans l’épiderme. Elles font partie des cellules dendritiques présentatrices d’antigènes. Ces cellules dendritiques se trouvent dans différents organes lymphoïdes (rate, nœuds lymphatiques, etc.) ou demeurent interstitielles (donc dans divers organes non lymphoïdes comme le derme). Ces différentes populations peuvent être distinguées grâce à l’immunohistochimie.

→ Le monocyte/macrophage et les cellules dendritiques proviennent d’une même lignée médullaire. Sous l’influence de facteurs de croissance (chimiokines), se forment les cellules dendritiques épithéliales (cellules de Langerhans) CLA+ (cutaneous lymphocyte-associated antigen), des cellules dendritiques interstitielles CLA– ou des cellules dendritiques des organes lymphoïdes (voir la FIGURE «Phénotypes des différentes cellules présentatrices d’antigènes»).

→ Le rôle de cette population histiocytaire est fondamental dans la régulation cellulaire, immunitaire et métabolique de l’organisme. La régulation cellulaire s’effectue par l’élimination de cellules apoptotiques ou nécrotiques : l’histiocyte intervient donc dans l’homéostasie cellulaire. La régulation immunitaire s’exerce par son rôle potentiel de cellule présentatrice d’antigènes aux autres leucocytes (comme les lymphocytes B), et son rôle anti-infectieux par l’élimination (notamment par phagocytose ou par activation du complément) d’agents infectieux bactériens, viraux ou de cellules infectées [4]. La régulation métabolique s’opère en intervenant dans la transformation biochimique de certaines molécules endogènes ou de toxiques, notamment via les cellules de Kuppfer du foie.

→ La cellule histiocytaire est donc polymorphe et peut, notamment, être activée ou non (voir la FIGURE «Maturation des cellules phagocytaires mononucléées»). L’activation de cellules macrophagiques peut être d’origine immunitaire (sécrétion d’interféron par des lymphocytes T) ou non immunitaire (contact avec des endotoxines). Après activation, le macrophage peut sécréter nombre de substances biologiquement actives (facteurs de croissance comme TGF-β, des protéases, des facteurs de coagulation, etc.) [4].

Points forts

→ La population histiocytaire a un rôle dans la régulation cellulaire, immunitaire, anti-infectieuse et métabolique de l’organisme.

→ La réponse satisfaisante au traitement et le suivi clinique permettent de différencier une histiocytose cutanée d’une histiocytose systémique.

→ L’histiocytose systémique et l’histiocytose maligne repré-sentent 25 % des affections “tumorales” du bouvier bernois.

→ L’histiocytose systémique rentre dans le diagnostic différentiel de toute affection oculaire chez le bouvier bernois.

→ Une hypercalcémie et une hyperferritinémie sont des syndromes paranéoplasiques possibles lors d’histiocytose maligne.

Remerciements : Au professeur Dominique Begon, de l’unité fonctionnelle de radiologie de l’ENVA.

  • 1- Affolter VK, Moore PF. Canine cutaneous and systemic histiocytosis : reactive histiocytosis of dermal dendritic cells. Am. J. Dermatopathol. 2000;22(1):40-48.
  • 2- Affolter VK, Moore PF. Localized and disseminated histiocytic sarcoma of dendritic cell origin in dogs. Vet. Pathol. 2002;39(1):74-83.
  • 4- Cotran RS, Kumar V, Collins T. Acute and chronic inflammation. In : Pathologic basis of disease. Sixth edition, Philadelphia, WB Saunders Company. 1999:50-88.
  • 5- Kipar A, Baumgarner W, Kremmer E et coll. Expression of major histocompatibility complex class II antigen in neoplastic cells of canine cutaneous histiocytoma. Vet. Imunol. Immunopathol. 1998;62(1):1-13.
  • 6- Moore PF. Systemic histiocytosis of Bernese Moutain dogs. Vet. Pathol. 1984;21(6):554-563.
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  • 8- Moore PF, Affolter VK, Olivry T et coll. The use of immunological reagents in defining the pathogenesis of canine skin diseases onvolving proliferation of leukocytes. In : Advances in veterinary dermatology. Oxford, Butterworth-Heinemann. 1998:77-94.
  • 12- Ramirez S, Douglas JP, Robertson ID. Ultrasonographic features of canine abdominal malignant histiocytosis. Vet. Radiol. Ultrasound. 2002;43(2):167-170.
  • 14- Schmidt ML, Rutteman GR, Van Niel MH et coll. Clinical and radiographic manifestations of canine malignant histiocytosis. Vet. Quaterly. 1993;15(3):117-120.
  • 18- Withrow SJ, MacEwen EG. Small Animal Oncology. Third edition, Philadelphia, WB Saunders Company. 2001:718 pages.
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