Embolies fibrocartilagineuses chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003
Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003

NEUROLOGIE DU CHIEN

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EN QUESTIONS-RÉPONSES

Auteur(s) : Anne Thébault

Fonctions : 23, rue de la Fontaine
35290 Saint-Onen-La-Chapelle

Lors de myélopathie aiguë due à une embolie fibrocartilagineuse, une récupération fonctionnelle est envisageable chez les animaux modérement atteints si le diagnostic et le traitement sont précoces.

Les embolies fibrocartilagineuses de la moelle épinière sont des nécroses aiguës de la moelle provoquées par l’embolisation de matériel fibrocartilagineux dans les artérioles, dont l’origine pourrait être le disque intervertébral traumatisé [10]. Elles ont été décrites pour la première fois chez l’homme en 1961 et chez le chien en 1973. D’autres espèces de mammifères sont concernées : les chats, les chevaux et les cochons [1, 10, 14, 15]. Après un rappel anatomique de la vascularisation de la moelle épinière (voir l’ENCADRÉ « Vascularisation de la moelle épinière »), les hypothèses physiopathologiques de l’embolisation fibrocartilagineuse (ou EFC), puis les prédispositions raciales, sont abordées. L’examen clinique et le diagnostic différentiel, puis de certitude, permettent d’envisager son traitement.

Quelles sont les hypothèses physiopathologiques de l’embolisation ?

Les hypothèses ont été formulées à partir de deux observations principales :

- les embolisations fibrocartilagineuses sont observées dans les artères, les veines ou dans les deux ;

- la nature histochimique de l’embole est identique à celle du fibrocartilage du noyau pulpeux (nucleus pulposus) du disque intervertébral.

Le consensus à ce jour, est, que le matériel fibrocartilagineux retrouvé, associé à l’infarctus ischémique ou hémorragique de la moelle épinière, a pour origine le matériel discal.

Les différentes hypothèses évoquées sont les suivantes [4, 5].

• Le matériel discal pénétrerait directement au travers de la paroi des artères extrinsèques ou intrinsèques (artère spinale ou ses ramifications) de la moelle épinière. Cette hypothèse est peu probable en raison de l’épaisseur de la paroi des artères. L’entrée directe de matériel s’accompagnerait en outre de signes hémorragiques rarement observés à l’autopsie.

• La pénétration se ferait directement dans une veine ou un sinus veineux (le matériel discal a parfois été retrouvé uniquement dans le réseau veineux), puis un passage des sinus veineux au système artériel interviendrait par l’intermédiaire de communications artério-veineuses ou par transport rétrograde dû à une augmentation de pression abdominale (manœuvre de Valsava lors d’un accès de toux, au cours de la défécation, lors d’un exercice violent ou d’un traumatisme). L’existence de nombreuses communications artério-veineuses dans l’espace épidural pourrait expliquer une entrée rétrograde du système veineux vers le système artériel, mais aucun embole n’a jamais été mis en évidence à cet endroit. En outre, la taille de l’embole trouvé dans les artères semble trop élevée pour permettre un passage dans les communications artério-veineuses, même si celles-ci peuvent se dilater de façon importante lorsque la pression sanguine augmente.

• La hernie de matériel discal s’effectuerait à travers le plateau articulaire vertébral, dans l’os spongieux du corps vertébral, puis une entrée rétrograde dans le système sinusal veineux vertébral interviendrait. Ces amas de matériel fibrocartilagineux (« nodules de Schmorl ») sont retrouvés chez l’homme, mais ils sont rarement décrits chez le chien et ne l’ont jamais été chez un chien atteint d’EFC.

• Les embolisations de néoformations vasculaires de l’anneau discal dégénéré sont une autre hypothèse. La néovascularisation de l’anneau (à la suite d’une inflammation chronique) ou la persistance de vaisseaux embryonnaires pourraient permettre un passage direct, artériel ou veineux, du matériel du noyau.

• La production locale de cellules constitutives de la paroi vasculaire ou une métaplasie de celle-ci, puis la rupture luminale qui entraîne une embolisation au niveau de la vascularisation de la moelle épinière, ont été récemment suggérées. En effet, les cellules endothéliales des vaisseaux qui contiennent les emboles, entourant et recouvrant leur surface luminale, apparaissent parfois hypertrophiées à l’examen histopathologique. Parfois même, de nombreuses couches de cellules séparent l’embole de la lumière du vaisseau, ce qui évoque une production locale ou une métaplasie de la paroi, laquelle peut se rompre et entraîner une embolisation.

Certains auteurs [6, 12] indiquent que si le matériel rencontré lors des infarctus médullaires est généralement de nature fibrocartilagineuse, il peut également s’agir d’amas de cellules sanguines (lors de polycytémie ou de leucémie), de microfilaires (Dirofilaria immiti) ou d’emboles septiques (lors d’endocardites bactériennes ou autres infections chroniques).

Il n’existerait aucune corrélation entre le type de vaisseau atteint et les signes cliniques ou le pronostic. Dans tous les cas, la circulation sanguine doit être interrompue dans de nombreux vaisseaux pour qu’une myélopathie se développe. La moelle épinière est peu sensible aux infarcti qui intéressent la circulation extrinsèque, en raison des nombreuses anastomoses qui permettent une bonne compensation. La circulation intrinsèque est, en revanche, de type terminal et son déficit conduit à des lésions ischémiques importantes.

L’embolisation fibrocartilagineuse est-elle fréquente ?

Le nombre de cas d’EFC n’est pas connu avec précision, mais cette maladie est considérée comme rare [12].

En neurologie, elle est probablement sous-diagnostiquée et serait la deuxième cause de myélopathies aiguës après les hernies discales.

• Les races atteintes d’EFC confirmée sont toutes de type non chondrodystrophique. Les chiens de races de taille géante ou de grande taille sont prédisposés (voir le TABLEAU « Les principales races concernées par l’EFC »), probablement en relation avec des vaisseaux sanguins de plus grand diamètre et des pressions plus élevées dans le nucleus pulposus [5].

Chez les chiens de races non chondrodystrophiques, une dégénérescence discale fibreuse de type Hansen II peut se produire à l’âge adulte (métaplasie fibroïde qui survient normalement avec le vieillissement) ; la matrice du noyau reste souple et gélatineuse plus longtemps et est donc mécaniquement plus facilement injectée dans un vaisseau.

Chez les chiens chondrodystrophiques en revanche, le noyau subit prématurément une métaplasie chondroïde ; il est alors transformé en une masse de tissu hyalin calcifié qui a des propriétés mécaniques peu propices à des micro-injections [4].

• La majorité des chiens atteints a entre trois et sept ans, âge auquel la dégénérescence fibreuse des disques non chondrodystrophiques et la néovascularisation de l’annulus se produisent. La dégénérescence des disques n’est cependant pas le seul facteur en cause, puisque des chiens jeunes peuvent également être affectés par l’EFC.

• Il n’existe pas de prédisposition de sexe : mâles et femelles sont atteints selon une proportion équivalente.

• Certains auteurs [6, 7] ont mis en relation la fréquence des EFC rencontrées chez les schnauzers nains avec l’hyperlipidémie qui les affecte également.

•L’hyperlipidémie pourrait être à l’origine de micro-infarctus ou créer un milieu sanguin hypervisqueux propice à une micro-angiopathie.

• L’EFC se produit souvent lors d’un traumatisme ou d’un exercice physique important. Le traumatisme n’a pas besoin d’être sévère : il entraîne une augmentation de la pression dans le noyau discal et favorise l’embolisation. Les traumatismes et l’exercice entraînent aussi une augmentation de la pression intra-abdominale, d’où un retour veineux par les veines vertébrales et les sinus veineux. Une embolisation par voie rétrograde peut alors se produire [a].

Quels sont les signes cliniques ?

• Les troubles nerveux s’installent en moins de vingt-quatre heures dans 97 % des cas [4]. Il ne se produit pas ensuite d’aggravation des déficits, sauf si un phénomène de myélomalacie (autolyse médullaire, ascendante ou descendante) s’installe secondairement. Cette myélomalacie évolue et peut entraîner la mort de l’animal, en deux à trois jours (dix maximum).

Les propriétaires rapportent, dans la moitié des cas [4], un cri, une douleur ou un inconfort avant l’apparition des symptômes. Cette phase douloureuse est courte (une à deux heures). Elle est probablement due à l’extrusion du matériel fibrocartilagineux et à la stimulation des récepteurs nociceptifs dans l’os, le périoste, les ligaments et les méninges [5]. Elle est suivie de symptômes qui vont d’une ataxie ou d’une parésie modérée à une paralysie de type motoneurone central (MNC) ou périphérique (MNP), uni- ou bilatérale, éventuellement accompagnée d’une perte de sensibilité [7].

• Les déficits nerveux dépendent du segment médullaire atteint (voir les TABLEAUX « Lésions médullaires » et « Signes nerveux lors de motoneurone central et de motoneurone périphérique ») et de la sévérité de la lésion ischémique qui suit l’infarctus :

- un cinquième des cas confirmés d’EFC montrent une atteinte des motoneurones centraux (atteinte des segments médullaires C1-C5 ou T3-L3) ;

- quatre cinquièmes présentent une atteinte des motoneurones périphériques (atteinte des segments médullaires C6-T2 ou L4-S3). L’atteinte des MNP entraîne une flaccidité musculaire et est d’un mauvais pronostic.

Rien n’explique a priori cette localisation préférentielle [6], mais le nombre de chiens atteints de MNP est peut-être surestimé dans la mesure où, le pronostic étant défavorable, ces animaux sont plus « facilement » euthanasiés puis autopsiés, et donc classés dans la catégorie des « cas confirmés ».

La taille et le nombre des artères radiculaires ventrales dans la région thoracique sont toutefois moins élevés que dans les régions cervicales ou lombaires ; dans cette région, les disques intervertébraux sont également plus petits ; il est donc possible que l’embolisation y soit moins probable qu’ailleurs (mais que les conséquences de l’obstruction d’un vaisseau soient plus importantes [5].

Lors d’atteinte en région cervicale, les signes nerveux sont souvent asymétriques. Cette observation serait due au faible pourcentage d’artères centrales qui se distribuent de façon bilatérale en région cervicale, en comparaison avec les régions thoraciques et lombaires.

Une lésion unilatérale de la moelle, postérieure à T3, peut se traduire par une monoparésie/ plégie. En revanche, une lésion unilatérale antérieure à T3 entraîne le plus souvent une hémiplégie : une lésion C6-T2 unilatérale est presque toujours accompagnée de signes cliniques (MNC) sur le postérieur ipsilatéral.

• La sévérité de la lésion médullaire est liée de façon indirecte à la présence ou à l’absence de sensibilité profonde. L’absence de sensibilité profonde est de très mauvais pronostic. Elle s’apprécie par l’application d’un stimulus nociceptif au niveau d’une phalange ou d’un ongle. Ce stimulus doit entraîner une réaction cérébrale de l’animal (plainte, signe d’agressivité ou mydriase). La flexion du membre (réflexe de retrait) confirme l’intégrité du segment médullaire concerné, mais ne traduit pas la conservation de la douleur profonde [2].

Quand les intumescences cervicothoraciques, et surtout lombosacrées, sont atteintes, trois chiens sur quatre n’ont plus de sensibilité profonde : c’est le plus mauvais pronostic [4].

Les signes cliniques sont souvent latéralisés dans un premier temps, en raison de l’atteinte sélective des branches asymétriques de la vascularisation du parenchyme médullaire (notamment les branches centrales de l’artère médullaire ventrale). L’ischémie s’accompagne d’un phénomène œdémateux et les symptômes peuvent devenir symétriques. Quand l’œdème a disparu, seule la partie ischémique de la moelle entraîne des signes cliniques.

Il existe des cas [7] chez lesquels seul un quadrant de la moelle épinière est concerné par l’ischémie, voire une moitié de moelle, dorsale ou ventrale, d’où une discordance entre les signes moteurs et sensoriels, signe que la lésion médullaire est très localisée.

Une atteinte de l’intumescence cervicothoracique peut en outre entraîner un syndrome de Horner unilatéral et une absence de réflexe panniculaire, tous deux ipsilatéraux à la monoparésie. Ils correspondent à une atteinte des corps cellulaires préganglionnaires sympathiques localisés au niveau de la substance grise intermédiaire des segments médullaires T1, T2, T3 et à la destruction du centre moteur du nerf thoracique latéral à l’origine de la contraction des peauciers dorsaux. L’exploration des nerfs crâniens se révèle par ailleurs normale, sauf s’il existe également un embole dans le tronc cérébral [6].

Les chiens atteints d’EFC ne présentent pas d’hyperesthésie vertébrale ; en effet, seul le parenchyme médullaire, qui ne contient pas de récepteurs nociceptifs, est atteint.

Comment diagnostiquer une embolie fibrocartilagineuse ?

Le diagnostic d’une embolie fibrocartilagineuse se fait par exclusion, sur la base des signes cliniques (absence de douleur, déficits unilatéraux) et par radiographie et myélographie. Le diagnostic de certitude repose sur l’examen nécropsique.

1. Diagnostic différentiel

Il convient de distinguer l’EFC des traumatismes vertébraux (fracture/luxation), des hernies discales et des avulsions des plexus nerveux (en particulier du plexus brachial) qui entraînent également des signes aigus de parésie ou de paralysie non progressive.

Des commémoratifs de traumatisme, l’existence d’une hyperesthésie vertébrale et des examens radiographiques et myélographiques qui révèlent des signes de compression extradurale permettent de faire la différence [4, 5].

Des myélites focales, des lésions néoplasiques vertébrales ou méningées et des ostéomyélites vertébrales peuvent parfois entraîner des signes aigus de parésie ou de paralysie asymétrique ; ces derniers sont cependant d’apparition et d’évolution progressives, surtout en l’absence de traitement. Excepté lors de processus néoplasiques intramédullaires, les chiens concernés présentent des signes d’hyperesthésie vertébrale, ce qui est extrêmement rare avec l’EFC [4, 5].

2. Examens complémentaires

• Les radiographies sans préparation de la colonne vertébrale sont effectuées avec un maximum de précaution tant que l’hypothèse d’une fracture ou d’une luxation n’est pas totalement écartée. Elles sont normales dans plus de la moitié des cas. Les modifications parfois visibles sont des calcifications discales, des défauts d’alignement, une diminution des espaces intervertébraux ou des signes de spondylose.

Ces clichés permettent d’écarter les hypothèses de traumatisme, les spondylodiscites (inflammation des disques intervertébraux) et les néoplasies vertébrales [12].

• La myélographie indique dans la moitié des cas une augmentation du diamètre de la moelle à l’endroit de l’ischémie, en relation avec l’hémorragie parenchymateuse et l’œdème médullaire. Des compressions extradurales sont parfois observées [a].

Si une myélomalacie se développe, le liquide de contraste se mélange à des débris médullaires nécrotiques, ce qui donne une image floue et hétérogène [7].

La myélographie permet d’écarter les hypothèses de hernies discales ou les hémorragies médullaires [12].

• L’analyse du liquide céphalorachidien (LCR) est normale dans près de la moitié des cas d’EFC. Dans les autres cas, les changements sont peu marqués et non spécifiques : hémorragie, protéinorachie et pléocytose ou dissociation albuminocytologique (taux de protéines élevé et numération cellulaire normale). Il convient d’interpréter les résultats selon le temps écoulé entre l’accident vasculaire et le prélèvement, et selon le lieu de prélèvement par rapport au segment médullaire atteint [a]. Une pléocytose et un test de Pandy positif (augmentation de la concentration de protéines) sont toutefois révélateurs d’une rupture de la barrière hémato-encéphalique, donc de lésions plus sévères de la moelle [9]. Une xanthochromie du LCR est parfois notée [13].

Cette analyse permet toutefois de mettre en évidence d’autres causes de dysfonctionnement de la moelle épinière.

• Le scanner n’a pas une définition suffisante pour mettre en évidence la zone ischémique qui devrait montrer un épanchement du produit de contraste. Il peut éventuellement révéler, après la myélographie, un œdème de la moelle, sous forme d’une diminution du produit de contraste sous-arachnoïdien [a].

• L’imagerie par résonance magnétique est le procédé de choix pour confirmer les EFC chez les chiens. Elle permet d’identifier le site exact de l’affection, qui se manifeste par une hyperintensité intraparenchymateuse sur les vues en T2-pondérées.

3. Diagnostic de certitude

Le diagnostic de certitude repose sur l’autopsie et l’examen histologique de la moelle épinière.

• À l’autopsie, les lésions macroscopiques sont souvent limitées à un œdème de la moelle et, éventuellement, à une hémorragie [7]. La découverte d’une véritable hernie discale est rare, mais la dégénérescence discale est fréquente. L’EFC se produit à partir d’un disque dégénéré ou d’aspect normal.

L’embolisation artérielle est plus souvent rencontrée que l’embolisation veineuse ou mixte. Le type de vaisseau concerné et le segment médullaire atteint semblent être indépendants [a, 4].

• L’examen histologique de la moelle épinière met en évidence une nécrose hémorragique, une malacie (autolyse) de la substance grise et blanche, des macrophages contenant des inclusions lipidiques, une nécrose vasculaire, une dégénérescence axonale et, éventuellement, une infiltration par des neutrophiles [12, 13]. Les emboles présentent les caractéristiques histologiques et histochimiques du fibrocartilage trouvé dans les disques intervertébraux.

Quel traitement mettre en œuvre ?

Lorsque les autres hypothèses diagnostiques sont éliminées et que la lésion est intradurale, et n’entraîne donc pas de compression mécanique qui nécessiterait une intervention chirurgicale, la prise en charge de l’EFC est uniquement médicale et consiste principalement en un traitement de soutien. Il vise à limiter l’ischémie, l’œdème et les lésions de reperfusion.

• De nombreux traitements ont été envisagés [3, 6] : oxygène hyperbare, coma provoqué aux barbituriques, dexaméthasone, mannitol, DMSO (diméthyl-sulfoxide), naloxone(1) et TRH (thyroid releasing hormone). Leur efficacité est variable. Certains auteurs [3, 7] proposent l’administration de méthylprednisolone (Solu-Médrol®), bien que son efficacité n’ait jamais été démontrée scientifiquement. Ce traitement devrait débuter idéalement dans l’heure qui suit l’apparition des symptômes (huit heures après au maximum) [7]. Les doses étant particulièrement élevées (jusqu’à 30 mg/kg), un pansement gastrique et un anti-acide tel que la cimétidine(1) sont administrés (Tagamet®, à la dose de 5 à 10 mg/kg, par voie orale ou intraveineuse, toutes les six à huit heures) pour éviter les effets secondaires des corticoïdes [8]. Le prix d’un tel traitement chez un chien de race géante est toutefois souvent rédhibitoire.

Passé les huit premières heures, une dose anti-inflammatoire et anti-œdémateuse de corticoïdes à courte durée d’action est indiquée pendant quelques jours [4].

• Les soins (ou nursing) à apporter aux chiens atteints d’EFC sont particulièrement importants : vidange vésicale, changements de côté pour les animaux en décubitus latéral afin de limiter les escarres et diététique adaptée (apports calorique et hydrique suffisants) [4].

L’utilisation d’un lit de paille constitue un lieu de couchage économique (pour des raisons d’hygiène, un tapis matelassé peut lui être préféré). Il permet de prévenir l’apparition des escarres et maintient l’animal au propre et au sec (drainage des urines) [12].

Selon certains auteurs [9], la mise en place rapide d’une physiothérapie augmente les chances de guérison. Celle-ci est rendue possible par l’absence de douleur qui caractérise l’EFC. Il convient de l’instaurer dès l’établissement du diagnostic. Elle consiste en une conservation du tonus musculaire (rééducation fonctionnelle avec des mouvements de pédalage ou des massages, pendant dix à quinze minutes, trois à cinq fois par jour) et en un maintien du chien dans une position physiologique (assis, en position sternale, ou debout, éventuellement à l’aide d’un « hamac » qui passe sous le torse et le ventre), voire en une reprise de la marche (avec un soutien).

Une hydrothérapie (dix minutes, deux fois par jour) peut aussi être envisagée.

Les chiens qui ont une sensibilité profonde diminuée ou nulle peuvent être traités avec des stimulations électriques sur les membres concernés.

• Les chiens sont examinés régulièrement pendant les douze premières heures pour surveiller une éventuelle détérioration de leur état de santé : apparition d’une myélomalacie (ascendante ou descendante) et/ou disparition de la sensibilité profonde [5].

La récupération fonctionnelle est fonction de l’étendue de l’ischémie de la moelle :

- l’absence de sensibilité profonde est de mauvais pronostic car elle correspond à une lésion sévère et profonde du parenchyme médullaire ;

- les signes de MNP sont également de mauvais pronostic car ils correspondent à une destruction des corps cellulaires [5] ;

- les lésions unilatérales de la moelle (se traduisant par une monoplégie) sont, logiquement, de meilleur pronostic que des lésions transversales (responsables de lésions symétriques) [9].

• Une amélioration du statut neurologique est en général espérée dans les deux premières semaines qui suivent l’apparition des signes cliniques, mais la récupération maximale peut prendre plusieurs semaines et est souvent incomplète. Le pronostic chez les animaux qui ne présentent pas d’amélioration après ce délai est mauvais.

L’euthanasie est souvent inéluctable chez les chiens de race de grande taille, en raison des difficultés liées au nursing.

Un animal qui présente des signes asymétriques, non progressifs et la sensibilité profonde conservée sans lésions de moelle visibles à la myélographie, a des chances de récupérer complètement en quelques semaines. Inversement, des signes de MNP symétriques, une disparition de la sensibilité profonde et des modifications dans la composition du LCR, sont synonymes d’un pronostic réservé, voire mauvais.

L’utilisation de l’imagerie par résonance magnétique pour la mise en évidence des lésions et des études histopathologiques plus précises devraient permettre de mieux comprendre la physiopathologie de cette affection.

  • (1) Médicament à usage humain.

ATTENTION

La moelle épinière est peu sensible aux infarcti qui intéressent la circulation extrinsèque, en raison des nombreuses anastomoses qui permettent une bonne compensation. La circulation intrinsèque est, en revanche, de type terminal et son déficit conduit à des lésions ischémiques importantes.

Vascularisation de la moelle épinière

La connaissance de la vascularisation de la moelle épinière permet de mieux comprendre les différentes hypothèses physiopathologiques et les signes cliniques de l’embolie fibrocartilagineuse.

→ La vascularisation de la moelle épinière est de type segmentaire.

→ À chaque segment médullaire correspond une artère spinale segmentaire issue des artères vertébrales (segments cervicaux), intercostales (segments thoraciques) et lombaires (segments lombaires) qui proviennent directement de l’aorte. Ces branches spinales se divisent en artères radiculaires dorsales et ventrales qui forment un cercle artériel (plus ou moins incomplet au niveau des foramens). Les artères radiculaires dorsales forment un tronc artériel spinal dorsal semi-continu (artère spinale dorsale) qui court le long des sulci dorsaux (voir les FIGURES « Topographie de la vascularisation de la moelle épinière » et « Vascularisation artérielle de la moelle épinière »).

→ Ce tronc artériel vascularise le plan dorsal du parenchymemédullaire périphérique par l’intermédiaire d’anastomoses et d’artères radiales. Les artères radiculaires ventrales se rejoignent pour former l’artère spinale ventrale qui court dans la fissure ventrale médiane. Elle vascularise :

- le centre de la moelle osseuse épinière (substance grise et substance blanche profonde) par l’intermédiaire d’artères verticales ;

- la substance blanche ventrale et latérale par l’intermédiaire d’artères radiales.

→ Le réseau capillaire terminal est considérablement plus dense dans la substance grise que dans la substance blanche.

→ Le réseau veineux est de type anastomotique. Les veines principales sont situées au niveau des fissures médianes ventrales et dorsales, ainsi qu’au niveau des sulci dorsaux latéraux et ventrolatéraux ; elles forment un plexus veineux interne qui rejoint le plexus veineux épidural, puis les sinus veineux ventraux [2]

Points forts

→ Tous les segments médullaires peuvent être atteints par une embolisation fibrocartilagineuse, mais celle-ci est plus fréquente sur le segment lombaire caudal.

→ Le diagnostic est très réservé lors d’atteinte des neurones moteurs périphériques et de disparition de la sensibilité profonde.

→ Le diagnostic de certitude repose sur l’examen microscopique de la moelle épinière.

→ Les examens radiolographiques, la myélographie et l’analyse du liquide céphalorachidien, montrent des lésions peu caractéristiques.

→ En l’absence de compression médullaire, le traitement ne peut être chirurgical.

Congrès

a - Cauzinille L. L’embolisation fibrocartilagineuse chez le chien. CNVSPA (EDS). Congrès annuel, Paris. 1993 : 267-269.

  • 2- Cauzinille L. Traumatismes vertébraux et médullaires. 1re partie : Anatomie, physiopathologie et examen neurologique. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1992 ; 27(1): 7-14.
  • 3- Cauzinille L. Traumatismes vertébraux et médullaires. 2e partie : Biomécanique, traitement médical et chirurgical. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1992 ; 27(1): 15-24.
  • 4- Cauzinille L. L’embolisation fibrocartilagineuse chez le chien. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1994, 29(2): 161-164.
  • 5- Cauzinille L. Fibrocartilaginous embolism in dogs. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 2000 ; 30(1): 155-167.
  • 6- Cook JR Jr. Fibrocartilaginous embolism. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 1988 ; 18(3): 581-592.
  • 7- Cook JR Jr. Embolie fibrocartilagineuse. Point Vét. 1991 ; 23(n° spécial « Neurologie »): 615-620.
  • 8- Fuhrer L, Bichsel P. Les urgences neurologiques chez les carnivores domestiques. Rec. Méd. Vét. 1989 ; 165(12): 995-1003.
  • 9- Gandini G, Cizinauskas S, Lang J et coll. Fibrocartilaginous embolism in 75 dogs : clinical findings and factors influencing the recovery rate. J. Small Anim. Pract. 2003 ; 44(2): 76-80.
  • 12- Neer TM. Fibrocartilaginous emboli. Vet. Clin. N. Amer.-Small Anim. Pract. 1992 ; 22(4): 1017-1026.
  • 13- Poncelet L, Balligand M. Quel est votre diagnostic ? Point Vét. 1993 ; 25(153): 257-259.
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