Administrer un bolus nématocide n’empêche pas l’immunité - Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003
Le Point Vétérinaire n° 241 du 01/12/2003

STRONGYLOSES GASTRO-INTESTINALES DES BOVINS

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Christian Mage*, Dominique Kerboeuf**, Bernard Armange***

Fonctions :
*Institut de l’élevage,
Ester Technopole,
87 069 Limoges.
Groupement de défense sanitaire de la Corrèze,
rue Gaston-Ramon,
19 000 Tulle
**Unité «BASE» INRA,
37 380 Nouzilly
***Laboratoire Virbac,
06 515 Carros

Le contact hôte-parasite peut être suffisant pour que les bovins soient protégés des infestations par les strongles gastro-intestinaux l’année suivante.

L’immunité antiparasitaire acquise est modulée par différents facteurs (lactation, alimentation, âge, état hormonal, anthelminthiques administrés, espèce parasitaire) [6, 9].

L’âge de l’animal et la durée de pâturage sont des critères essentiels. Ainsi, en ce qui concerne les strongyloses gastro-intestinales, il est indispensable que les bovins s’infestent progressivement dès la première année d’herbe, dans la période été-automne, afin que le développement immunitaire soit suffisant. Si l’infestation est trop tardive en fin de pâturage, le phénomène d’hypobiose parasitaire hivernale limite les réactions immunitaires développées par les jeunes bovins.

L’acquisition de l’immunité contre les strongles a été étudiée après l’administration de bolus diffusant des principes actifs strongylicides.

Un protocole sur deux ans

Trente génisses de race Prim’Holstein, âgées de six à neuf mois, sont réparties aléatoirement en deux groupes de poids et d’âge moyen équivalents. À la mise à l’herbe, le 17nbsp;avril 2001, un bolus à libération continue de lévamisole au groupe C (Chronomintic®) et un bolus à libération séquentielle d’oxfendazole (Repidose Farmintic® 6x1250) au groupe R sont administrés par voie orale. Aucun autre traitement antiparasitaire n’est administré avant et pendant la durée de l’expérimentation(1).

Les deux groupes d’animaux pâturent sur une même prairie permanente (15 ha), mais séparément, avec un passage sur trois parcelles alternativement, jusqu’au 26 novembre 2001. Pendant cette première année de pâture, les génisses sont pesées tous les mois, d’avril à novembre. Des examens coproscopiques individuels (méthode Mac Master) sont effectués, ainsi que des dosages sériques du pepsinogène et des anticorps anti-Ostertagia (test Elisa). Les larves infestantes sont dénombrées dans l’herbe par prélèvement de quatre pincées de cent fèces par parcelle de 50 cm [7].

Fin novembre, les génisses sont rentrées en stabulation libre en un seul lot. Elles sont nourries pendant l’hiver avec du foin en libre-service et une complémentation de 1,2nbsp;kg/animal d’aliment du commerce.

Le 21 mars 2002, afin d’évaluer l’acquisition de l’immunité contre les strongles gastro-intestinaux après la première année de pâture, elles sont infestées artificiellement avec 60 000 larves de strongles (48 000 L3 d’Ostertagia et 12 000 L3 de Cooperia). Les mêmes contrôles parasitologiques qu’au cours de la première année sont effectués mensuellement de mars à mai (excepté les dénombrements de larves dans l’herbe). Les génisses sont sorties en deuxième année de pâture à partir du 10 juin.

Difficultés d’implantation des parasites

L’excrétion d’œufs chez les génisses de première année d’herbe et la coproculture (voir le TABLEAU 1 «Excrétion d’œufs de strongles gastro-intestinaux dans les deux lots») confirment la présence d’Ostertagia dans la caillette et de Cooperia adultes dans l’intestin grêle. Après l’infestation d’épreuve, les faibles niveaux d’excrétion observés traduisent les difficultés d’implantation des parasites.

• Reflets indirects de l’acquisition d’une immunité en première année de pâture, les comptages d’œufs par gramme de fèces (o.p.g.) de jeunes bovins non traités aux anthelminthiques effectués dans d’autres études se situent à des niveaux de 500 en première année et de 100 en deuxième année, soit un facteur de réduction de 5. Les données de cette étude vont dans le même sens.

• Le taux de pepsinogène est resté stable, voisin de 1 500 milli-unités, ce qui correspond à la présence d’environ 9 000 larves, taux minimal immunogène (VOIR LE tableau 2«Pepsinogène sanguin chez les génisses de première année d’herbe»). Ce paramètre est bien corrélé quantitativement à l’infestation larvaire chez les jeunes bovins. Le taux normal est compris entre 500 et 600 mU et le taux pathologique atteint 2 500 à 3 000 mU [6, 8].

• Les taux d’anticorps anti-Ostertagia mesurés dans cette étude ont évolué dans le même sens que les taux de pepsinogène, avectoutefois des différences significatives entre les groupes lévamisole et oxfendazole de juillet à septembre. Ce paramètre est relativement spécifique de l’infestation par Ostertagia, mais il est moins bien corrélé à la charge parasitaire que le taux de pepsinogène.

• La croissance est restée optimale et identique dans les deux groupes après l’infestation expérimentale (voir la FIGURE “Évolution des poids moyens des génisses”). Les conséquences zootechniques d’une infestation ont donc été contrôlées.

• Dans les prairies, la contamination par les larves de strongles en fin de pâturage semble peu élevée et identique dans les deux lots.

Les deux systèmes ont ainsi supprimé le risque d’ostertagiose en contrôlant le recyclage des parasites et l’apparition d’un pic infestant estival.

Avant la rentrée à l’étable, le taux d’infestation (9 000 larves d’Ostertagia) [8] et le temps de contamination (quatre mois chez des animaux immunocompétents) ont été suffisants pour qu’une immunité se mette en place [5, 6, 8]. L’excrétion était pourtant très faible en première saison d’herbe (o.p.g dix fois inférieurs à ceux classiquement rapportés chez des animaux non traités).

Deux systèmes différents

Les bénéfices sont globalement les mêmes dans les deux groupes. Les durées de relargage des principes actifs sont suffisamment longues pour “casser” les cycles parasitaires et décontaminer les pâtures, mais pas assez pour permettre l’acquisition de l’immunité.

Le bolus oxfendazole administré dans cette étude (groupe R) libère séquentiellement des doses curatives dont, la dernière cent cinq jours après l’administration, soit, dans cet essai, vers le 31 juillet 2001. Le bolus lévamisole (groupe C) libère une dose larvicide durant quatre-vingt-dix jours (après une première dose adulticide le jour de l’administration), soit jusqu’au 15 juillet 2001 environ. Le contact parasitaire est donc un peu plus précoce avec ce dernier (il n’y a pas d’implantation «immunogène» de larves entre deux séquences de relargage d’oxfendazole, comme le montrent les taux de pepsinogène), et l’ensemble des bovins est à la fois rapidement et faiblement infesté. Cela explique sans doute l’absence totale d’excrétion d’œufs jusqu’au mois d’août dans le groupe R, ce qui n’est pas le cas dans le groupe C. Un contact parasitaire est assuré dès trois mois après la mise à l’herbe chez 73,3 % des bovins du groupe C (lévamisole) contre 0 % dans le groupe R (oxfendazole). En fin de pâturage 100 % des animaux du groupe C sont infestés contre 66,6 % dans le groupe R. Dans le groupe C, l’excrétion d’œufs a été plus précoce durant la période printemps-début d’été chez quelques bovins comparativement à l’oxfendazole. À l’automne, tous les jeunes bovins du groupe C (lévamisole) excrètent à un niveau légèrement supérieur à celui des animaux du bolus d’oxfendazole (mais le niveau d’excrétion d’œufs de strongles n’est pas en relation avec le niveau d’infestation des bovins). Les taux de pepsinogène (infestation de la caillette) et d’anticorps sont plus faibles avec lebolus oxfendazole qu’avec le bolus lévamisole. Après la réinfestation, l’excrétion parasitaire reste faible, mais un peu plus élevée dans le groupe R (oxfendazole).

Les populations des larves infestantes identifiées dans l’herbe en septembre sont en outre significativement différentes.

  • (1) Aucune génisse n’a présenté de symptômes de bronchite vermineuse nécessitant la mise en place d’un traitement anthelminthique, ce qui aurait entraîné son exclusion de l’essai. Deux génisses sont mortes (suite à une fracture d’un membre dans le groupe C et à un étouffement au cornadis dans le groupe R).

  • (2) Les tests d’analyse de la variance et de la droite de régression ont été réalisés. Un seuil de significativité de 5 % a été retenu.

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