Conduite à tenir face à un chat FeLV positif - Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003
Le Point Vétérinaire n° 239 du 01/10/2003

VIROLOGIE DU CHAT

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Alexia Jongh-Aragon*, Luc Chabanne**

Fonctions :
*Département des animaux
de compagnie.
Médecine interne - ENVL
69280 Marcy-l’Étoile

Lors de suspicion d’infection par le virus FeLV, le rôle du praticien consiste à déterminer quel résultat de test reflète avec la meilleure probabilité le statut réel du chat.

Le virus leucémogène félin (FeLV) est un rétrovirus qui se réplique au sein de nombreux tissus dont la moelle osseuse, les glandes salivaires et l’épithélium respiratoire. Il est représenté par trois sous-groupes : A, B et C. Tous les chats infectés sont porteurs du sous-groupe A, éventuellement associé aux autres sous-groupes (B et C). Les sous-groupes B et C ne sont pas infectieux lorsqu’ils sont isolés. En revanche, ils peuvent agir par synergie avec le virus du sous-groupe A. Le sous-groupe A est donc présent chez 100 % des chats infectés et assure la transmission de chat à chat, ainsi que l’induction de la virémie et l’infection latente [4].

Comment interpréter un test positif pour le FeLV ?

1. Détection de l’antigène P27

Plusieurs protéines ou antigènes viraux sont identifiés et bien connus. Parmi ceux-ci, l’antigène p27, produit dans les cellules infectées, peut être détecté par immunofluorescence directe (IFD), ELISA ou immunodiffusion (voir la FIGURE “Production et relargage du virus à partir d’une cellule tumorale” ). Cette protéine sert de base au diagnostic sérologique.

Le test ELISA est fondé sur une réaction enzymatique liée à l’anticorps utilisé pour détecter l’antigène p27 dans le plasma ou le sérum : ce test est utilisé en routine pour dépister les chats infectés par le FeLV. Des techniques d’immunodiffusion rapide ont également été développées pour les tests effectués en routine et offrent des résultats comparables au test ELISA.

Le test IFD (immunofluorescence directe) détecte l’antigène p27 dans les cellules infectées (leucocytes et plaquettes) sur un frottis sanguin ou de moelle osseuse.

Contrairement aux tests sérologiques liés à la détection de l’antigène p27, les techniques de type PCR (Polymerase Chain Reaction) permettent de détecter les séquences d’acide nucléique viral (ARN) dans le sang, les tissus, les cultures tissulaires ou les prélèvements fixés, après l’amplification des séquences virales [6].

2. Un test ELISA en première intention

Différents cas de figure sont rencontrés après l’exposition d’un chat au virus FeLV (voir la FIGURE “Modalités de l’infection par le FeLV chez le chat” ) [5]. Lorsqu’un chat présente un test positif pour le FeLV, différentes interprétations sont possibles.

Un test ELISA (ou d’immunodiffusion rapide) est généralement réalisé en première intention pour dépister les chats infectés par le FeLV. Ce test est sensible : la détection de l’infection après l’exposition est rapide (quatre à six semaines après l’exposition virale) [1, 5]. Lorsque les causes de faux positifs sont écartées (erreurs techniques), un résultat positif chez un chat qui ne présente pas de signes cliniques indique une antigénémie p27 : le chat est virémique, de façon transitoire ou permanente.

Ces chats devraient être testés à nouveau par la méthode IFD (moins sensible, mais plus spécifique), avant qu’un pronostic à long terme ou que des mesures spécifiques ne soient proposées. Environ 90 % des chats IFD positifs asymptomatiques restent en effet infectés permanents.

Il existe des cas de discordance entre les résultats des deux tests. Les tests ELISA positif et IFD négatif peuvent ainsi être expliqués par une infection précoce, par la régression d’une infection avec virémie transitoire, par une infection séquestrée (infection focale atypique) et par un faux négatif en IFD. Le diagnostic différentiel entre ces différentes possibilités nécessite le renouvellement des tests ELISA et IFD deux à trois mois plus tard [1, 9]. Une autre solution consisterait à réaliser une PCR qui, en confortant l’un ou l’autre résultat, contribuerait à la détermination du statut réel de l’animal (une PCR positive peut toutefois être compatible avec une infection permanente, transitoire, atypique ou latente). La PCR est cependant réservée à des laboratoires bien équipés et expérimentés car de mauvaises manipulations des échantillons peuvent détruire le matériel nucléique fragile ou induire des contaminations croisées pouvant engendrer de nombreux faux positifs et faux négatifs [6].

3. Un second test trois mois plus tard

En pratique, le test ELISA reste la méthode diagnostique la plus employée. Un second test ELISA réalisé à trois mois d’intervalle permet d’éliminer les cas de virémie transitoire et d’infection régressive, mais ne peut pas distinguer une virémie persistante d’une infection séquestrée (porteur sain). Le diagnostic différentiel entre ces deux infections peut être établi par la constatation de résultats ELISA positif et IFD négatif trois à quatre mois plus tard (ce qui confirme une infection séquestrée) ou ELISA positif et IFD positif (compatible avec un état virémique persistant). Cette distinction présente un intérêt car, dans le premier cas, les chats ne semblent pas contagieux pour les autres chats en contact (excepté lorsqu’ils évoluent vers un état virémique persistant).

Comme aucun test n’est fiable à 100 % et que chaque test cible préférentiellement un type d’échantillon ou un stade de l’infection, il est probable d’obtenir des résultats des tests non concordants. Le but du praticien consiste alors à déterminer quel résultat de test reflète avec la meilleure probabilité le statut réel du chat [6].

Conduite à tenir face à un chat infecté permanent asymptomatique

Un chat virémique persistant nécessite un suivi médical étroit.

1. Mesures préventives

• Au sein d’une chatterie ou d’un élevage, il convient de mettre en place un programme d’identification et de séparation des chats infectés. Lorsqu’un chat FeLV est positif, tous les chats ayant été à son contact subissent le test de dépistage. Idéalement, un résultat ELISA positif doit être confirmé par un test IFD.

Les chats positifs sont isolés, puis testés à nouveau trois mois plus tard.

Les chats qui retournent à un statut négatif au second test ne sont pas réintroduits dans le groupe non infecté, jusqu’à l’obtention d’un résultat négatif à un troisième test, trois mois plus tard.

Les tests diagnostiques sont réitérés tous les trois mois, jusqu’à ce que tous les chats résidents soient FeLV négatifs.

• Lorsqu’un petit nombre de chats adultes cohabitent dans une maison, certains propriétaires peuvent choisir de maintenir le chat infecté par le FeLV en contact avec les autres chats adultes FeLV négatifs, si ces derniers cohabitent avec le chat infecté depuis plusieurs mois ou années. Le risque d’infection pour ces chats indemnes, ayant acquis un certain degré d’immunité vis-à-vis du FeLV, est alors d’environ 10 à 15 % [1].

En revanche, le risque infectieux est plus élevé chez les chatons âgés de moins de quatre mois (probablement en raison d’une immaturité des cellules macrophagiques) et il convient de séparer ceux-ci du chat infecté.

Cette approche est toutefois moins souhaitable qu’un programme de tests et de retraits comme décrit précédemment.

La vaccination contre le FeLV de chats indemnes vivant au contact de chats infectés ne garantit pas une immunité dans un environnement à forte pression d’infection [1].

Les chatons peuvent éventuellement être infectés par voie transplacentaire, mais la plupart sont contaminés lorsque leur mère les lèche et les allaite. Ainsi, si les chatons sont testés négatifs, il est souhaitable de les séparer rapidement de leur mère infectée. De même, une chatte FeLV positif doit être écartée de la reproduction.

• Afin d’empêcher la contamination des chats du voisinage, de statut inconnu, et d’éviter l’exposition des chats infectés à de nouvelles souches microbiennes, ces derniers ne doivent en aucun cas errer à l’extérieur. Cette mesure concerne tout particulièrement les chats qui vivent seuls chez un propriétaire (que le praticien rencontre le plus souvent).

• Au sein d’une chatterie, l’efficacité des procédures d’isolement est améliorée par la prise en charge des chats par ordre décroissant de sensibilité à l’infection et par le respect de mesures d’hygiène strictes.

• L’enveloppe virale est liposoluble et sensible aux désinfectants, au savon et à la chaleur. Le virus est donc rapidement inactivé dans l’environnement.

2. Mesures médicales

La longévité d’un chat asymptomatique infecté par le FeLV dépend des soins préventifs fournis. Certaines situations de stress pour l’animal, telles qu’une forte densité de population, l’introduction de nouveaux chats, la mise en pension, le changement de propriétaire ou un acte chirurgical, peuvent affecter défavorablement l’évolution de l’infection [1]. Il est en outre conseillé de donner à ces chats un aliment de haute valeur nutritionnelle, car une alimentation de mauvaise qualité ou inadaptée peut favoriser l’émergence d’infections opportunistes et les réactions immunitaires sont altérées lors de malnutrition [1].

Les chats infectés doivent être vaccinés régulièrement avec des vaccins tués contre l’herpès virus félin de type 1, le calicivirus, la panleucopénie et éventuellement, contre la chlamydiose et la rage. Aucune preuve de l’intérêt de vacciner contre le FeLV un chat FeLV+ asymptomatique n’a été établie [1, 4, 6].

Si une hospitalisation est nécessaire, le chat infecté est isolé des chats atteints d’autres maladies infectieuses.

Une coproscopie est idéalement réalisée tous les trois mois et suivie d’un traitement approprié.

Si des signes de maladie se développent, l’approche est identique à celle d’un chat FeLV positif qui présente les mêmes signes cliniques [3].

Conduite à tenir face à un chat infecté permanent symptomatique

L’infection par le FeLV peut conduire à l’apparition rapide des symptômes cliniques après l’installation de la virémie (quatre à huit semaines), secondairement à l’installation d’une leucopénie et d’une immunosuppression d’apparition aiguë, principalement chez des chats infectés dans leur jeune âge. Le développement de formes néoplasiques en revanche, nécessite des mois, voire des années.

1. Chimiothérapie lors de lymphome

Les lymphomes malins induits par le FeLV, de localisation médiastinale, digestive, rénale ou multicentrique, peuvent être traités par chimiothérapie de façon analogue aux autres lymphomes. Le statut FeLV positif ne semble pas influencer la réponse au traitement (rémission de plusieurs mois). En effet, la prévalence des lymphomes causés par le FeLV est probablement plus élevée que celle indiquée par les tests ELISA et IFD. Les chats provenant de chatteries infectées par le FeLV développent ainsi des lymphomes FeLV négatifs avec une fréquence 40 fois plus élevée que ceux appartenant à la population générale. Notamment, de récentes techniques, telles que la PCR, ont pu déceler de l’ADN proviral sur sept des onze chats FeLV négatifs atteints de lymphome [4].

Toutes les lignées cellulaires hématopoïétiques sont susceptibles de subir une transformation par le FeLV. Le traitement entrepris lors de leucémie aiguë (chimiothérapie) est peu satisfaisant.

2. Transfusion lors d’anémie

Les atteintes médullaires se traduisent par une anémie, une thrombopénie et/ou une leucopénie. L’anémieinduite par le FeLV est normochrome, normo ou macrocytaire, le plus souvent arégénérative. La transfusion sanguine (ou éventuellement l’apport d’Oxyglobin®) constitue la part la plus importante du traitement de l’anémie arégénérative. Il est peu probable que l’hémolyse à médiation immune soit une composante majeure de l’anémie due au FeLV : les glucocorticoïdes ne sont donc efficaces qu’occasionnellement.

3. Antibiotiques lors d’infection

En raison de leur état d’immunosuppression, les chats virémiques sont prédisposés aux infections secondaires opportunistes comme une stomatite bactérienne, des abcès, un pyothorax, une infection virale de l’appareil respiratoire supérieur, une péritonite infectieuse féline, une toxoplasmose, une hémobartonellose ou, plus rarement, une cryptococcose. Un traitement antimicrobien agressif peut réduire la morbidité associée à ces infections.

Lors d’infection persistante ou récidivante, il convient de tester ces chats pour le FIV (virus de l’immunodéficience féline), si cela n’a pas été fait précédemment : la co-infection par ces deux virus peut en effet conduire à une synergie marquée de l’immunodépression et de l’induction de la maladie clinique. Le FeLV n’induit pas de syndrome fébrile : la fièvre est donc un signe d’appel d’une infection simultanée.

4. Exérèse chirurgicale lors de fibrosarcome

Le virus du sarcome félin (FeSV) nécessite une infection concomitante par le FeLV pour se répliquer. Ces chats peuvent alors développer des fibrosarcomes qui croissent progressivement, ou régressent complètement en deux à six semaines. Le traitement consiste en une exérèse chirurgicale précoce, large et profonde. Si les marges d’exérèse ne sont pas saines (contrôle histologique), la radiothérapie peut être associée à la chirurgie afin de retarder les récidives.

5. Antiviraux

Les rétrovirus disposent de mécanismes qui leur permettent d’échapper à l’action de drogues antivirales et à la réponse immunitaire de l’hôte.

Les inhibiteurs de la reverse transcriptase, tels que la zidovudine(1) (AZT : mal supportée chez le chat) ou le phosphoryl-methoxyéthyladénine(1) (PMEA), inhibent la réplication virale mais n’éliminent pas le virus. L’administration d’AZT(1) ou de PMEA(1) peut atténuer la sévérité des maladies associées au FeLV. Les risques toxiques (hépatotoxicité, aplasie médullaire) dépassent souvent les bénéfices thérapeutiques. Leur utilisation devra donc être limitée à une administration à court terme chez des chats qui présentent des signes cliniques sévères et pour lesquels le traitement symptomatique s’avèrerait insuffisant [2].

6. Immunomodulateurs

Les drogues immunomodulatrices peuvent s’avérer utiles pour diminuer les signes cliniques associés à l’infection par le FeLV. Une étude expérimentale a montré que l’interféron (IFN) á(1) recombinant humain, administré à forte dose (1 à 10 UI/kg/jour, par voie intramusculaire), réduit la charge virale de façon temporaire, ce qui améliore l’état clinique de l’animal. Cependant, à ces doses, la formation d’anticorps limite son utilisation de trois à sept semaines. À faible dose (30 UI/jour par voie orale), une diminution des signes cliniques a pu être observée sans formation d’anticorps [8, 9].

De récentes études expérimentales suggèrent que l’interféron ã(1) serait davantage immunostimulant et induirait moins d’effets secondaires à forte dose que l’IFN á(1) [9].

D’autres études montrent un intérêt clinique (certain) de l’administration d’un interféron ù(2) (Virbagen®) contre le FeLV et le FIV [7]. Cet interféron possède des effets antiviral, immunomodulateur et antiprolifératif. Après une injection sous-cutanée à 1 MUI/kg/jour pendant cinq jours, associée à une thérapeutique classique (corticoïdes exceptés), des essais cliniques ont permis d’observer une augmentation du taux de survie chez les animaux FeLV positifs en phase symptomatique, d’autant plus élevée que le traitement était plus précoce. D’autres études sont actuellement en cours sur une durée plus longue (six mois) pour évaluer plus précisément la durée de rémission et ainsi mieux prévenir les rechutes par des traitements répétés. Les effets indésirables sont bénins et transitoires. Le coût du traitement (entre 4 et 4,50€euros HT le MU, prix centrales) constitue un frein à son utilisation.

Avec un suivi médical et un respect des mesures hygiéniques, les chats virémiques peuvent avoir une bonne qualité de vie pendant plusieurs années. La médiane de survie de ces chats FeLV+ asymptomatiques est de deux ans environ, dont 20 % vivent encore trois ans après la réalisation du test [3]. Il convient de diagnostiquer et de traiter les maladies aussi précocement que possible. L’administration d’antibiotiques à titre prophylactique est sans intérêt et risque de modifier la flore intestinale et de favoriser l’émergence d’antibiorésistance. Les corticoïdes renforcent l’état d’immunosuppression et il convient de les éviter, excepté lors du traitement d’affections spécifiques (affections autoimmunes ou allergiques). L’administration de glucocorticoïdes chez des chats non virémiques ayant été en contact avec des chats virémiques risque en outre de favoriser une infection latente.

Bien qu’il soit impossible de prouver l’absence de pathogénicité du virus pour l’homme, la preuve d’un risque pour la santé humaine n’a jamais été matérialisée.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) AMM non validée dans cette espèce pour cette indication.

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  • - Weiss RC, Cummins JM, Richards AB. Low-dose orally administered a-interferon treatment for feline leukemia virus infection. J. Amer. Vet. Med. Assn. 1991 ; 199(10): 1477-1481.
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