Intérêt et limites du dosage de la fructosamine - Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003
Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003

ENDOCRINOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Cécile Soyer

Fonctions : 32, rue Léon Bocquet
94100 Saint-Maur-des-Fossés

La fructosamine révèle la glycémie moyenne de l’animal sur les dix à quinze derniers jours. Ce dosage permet de compléter le diagnostic de diabète et d’en assurer le suivi.

La fructosamine résulte d’une réaction entre le glucose et les protéines appelée “glycation;”. Cette réaction est irréversible, physiologique, non enzymatique et dépend uniquement de la concentration en glucose et de la durée de contact entre le glucose et les protéines. La principale protéine plasmatique étant l’albumine, la demi-vie de la fructosamine se rapproche de celle de cette protéine, soit sept à dix jours 11. La fructosamine révèle la glycémie moyenne de l’animal sur les dix à quinze derniers jours.

La glycation est une réaction lente qui n’est pas modifiée par une hyperglycémie brusque et temporaire comme l’hyperglycémie de stress chez le chat. En revanche, des hyperglycémies transitoires répétées sont gardées en mémoire par les protéines.

Le dosage permet de diagnostiquer un diabète (avec une valeur prédictive positive forte) ou d’en assurer le suivi (un dosage mensuel permet de suivre la diminution de l’hyperglycémie) PHOTO 1.

Les particularités du dosage

Le dosage de la fructosamine repose sur son activité réductrice.

Cet examen, standardisé, est réalisé sur le plasma ou sur le sérum. Le prélèvement ne doit présenter aucune hémolyse ni hyperlipémie. Il peut être conservé quatre à sept jours au froid (entre 4 et 25 °C). Le sérum ou le plasma ne doivent pas être congelés 7.

La fructosamine étant le résultat de la glycation des protéines, une hypo-albuminémie (insuffisance hépatique) ou une hypoprotéinémie entraînent une baisse artificielle de la fructosamine. Il convient donc de demander, avec le dosage de la fructosamine, celui des protéines plasmatiques et de l’albumine 6.

Des variations selon l’activité thyroïdienne

Il existe un dosage qui permet de s’affranchir des modifications des protéines plasmatiques, qui consiste à doser l’hémoglobine glyquée. La réaction de glycation est la même que pour la fructosamine. Ce dosage, non disponible en France, permet de donner une image de la glycémie sur les six semaines qui précèdent (demi-vie de l’hémoglobine plus longue que celle de la fructosamine). La limite au dosage est alors représentée par les individus anémiés 9.

Les valeurs de la fructosamine sérique sont modifiées lors d’atteinte thyroïdienne : elles sont ainsi supérieures chez les chiens hypothyroïdiens 3. L’hypothèse reconnue en médecine humaine fait intervenir la diminution du turn-over protéique lors d’hypothyroïdie. Chez les chats hyperthyroïdiens, à l’inverse, les valeurs de la fructosamine sont inférieures à celles rencontrées chez les individus euthyroïdiens 5 ; elles augmentent ensuite au fur et à mesure du traitement.

Suivi au long cours du diabète chez le chien

Le dosage de la fructosamine peut être utilisé pour le suivi thérapeutique des chiens diabétiques (voir le TABLEAU «Utilisation de la fructosamine pour le suivi d’un chien diabétique» ).

Selon les études, les valeurs de la fructosamine chez le chien diabétique en cours de traitement sont variables : elles sont comprisesentre 250et 651mmol/l chez le chien correctement équilibré, avec une moyenne de 470 mmol/l. Chez les chiens qui échappent au traitement à l’insuline, les valeurs sont comprises entre 337 et 763 mmol/l, avec une moyenne de 544 mmol/l 1.

Les normes de la fructosamine sérique communément admises en France 9 sont :

- chez le chien sain : 250 à 380mmol/l ;

- chez le chien diabétique : > 380 mmol/l ;

- chez le chien diabétique “équilibré” : < 470 mmol/l ;

- chez le chien diabétique “mal équilibré” : > 500 mmol/l.

Chez le chien, le dosage de la fructosamine n’est utilisé que pour le suivi au long cours : il permet d’alléger les contrôles et d’espacer les courbes de glycémie.

L’instauration de l’insulinothérapie nécessite toutefois des courbes de glycémie sur douze à vingt-quatre heures, qui sont le seul moyen de déterminer avec précision l’heure et la valeur du nadir (valeur de la glycémie la plus basse) et d’adapter le protocole à chaque individu.

Des normes variables chez le chat

Chez le chat, la réalisation de courbes de glycémie est plus difficile. L’hyperglycémie de stress transitoire qui existe chez cet animal peut en outre modifier les valeurs ponctuelles de la glycémie. L’utilisation de la fructosamine pour le suivi des chats diabétiques semble donc intéressante : une seule prise de sang donne une image fiable de la glycémie sur les quinze jours qui précèdent. Les résultats méritent toutefois d’être nuancés.

Les normes de la fructosamine sérique chez le chat sont très variables selon les auteurs 8 :

- chez le chat sain : 145 à 340mmol/l ;

- chez le chat stressé : 204 à 350 mmol/l ;

- chez le chat diabétique : > 380 mmol/l.

La biliographie indique parfois des valeurs comprises entre 190 et 450 mmol/l chez les chats normaux 5. La valeur seuil communément admise est fixée à 380 mmol/l, mais, dans la pratique, les chats diabétiques atteignent des taux souvent supérieurs à 500 mmol/l.

Ne pas se fonder sur le seul dosage de la fructosamine

Que ce soit dans le cadre du diagnostic ou pour le suivi thérapeutique, le dosage de la fructosamine ne doit donc pas être utilisé seul, mais en corrélation avec le tableau clinique et les autres examens complémentaires (sanguins et urinaires) 2.

-•Si la glycémie est comprise entre 2,2 et 3,6 g/l (soit entre 12 et 20 mmol/l) et qu’elle ne s’accompagne d’aucun symptôme clinique ni de glucosurie, le diabète est exclu.

-•Si le chat présente une glycémie supérieure à 3,6 g/l (20 mmol/l), des symptômes cliniques et une glucosurie, le diabète est en principe certain. Il existe néanmoins des hyperglycémies de stress qui, si elles durent plusieurs heures, finissent par induire une glucosurie secondaire. Un dosage complémentaire de la fructosamine supérieur à 450mmol/l permet alors de confirmer le diagnostic.

Une valeur de référence

Dans le cadre du suivi, il n’est pas possible de s’affranchir complètement de quelques courbes de glycémie qui permettent d’établir l’heure (type d’insuline) et la valeur (posologie de l’insuline) du nadir.

Lorsque le chat est correctement équilibré, un dosage de la fructosamine est effectué et constitue la valeur de référence individuelle du chat traité. Ainsi, par la suite, lorsque le tableau clinique varie, un dosage de la fructosamine seul permet de juger de la qualité du contrôle de la glycémie PHOTO 2.

Le dosage de la fructosamine doit être espacé d’au moins quinze jours par rapport à une modification de l’insulinothérapie pour être significatif (demi-vie des protéines de sept à dix jours).

Intérêt et limites du dosage chez le chat

Le dosage sérique reste une aide précieuse chez le chat :

- pour s’affranchir de l’hyperglycémie de stress ;

- lorsque les propriétaires sont réticents : protocole simplifié au maximum ;

- lorsque le chat est inapprochable et qu’il doit être anesthésié pour réaliser les prises de sang (attention aux hyperglycémies induites par la xylazine et la métédomidine) ;

- pour espacer les courbes de glycémie dans le suivi des chats diabétiques.

Les limites de ce dosage sont :

- la variabilité des valeurs seuils admises : un dosage isolé est difficile à interpréter et il convient de le corréler aux autres examens et au tableau clinique ;

- comme chez le chien, le dosage de la fructosamine ne donne qu’une image globale de la glycémie sur quinze jours. Il ne permet pas de déterminer l’heure et la valeur du nadir. Quelques courbes de glycémie même partielles restent donc nécessaires.

Le dosage de la fructosamine sérique est un outil qui s’intègre dans le suivi des animaux diabétiques en le simplifiant, surtout chez le chat. Néanmoins, la prise en charge d’un animal diabétique, chien ou chat, et la mise en place d’une insulinothérapie reposent avant tout sur la motivation des propriétaires. La gestion d’un diabète reste en effet un engagement lourd pour l’entourage de l’animal. Le dialogue et l’encadrement qu’offre le praticien au cours de ces suivis longs et fastidieux sont primordiaux. Il convient de trouver le compromis entre l’intérêt médical, le confort de vie de l’animal et les possibilités des propriétaires !

En savoir plus

- Hébert F. Suivi du diabète sucré chez les carnivores domestiques. Point Vét. 2001 ; 32(212): 44.

  • 1 - Briggs CE, Nelson RW, Feldman EC. Reliability of history and physical examination findings for assessing control of glycemia in dogs with diabetes mellitus : 53 cases (1995-1998). J. Amer. Med. Vet. Assn. 2000 ; 217(1): 48-53.
  • 2 - Crenshaw KL, Peterson ME. Pretreatment clinical and laboratory evaluation of cats with diabetes mellitus : 104 cases (1992-1994) J. Amer. Med. Vet. Assn. 1996 ; 209(5): 943-949.
  • 3 - Dixon RM, Reid SWJ, Mooney CT. Epidemiological, clinical and biochemical characteristics of canine hypothyroidism. Vet. Record. 1999 ; 145 : 481-487.
  • 4 - Elliott DA, Nelson RW, Reusch CE et coll. Comparaison of serum fructosamine and blood glycosylated hemoglobin concentrations for assessment of glycemic controlin cats with diabetes mellitus. J. Amer. Med. Vet. Assn. 1999 ; 214(12): 1794-1798.
  • 5 - Goy-Thollot I, Daminet S. Le diabète sucré chez le chat. Pathogénie et diagnostic. Point Vét. 2000 ; 31(Numéro spécial “Endocrinologie clinique des carnivores domestiques”): 31-43.
  • 6 - Kaneko JJ, Kavamoto M, Heusner AA et coll. Evaluation of serum fructosamine concentration as an index of blood glucose control in cats with diabetes mellitus. Am. J. Vet. Res. 1992 ; 53(10): 1797-1801.
  • 7 - Médaille C. Dosage de la fructosamine sérique. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1997 ; 22(4): 349-350.
  • 8 - Medaille C. Vade-mecum des analyses vétérinaires. éditions med’com. 156 pages.
  • 9 - Pechereau D. Le chien diabétique : suivi du traitement au long cours. Point Vét. 2000 ; 31(Numéro spécial “Endocrinologie clinique des carnivores domestiques”): 23-29.
  • 10 - Reusch CE, Tomsa K. Serum fructosamine in cats with overt hyperthyroidism. J. Amer. Med. Vet. Assn. 1999 ; 215(1): 1297-1300.
  • 11 - Thoresen SI, Bredal WP. Clinical usefulness of fructosamine measurements in diagnosing and monitoring feline diabetes mellitus. J. Small Anim. Pract. 1996 ; 37 : 64-68.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr