Détection des corps jaunes par palpation des ovaires - Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003
Le Point Vétérinaire n° 238 du 01/08/2003

REPRODUCTION BOVINE

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Philippe Escouflaire

Fonctions : France-Embryon,
38, rue de la Bellaudière,
44115 Haute-Goulaine

Les informations fournies par la palpation transrectale des ovaires chez la vache permettent d’apprécier la cyclicité, d’établir un diagnostic, voire de suspecter des erreurs dans la conduite alimentaire sur un lot d’animaux.

Dans certaines circonstances, il est essentiel de pouvoir s’assurer de la présence d’un corps jaune fonctionnel sur les ovaires d’une vache. Ce peut être le cas dans différentes situations d’infécondité (anœstrus ou pseudo-anœstrus, repeat-breeding, etc.), afin de détecter des troubles de l’ovulation. Il est également fondamental d’évaluer, par exemple, le statut ovarien d’une donneuse d’embryons juste avant le début du traitement de superovulation. La détection et l’appréciation des corps jaunes sur un groupe de femelles peuvent permettre aussi de suspecter des déficiences dans la conduite d’élevage.

Le dosage de la progestéronémie ne permet pas d’obtenir un résultat immédiat, à l’inverse de l’échographie ou de la palpation transrectale.

À l’heure où l’échographie devient un examen complémentaire de routine, les informations données par une simple palpation transrectale des ovaires tendent à être un peu négligées. Or, une démarche diagnostique simple, mais rigoureuse, permet d’obtenir par ce moyen des renseignements fiables et précieux sur le fonctionnement ovarien d’un individu. Pour y parvenir, il est indispensable :

- de palper les ovaires en dehors de la période des chaleurs ;

- d’effectuer une bonne diagnose différentielle entre le follicule et le corps jaune.

Rappel de physiologie ovarienne

L’apparition de la cyclicité ovarienne, donc de la puberté, intervient entre six mois et un an. Elle est dépendante de facteurs génétiques et alimentaires. En particulier, des animaux bien nourris de race prim’Holstein peuvent être cyclés dès l’âge de six mois, alors que des génisses de race allaitante ayant subi une période de restriction alimentaire, ou dont le potentiel de croissance est très élevé, ne sont pas toujours cyclées à dix-huit mois.

Dès le premier œstrus, l’ovulation d’un follicule se produit normalement tous les dix-neuf à vingt-deux jours. Cette ovulation n’est que l’événement exceptionnel du cycle : en effet, la croissance folliculaire est continue tout au long de la vie de l’animal en bonne santé, y compris pendant la gestation. Entre deux ovulations, une à trois vagues de croissance folliculaire apparaissent. Pour chaque vague, un groupe de follicules entreprend une croissance qui se termine en général par la régression et exceptionnellement par l’ovulation d’un des follicules.

Le follicule est une sphère liquidienne qui se développe au sein de l’ovaire pour, en général, affleurer à la surface de celui-ci. La paroi qui délimite le follicule est une fine membrane (voir la FIGURE “Aspect extérieur de coupe du follicule et du corps jaune chez la vache” ; et PHOTO 1).

L’évolution de ce follicule, quand il devient follicule de De Graff (donc destiné à ovuler), se fait en deux étapes :

1 rupture plus ou moins hémorragique de la paroi et libération de l’ovocyte ;

2 transformation des cellules de la paroi en cellules lutéales, qui vont rapidement coloniser le caillot sanguin : c’est la formation du corps jaune.

Le corps jaune est donc un tissu qui se multiplie et qui, rapidement, déborde de la cavité dans laquelle il se multiplie par l’orifice d’ovulation (PHOTO 2).

Méthode d’examen des ovaires par palpation transrectale

Le tractus génital repose en partie sur le plancher de la cavité pelvienne et se continue dans la cavité abdominale. Il est en général centré sur le plan médian. Les ovaires ont une position variable selon l’âge et le développement global du reste de l’appareil génital. Chez la génisse jeune, ils ont tendance à se trouver juste sous le pubis ou assez près de celui-ci, et de chaque côté du tractus génital. Avec les modifications de l’appareil génital, l’ovaire a tendance à se déplacer en s’éloignant du pubis et à descendre dans la cavité abdominale.

Ses dimensions sont comprises entre celles d’un haricot chez des animaux non cyclés et celles d’un œuf de poule en cas de pathologie. En général, la taille et la forme normales sont celles d’une amande. En l’absence de follicules et de corps jaunes, la texture de l’ovaire est assez ferme et la surface légèrement rugueuse. Dans des cas pathologiques, il peut prendre des formes diverses et une taille nettement plus importante.

La préhension de l’ovaire relève de deux techniques possibles.

• Une technique “scientifique” ;. Après avoir repéré le col de l’utérus, la corne utérine et ses courbures sont suivies pour accéder à l’ovaire à l’extrémité de la corne. Cette méthode est utilisée lorsque la préhension est difficile (manque d’expérience, difficulté pour aboutir à l’ovaire, cas pathologiques).

• Une technique empirique, dite “pêche miraculeuse” ;. Connaissant le positionnement probable de l’ovaire, les doigts en forme de pince essaient de repérer et d’attraper une petite masse dure.

Une fois l’ovaire saisi avec les doigts en pince, il est nécessaire de le maintenir d’une autre manière afin de le palper avec le pouce. En général, à ce moment-là, l’ovaire est tenu par l’index en position antérieure et le pouce et le majeur en position latérale. L’index et le majeur sont alors glissés doucement par rotation du poignet sur la face inférieure de l’ovaire et de part et d’autre du pédicule ovarien. Il est alors normal de se retrouver avec l’ovaire placé sur l’index et le majeur, un doigt de chaque côté du pédicule ovarien et le pouce libéré pour palper la surface de l’ovaire.

Détermination du statut ovarien d’un individu

Le diagnostic du statut ovarien d’un animal est déterminé par l’appréciation de chaque ovaire individuellement, puis l’un par rapport à l’autre.

Chez un animal normalement cyclé, un des deux ovaires doit porter un corps jaune en dehors de la période péri-ovulatoire. C’est cet élément qui est recherché. Il est normal de pouvoir palper sur le même ovaire, ou sur l’autre, un ou plusieurs follicules. Il est inutile de palper les ovaires aux environs d’un œstrus : le follicule en croissance terminale (de De Graaf) et un corps jaune en régression peuvenet s’y trouver conjointement.

Chez la vache, la taille d’un ovaire au repos avoisine celle d’une amande (selon l’âge et la race). En général, un seul ovaire porte un corps jaune.

La première démarche consiste à s’assurer que les ovaires sont de tailles différentes. Le plus petit d’entre eux est l’ovaire “au repos” ;. Il convient de considérer que la différence de taille entre les deux ovaires équivaut à la taille d’une formation surajoutée, ou “organite” ;, présente sur l’ovaire fonctionnel :

volume ovaire fonctionnel = Volume ovaire au repos + n (“organite” ;)

L’examen commence par la palpation rapide de l’ovaire au repos, pour apprécier son volume et sa surface. De petites formations granuleuses (1 à 2 mm de diamètre) à la surface de l’ovaire ne sont pas forcément des corps jaunes peu extériorisés, mais peuvent être des corps blancs, c’est-à-dire des résidus non fonctionnels de corps jaunes des cycles précédents.

Si rien n’attire l’attention, passer au second ovaire.

L’ovaire supposé “fonctionnel” ; peut avoir une taille voisine de celle de l’ovaire au repos. Un examen minutieux est alors nécessaire pour vérifier l’absence ou la présence de toute formation surajoutée.

L’objectif de la palpation est la recherche et l’identification d’un corps jaune. La principale difficulté consiste en la diagnose différentielle entre le corps jaune et le follicule.

Quatre éléments fondamentaux sont appréciés (voir le TABLEAU “Diagnostic différentiel entre le corps jaune et le follicule” ; et PHOTO 3) :

- la présence ou l’absence d’un sillon disjoncteur entre l’“organite” ; et l’ovaire ;

- le caractère de la surface de l’“organite” ; : lisse ou rugueuse ;

- la présence ou non d’une cicatrice d’ovulation ;

- la texture souple ou dure.

Si l’ovaire fonctionnel porte réellement un corps jaune, avec ou sans follicule(s), une ovulation s’est bien produite.

Diagnostic individuel de l’infécondité

Le principal trouble ovarien à rechercher dans le cadre de l’infécondité est le défaut d’ovulation.

Si la différence de taille entre les deux ovaires est due à la présence d’un ou de plusieurs follicules, un défaut d’ovulation est alors suspecté, même dans le cas où ce follicule est partiellement lutéinisé.

Dans ce cas, au terme de kyste nous préférons celui d’anomalie ou de défaut d’ovulation. En effet, nous entendons parfois parler d’“absence d’anomalie” ; pour une femelle inféconde dont les ovaires sont en amande et de taille équivalente en milieu de cycle. Ne passons pas à côté de ce trouble, aussi sévère que le “beau” ; kyste, sphère liquidienne qui se rompt d’une simple pression manuelle.

Dans les deux cas, lors de l’œstrus, la croissance du follicule peut se faire, mais l’expulsion de l’ovocyte ne vient pas finaliser ce développement. Le follicule peut alors évoluer dans deux directions opposées :

- il continue sa croissance pour donner à terme un “kyste” ; ;

- il régresse ou devient atrétique, ce qui est alors interprété à tort comme une “absence d’anomalie” ;.

Or, dans les deux cas, un traitement adapté peut être nécessaire.

Diagnostic de groupe

Outre un diagnostic et un traitement individuel des troubles de la fécondité, l’examen gynécologique d’un lot de cinq à dix individus est un bon indicateur d’erreurs de conduite du troupeau. Les causes pathologiques et les facteurs de stress étant éliminés, les troubles de la fécondité peuvent souvent être rattachés à des erreurs alimentaires.

En effet, l’ovaire, voire l’utérus, réagissent aux conditions alimentaires excessives ou carentielles auxquelles ils sont soumis, au même titre que le reste de l’organisme.

Entre cinq et quinze jours après un œstrus, un des deux ovaires doit porter un corps jaune plus ou moins palpable. En écartant les animaux qui se trouvent hors de cette période, l’examen de cinq à dix animaux en postœstrus permet de déterminer les caractéristiques de la réaction ovarienne des femelles du lot (voir le TABLEAU “Orientation diagnostique obtenue par l’examen des ovaires d’un groupe de femelles” ;).

La palpation transrectale est à la portée de chaque praticien et apporte une aide précieuse au diagnostic individuel de l’infécondité. Les limites de cette technique sont repoussées par l’échographie des ovaires, qui a le mérite de visualiser précisément les structures folliculaires et lutéales, mais qui demande un équipement et une pratique adéquats.

De même, l’examen d’un échantillon représentatif de femelles dans un lot lors de troubles de reproduction doit être partie prenante dans l’analyse globale d’une fécondité défaillante, au même titre que les troubles sanitaires, la conduite d’élevage ou l’alimentation, points examinés par le vétérinaire conseiller de l’élevage.

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