Conduite diagnostique face à un nodule cutané - Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003
Le Point Vétérinaire n° 237 du 01/07/2003

DERMATOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Christine Rivierre

Fonctions : 14, rue Négresko - Bât. 1
13008 Marseille

Le nodule cutané est une lésion primaire fréquente qui peut prendre de multiples aspects et être le reflet de nombreuses affections, aussi bien strictement cutanées que systémiques.

Un nodule est une lésion solide ou semi-solide d’une taille supérieure à 1 cm de diamètre, souvent proéminente et qui peut s’étendre en profondeur dans le derme [3]. Il se forme par l'accumulation de cellules inflammatoires ou tumorales.

L’aspect des nodules est variable selon la taille, la localisation et la présence concomitante d’autres lésions, telles que l'alopécie, les ulcères ou les fistules (PHOTOS 1 et 2).

Les examens complémentaires à réaliser systématiquement en présence de lésions nodulaires sont simples, mais il convient de les effectuer dans des conditions optimales. De leurs résultats découlent un plan thérapeutique ou d'autres examens complémentaires qui permettent d’aboutir au diagnostic et au pronostic.

La première étape consiste à relever les commémoratifs, à réaliser l’examen clinique et à établir la liste des hypothèses diagnostiques. Il convient ensuite de réaliser un certain nombre d’examens complémentaires propres à l’exploration des nodules.

Première étape : déterminer l’étiologie des nodules

La première étape dans l’approche diagnostique des nodules est celle d’une démarche rationnelle qui prend en compte l’étiologie des nodules.

Un nodule peut être formé par l’accumulation de deux types de cellules : tumorales ou inflammatoires (voir la FIGURE “Principale dichotomie à envisager face à une affection nodulaire”).

Parmi les nodules tumoraux peuvent par exemple être cités, le lymphome cutané, le mastocytome, le mélanome, l’histiocytome, etc.

Lorsque le nodule est inflammatoire, une deuxième dichotomie s’opère entre une inflammation secondaire à une infection et une inflammation non infectieuse.

La liste des nodules inflammatoires qui suit est loin d’être exhaustive : lorsque le nodule cutané constitue la lésion primaire et principale du tableau clinique, une longue liste d’affections causales peut être dressée. Ces hypothèses sont étayées par les commémoratifs (espèce, âge de l’animal, race, milieu de vie, affections reconnues en France, etc.) et l’examen clinique (aspect du nodule, nombre, état général de l’animal, etc.) :

• Les nodules peuvent avoir une origine bactérienne : ainsi, les mycobactéries ou les bactéries filamenteuses du genre Nocardia ou Actinomyces forment des réactions pyogranulomateuses nodulaires, avec la formation de trajets fistuleux.

• Les nodules peuvent être de nature fongique. Le kérion constitue ainsi l’une des manifestations cliniques de la teigne. Des mycoses plus rares (cryptococcose, sporotrichose, blastomycose qui sévit aux États-Unis, etc.), dont la fréquence dépend du lieu géographique, peuvent également entraîner des nodules cutanés, d’où l'intérêt des commémoratifs qui concernent notamment les voyages dans d’autres régions ou à l’étranger.

• D’autres agents infectieux sont parfois responsables de la formation de nodules, comme certains virus (poxvirus, surtout chez le chat) ou des protozoaires (la leishmaniose présente parfois une forme nodulaire).

• Dans certains cas, la réaction inflammatoire se forme autour de corps étrangers (exemple classique de l’épillet) ou d’une substance amorphe (calcium, amyloïde, etc.) : il s’agit de nodules inflammatoires non infectieux.

• Parfois, aucune cause ne peut être identifiée : le nodule est alors qualifié de “(pyo)granulome stérile”.

• La dermatofibrose nodulaire du berger allemand, qui associe des nodules cutanés formés par une augmentation du collagène dermique, à une tumeur rénale ou utérine, constitue une entité particulière qui peut être classée dans la catégorie des nodules inflammatoires ou des nodules tumoraux bénins.

Deuxième étape : la cytologie

La cytologie est un test indispensable, à réaliser d’emblée. Ce geste simple, rapide et peu onéreux, est en effet souvent riche en renseignements et conduit parfois directement au diagnostic.

Le nodule est une lésion plutôt profonde par définition : toute cytologie réalisée en surface n’est donc pas de grande utilité dans la recherche de l’affection causale.

Le prélèvement en vue d’une analyse cytologique d’un nodule est réalisé par ponction à l’aiguille fine ou par écouvillonnage de trajets fistuleux lorsque ceux-ci sont présents. Le prélèvement est ensuite étalé sur une lame et coloré de manière classique (Diff Quick).

• L’intérêt premier de la cytologie est de fournir des renseignements sur la nature du nodule : tumorale (PHOTO 3) ou inflammatoire (PHOTO 4). D’une manière générale, les prélèvements tumoraux se traduisent par la présence d’une population de cellules homogènes, alors que lors d’inflammation, différents types cellulaires sont observés (soit granulomateux, soit pyogranulomateux). Il existe toutefois des situations plus ambiguës (tumeurs compliquées d’une infection secondaire, nodule unique métastatique lié à une néoplasie sous-jacente viscérale ou squelettique).

• La cytologie permet également dans certains cas de visualiser d'éventuels agents infectieux, comme lors de furonculose bactérienne (présence de Staphyloccocus intermedius au sein des neutrophiles dégénérés).

• Il est également possible de réaliser (ou de faire réaliser par le laboratoire) des colorations spéciales qui permettent la recherche d’organismes plus rares ou dont la mise en évidence nécessite des colorations particulières [1, 2, 3]. Une coloration Gram peut ainsi être complétée par une coloration acido-résistante pour la détection des bactéries du genre Nocardia. Cette même démarche se conçoit également lors de suspicion de mycose (PHOTO 5). Le diagnostic est ainsi directement établi grâce à ce test simple à mettre en œuvre et de résultat rapide.

• Le prélèvement réalisé pour la cytologie (ponction à l’aiguille fine ou écouvillonnage profond) peut être mis en culture, sans qu’il y ait besoin pour cela d’anesthésier ou de tranquilliser l’animal. Toutefois, la biopsie reste alors un test de meilleure qualité.

Troisième étape : la biopsie

Lorsque la cytologie ne fournit pas d’éléments suffisants pour le diagnostic ou lorsque le résultat est douteux, la biopsie devient nécessaire [3, a].

Lors de nodules de petite taille, une biopsie-exérèse peut se concevoir.

Lors de nodule de taille plus élevée, la biopsie est réalisée à l’aide d’un punch ou en côte de melon et elle est centrée sur le nodule (et non en périphérie de celui-ci). Plus la taille de la biopsie est élevée (punch de 8 mm ou côte de melon), plus elle est riche en informations. Il convient également de ne pas hésiter à réaliser plusieurs prélèvements afin d’accroître les chances de diagnostic.

• Comme la cytologie, l’analyse histologique permet en premier lieu d’établir une dichotomie nodule tumoral/nodule inflammatoire, puis nodule infectieux ou non infectieux.

• Certains éléments infectieux (bactéries, dermatophytes, mycoses profondes) ou non infectieux (calcium, amyloïde) peuvent être directement mis en évidence lors de la lecture des lames, avec la coloration classiquement utilisée hématoxyline/éosine.

D’autres types de colorations sont parfois utiles, voire dans certains cas indispensables à la visualisation des organismes :

le periodic acid schiff (PAS) ou Gomori’s methenamine silver (GMS) pour les éléments fongiques (PHOTOS 6 et 7) ;

- les colorations de type Gram, acido-résistantes pour les bactéries ;

- Giemsa ou bleu de Toluidine pour les mastocytes, etc.

Lorsqu’un processus infectieux est suspecté, un des prélèvements peut être conservé pour une éventuelle mise en culture ultérieure.

Quatrième étape : autres examens complémentaires

La réalisation d’autres examens complémentaires dépend du diagnostic établi à l’issue de l’exploration du nodule et toutes les possibilités ne peuvent être énumérées.

Il peut s’agir d’imagerie afin de dresser un bilan d’extension tumoral ou infectieux, d’analyses hématologiques ou biochimiques, de raclages cutanés (par exemple, nécessité de racler tout nodule de furonculose afin de déceler une éventuelle démodécie sous-jacente).

La démarche diagnostique face à un nodule cutané est donc relativement simple et fait appel aux examens complémentaires de base en dermatologie que sont la cytologie et l’histologie. Néanmoins, certaines règles sont à respecter pour leur réalisation afin d’optimiser les résultats. Ces examens complémentaires permettent dans certains cas d’aboutir au diagnostic et dans d’autres cas, constituent une base de départ et un moyen de sélection d’autres tests nécessaires à l’établissement d’un diagnostic plus complet ou d’un pronostic.

À lire également

a. Bensignor E. La biopsie en dermatologie vétérinaire. Action Vét. 2000, 53 : I-VII.

En savoir plus

- Carlotti D, Mathet J-L, Bensignor E. Aspects cliniques et histopathologiques des pseudo-néoplasmes cutanés chez le chien, le chat, le cheval et les ruminants I- Granulomes et pyogranulomes. Point Vét. 2000 ; 204(31): 45-55.

- Weber I, Guillot J, Mialot M. Affection mycologique féline. Diagnostic de la cryptococcose chez le chat Point Vét. 2001 ; 218(32): 79.

  • 1 - Jang SS, Biberstein EL. Laboratory diagnosis of fungal and algal infections. In : Infectious diseases of the dog and cat. 2nd Edition, Philadelphia, WB Saunders. 1998 : 349-357.
  • 2 - Jones RL. Laboratory diagnosis of bacterial infections. In : Infectious diseases of the dog and cat, 2nd Edition, Philadelphia, WB Saunders. 1998 : 179-185.
  • 3 - Scott DW, Miller WH, Griffin CE. Diagnostic methods. In : Small animal dermatology, 6th Edition, Philadelphia, WB Saunders. 2001 : 71-206.
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