Le vaccin RS/PI3/Pasteurelles est inactivé et innovant - Le Point Vétérinaire n° 236 du 01/06/2003
Le Point Vétérinaire n° 236 du 01/06/2003

PREMIER VACCIN TRIVALENT RESPIRATOIRE

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

En dehors de l’intérêt de combiner les trois valences RS/PI3/Pasteurelles, le vaccin innove dans la protection contre Mannheima hæmolytica.

Le principal intérêt du nouveau vaccin bovin que lance Intervet actuellement en France réside surtout dans la combinaison des trois valences respiratoires : par ordre d’importance le BSRV (virus respiratoire syncytial bovin), l’agent pathogène numéro un des affections respiratoires, Pasteurella hæmolytica (ou Mannheima hæmolytica selon la nouvelle nomenclature) et le virus PI3 (Para-influenza 3), moins pathogène mais certainement aussi initiateur de maladies respiratoires. 60 à 80 % des élevages sont séropositifs au PI3, ce qui témoigne, si ce n’est de sa grande pathogénicité seul, tout du moins de sa prévalence élevée.

Contre le PI3, l’indication validée par l’Agence nationale du médicament vétérinaire indique d’ailleurs que le vaccin prévient la réexcrétion du virus.

“Contre les BPIE”

Dans ce nouveau vaccin, la combinaison des trois valences respiratoires conduit à une indication large “contre les bronchopneumonies infectieuses en zootiques” selon l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Aucun vaccin bovin ne bénéficiait jusqu’à présent d’une indication aussi large.

La valence RS inactivée

La valence RS inactivée n’est pas la plus innovante de ce vaccin, mais c’est certainement celle qui sera la plus discutée par les praticiens.Ces derniers ont en effet encore en mémoire les effets indésirables graves qui ont conduit à l’arrêt de la commercialisation en janvier 1998 d’un vaccin RS inactivé (Vacores®).

Il est indéniable que des accidents post vaccinaux ont eu lieu avec deux vaccins inactivés, quelques mois après leur lancement. Cependant, il est tout aussi vrai que plusieurs gammes de vaccins inactivés sont commercialisées depuis plusieurs années dans le monde (Triangle® par exemple), sans que leur rapport bénéfices/risques soit considéré, loin de là, comme défavorable. Conclure que tous les vaccins avec la valence RS inactivée sont ou seront un jour à l’origine d’effets secondaires graves est donc faux. Néanmoins, avant d’approuver le vaccin Bovigrip®, la commission d’AMM a pris davantage de précautions que par le passé pour l’analyse des études d’innocuité.

L’efficacité contre le RSV

Pour évaluer l’efficacité des vaccins, l’épreuve virulente reste la meilleure des démonstrations.

Pour le RS, la reproduction expérimentale de la maladie est difficile, ce qui constitue un obstacle supplémentaire à la mise au point des vaccins. La démonstration de l’efficacité s’appuie donc aussi sur le taux d’anticorps circulants neutralisants, particulièrement ceux qui sont dirigés contre la protéine virale F (protéine dite “de fusion” à l’origine de la fusion des membranes des cellules infectées et de la formation des syncytia).

Épreuve virulente

Pour ce vaccin, un modèle expérimental a été validé chez des veaux âgés de trois à quatre mois en leur inoculant la moitié de la dose infectante par voie intra nasale (voie proche de la contamination naturelle) et l’autre moitié par voie intra trachéale, pour augmenter la sévérité de l’épreuve. Les animaux vaccinés et éprouvés trois semaines après la seconde injection n’ont alors pas (ou très peu) développé de signes cliniques de la maladie (score clinique compris entre 0 et 2 sur un total de 8). À l’inverse, une semaine après l’inoculation, les veaux témoins présentent un score clinique élevé (entre 5 et 8, dans une échelle de 0 à 8) la deuxième semaine après l’inoculation.

Cinq mois d’immunité

Parallèlement, les études de cinétique d’anticorps montrent une persistance de cette immunité pendant cinq mois, ce qui oblige, en cas de risque persistant, à revacciner les jeunes bovins ou, plus généralement, à réaliser un rappel annuel à l’automne, avant la période à risque de l’hiver vis-à-vis du BRSV.

Trois ans d’expérience

L’expérience de terrain apporte aussi son lot d’informations sur l’innocuité des vaccins et, dans une moindre mesure, sur leur efficacité lorsque les agents infectieux sont très répandus dans les élevages, ce qui est le cas ici pour le BRSV (et les deux autres valences du vaccin trivalent). Le responsable technique d’Intervet souligne que le vaccin est commercialisé depuis trois ans en Belgique, ainsi que dans tous les autres pays proches de la France : Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Royaume-Uni, Irlande, Suisse, Autriche, Italie, Espagne, Portugal. Cinq millions de doses ont ainsi été utilisées. En Belgique, le recul porte sur 1,5 million de doses, en particulier sur la race cular de blanc bleu belge, connue pour sa sensibilité aux affections respiratoires. « En Belgique Bovigrip® a même acquis une part de marché de 70 %. » Une recherche sur les bases de données bibliographiques internationales ne révèle aucune information alarmante sur d’éventuels effets indésirables graves du vaccin Bovigrip® (ou Bovipast® RSP, selon les pays). Les notices d’emploi mentionnent toujours la possibilité de réaction locale au site d’injection qui disparaît en deux à trois semaines, ainsi qu’une hyperthermie transitoire éventuelle dans les trois jours après l’injection.

RS inactivé versus RS vivant…

De notre point de vue, il n’est pas aujourd’hui possible de confirmer ou non la supériorité d’un vaccin RS inactivé ou vivant. D’autant qu’il n’existe pas de consensus d’experts sur ce point. En outre, il n’est pas sûr que les différences d’efficacité mises en évidence en station expérimentale, par exemple en termes de cinétique d’anticorps, correspondent sur le terrain à une différence d’efficacité notoire. « Les vaccins vivants atténués induisent une réponse en anticorps vironeutralisants plus élevée que les vaccins inactivés », écrivent, dans les proceedings du dernier congrès 2003 des GTV (p. 747), les chercheurs de Pfizer, qui s’appuient sur des travaux publiés en 1992. « La capacité de certains vaccins inactivés à induire une réponse immunitaire supérieure à celle des vaccins vivants modifiés a été démontrée [publié en 1984]  », peut-on lire à la page précédente des mêmesproceedingsdece congrès, dans une présentation d’essai comparatif signé Intervet (en présence d’anticorps colostraux). Chacun peut donc croire à la supériorité d’un des deux vaccins en s’appuyant sur des données scientifiques sérieuses, mais sans toutefois être sûr de celle-ci sur le terrain.

Anticorps colostraux

Dans ce dernier essai Intervet, réalisé dans la station expérimentale britannique réputée de Compton, l’objectif est d’évaluer l’interférence entre l’immunité colostrale chez de jeunes veaux (à partir de l’âge de deux semaines) et la réponse immunitaire. Les résultats révèlent un faible nombre de veaux réexcréteurs de virus (deux sur sept) après une seule injection de Bovigrip® et épreuve virulente trois semaines plus tard, alors que, dans le lot non vacciné, six veaux sur sept sont ré-excréteurs de virus après inoculation.

Cetessai, avec d’autres, explique que le vaccin puisse être utilisé dès quinze jours d’âge.

Technologie IRP

La nouveauté technique de ce vaccin – la technologie IRP (Iron Regulated Protein) pour lutter contre Mannheima hæmolytica – passe malheureusement au second plan devant l’intérêt de disposer d’un vaccin trivalent. Le principe de cette technologie repose sur le fait que Mannheima hæmolytica, comme beaucoup de bactéries en général, a besoin de fer pour se développer. À la surface de Mannheima, des protéines IRP captent le fer nécessaire.

Levaccin Bovigrip® entraîne la production d’anticorps anti-IRP en très grande quantité, car les souches vaccinales de Mannheima hæmolytica sont cultivées in vitro sur un milieu carencé en fer. Pour compenser cette carence, elle se dote d’une grande quantité de protéines IRP à sa surface. Lorsque ces cultures sont inactivées, ces protéines IRP, qui sont autant d’antigènes, entraînent une forte production d’anticorps spécifiques anti-IRP. Lors d’une infection naturelle chez un animal ainsi vacciné, ces anticorps viennent bloquer la captation du fer nécessaire à la multiplication des bactéries.

Protection croisée

Sur ce principe, cette technique évite donc la multiplication des bactéries avant la production des leucotoxines toxiques. En outre, un essai (non encore publié) montre une protection croisée de ce vaccin contre les deux sérotypes A1 et A6, tout du moins après épreuve virulente. En outre, contre les pasteurelles, ce vaccin est le seul à être indiqué chez des veaux dès quinze jours d’âge – un essai d’efficacité a été réalisé à cet âge avec une épreuve virulente avec le sérotype A1 –, alors que les autres produits mentionnent un âge minimal d’un mois (Tecvax®, Pasto­bov®) ou de trois mois (Rispoval® Pasteurella).

Le retour de la valence PI3

Après l’arrêt de commercialisation des deux vaccins contre le virus Para-influenza 3 (Virobov H® et Para III®), Bovigrip® est désormais le seul produit en France à contenir cette valence. Le coût de ce vaccin trivalent n’est heureusement pas l’addition de trois vaccins monovalents correspondants. Il se situe aux alentours de 15 % de plus que Rispoval® RS/BVD, leader sur ce marché des vaccins respiratoires bovins.

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