Potentiels évoqués visuels corticaux chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 234 du 01/04/2003
Le Point Vétérinaire n° 234 du 01/04/2003

OPHTALMOLOGIE DU CHIEN

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Serge G. Rosolen

Fonctions : Praticien exclusif
en ophtalmologie vétérinaire
Clinique vétérinaire
119, boulevard Voltaire
92600 Asnières

Comment différencier les potentiels évoqués visuels corticaux de l’électro-rétinogramme en pratique clinique ?

Les potentiels évoqués visuels corticaux (PEV) reflètent la réponse corticale induite par la conduction du signal rétinien le long de l’ensemble des voies visuelles. C’est un examen électrophysiologique qui est complémentaire de l’électrorétinogramme (ERG).

L’ERG permet une évaluation quantitative du fonctionnement rétinien (la réponse dépend du nombre de cellules qui réagissent à la stimulation) et les PEV permettent une évaluation plus « qualitative » de la fonction visuelle. En effet, dans certains cas, une altération marquée de l’ERG ne se traduit pas par une cécité car quelques cellules fonctionnelles situées dans l’area centralis peuvent suffire à assurer une vision réduite, difficilement quantifiable chez l’animal. À l’inverse, une tumeur compressive située dans le cerveau, au niveau des voies de conductions visuelles, peut entraîner une cécité sans altération de l’ERG.

L’enregistrement et l’interprétation des PEV restent toutefois difficiles à mettre en œuvre chez l’animal pour diverses raisons.

Un signal difficile à enregistrer

Le signal recueilli est de faible amplitude car il est « noyé » dans le bruit de fond électro-encéphalographique. Pour enregistrer un signal électrophysiologique discernable du bruit de fond, il convient :

1 de synchroniser la réponse de millions de cellules nerveuses avec une stimulation qui doit, pour ce faire, présenter des variations brèves de ses caractéristiques (comme un flash) ;

2 puis d’amplifier la réponse de ces cellules en améliorant le rapport signal/bruit selon la procédure suivante : un minimum de 50 stimuli sont délivrés et le signal est recueilli après chaque stimulation puis traité par sommation-moyennage. La réponse obtenue est alors de quelques microvolts [2].

L’anesthésie est nécessaire

• Si le stimulus utilisé est un flash, sa répétition cinquante fois constitue un facteur de stress pour l’animal et il convient de recourir à l’anesthésie. Les substances anesthésiques contribuent cependant souvent à modifier la réponse de l’activité corticale.

• Le recueil optimal des réponses PEV doit se faire en regard de l’aire visuelle primaire située en région occipitale [5]. Cependant, de toutes les espèces de mammifères, le chien présente la plus grande variabilité morphologique (du chihuahua au mâtin de Naples…) [1], avec des variations de l’écartement interpupillaire, de la taille de la boîte crânienne, donc de l’emplacement de l’aire corticale primaire.

• La technique de recueil, d’enregistrement et d’analyse du signal est délicate à mettre en œuvre, en raison des phénomènes adaptatifs rétiniens liés à la stimulation répétée [8, 10] (voir la FIGURE “ERG photopique”).

Enregistrement simultané des réponses PEV/ERG

Une façon pratique d’étudier les PEV consiste à faire l’enregistrement simultané ERG/ PEV du même œil chez le même animal.

• Ces enregistrements sont réalisés chez quatre jeunes chiens adultes de race beagle (deux mâles, deux femelles) déclarés normaux à l’issue d’un examen clinique qui inclut une investigation ophtalmologique complète, effectuée soixante-douze heures avant les enregistrements électrophysiologiques.

• Après une dilatation pupillaire pharmacologique (tropicamide(1), Mydriaticum®) bilatérale et maximale, les animaux sont anesthésiés à l’aide d’une injection intramusculaire unique d’un mélange de médétomidine (Domitor®, 0,04 mg/kg) et de kétamine (Imalgène®, 5 mg/kg), actif pendant quarante minutes.

• L’appareilquipermet d’effectuer les stimulations, l’analyse et le traitement des signaux ERG et PEV de façon reproductible [7], selon les recommandations du Comité européen d’harmonisation des ERG chez le chien [4], est un Visiosystem®(2).

• Pour chaque animal, l’œil testé est maintenu ouvert au moyen d’un clip qui sert d’électrode active pour l’enregistrement de l’ERG [3]. Afin d’étudier la morphologie des réponses recueillies et de les comparer avec celles de l’ERG qui sert de référence, l’électrode active utilisée pour l’enregistrement des PEV est placée (en position sous-cutanée) successivement en quatre positions différentes couramment utilisées pour recueillir des réponses électrophysiologiques [9] (voir la FIGURE “Stimulation monoculaire…”).

• Le stimulus consiste en la délivrance de soixante-quinze flashes achromatiques standards (2,5 cds/m2) de type « plein champ » à la fréquence de 1,3 Hz en ambiance photopique.

• Pour chaque animal et pour chaque œil testé, l’ERG et les PEV résultent de la sommation-moyennage de soixante-quinze réponses. Quatre réponses PEV (PEV1, PEV2, PEV3, PEV4) sont enregistrées et correspondent aux positions 1, 2, 3 et 4 précédemment décrites. Entre chaque changement de position d’électrodes, un intervalle de cinq minutes est respecté, durant lequel le bruit de fond électro-encéphalographique est enregistré en l’absence de toute stimulation lumineuse.

Les amplitudes et les temps de culmination des ondes a et b de l’ERG sont mesurés.

Le diamètre pupillaire de tous les animaux reste constant pendant toute la procédure.

Différencier les PEV de l’ERG « diffusé »

Les ERG représentés en a, b, c et d correspondent aux réponses enregistrées simultanément avec les PEV enregistrés, alors que les électrodes actives sont respectivement en position 1, 2, 3 et 4.

• En position 1, la réponse PEV1 recueillie est sensiblement superposable aux réponses ERG ; elle représente probablement une différence de potentiel qui correspond à la diffusion du signal ERG à travers les tissus.

• En positions 2 et 3, les réponses PEV sont difficilement discernables du bruit de fond sommé, ce qui suggère que les électrodes actives et de référence sont de même potentiel.

• En position 4, la réponse PEV4 présente une déflection négative (onde N), dont le temps de culmination est situé aux alentours de 85 millisecondes.

Elle peut être assimilée à une réponse évoquée corticale, compatible avec la localisation de l’aire corticale visuelle primaire chez le chien.

Cette réponse se différencie nettement de la réponse PEV1 (comparable à l’ERG) et également de l’onde i de l’ERG, onde identifiée comme pouvant être une réponse postrétinienne [6].

Importance des temps de culmination

Ainsi, pour identifier une réponse PEV qui corresponde réellement à des différences de potentiels issues de la mise en activité de l’aire visuelle primaire corticale et qui réponde donc à la définition des potentiels évoqués visuels corticaux, il convient :

- de les différentier d’un « ERG diffusé » ;

- de rechercher systématiquement toutes les ondes négatives ou positives qui se situent au-delà des temps de culmination du complexe ERG a-b-i ; seules ces ondes peuvent temporellement correspondre à une véritable réponse évoquée corticale, bien différenciée d’un ERG diffusé.

L’attention portée au temps de culmination de survenue des ondes est d’autant plus importante que l’utilisation d’une électrode active située en position sous-cutanée (la mise en place d’une électrode au contact de l’os à travers l’importante masse musculaire pouvant entraîner l’enregistrement d’un électromyogramme) ne favorise pas le recueil d’un signal dont l’origine est corticale, structure anatomique située profondément à l’abri d’un os crânien parfois très épais, dont l’amplitude est de quelques microvolts.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) SIEM Biomédicale. Nîmes.

Remerciements au professeur Florence Rigaudière.

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