Lutte contre les ectoparasites des bovins - Le Point Vétérinaire n° 234 du 01/04/2003
Le Point Vétérinaire n° 234 du 01/04/2003

GALES ET POUX

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Bertrand Losson

Fonctions : Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Liège,
20, boulevard de Colonster,
4000 Liège, Belgique

La lutte contre les agents des gales et contre les poux chez les bovins repose essentiellement sur l’utilisation d’insecticides ou d’acaricides et sur l’application de mesures de prophylaxie hygiénique.

La lutte contre les gales et les phtirioses chez les bovins a largement bénéficié de la mise sur le marché des molécules « endectocides » sous leurs différentes formulations (injectable, pour on, bolus). L’emploi de ces molécules ne représente cependant pas une panacée applicable à toutes les situations, et ne dispense pas de raisonner le traitement en fonction des espèces parasitaires en cause, de la biologie et de l’épidémiologie des ectoparasites, de l’efficacité, de la rémanence, du coût des produits, etc. Les douches et les pulvérisations (organophosphorés, carbamates, amitraz, pyréthrinoïdes) gardent leur intérêt dans certaines situations. En outre, les mesures hygiéniques, en particulier vis-à-vis de l’environnement, continuent de jouer un rôle fondamental.

Lutte contre les gales

De manière générale, le contrôle des gales chez les bovins repose sur l’approche suivante :

- identification du parasite ;

- préparation de l’animal avant le traitement (tonte du dos) ;

- sélection d’un traitement approprié ;

- administration de la dose correcte à un intervalle correct ;

- traitement de l’environnement ou vacuité des locaux pendant trois semaines ;

- suivi clinique des animaux pendant les semaines qui suivent.

Il convient de toujours avoir à l’esprit que le transfert d’un animal à l’autre se fait surtout par contact direct, mais aussi via l’environnement immédiat.

La gamme de produits acaricides est étendue, mais a tendance, à l’heure actuelle, à se réduire.

Le choix d’un acaricide repose sur différents critères :

- le type de gale à traiter ;

- le coût de l’acaricide et de la main-d’œuvre ;

- les implications environnementales éven-tuelles ;

- le nombre d’animaux à traiter ;

- l’existence éventuelle d’autres ectoparasites (tiques, poux, etc.).

1. Les acaricides utilisables

Les acaricides utilisés sur le terrain appartiennent à six classes chimiques différentes (voir le TABLEAU “Avantages et inconvénients des différents groupes pharmacologiques utilisés pour le traitement des gales chez les bovins” :

Les organochlorés

Utilisés dès les années 1930, l’emploi des organochlorés s’est maintenant raréfié à cause de leur accumulation dans l’environnement et dans les organismes animaux. Le lindane a été utilisé longtemps à grande échelle. Son usage est strictement interdit au sein de l’Union européenne. Il est encore utilisé dans certains pays en raison de sa haute efficacité et de son faible coût. Il est appliqué sous forme de douche sous pression. La concentration de travail va de 1,25 à 1 ‰. Sa rémanence est relativement faible. Il est, comme beaucoup d’acaricides, dépourvu d’activité ovicide, ce qui nécessite deux ou trois traitements à une semaine d’intervalle.

Les organophosphorés

Les composés inhibiteurs de l’acétylcholinestérase sont très employés. Ils agissent par contact, s’accumulent peu dans les tissus et sont peu rémanents, On les utilise essentiellement sous forme de bain ou de douche. Citons, parmi les principaux, le diazinon, le malathion, le cournaphos, le bromophos et le phoxim. Leur manipulation répétée n’est pas sans danger pour l’utilisateur. Cet élément ainsi que les contraintes imposées au niveau européen en ce qui concerne les limites maximales de résidus (LMR) expliquent le retrait progressif de bon nombre de spécialités.

Les carbamates

Les carbamates, produits proches des organophosphorés, sont aussi des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase. Ce groupe est représenté par le carboxyl. On l’utilise sous forme de bain ou de douche.

Les amidines

Le groupe des amidines ne renferme qu’une molécule d’usage courant, l’amitraz. L’amitraz est liposoluble, rapidement dégradé et s’accumule peu dans les tissus de l’animal. Cette molécule est essentiellement acaricide. Son efficacité en tant qu’insecticide est irrégulière. Son application se déroule sous forme de bain ou de douche.

Les pyréthrinoïdes

Les pyréthrinoïdes sont des produits de synthèse analogues aux pyréthrines naturelles, mais beaucoup plus stables et plus actifs. Ils agissent par contact. Leur effet est très rapide (knock down). Après application sous forme de bain, de douche ou en pour on, ils ne traversent pas la peau, mais diffusent sur l’ensemble du pelage grâce à leur caractère lipophile. Ils ne s’accumulent donc pas dans les tissus et font l’objet de délais d’attente faibles ou nuls. Citons parmi les plus employés pour lutter contre les gales : le fenvalérate, la deltaméthrine et la fluméthrine.

Les avermectines et milbémycines (« endectocides »)

Avermectines (ivermectine, doramectine, éprinomectine) et milbémycines (moxidectine) sont des molécules complexes, produits de fermentation plus ou moins modifiés par synthèse chimique de diverses espèces du genre Streptomyces. Elles sont toutes douées d’un large spectre d’activité comprenant les nématodes, les insectes et les acariens. Elles agissent au niveau des récepteurs à l’acide gamma-aminobutyrique (GABA). Chez les bovins, on les administre par injection sous-cutanée, sous forme de pour on ou de bolus à libération continue. La voie orale, par son profil pharmacologique, n’est pas la plus indiquée contre les ectoparasites. Ces molécules s’accumulent dans les tissus dont elles s’éliminent lentement, ce qui impose des délais d’attente importants. Leurs modalités d’application varient en fonction de l’acarien impliqué.

2. Les méthodes d’application possibles

Le bain

Le bain acaricide est utilisé depuis le XIXe siècle surtout pour les bovins et les ovins. C’est un système facile et efficace, mais qui nécessite des installations coûteuses à construire et à entretenir. Elles demandent en outre une disponibilité importante en eau. Le bain présente des contraintes au niveau environnemental (élimination des eaux de vidange). Il est surtout utilisé pour lutter contre les tiques en régions tropicales. Son usage chez les bovins est très peu répandu en Europe tempérée.

La douche

L’application de la douche varie en fonction du nombre d’animaux à traiter. Les douches collectives consistent en un couloir d’aspersion au travers duquel passe l’animal. Elles sont fixes ou mobiles. La douche individuelle permet de traiter chaque animal, en utilisant un pulvérisateur à main ou à moteur. Cela permet de traiter tout le corps, y compris des zones peu accessibles : dessous de la queue, périnée, entrecuisse, fanon, etc. Cette technique, souvent économique, est indiquée pour les petits troupeaux.

L’application topique dorsale

L’acaricide peut être déposé le long de la ligne du dos (pour on) ou en un endroit précis, entre les omoplates par exemple (spot on). Il diffuse sur l’ensemble du pelage au sein des couches superficielles de la peau. Le stress et la main-d’œuvre sont très réduits et la demande en eau est nulle. Cette méthode, étant donné sa facilité d’utilisation, est de plus en plus employée.

Le traitement systémique

Le produit peut être administré par voie orale, percutanée ou sous forme d’injection. Après sa diffusion dans tout l’organisme, il se retrouve au niveau du sang et de la lymphe.

L’efficacité sur l’agent parasitaire dépend du mode de nutrition de ce dernier. Ces molécules sont en général douées d’une grande rémanence, ce qui impose des délais d’attente importants pour le lait et la viande. Cette méthode, comme la précédente, connaît un succès croissant.

3. Choix d’un traitement

Plusieurs points doivent être pris en considération : l’humidité relative et la température, la spécificité vis-à-vis de l’hôte, la résistance de ce dernier, la durée du cycle biologique chez l’acarien considéré et l’efficacité retard des différents acaricides. Une humidité relative élevée (70-100 %) et une température autour de 5-10 °C sont optimales pour la survie de l’acarien en dehors de son hôte. Dans l’environnement et soumis aux conditions ambiantes hivernales, P. ovis peut rester infestant pendant un maximum de seize jours. En pratique, cela signifie que les locaux doivent rester vides pendant trois semaines et que la survie des acariens sur la prairie pendant l’hiver n’est pas possible. Le cycle de P. ovis dure de neuf à douze jours. Comme les acaricides disponibles n’ont pas d’activité ovicide, il est nécessaire de répéter les applications de produits peu ou pas rémanents tels que les organophosphorés et les pyréthrinoïdes. L’utilisation d’endectocides ne requiert, la plupart du temps, qu’un seul traitement.

Au sein des petits troupeaux, l’aspersion sous pression (phoxim à 1 000 ppm, diazinon à 750 ppm ou amitraz à 250-500 ppm) est la plus indiquée. Elle est réalisée deux ou trois fois à sept à dix jours d’intervalle, afin de toucher les larves nouvellement écloses. Ces traitements demandent beaucoup de main-d’œuvre et nécessitent le port d’un masque et d’habits de protection. Ils sont en revanche bon marché. L’application topique pour on de fluméthrine à 2 mg/kg deux fois à dix jours d’intervalle est une alternative intéressante, mais plus coûteuse.

Les avermectines et milbémycines sous forme injectable (une injection à 0,2 mg/kg) sont à recommander en cas de gales sarcoptique et psoroptique. En revanche, les produits pour on sont indispensables en cas de gale chorioptique (une application à 0,5 mg/kg sur la ligne du dos). Tous ces produits possèdent un large spectre (nématodes, insectes, acariens), mais leur action létale sur les acariens nécessite un minimum de cinq jours, pendant lesquels l’animal reste contagieux. Leur rémanence est variable en fonction de la molécule et de sa formulation : environ quinze jours pour l’ivermectine et au minimum vingt-huit jours pour la doramectine et la moxidectine vis-à-vis de P. ovis.

Un bolus à libération continue d’ivermectine assure une protection pendant un minimum de 135 jours. Ce système pourrait favoriser l’induction de résistance chez les différents acariens, comme le suggèrent des observations récentes en Belgique. L’utilisation de ces différentes molécules demande le respect de temps d’attente assez importants pour le lait et la viande. Plus récemment, l’éprinomectine a été commercialisée sous forme de pour on. Elle ne s’élimine pratiquement pas par le lait et son utilisation chez la vache laitière est donc autorisée. Néanmoins, son activité sur P. ovis est irrégulière.

Lutte contre les poux

En général, les produits utilisés pour lutter contre les gales assurent un bon contrôle des phtirioses. Toutefois, les produits à pulvériser sous forme de solution aqueuse n’ont pas, en général, d’activité sur les lentes (organochlorés, organophorés, pyréthrinoïdes). Il est donc nécessaire de répéter le traitement après une dizaine de jours.

D’un point de vue pratique, il est important de distinguer les poux broyeurs des poux piqueurs car le choix de la formulation de l’insecticide retenu peut en dépendre. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les endectocides (avermectines et milbémycines).

Les formulations de type pour on sont très souvent employées, en particulier chez les bovins. Elles sont faciles à utiliser et ne nécessitent pas d’eau. Elles contiennent le plus souvent un pyréthrinoïde ou un organophosphoré. Citons la deltaméthrine (100 mg/bovin), la cyperméthrine (250 mg/bovin), la fluméthrine (1 à 2 mg/kg chez les bovins) et la cyhalothrine (200 mg/bovin). Ces produits sont doués d’une rémanence appréciable et un seul traitement suffit. Le délai d’attente est faible ou nul en cas d’utilisation de pyréthrinoïdes.

Les traitements systémiques reposent sur l’emploi d’avermectines ou de milbémycines. L’ivermectine, la doramectine et la moxidectine sous leur forme injectable sont très efficaces sur les différents poux piqueurs. En revanche, les populations de poux broyeurs sont relativement insensibles en raison de leur mode de nutrition. Ces trois molécules existent maintenant sous une formulation de type pour on. De ce fait, elles sont alors actives sur les poux broyeurs et piqueurs. Ces trois endectocides très rémanents nécessitent des délais d’attente importants pour le lait et la viande (de 21 à 28 jours le plus souvent). L’éprinomectine est le dernier-né des endectocides. Elle s’administre sous forme de pour on. Elle est active sur tous les poux du bétail et ne donne lieu à aucun délai d’attente.

La prévention

Prophylaxie des gales

En l’absence de toute prophylaxie vaccinale, les mesures suivantes doivent être appliquées :

- les locaux occupés par des animaux galeux font l’objet d’un vide sanitaire pendant au moins trois semaines ;

- les animaux nouvellement acquis ne sont introduits dans le troupeau qu’après un examen clinique approfondi et un traitement acaricide systématique. En cas d’utilisation d’un endectocide, un délai de quinze jours est respecté avant l’introduction ;

- l’ensemble des animaux doit être traité dès qu’un cas de gale est observé au sein du cheptel ;

- des mesures générales d’hygiène doivent être appliquées.

L’administration d’un système à libération continue d’endectocide constitue sans doute une approche originale dont l’intérêt a été démontré récemment [21]. L’induction éventuelle de résistance amène néanmoins à formuler quelques réserves à ce sujet en ce qui concerne la gale psoroptique des bovins.

Prophylaxie des phtirioses

La prophylaxie vise à éviter l’introduction des différentes espèces de poux au sein de l’élevage par le traitement systématique des animaux importés. L’hygiène générale et une bonne alimentation limitent souvent la charge parasitaire des animaux.

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