Intérêts et applications de la laparoscopie - Le Point Vétérinaire n° 233 du 01/03/2003
Le Point Vétérinaire n° 233 du 01/03/2003

ENDOSCOPIE DU CHIEN ET DU CHAT

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Constant Lecœur*, Alexandra Beck**

Fonctions :
*5, villa Poirier75015 Paris
33, rue de Rottembourg75012 Paris

La laparoscopie est une technique d’endoscopie rigide qui permet de visualiser la cavité péritonéale et ses organes et d’intervenir chirurgicalement.

La laparoscopie est une technique diagnostique et thérapeutique moins invasive que la laparotomie. Elle permet l’exploration et la biopsie des organes de la cavité abdominale, ainsi que certaines interventions chirurgicales. Elle permet également d’assister certaines opérations chirurgicales : laparotomie vidéo-assistée. La laparoscopie ne se substitue pas toutefois à la laparotomie et est réservée à des indications précises [6].

Le foie, le pancréas et les reins sont les organes cibles les plus souvent observés par laparoscopie, suivis de la rate, des glandes surrénales, des ovaires et de l’utérus [6]. L’examen laparoscopique des intestins et de la prostate s’avère plus difficile [6].

Un jeu d’instruments chirurgicaux spécifiques

L’équipement minimal pour pratiquer la laparoscopie comprend :

- un endoscope rigide (2,7 à 10 mm de diamètre pour les carnivores domestiques), qui dispose d’une optique coaxiale ou oblique de 30° ;

- des trocarts-canules, équipés d’une valve qui empêche le reflux du gaz hors de la cavité abdominale [1, 5, 6] ;

- un jeu d’instruments chirurgicaux spécifiques (sondes de palpation, pinces de préhension, pinces à biopsie et ciseaux) ;

- une source de lumière, un insufflateur de CO2 et une caméra-vidéo (nécessaire pour des raisons de stérilité pour l’animal et de confort pour le chirurgien) [1, 5, 6, 7] ;

- lors de laparoscopie interventionnelle, il convient en outre de disposer d’une électrocoagulation (pinces bipolaires isolées et raccordées à un électrocoagulateur) et d’agrafes endochirurgicales qui permettent la ligature des vaisseaux sanguins [6, 7].

Deux principales voies d’abord

Avant de commencer un examen laparoscopique, il convient de déterminer la (les) région(s) à explorer, qui conditionne(nt) le point d’insertion de l’endoscope et des trocarts. En effet, seuls certains organes sont visibles selon le type d’abord.

La voie latérale droite est recommandée pour l’examen du foie, de la vésicule biliaire, du pancréas, du duodénum, du rein droit et de la glande surrénale droite [5, 6].

La voie médiane offre une meilleure vision d’ensemble : il est possible de visualiser l’estomac, les intestins, le foie, la vésicule biliaire, le pancréas, la rate, les reins, les glandes surrénales, ainsi que l’appareil urogénital [1, 6].

L’approche latérale gauche est déconseillée, car la rate est placée directement sous le point d’insertion des trocarts et peut être accidentellement ponctionnée [6].

L’animal doit être à jeun et sa vessie vidangée : la réplétion des organes est en effet gênante pour la visualisation complète et leur préhension.

Examen du foie et du pancréas

La laparoscopie est indiquée lors de la plupart des affections hépatobiliaires et pour de nombreuses affections pancréatiques (pancréatite, abcès, etc.) [3, 5].

Les faces ventrales et caudales de chaque lobe hépatique peuvent être observées (PHOTOS 1 et 2). La qualité des biopsies réalisées à l’aide d’une pince est nettement supérieure à celle des ponctions faites par aspiration à l’aiguille fine, ou Trucut®, sous contrôle échographique [5, 6]. Le risque de lésion involontaire est diminué, puisque le site de ponction est visualisé [6]. Ceci est encore plus important chez les animaux qui présentent un risque de saignement accru (coagulopathie, hypertension systémique), puisque la laparoscopie permet de repérer les saignements sur chaque site prélevé et d’exercer une compression avec la sonde de palpation, voire une coagulation si nécessaire. Le contrôle visuel permet en outre de choisir une zone lésionnelle représentative (PHOTO 3).

La vésicule biliaire peut être palpée à l’aide d’une sonde de palpation et le canal biliaire suivi jusqu’à son abouchement au niveau du duodénum [3]. D’autres procédures peuvent être réalisées, comme la ponction à l’aiguille de la vésicule biliaire en vue d’une culture bactérienne [5, 6].

Il est prouvé que les biopsies pancréatiques par laparoscopie n’induisent pas de lésion ou d’inflammation significatives [6 La laparoscopie permet aussi de drainer la cavité abdominale, par exemple lors de pancréatite [6].].

Examen des appareils urogénital et intestinal

La principale indication est la biopsie rénale.

Laponction-aspiration d’un kyste ovarien et la biopsie prostatique sont également réalisables par laparoscopie [3].

Lorsqu’il est nécessaire de prélever toute l’épaisseur de la muqueuse digestive, sans pour autant explorer l’ensemble de la cavité abdominale, la laparoscopie constitue une technique diagnostique non invasive de choix. L’intestin est extériorisé par le site d’insertion du trocart élargi et biopsié sur toute son épaisseur (laparotomie vidéo-assistée) [6]. Cette méthode permet l’obtention de biopsies de taille significative, par exemple lors de maladie inflammatoire chronique intestinale.

La biopsie de masses ou de ganglions est une autre indication diagnostique de la laparoscopie.

Interventions chirurgicales

La laparoscopie permet d’extérioriser les anses intestinales en élargissant le point d’insertion du trocart et, ainsi de placer un tube de jéjunostomie pour l’alimentation entérale (par exemple lors de pancréatite aiguë) ou d’effectuer une entérotomie sur un corps étranger ou une entérectomie sur une tumeur intestinale [1]. La gastropexie chez les races prédisposées à la dilatation-torsion de l’estomac [2] et la colposuspension [1] lors de prolapsus rectal ou de hernie périnéale peuvent également être effectuées par extériorisation des organes cibles et suture de ceux-ci à la paroi abdominale.

D’autres interventions nécessitent des agrafes et des instruments de chirurgie endoscopiques : ovariectomie (PHOTO 4), ovariohystérectomie de convenance, cryptorchidie abdominale, vasectomie, cholécystectomie (lors de mucocœle, PHOTO 5), néphrectomie (lors de tumeur rénale ou d’hydronéphrose), épiploïsation des abcès prostatiques, surrénalectomie (lors de tumeur de la glande surrénale) et traitement des hernies hiatales et inguinales [1].

Contre-indications

Les risques anesthésiques s’avèrent les mêmes que lors d’une intervention par laparotomie.

Les modifications physiologiques suite à la distension intra-abdominale au CO2 sont minimes si la pression d’insufflation est inférieure à 20 mm Hg (diminution du volume pulmonaire et augmentation de la PaCO2) [4]. Il convient donc de disposer d’un insufflateur qui régule la pression entre 10 et 15 mm Hg.

Cette intervention augmente toutefois significativement la pression artérielle [4]. Les animaux qui présentent une insuffisance cardiaque congestive, des affections respiratoire sou une hypovolémie doivent donc faire l’objet d’une assistance anesthésique.

Les troubles de la coagulation sont une contre-indication lors d’intervention chirurgicale car des hémorragies sévères sont difficiles à contrôler par laparoscopie.

Les contre-indications relatives sont les animaux de très petite taille (pesant moins de 3 kg) et les obèses car l’intervention est parfois difficile.

Complications

Pour un chirurgien expérimenté, le taux de complications est faible (moins de 2 % selon une étude sur 300 cas [6]).

Les complications graves incluent les arrêts cardiovasculaires, les saignements difficiles à contrôler et les perforations d’organes ou du diaphragme.

Une autre complication possible est la formation d’emphysème sous-cutané.

C’est pourquoi, avant de mettre en œuvre une laparoscopie, il convient d’être prêt à réaliser d’urgence une laparotomie. L’animal doit être préparé en vue de cette éventualité [1, 3, 6].

Limites

Cette technique demande une grande expérimentation du chirurgien et donc un long apprentissage. En raison de la haute technicité du geste chirurgical sous laparoscopie (coordination du geste et de la vision indirecte, représentation en trois dimensions et vision bidimensionnelle), les premières interventions sont plus longues qu’une laparotomie.

Le chirurgien doit en outre être équipé d’un matériel coûteux afin de travailler en toute sécurité, ce qui augmente le prix de l’opération pour le propriétaire.

Conclusion

Lalaparoscopiechez les carnivores domestiques n’en est qu’à ses débuts. Malgré certaines difficultés techniques, son caractère peu invasif et la récupération rapide des animaux opérés encouragent son développement

  • 1 - Freeman LJ. Veterinary endosurgery. Ed. Mosby. Saint Louis. 1999 : 105-163, 192-217, 227-236.
  • 2 - Rawlings CA, Fouty TL, Mahaffey MB et coll. A rapid and strong laparoscopic-assisted gastropexy in dogs. Am. J. Vet. Res. 2001 ; 62 : 871-875.
  • 3 - Richter KP. Laparoscopy in dogs and cats. Vet. Clin. N. Amer.- Small Anim. Pract. 2001 ; 31 : 707-727.
  • 4 - Robertson SA. Newer diagnostic and surgical techniques and their impact on anesthesia. Vet. Clin. N. Amer.- Small Anim. Pract. 1999 ; 29(3): 665-682.
  • 5 - Twedt DC. Laparoscopy of the Liver and Pancreas. In : Small Animal Endoscopy. Tams TR. 2nd ed. Mosby. Saint Louis. 1999 : 409-426.
  • 6 - Twedt DC, Monnet E. Introduction to small animal laparoscopy and thoracoscopy. Colorado State University, Fort Collins, Colorado. Proceeding 2002.
  • 7 - Viguier E. La laparoscopie et son évolution en chirurgie vétérinaire. Point Vét. 1999 ; 30(196): 17-23.
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr