Dermatites félines prurigineuses de la tête et du cou - Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003
Le Point Vétérinaire n° 232 du 01/02/2003

DERMATOLOGIE FÉLINE

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COURS

Auteur(s) : Didier Pin

Fonctions : Cabinet de dermatologie vétérinaire,
Héliopolis B3,
avenue de Magudas,
33700 Mérignac

Chez le chat, les affections prurigineuses de la tête et du cou ont des causes variées. Leur expression clinique est souvent similaire, mais les traitements sont en général étiologiques et spécifiques.

Le prurit est une sensation désagréable qui provoque chez l’animal le désir de se gratter, de se lécher, de se mordiller ou de frotter la zone correspondante. Chez le chat, il s’agit d’un symptôme fréquent, souvent localisé au niveau de la tête et du cou. Les manifestations cliniques d’un prurit céphalique sont le frottement avec les pattes ou contre les objets, et le grattage. Bien que d’intensité très variable, le frottement et le grattage sont rapidement à l’origine d’excoriations visibles. Parfois spectaculaires (les lésions dues au grattage peuvent aller jusqu’à la mutilation), elles impressionnent et inquiètent les propriétaires.

Les dermatites prurigineuses qui affectent la tête et le cou sont nombreuses et d’une grande diversité étiologique (voir le TABLEAU « Classification étiologique des dermatites céphaliques prurigineuses chez le chat et importance du prurit associé »), alors que leur expression lésionnelle est similaire. Les dermatites isolées de la tête et du cou sont distinguées des dermatites qui affectent également d’autres régions du corps. Seules sont envisagées ici les dermatites au cours desquelles l’atteinte céphalique est isolée ou majeure, ou le prurit marqué.

Il est classique de distinguer les dermatoses prurigineuses de celles qui ne le sont pas. Toutefois, il ne s’agit pas d’un critère absolu. Il est fréquent d’observer des dermatoses, initialement non prurigineuses, qui s’accompagnent de prurit dû à une complication bactérienne ou fongique. À l’inverse, des dermatites, classiquement prurigineuses, peuvent ne pas l’être chez certains individus (par exemple ectoparasitoses).

L’atteinte céphalique préférentielle peut s’expliquer dans certains cas :

1 par des particularités anatomiques :

– l’acné féline localisée au menton qui est une zone riche en glandes sébacées très développées ;

– la dermatite par hypersensibilité aux piqûres de moustiques est localisée à la truffe et au chanfrein, zones où le pelage est court et peu protecteur vis-à-vis des moustiques ;

– l’intertrigo du pli facial chez le persan ou l’himalayen ;

2 par le mode de contamination, la tête étant une région particulièrement en contact avec le milieu extérieur en raison du comportement exploratoire du chat : dermatites contagieuses ou transmissibles ou d’origine environnementale, telles que les dermatophytoses, la poxvirose ou la trombiculose.

Dermatites d’origine bactérienne et pseudopyodermites

1. Pyodermites

Les infections bactériennes de la peau sont peu fréquentes chez le chat, à l’exception des abcès consécutifs aux blessures, qui sont très rarement à l’origine de prurit.

La folliculite/furonculose bactérienne, qui peut être prurigineuse, est généralement secondaire à une affection sous-jacente, en particulier l’acné féline. Elle peut compliquer toutes les autres dermatites. Si la dermatite sous-jacente n’est pas initialement prurigineuse, elle peut le devenir suite à la surinfection bactérienne.

Si aucune dermatose sous-jacente ne peut être identifiée, la recherche d’une infection par les rétrovirus est indiquée.

La folliculite/furonculose se traduit par des papules et des pustules folliculaires, des croûtes, des squames et des érosions. Ces lésions sont à rechercher dans les zones non excoriées par le prurit. L’examen cytologique du pus d’une lésion fermée montre des images d’invasion bactérienne. Le germe le plus fréquemment isolé est Staphylococcus intermedius.

Le traitement fait appel aux antibiotiques couramment utilisés en dermatologie, tels que l’association amoxicilline-acide clavulanique, l’association sulfamide-triméthoprime ou la céfalexine [6, 30, 40].

2. Pseudopyodermite

L’intertrigo du pli facial est fréquent chez le persan et chez l’himalayen [35].

Le frottement des deux versants du pli l’un contre l’autre et l’accumulation des sécrétions oculaires entraînent une macération et une inflammation qui se traduisent par une coloration ocre des poils et un érythème du fond du pli.

Le plus souvent asymptomatique, l’intertrigo peut devenir prurigineux en cas de prolifération bactérienne ou de présence de Malassezia. S’ajoutent alors aux signes précédents des érosions et un suintement du fond du pli, associés à une odeur désagréable.

Il convient de différencier l’intertrigo du pli facial de la dermatite faciale idiopathique du persan (cf. infra).

Les éléments figurés (bactéries et Malassezia) sont à rechercher à l’aide d’un examen cytologique par impression.

Le traitement consiste en un nettoyage des plis à l’aide de shampooings antibactériens ou antifongiques, suivis de l’application de réhydratants cutanés. À défaut de chirurgie correctrice, l’utilisation régulière de ces mêmes produits permet d’éviter les récidives ou d’en diminuer la fréquence. L’application de topiques astringents tels que le talc a été préconisée [35].

Dermatites d’origine fongique

1. Dermatophytoses

Les dermatophytoses sont relativement rares chez le chat [35]. Les persans semblent prédisposés.

Elles sont principalement dues à Microsporum canis. Trichophyton mentagrophytes, M. gypseum et T. persicolor sont rarement en cause.

Les signes cliniques des dermatophytoses sont polymorphes [7, 30] et ne se limitent pas à la lésion de « teigne » décrite classiquement : lésion nummulaire, d’évolution centrifuge, dont le diamètre varie de 1 à 8 cm et au niveau de laquelle sont notés une alopécie, des squames, parfois des croûtes et un léger érythème. D’autres signes cliniques, moins typiques, peuvent être observés :

– une alopécie et des croûtes autour des yeux, des lèvres ou du chanfrein (mais jamais sur la truffe, dépourvue de follicules pileux) (PHOTO 1) ;

– une alopécie ou un état kérato-séborrhéique régional avec papules, parfois pustules, manchons pilaires et croûtes ;

– une dermatite miliaire du dessus de la tête et du cou.

Le prurit est en général faible sauf lors de dermatite miliaire ou d’infection bactérienne.

En raison de cet aspect clinique extrêmement varié et de son caractère zoonotique, il convient d’envisager systématiquement une dermatophytose dans le diagnostic différentiel d’une dermatose de la face, même prurigineuse.

Le diagnostic repose sur l’examen en lumière de Wood, l’examen direct de poils et de squames, parfois l’examen histopathologique et surtout la culture fongique.

Le traitement consiste en l’administration d’antifongiques (griséofulvine, kétoconazole(2), itraconazole(1)), associée à l’application d’une lotion antifongique (à base d’énilconazole(3)) et à un traitement de l’environnement (à base d’énilconazole) [4]. Il convient de traiter les congénères du chat malade par voie systémique ou topique, selon qu’ils sont reconnus infectés (culture fongique positive) ou non (culture fongique négative). Le traitement est poursuivi jusqu’à la négativation des cultures fongiques réalisées mensuellement.

2. Dermatite à Malassezia

La dermatite à Malassezia est rare chez le chat.

Elle est caractérisée par un exsudat noirâtre adhérent et des manchons pilaires, et s’accompagne d’un prurit marqué. Au niveau de la tête et du cou, elle affecte, préférentiellement, le menton, mais des cas de dermatite à Malassezia, localisée au chanfrein ou généralisée avec une atteinte de la face, ont été décrits [10].

La dermatite à Malassezia est généralement secondaire à une affection cutanée sous-jacente, telle qu’une acné (non prurigineuse initialement) ou une allergie à manifestations cutanées.

Les levures sont mises en évidence par un examen cytologique.

Le traitement consiste, d’une part, en des shampooings qui possèdent une activité sur les Malassezia (à base de chlorhexidine), éventuellement associés à l’administration d’antifongiques actifs sur les Malassezia (kétoconazole(2)) et, d’autre part, en l’identification et le contrôle de la cause sous-jacente.

Dermatites d’origine parasitaire

1. La trombiculose

La trombiculose, due à l’infestation par des larves de Trombicula autumnalis, peut affecter la face, les oreilles et le cou (ainsi que d’autres zones du corps à peau fine, telles que les espaces interdigités et la région périnéale) [30, 33, 35]. Observée typiquement de juillet à octobre (des cas peuvent survenir à d’autres périodes, selon les localisations géographiques et les conditions climatiques), elle est intensément prurigineuse et se caractérise par un érythème, des papules, des excoriations et des croûtes, associés à une alopécie.

Les parasites, de couleur orangée et visibles à l’œil nu, sont préférentiellement localisés au niveau des plis et des régions à peau fine (zones péri oculaires et périlabiales, oreillons).

Le prurit peut persister après la chute des larves ; leur absence n’exclut donc pas l’hypothèse de trombiculose, si l’anamnèse est compatible. La plupart des insecticides ou acaricides sont actifs sur les larves de T.autumnalis (deux applications à quelques jours d’intervalle).

2. La dermatite à Otodectes

Une dermatite à Otodectes peut être observée, en général associée à une otacariose.

Elle est due à des parasites qui quittent les conduits auditifs externes et gagnent les zones voisines de la tête et du cou (mais aussi les lombes, par contact), et se traduit par une dermatite prurigineuse, érythémateuse, papulocroûteuse et alopécique. Chez le chat, la dermatite à Otodectes cynotis peut également s’exprimer sous la forme d’une dermatite miliaire [1, 3, 32].

Il convient de la différencier des complications d’une otite à Otodectes cynotis dues au grattage, telles que des excoriations graves des pavillons auriculaires ou de la tête ou une dermatite pyotraumatique de la base des oreilles ou de la joue.

Le diagnostic est établi par l’observation des parasites (adultes et formes immatures) lors de l’examen direct du produit des raclages cutanés effectués au niveau des lésions, ainsi que du cérumen (PHOTO 2).

Le traitement fait appel à des acaricides, sous forme de topiques auriculaires pour le traitement de l’otacariose (deux fois par semaine pendant six à huit semaines), et de poudre, lotion, spray ou spot-on pour le traitement du corps (par exemple, la sélamectine ou le fipronil). Il convient de répéter les applications, si nécessaire, afin d’obtenir une efficacité pendant un mois. L’ivermectine(2) peut être administrée sous la responsabilité du prescripteur.

Il est en outre nécessaire de traiter les éventuels congénères de l’animal parasité.

3. La phtiriose

La phtiriose à Felicola subrostratus est rare. Elle atteint surtout les chats vivant en collectivité ou les individus débilités par une autre maladie.

Localisée préférentiellement à la tête et aux pavillons auriculaires, elle se traduit par de l’érythème et des excoriations, associés à un état kératoséborrhéique et à une alopécie [30, 35].

Le diagnostic est aisé par la mise en évidence des poux ou des lentes à l’aide d’une loupe ou par la réalisation de raclages cutanés.

La plupart des insecticides sont actifs sur F. subrostratus (fipronil, sélamectine, imidaclopride). Il convient de renouveler l’application une fois par semaine pendant trois semaines et de traiter tous les chats en contact, infestés ou non.

4. La démodécie

La démodécie est rare chez le chat. Elle peut être due à plusieurs formes de démodex :

– Demodex cati, à l’abdomen long et fin, vit dans les follicules pileux ;

– D. gatoi, à l’abdomen court et large, vit dans la couche cornée ;

– Demodex sp. ressemble à D. gatoi, mais avec un abdomen plus large.

Les localisations préférentielles de la démodécie féline sont la tête et le cou et les lésions observées sont de l’érythème, des papules, des pustules, des comédons, des érosions et des croûtes, associés à de l’alopécie [11, 15, 23, 25, 26, 31, 33]. La démodécie féline se traduit rarement par un état kératoséborrhéique gras [9]. Le prurit est variable, mais il semble plus prononcé lors d’infestation par D. gatoi.

Il convient de toujours rechercher une cause sous-jacente (rétroviroses, diabète, hypercorticisme, carcinome épidermoïde in situ).

L’amitraz(2), en frictions à l’aide d’une solution à 0,05 %, une fois par semaine jusqu’à la négativation des raclages, semble être l’acaricide le plus efficace et le mieux toléré par le chat dans cette indication. Du crotamiton(1) a été utilisé dans les formes localisées de démodécie [15].

Lors de démodécie due à D. gatoi, il est conseillé d’effectuer des raclages sur les animaux en contact avec l’animal malade et de les traiter, car celle-ci est considérée comme contagieuse.

5. La gale notoèdrique

La gale notoèdrique est exceptionnelle en France. Elle persiste dans quelques pays : Lombardie, Andalousie, Slovénie, Croatie. Elle est présente dans l’île de la Réunion [12].

Elle se manifeste par une dermatite papuleuse et squamocroûteuse essentiellement céphalique et très prurigineuse [35].

Les parasites sont facilement identifiés par raclage cutané.

Le traitement repose sur l’utilisation d’acaricides : amitraz(2), en solution à 0,05 %, appliqué en frictions une fois par semaine ou ivermectine(2), par voie sous-cutanée, à la dose de 0,4 mg/kg, deux fois à quinze jours d’intervalle, sous la responsabilité du prescripteur. La sélamectine en spot-on mériterait d’être essayée.

Dermatites d’origine virale

Reconnues récemment, les dermatites d’origine virale sont vrai semblablement sous-diagnostiquées.

1. La poxvirose

La poxvirose est due au virus Cowpox, agent de la variole bovine, dont le réservoir serait les petits rongeurs sauvages. Elle a été décrite d’abord en Grande-Bretagne, puis en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche et en France, chez des chats vivant en zone rurale.

La lésion initiale de type plaque ulcérée ou proliférative est située sur la tête, sur le cou ou sur les membres antérieurs. Dix à quatorze jours plus tard, de multiples lésions secondaires, de type papules et nodules croûteux, apparaissent, parfois accompagnées de signes généraux (abattement, hyperthermie, anorexie). Dans certains cas, des vésicules et des ulcères de la muqueuse buccale et de la langue ont été observés. Le prurit est variable. La guérison est spontanée en trois à huit semaines. L’évolution peut être fatale en cas d’immunodépression (infection concomitante par les rétrovirus, corticothérapie) ou d’infection bactérienne [19, 27, 30, 37, 38].

La suspicion, fondée sur l’anamnèse et l’examen clinique, peut être confirmée par :

– l’examen histopathologique (examen de choix car quasi diagnostique) qui montre des inclusions éosinophiliques intracytoplasmiques dans les kératinocytes ;

– la sérologie ;

– la microscopie électronique ;

– l’isolement du virus ou sa mise en évidence dans des biopsies fraîchement congelées, par la technique de Polymerase Chain Reaction (PCR).

Le traitement est symptomatique.

2. Dermatite ulcérative associée à l’herpès virus félin de type 1

La dermatite ulcérative associée à l’herpès virus de type 1 semble rare et affecte des chats adultes ou âgés.

Les lésions sont des vésicules, des ulcères et des croûtes localisés au niveau de la face et de la truffe. Une stomatite est parfois présente. Le prurit est variable [20, 30, 36].

L’anamnèse révèle, en général, une affection respiratoire ou oculaire chronique et ancienne, ainsi qu’une administration de corticoïdes ou un stress (changement d’environnement, gestation, lactation, promiscuité) qui précèdent l’apparition des lésions. La récurrence symptomatique d’une infection herpétique latente est vraisemblablement la cause de cette dermatite ulcérative. Il ne semble y avoir aucun rapport entre cette dermatite virale et la vaccination contre l’herpès, non plus qu’avec l’infection par les rétrovirus.

La suspicion, fondée sur l’anamnèse et l’examen clinique, peut être étayée par l’examen histopathologique qui révèle la présence, dans le noyau des kératinocytes, d’inclusions rondes, amphophiles à basophiles, entourées d’une chromatine marginée ou d’un halo clair. L’examen histopathologique montre également une dermatite diffuse éosinophilique, associée à des lésions dites de « dégénérescence du collagène », ainsi qu’à des lésions de furonculose éosinophilique.

Le diagnostic peut être établi par sérologie ou par la technique de PCR sur frottis conjonctival ou biopsie fraîchement congelée.

Il semble que le traitement de choix associe une antibiothérapie (association amoxicilline-acide clavulanique, enrofloxacine) à l’administration d’interféron α(1). L’interféron ω(2), d’origine féline, mériterait d’être essayé.

3. Dermatose à cellules géantes associée au FeLV

La dermatose à cellules géantes associée au FeLV est rare.

Les lésions érosives et squamocroûteuses sont localisées à la face, aux lèvres et aux pavillons auriculaires et, plus rarement, aux jonctions cutanéomuqueuses (anus, prépuce), aux membres, aux coussinets et au tronc. Un prurit d’intensité variable est présent dans la majorité des cas [18]. Aucun signe général n’est noté. Le diagnostic repose sur l’examen histopathologique qui montre la présence de cellules géantes, de type syncytial, formées à partir des kératinocytes de l’épiderme et de l’épithélium folliculaire.

Aucun traitement n’est efficace et l’évolution chronique se fait vers la mort. L’interféron (2), d’origine féline, pourrait être essayé.

Dermatites par hypersensibilité

1. La dermatite par allergie aux piqûres de puces

La dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) est la cause la plus fréquente de prurit chez le chat.

Outre les lésions dorsolombaires, abdominales, périnéales et de la face postérieure des cuisses, de type dermatite miliaire féline (DMF), alopécie extensive féline (AEF) ou lésions du complexe granulome éosinophilique (CGE), associées à un prurit généralisé, la DAPP peut se manifester par une dermatite miliaire cervicale et céphalique, associée à un prurit facial [32, 39] (PHOTO 3).

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique, la mise en évidence des puces ou de leurs déjections sur l’animal et sur la réponse au traitement insecticide.

L’intradermoréaction à l’extrait de puces, dont la positivité peut être un élément démonstratif du rôle de celles-ci, est peu fiable chez le chat : l’absence de réaction ne permet aucune conclusion.

La seule thérapeutique est l’élimination des puces, qui nécessite le traitement de l’animal malade, de ses congénères, et de l’environnement à l’aide d’une présentation adaptée. Il convient de tenir compte de la sensibilité du chat à de nombreux insecticides et de son « intolérance » à l’application de produits présentés en bombes ou en pulvérisateurs. Les insecticides, à effet adulticide et rémanent, présentés en spot-on (imidaclopride, fipronil), semblent les plus indiqués.

2. Dermatite atopique et allergie/intolérance alimentaire

L’allergie/intolérance alimentaire peut se manifester par une dermatite de la tête ou du cou, caractérisée par de l’érythème, des papules, des érosions, des excoriations et des croûtes (PHOTO 4), parfois par une otite érythémato-cérumineuse, isolée ou associée, et accompagnée d’un prurit localisé, à la tête et au cou, ou généralisé. Le prurit peut être démentiel.

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et la réalisation d’un régime d’élimination d’une durée de six à huit semaines. Celui-ci consiste à nourrir l’animal, à l’exclusion de tout autre aliment, avec une viande qu’il n’a jamais ingérée auparavant (un légume n’est pas indispensable et est en outre souvent refusé par le chat). En cas d’amélioration du prurit, les réintroductions successives des aliments qui composaient la ration antérieure permettent, dans certains cas, d’identifier l’aliment offensant. Le traitement consiste alors en l’éviction de l’aliment responsable [8, 16, 17, 28, 29, 32].

Il n’existe pas de critères diagnostiques de la dermatite atopique [5, 14, 28, 30, 32] chez le chat. Les manifestations cliniques se confondent avec celles décrites précédemment pour l’allergie/intolérance alimentaire et sont parfois associées à des signes respiratoires (rhinite, asthme) ou oculaires (conjonctivite). Le diagnostic de dermatite atopique féline est donc un diagnostic d’élimination. Les intradermo réactions sont de réalisation et d’interprétation difficiles chez le chat.

Sous réserve de traiter les rares complications infectieuses, bactériennes et à Malassezia, le traitement peut associer une désensibilisation spécifique, l’administration d’acides gras essentiels, d’antihistaminiques ou de corticoïdes.

3. Hypersensibilité aux piqûres de moustiques

Rare, l’hypersensibilité aux piqûres de moustiques est saisonnière, en relation avec l’abondance de ses insectes.

Elle se manifeste par de l’érythème, des papules, des nodules, des érosions, des ulcères et des croûtes, associés au stade chronique à une dépigmentation cutanée. Sa localisation au chanfrein et à la truffe est très évocatrice (PHOTO 5), mais elle peut affecter également les pavillons auriculaires ou les jonctions doigt-coussinet. Le prurit est variable [20, 23, 40, 42].

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique, l’examen cytologique par impression des lésions qui montre un infiltrat inflammatoire très riche en éosinophiles, l’examen histopathologique qui révèle une dermatite éosinophilique associée à des lésions de folliculite/furonculose éosinophilique et sur la guérison des lésions en quelques jours, après soustraction du chataux piqûres de moustiques. Une corticothérapie orale peut accélérer la guérison des lésions.

4. Dermatite de contact

Les dermatites de contact sont très rares chez le chat [35].

Des cas de dermatite de contact dus à des colliers antiparasitaires au dichlorvos ou à un collier en cuir ont été observés [6, 13] (PHOTO 6). Le prurit est souvent intense. Les lésions sont de l’érythème, des papules et des croûtes, puis, au stade chronique, des érosions, des excoriations et des croûtes, associées à des dépilations. Les lésions et le prurit restent cantonnés à la zone de contact avec le collier.

La suspicion clinique est évidente. À défaut de tests spécifiques, le diagnostic repose sur les épreuves d’éviction et de provocation.

Le retrait du collier constitue le test de confirmation, mais aussi le traitement, de la dermatite de contact. L’épreuve de provocation est rarement effectuée.

5. Prurit d’origine médicamenteuse

Des cas de prurit localisé à la région céphalique, mimant une allergie alimentaire, dus à l’administration de méthimazole(1) ou de propylthiouracile(1), ont été rapportés [31, 35].

En cas de suspicion, il convient d’arrêter tous les traitements en cours. Le diagnostic repose sur l’enquête d’imputabilité du médicament. Aucun examen complémentaire ne permet un diagnostic de certitude.

L’évolution favorable, spontanée, est notée dans les semaines qui suivent l’arrêt du traitement. L’intérêt des corticoïdes dans le traitement des réactions cutanées médicamenteuses est controversé.

Dermatites auto-immunes

1. Le pemphigus foliacé

Bien que rare, le pemphigus foliacé est la plus fréquente des dermatites auto-immunes du chat. Il n’existe pas de prédisposition de race, de sexe, ni d’âge.

Les lésions, bilatérales et symétriques, sont des pustules fugaces, des collerettes épidermiques, des croûtes et des érosions. Elles sont localisées à la face, en particulier au chanfrein, avec une extension à la truffe, aux zones péri-oculaires et aux pavillons auriculaires (PHOTO 7). Même en cas de généralisation des lésions, l’atteinte faciale est souvent initiale. Des signes généraux peuvent alors être associés. Le prurit est présent dans un cas sur deux et peut être violent [30, 32, 33, 35].

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et les examens cytologique (du pus d’une lésion intacte ou, à défaut, du pus sous-crustacé) et histopathologique. Ces deux derniers examens montrent l’acantholyse.

Le traitement fait appel aux corticoïdes ou aux immunosuppresseurs. Chez le chat, les corticoïdes (prednisone ou prednisolone, 4 à 8 mg/kg/j, et, en cas d’efficacité insuffisante, dexaméthasone, 0,2 à 0,4 mg/kg/j, ou triamcinolone, 0,4 à 0,8 mg/kg/j, sont administrés par voie orale, à doses immunosuppressives, associés éventuellement au chlorambucil(1) (0,1 à 0,2 mg/kg par jour ou tous les deux jours), par voie orale, ou aux sels d’or (aurothioglucose, non disponible en France), par voie intramusculaire. Dès la guérison des lésions obtenue, les doses sont diminuées progressivement jusqu’à déterminer la plus petite dose efficace, qui est maintenue en traitement d’entretien.

L’évolution est capricieuse et un suivi clinique est indispensable.

2. Pemphigus érythémateux

Considéré comme une forme localisée à la face et photosensible de pemphigus foliacé, le pemphigus érythémateux associe un érythème, des pustules, des croûtes et des érosions sur la face à une dépigmentation, à des érosions et à des ulcères de la truffe [30, 35].

Le diagnostic et le traitement sont identiques à ceux du pemphigus foliacé, à l’éviction solaire près : il est en effet conseillé de pratiquer une photo protection des zones lésées, soit à l’aide de crème antisolaire, soit en évitant les sorties pendant les périodes les plus ensoleillées.

Trouble primaire de la kératinisation : l’acné féline

L’acné féline est un trouble primaire de la kératinisation localisé au menton.

Les lésions précoces, non prurigineuses, sont des comédons, des manchons pilaires et des croûtes [30, 35]. L’infection bactérienne secondaire est fréquente et se traduit par des papules, des pustules et des furoncles, ainsi que par du prurit. Une dermatite secondaire à Malassezia est plus rare.

Le diagnostic de l’acné féline est essentiellement clinique. Les examens cytologiques, de surface et du pus obtenu à partir d’une lésion intacte, permettent la recherche des infections bactérienne et fongique secondaires.

Le traitement consiste en un nettoyage régulier des lésions à l’aide d’un shampooing antibactérien et sébolytique (par exemple à base de peroxyde de benzoyle), associé, lors d’infection bactérienne, à une antibiothérapie par voie générale. En cas de prolifération de Malassezia, un shampooing antibactérien et antifongique (par exemple à base de chlorhexidine) est préféré. Un traitement antibiotique topique à l’aide de mupirocine(1) peut également être utilisé.

Néoplasmes

1. Le mastocytome

Le mastocytome mastocytaire est une tumeur rare du chat âgé. Les mâles et les chats siamois semblent prédisposés.

La tête et le cou sont des localisations préférentielles. Le nombre, la nature et l’aspect des lésions sont variables : papules ou nodules multiples, nodule ou plaque unique, en général bien délimités, alopéciques ou non, parfois ulcérés. Le prurit, variable, peut être marqué [30, 33, 35].

Le diagnostic repose sur l’examen cytologique du produit d’une cytoponction à l’aiguille fine et sur l’examen histopathologique d’une biopsie, ou de la biopsie-exérèse, d’une lésion.

La majorité des mastocytomes du chat sont bénins. Le pronostic est bon pour les formes solitaires et bien différenciées qui peuvent bénéficier d’une exérèse large, mais mauvais pour les formes multiples ou indifférenciées, d’autant que le mastocytome du chat répond moins bien que celui du chien aux corticoïdes.

Le mastocytome histiocytaire est une variété de mastocytome qui affecte préférentiellement les chats siamois, âgés de six semaines à quatre ans. Des papules ou nodules multiples se développent sur la tête et les pavillons auriculaires. Le prurit est variable. Une régression spontanée est observée dans de nombreux cas.

2. Le lymphome cutané

Les lymphomes cutanés sont rares chez le chat. La forme la plus fréquente est le lymphome cutané non épithéliotrope, le plus souvent de nature T.

Les lymphomes cutanés affectent les chats âgés et se traduisent par une érythrodermie exfoliative ou, plus rarement, par des papules, des plaques ou des nodules dermiques, plus ou moins ulcérés, qui apparaissent d’abord sur la tête et le cou [32, 35] (PHOTO 8).

Le diagnostic repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et les examens cytologique et histopathologique.

Le traitement des lymphomes cutanés du chat est mal défini. Le protocole utilisé chez le chien ou le protocole de traitement d’autres lymphomes du chat peuvent être utilisés (c’est-à-dire une association vincristine(1) et corticothérapie).

Idiopathique

1. Granulome-pyogranulome stérile

Le granulome-pyogranulome stérile est un syndrome de cause inconnue très rare chez le chat.

Il s’agit soit de papules ou de nodules érythémateux ou violacés, situés sur la tête ou sur les pavillons auriculaires, soit de plaques jaune-orangé, bien délimitées, localisées aux zones préauriculaires. Ces lésions sont prurigineuses [35].

Le diagnostic est un diagnostic d’exclusion qui nécessite la réalisation de biopsies profondes en vue de cultures bactérienne et fongique (qui restent stériles) et d’un examen histopathologique, avec colorations spéciales (PAS, Ziehl) pour la recherche d’éléments figurés bactériens ou fongiques.

La guérison spontanée est souvent observée dans un délai d’environ neuf mois. Pour les lésions isolées, la chirurgie d’exérèse est curative.

2. Dermatite faciale idiopathique du chat persan

Cette dermatite faciale a été décrite récemment chez des chats persans [2]. Aucune prédisposition d’âge, ni de sexe n’est constatée.

À la différence de l’intertrigo des plis de la face, cette dermatose déborde largement la zone des plis et affecte le menton, les zones périoculaires et péribuccale. Elle est caractérisée par un érythème et un exsudat épais, cireux et noirâtre, qui agglutine les poils. Initialement non prurigineuse, elle le devient progressivement, probablement en raison des infections secondaires bactériennes ou à Malassezia. Une otite bilatérale, érythémato-cérumineuse à cérumen épais et noirâtre, est présente dans environ la moitié des cas. L’évolution est chronique.

L’examen cytologique des lésions (calques par impression) montre une colonisation bactérienne ou par des Malassezia.

Aucun traitement n’est efficace. L’étiologie est inconnue. Une cause génétique est suspectée.

Dermatites faciales psychogènes

Deux types de lésions liées à des troubles du comportement peuvent être localisés à la face chez le chat [22] :

– le léchage stéréotypé de la truffe, souvent brutal et vigoureux, est à l’origine d’érosions et d’ulcères de la truffe et de la lèvre supérieure ;

– la plaie auto-induite par grattage, localisée à la tête et au cou, est généralement unilatérale et rapidement délabrante.

Ces lésions cutanées peuvent être liées à une anxiété intermittente ou à une dépression (PHOTO 9).

La suspicion est fondée sur l’anamnèse et l’examen clinique, mais le diagnostic est éthologique et repose sur l’examen somatique, l’examen direct du comportement et l’entretien avec les propriétaires.

Le traitement fait appel aux psychotropes et à une thérapie comportementale.

Conclusion

Les dermatites prurigineuses de la face ont des causes variées et nombreuses, mais des expressions cliniques voisines, les lésions primaires, les plus significatives, étant remaniées par le prurit. Aussi convient-il d’adopter une démarche diagnostique systématique et rigoureuse.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Pas d’AMM validée pour cette indication dans cette espèce.

  • (3) Pas d’AMM validée pour cette voie d’administration dans cette espèce.

Prurit facial et du cou marqué chez le chat

Lesdermatitesd’origine parasitaire responsables de prurit facial et du cou marqué chez le chat sont :

– la trombiculose ;

– la dermatite à Otodectes ;

– la phtiriose ;

– la démodécie ;

– la gale notoédrique.

Points forts

Les données de l’anamnèse sont primordiales.

Le prurit est intense lors d’allergie, d’ectoparasitose, de prurit d’origine psychogène, de pemphigus foliacé ou d’acné féline compliquée.

Le prurit est alésionnel et inaugural lors d’allergies, de prurit d’origine psychogène ou médicamenteuse.

Il convient d’envisager l’hypothèse de dermatophytose et de réaliser une culture fongique de manière systématique.

Les dermatites de contact sont très rares chez le chat.

Le pemphigus foliacé est la plus fréquente des dermatites auto-immunes du chat.

ATTENTION

La dermatite à Otodectes doit être distinguée des complications d’une otite à Otodectes cynotis dues au grattage, telles que des excoriations graves des pavillons auriculaires ou de la tête ou une dermatite pyotraumatique de la base des oreilles ou de la joue.

ATTENTION

Des cas de prurit localisé à la région céphalique, mimant une allergie alimentaire, dus à l’administration de méthimazole(1) ou de propylthiouracile(1), ont été rapportés.

  • 2 - Bond R, Curtis CF, Ferguson EA, Mason IS, Rest J. An idiopathic facial dermatitis of Persian cats. Vet. Derm. 2000 ; 11 : 35-41.
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  • 7 - Carlotti DN, Pin D. Aspects cliniques et histopathologiques, diagnostic différentiel et traitements des dermatophytoses chez les carnivores domestiques. Ann. Méd. Vét. 2002 ; 147 : 83-93.
  • 14 - Gilbert S, Prélaud P, Guaguère E. L’atopie féline. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1999 ; 34 : 15-31.
  • 15 - Guaguère E. Démodécie féline : étude rétrospective de 9 cas. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1993 ; 28 : 31-36.
  • 16 - Guaguère E. Intolérance alimentaire à manifestations cutanées : à propos de 17 cas chez le chat. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1993 ; 28 : 451-460.
  • 19 - Groux D, Degorce-Rubiales F, Capelli J-L. La poxvirose féline : à propos de deux cas. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1999 ; 34 : 215-229.
  • 22 - Mège C. Manifestations dermatologiques liées à des troubles comportementaux. Dans : Guide de dermatologie féline. Mérial. Edrs : Guaguère E, Prélaud P. 2000 : 17.1-17.11.
  • 36 - Soubagne B, Reboul O, Héripret D. Dermatose faciale féline associée à une infection par l’herpesvirus de type 1. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2002 ; 37 : 27-32.
  • 39 - Vroom M. La dermatite par allergie aux piqûres de puces. Dans : Guide de dermatologie féline. Mérial. Edrs : Guaguère E, Prélaud P. 2000 : 9.1-9.6.
  • 41 - White SD, Bourdeau P. Hypersensibilités aux piqûres de diptères chez les carnivores. Point Vét. 1995 ; 27(169): 203-206.
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