Insuffisance pancréatique exocrine ou pancréatite ? - Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002
Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002

NUTRITION CLINIQUE DU CHIEN ET DU CHAT

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EN QUESTIONS-REPONSES

Auteur(s) : Géraldine Blanchard*, Bernard-Marie Paragon**

Fonctions :
*École Nationale vétérinaire d'Alfort
7 avenue du Général de Gaulle
94704 Maisons-Alfort

L’insuffisance pancréatique exocrine et la pancréatite sont deux affections distinctes d’un même organe. Il convient de réaliser pour chacune d’elles une gestion nutritionnelle spécifique et rigoureuse.

L’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) et la pancréatite sont des affections relativement fréquentes chez le chien, moins chez le chat. Si les signes cliniques respectifs qui conduisent à leur diagnostic, ainsi que leur traitement médical, sont différents, la gestion nutritionnelle est souvent l’objet d’une confusion et est parfois délicate. Ces deux affections pancréatiques sont ainsi traitées dans un même article pour différencier le traitement nutritionnel associé à chacune d’entre elles.

Qu’est ce que l’insuffisance pancréatique exocrine ?

• L’insuffisance pancréatique exocrine (IPE) est l’affection pancréatique la plus courante dans l’espèce canine. Elle est due à une absence totale ou partielle des sécrétions d’enzymes digestives d’origine pancréatique.

• Les animaux atteints sont généralement très maigres malgré un excellent appétit, ont la peau et les poils en mauvais état et des selles très volumineuses, plus ou moins diarrhéiques et pâteuses, qui traduisent une stéatorrhée (PHOTO1). Ces mêmes signes sont retrouvés chez le chien et chez le chat, bien que l’IPE soit plus rare dans l’espèce féline [16, 17].

• Alors que l’activité TLI (Trypsin-Like Immunoreactivity) est fortement diminuée chez le chien (voir le TABLEAU « Signes cliniques et résultats du test TLI-Folates-B12 lors de pancréatite aiguë et d’IPE chez le chien »), elle est quasi normale chez les chats atteints. En revanche, la diminution de la concentration sérique en cyanocobalamine (vitamine B12), inconstante chez le chien, est fréquente chez le chat, ce qui signe peut-être l’existence d’une affection intestinale intercurrente.

• Chez le chien, l’IPE est le plus souvent secondaire à une atrophie progressive du tissu pancréatique exocrine, d’origine indéterminée, avec souvent une infiltration inflammatoire lymphocytaire [15]. Chez les races pour lesquelles la maladie est la plus fréquemment observée, le berger allemand et le colley, une composante génétique est suspectée [16]. Des études récentes suggèrent une origine auto-immune de l’IPE chez ces races prédisposées [13,14,15]. Plus rarement, l’IPE peut être secondaire à une pancréatite chronique ou à une tumeur du pancréas.

• Les complications les plus courantes de l’IPE sont une surpopulation bactérienne dans l’intestin grêle et une carence nutritionnelle. Un diabète sucré peut être associé à l’IPE à la suite d’une pancréatite chronique [16].

Qu’est ce que la pancréatite aiguë ?

• La pancréatite aiguë est définie comme une autodigestion de l’organe, initiée par les sécrétions intraglandulaires et l’activation des enzymes protéolytiques et lipolytiques.

• Les formes subcliniques, plutôt dues à la forme œdémateuse interstitielle, se distinguent des formes nécrosantes, plus graves et potentiellement fatales [3].

• Bien que la pathogénie ne soit pas clairement connue, il semble que les pancréatites aiguës commencent par une infiltration diffuse qui évolue vers une nécrose parenchymateuse. Cette progression semble liée à la vasodilatation pancréatique, elle-même consécutive à un largage de bradykinines, à une diminution du flux sanguin artériel et à une déshydratation. Les signes cliniques peuvent n’apparaître qu’après une implication des organes voisins.

• Certaines situations semblent être associées et sont donc considérées comme des facteurs favorisant une pancréatite aiguë : l’obésité, un repas pantagruélique très gras, diverses parasitoses (en particulier, des trématodes qui peuvent envahir les canaux biliaires et pancréatiques), certaines infections bactériennes ou virales (par exemple, la péritonite infectieuse féline). Chez le chat, l’association d’une cholangite et d’une pancréatite a été plusieurs fois décrite.

• Les pancréatites traumatiques ne semblent passi fréquentes chez les carnivores domestiques. Bien qu’une manipulation du pancréas lors d’un acte chirurgical puisse entraîner une augmentation transitoire des activités enzymatiques sériques, les signes cliniques d’une pancréatite sont extrêmement rares [3].

• La pancréatite est l’une des conséquences possibles de kystes pancréatiques [7, 12] ou d’une babésiose [8].

• Elle survient également plus fréquemment chez les chiens épileptiques traités par l’administration conjointe de phénobarbital et de bromure de potassium par rapport au traitement avec le phénobarbital seul [4]. De nombreux cas de chiens ayant développé une pancréatite après un traitement à base de glucocorticoïdes ont été décrits [3, 9].

• La pancréatite aiguë peut elle-même être à l’origine d’autres affections, en particulier lors de récidives : une IPE, un diabète sucré...

• Le diagnostic nécessite un examen échographique auquel peuvent être adjoints différents examens biochimiques : le test TLI-Folates-B12, le dosage des enzymes pancréatiques sériques, etc.

Les dosages des activités sériques de la lipase et de l’amylase doivent être relativisés pour plusieurs raisons :

– selon la méthode utilisée pour mesurer l’activité de l’amylase, la valeur peut être faussement élevée (avec la méthode de Somogy) en raison de la teneur élevée en maltase du sang canin ; les mesures doivent donc être effectuées par un laboratoire vétérinaire qui utilise préférentiellement une méthode enzymatique mesurant l’activité alpha-amylase ;

– l’activité amylasique peut provenir du pancréas, mais aussi de l’intestin, notamment lors d’entérite aiguë, ce qui entraîne des résultats faussement négatifs ;

– l’amylase sérique est métabolisée par le rein et éliminée par voie urinaire. Toute insuffisance rénale peut donc diminuer cette élimination et être à l’origine d’une rétention de l’amylase et d’une augmentation de son activité sérique ;

– la lipase est majoritairement d’origine pancréatique, mais l’activité sérique de cette enzyme peut être élevée lors d’atteinte rénale ou hépatique, lorsqu’un tube hépariné a été utilisé pour le prélèvement, lors d’administration de corticoïdes, etc.

L’élévation forte des activités sériques de lipase et d’amylase est donc un indicateur de la souffrance pancréatique, mais leur valeur n’est prédictive, ni de la gravité de la pancréatite aiguë, ni de son pronostic [10].

• La pancréatite est considérée comme l’affection pancréatique la plus fréquente chez le chat, même si les troubles du pancréas exocrine sont rarement diagnostiqués dans l’espèce féline [11]. Dans cette espèce en effet, les signes cliniques sont plus frustes que chez le chien, les activités sériques en amylase et lipase ne sont pas toujours élevées et seul le fTLI sérique semble augmenté.

Quelles sont les règles du traitement nutritionnel lors d’IPE ?

• Lors d’IPE, le pancréas ne peut plus assurer sa fonction sécrétoire d’enzymes digestives. Le traitement consiste donc dans un premier temps en l’ajout à la ration alimentaire d’extraits pancréatiques exogènes en quantité adaptée à la quantité de substrat à digérer. L’essentiel n’est donc pas tant l’aliment distribué en lui-même, mais la quantité distribuée et l’équilibre de cet aliment.

• Le plus souvent, les chiens atteints sont présentés pour un état de maigreur (PHOTO 2) et des diarrhées, malgré une consommation d’aliment deux, voire trois fois supérieure à celle qui devrait leur suffire. Il convient donc en premier lieu, en attendant les résultats des tests TLI-Folates-vitamine B12, de revenir à des quantités d’aliments en rapport avec les besoins de l’animal (voir l’ENCADRÉ « Comment s’assurer que le chien reçoit une quantité d’aliment industriel en rapport avec ses besoins ? »).

• Si l’aliment que reçoit l’animal n’est pas de bonne qualité, il est possible d’en changer pour un aliment d’entretien pour adulte, voire pour un aliment dit « hyperdigestible », bien que ce dernier ne soit pas une nécessité. L’essentiel est que l’aliment ne soit pas très riche en fibres insolubles, qui accélèrent le transit digestif. Le taux de fibres insolubles est imparfaitement reflété par le taux de cellulose brute qui, dans un aliment pour chien adulte, ne doit alors pas dépasser 2 à 3 % de la matière sèche. Il est souhaitable que l’aliment soit à formule fixe, c’est-à-dire que les ingrédients ne changent pas. C’est généralement le cas des aliments distribués dans le circuit professionnel, soit chez les vétérinaires, soit dans les magasins spécialisés de type animaleries.

1. Quelles sont les mesures diététiques complémentaires lors d’IPE ?

Lors d’IPE, il est possible d’ajouter, au moins de manière transitoire, quelques ingrédients supplémentaires à la ration qui apportent de l’énergie facilement utilisable, en particulier en période immédiatement postprandiale.

• Le sucre de table ou saccharose présente la particularité d’être un diose, digéré par la saccharase, enzyme dont l’origine n’est pas pancréatique, présente à la surface des entérocytes. La quantité de saccharose à apporter ne doit cependant être ni trop élevée ni trop brutale. Le maximum digestible par un chien est de l’ordre de 6 g/kg de poids vif/jour. Afin d’éviter des pics d’insuline postprandiaux trop élevés, l’apport est limité en première intention à 1 à 2 g/kg/j, fractionné sur les différents repas. Rappelons que le sucre contient 4 kcal/g.

Chez le chat, le maximum de saccharose digestible est de l’ordre d’1 g/kg de poids vif/jour. Le sucre est toutefois peu apprécié (et donc peu prescrit) dans cette espèce.

• Des acides gras à chaîne courte et moyenne (AGCM) peuvent également être apportés chez le chien, à raison de 2 à 3 % du besoin énergétique, soit autour de 250 mg/kg de poids vif chez les chiens de petite taille et autour de 100 mg/kg de poids vif chez ceux de grande taille, à fractionner lors des différents repas. Ils sont en revanche inappétents chez le chat.

La forme d’apport est le Liprocil®(1), qui contient des triglycérides d’ACGM et nécessite donc l’apport d’enzymes exogènes pour être digéré. Lorsqu’ils sont digérés, les AGCM sont facilement absorbés dans les entérocytes, puis sécrétés dans le sang portal. Ils arrivent rapidement au foie où ils sont hydrolysés en corps cétoniques qui passent dans la circulation générale. Ils sont alors captés par les organes périphériques qui les utilisent comme substrat énergétique.

Il s’agit donc d’un apport énergétique d’appoint rapidement utilisable une fois digéré. Le diabète acido-cétosique et l’insuffisance hépatique sont des situations dans lesquelles l’utilisation de sucre et d’AGCM est contre-indiquée.

• Lorsque l’animal a récupéré un état général satisfaisant, le sucre de table et le Liprocil®(1) sont supprimés de la ration.

Un rationnement ménager peut également être instauré (voir l’ENCADRÉ « Rations ménagères types pour un chien qui présente une IPE ou en convalescence de pancréatite aiguë »).

• Même si des enzymes pancréatiques exogènes sont apportées, il est toujours souhaitable de fractionner les repas afin de faciliter leur action digestive. Une ration volumineuse est en effet plus difficile à digérer.

La ration est donc classiquement répartie en trois repas par jour (matin, midi et soir ou matin, fin d’après-midi au retour chez eux des propriétaires et fin de soirée).

2. Des extraits pancréatiques : la clé du succès ?

• Si les extraits pancréatiques sont parfois prescrits de façon abusive dès qu’un chien présente une diarrhée, ils deviennent indispensables lorsqu’une IPE est diagnostiquée.

La comparaison des différents extraits pancréatiques disponible n’est pas simple car les informations dispensées par les laboratoires qui les commercialisent sont assez frustes. Néanmoins, la comparaison des différentes activités enzymatiques affichées avec la composition de la ration d’un chien à l’entretien permet de considérer deux spécialités comme équilibrées : Tryplase® (spécialité vétérinaire) et Créon®(1) (spécialité humaine) sont les présentations qui correspondent le mieux par leur activité protéolytique lipolytique et amylolytique à la composition des aliments pour carnivores (voir le TABLEAU « Capacité digestive permise par unité de présentation de quelques spécialités du marché vétérinaire et humain contenant des extraits pancréatiques »).

• Il est nécessaire d’adapter les doses au format du chien : environ six gélules de Tryplase® par jour pour un chien de 35 kg, soit deux gélules par repas si trois repas par jour sont distribués. Cette présentation ne nécessite pas d’ouvrir les gélules avant de les faire avaler.

3. Comment lutter contre la prolifération bactérienne intestinale ?

• En première intention, l’administration d’un bactériostatique intestinal, la néomycine par exemple, peut être d’une aide précieuse pour lutter contre la prolifération bactérienne qui peut être associée à une maldigestion.

• Parallèlement à ce traitement médical, à l’établissement d’une ration alimentaire adaptée et à la prescription d’extraits pancréatiques, l’apport de prébiotiques et de probiotiques peut s’avérer intéressant.

– Des ferments lactiques, les probiotiques, sont ajoutés à la ration alimentaire en apportant de l’Ultralevure®, ou plus simplement un yaourt par jour avec les repas, pour aider au rétablissement d’une flore non pathogène. Les bactéries lactiques utilisent les fibres solubles comme substrat énergétique et produisent des acides gras volatils qui rétablissent un pH acide dans les portions terminales du tube digestif. Ce pH acide est favorable à la flore physiologique alors qu’elle est défavorable aux bactéries pathogènes comme les clostridies.

– Les fibres solubles (prébiotiques) les plus intéressantes sont les fructo-oligosaccharides (FOS), qui peuvent être présents dans l’aliment. Sinon, du lactulose(1) (Duphalac®) peut être apporté, en petite quantité afin d’éviter l’induction d’une diarrhée osmotique.

4. Les apports vitaminiques sont-ils nécessaires ?

• Lors d’IPE, en particulier lorsqu’une surpopulation bactérienne dans l’intestin grêle est associée, la concentration sanguine en vitamine B12 peut être nettement diminuée. Le rétablissement d’une concentration normale est lent, même après l’apport d’extraits pancréatiques exogènes. Une carence en cobalamine peut être associée à une mauvaise réponse de la muqueuse intestinale au traitement de l’IPE. Il est donc recommandé d’apporter 250 mcg de cobalamine par voie intramusculaire ou sous-cutanée, une fois par semaine, pendant quelques semaines au début du traitement [16].

• D’autres ajouts vitaminiques ont été proposés en complément du traitement précité :

– l’apport de 400 à 500 UI de tocophérol (vitamine E) cobalamine une fois par jour avec un repas pendant un mois, afin de retrouver une tocophérolémie normale ;

– l’apport de 5 mg de folate (vitamine B9) cobalamine une fois par jour pendant un mois également, en fonction de la valeur sérique observée, afin de compenser une éventuelle malabsorption des folates [16].

Quelles sont les règles du traitement nutritionnel lors de pancréatite aiguë ?

• Le traitement de la pancréatite aiguë est fondé sur trois principes :

– limiter les sécrétions pancréatiques ;

– permettre une perfusion correcte du pancréas pour éviter les nécroses de l’organe ;

– prévenir les complications.

• Pour éviter de stimuler les sécrétions pancréatiques, il convient donc de prescrire une diète totale pendant deux à cinq jours [16]. Les sécrétions pancréatiques étant stimulées chez le chien par la vue et l’odeur de la nourriture et même par le bruit lié à sa manipulation, il convient d’éviter de placer le chien hospitalisé devant la cuisine ou près de la cage d’un animal régulièrement nourri ! La distension gastrique, quelle qu’en soit l’origine, stimule également les sécrétions pancréatiques. Il est donc souhaitable de laisser l’estomac vide en empêchant l’ingestion de nourriture et d’eau, mais aussi d’éviter l’administration de médicaments par voie orale.

• Pour permettre une bonne perfusion du pancréas, comme la déshydratation est souvent associée à la pancréatite aiguë, notamment dans les 24 à 72 premières heures, la fluidothérapie parentérale est essentielle.

Elle a trois objectifs :

– ramener un état d’hydratation correct tout en corrigeant le déséquilibre électrolytique et acido-basique qui résulte des vomissements et de la diarrhée éventuelle ;

– maintenir la pression vasculaire et le volume circulant de manière à éviter le choc ;

– perfuser le pancréas pour éviter l’ischémie et la nécrose de l’organe.

• Chez les animaux pour lesquels la fonction rénale est conservée, 40 à 80 ml/kg de poids vif/24 heures de soluté isotonique de NaCl sont administrés, parfois complémenté en potassium et en réserve alcaline. Il convient de surveiller la fonction rénale et la quantité d’urine éliminée.

• Un soluté de lactate de Ringer peut également être utilisé, à la posologie d’un maximum de 6,5 ml/kg/jour et 1,75 ml/kg/h, (le volume de fluide est à compléter avec du NaCl isotonique). Il semble permettre une meilleure perfusion du pancréas.

• L’administration d’une solution de Dextran® 40 à la dose de 1,5 ml/kg/h chez des chiens à pancréatite induite expérimentalement, a permis de réduire l’évolution d’une pancréatite œdémateuse vers la forme hémorragique. La perfusion par une solution saline hypertonique et du Dextran® 70 (2400 mOsm de NaCl et 6 % de Dextran® 70) administrée à 4 mg/kg par voie intraveineuse en bolus, puis l’administration d’un soluté de Ringer lactate pour maintenir la pression artérielle, a permis de diminuer les hypertensions et œdèmes pulmonaires rencontrés avec le Ringer lactate seul [5].

• Excepté face à un choc, lors duquel les corticoïdes peuvent être indiqués, il convient de les éviter en cas de pancréatite aiguë.

• Le traitement médical, toujours administré par voie parentérale, peut inclure divers traitements de gestion de la douleur, de prévention ou de traitement d’une éventuelle infection bactérienne ou lors d’hyperthermie, et des complications dont le choc reste le principal.

1. Comment réalimenter et éviter les récidives ?

• Après deux à cinq jours de diète totale, une réalimentation progressive peut être envisagée si aucun vomissement ne s’est produit depuis au moins 24 heures.

• Une à deux cuillères à soupe d’eau sont proposées par voie orale à deux ou trois reprises pendant 24 à 48 heures. Si aucun vomissement n’est constaté, un petit repas d’un volume égal à une cuillère à café pour un animal de petite taille et à une cuillère à soupe pour un de grande taille peut être proposé. De manière à limiter le temps de séjour dans l’estomac, l’aliment proposé est humide, pauvre en protéines et en matières grasses (par exemple, Hill’s w/d en boîte). En l’absence de vomissement, deux repas de ce type sont proposés le premier jour.

• Les quantités sont ensuite progressivement augmentées sur plusieurs jours pour finalement couvrir les besoins énergétiques de l’animal.

Une source d’acides gras à chaîne moyenne, comme le Liprocil®(1), peut être adjointe à la ration. Ces molécules qui ne stimulent pas les sécrétions pancréatiques représentent une source d’énergie intéressante, mais restent peu appétentes et sont donc administrées en petites quantités (Cf. supra).

• Il convient d’administrer une alimentation pauvre en protéines et en graisses pendant environ quinze jours. Il est ensuite possible de revenir progressivement à une alimentation plus classique, avec des quantités moyennes de protéines et de lipides, soit un ratio protido-calorique autour de 60 g de protéines/Mcal EM et autour de 10 % de lipides par rapport à la matière sèche, selon la réaction de l’animal. Les « à-côtés », restes de table et autres suppléments, restent néanmoins à éviter autant que possible de manière à limiter les risques de récidive (voir le TABLEAU « Rations ménagères types pour un chien qui présente une IPE ou en convalescence de pancréatite aiguë »).

• Deux repas par jour semblent constituer un rythme alimentaire raisonnable.

2. Le chat suspect de pancréatite aiguë doit-il être mis à la diète ?

• Les chats suspects de pancréatite aiguë sont le plus souvent déjà anorexiques lorsqu’ils sont amenés à la consultation. Les signes cliniques de cette affection chez le chat sont en outre peu spécifiques et peuvent également évoquer un diabète ou une lipidose hépatique [1].

• Dans la mesure où les chats anorexiques présentent un risque élevé de lipidose hépatique, d’autant plus s’ils sont obèses, il est souhaitable de gérer la situation le plus tôt possible, cette affection étant la complication classique de toute anorexie chez le chat, voire d’une diète prolongée.

• La gestion de la pancréatite aiguë et la prévention de la lipidose peuvent sembler antagonistes puisque le traitement de la première passe généralement par une diète totale alors que celui de la seconde passe par une réalimentation progressive la plus précoce possible.

• Si aucune anorexie n’a été constatée (attesté par la présence de selles dans le rectum ou le côlon), une diète totale de deux jours peut être instaurée. Si le chat présenté est déjà anorexique depuis quelques jours, et en l’absence de vomissements, il convient de penser à la réalimentation.

• Plusieurs solutions sont possibles pour réalimenter le chat sans trop stimuler les sécrétions du pancréas :

– alimentation entérale par sonde naso-œosophagienne : c’est la solution la plus simple, la moins coûteuse et qui demande le minimum de matériel. Il est souhaitable d’administrer un anti-émétique par voie intraveineuse dix minutes avant chaque repas.

– alimentation entérale par sonde de jéjunostomie. Cette option n’est envisagée que si, au cours d’une laparotomie, une souffrance pancréatique compatible avec une pancréatite aiguë est découverte : l’intervention chirurgicale ne doit pas être réalisée uniquement pour poser la sonde ;

– alimentation parentérale avec au moins des solutés de dextrose et d’acides aminés. Cette solution est coûteuse, demande un plateau technique permettant une surveillance continue de la perfusion. Elle est peu pratiquée ;

– alimentation entérale par sonde transpylorique poussée de plus de 10 cm dans le duodénum. Cette solution n’est pas sans inconvénients (non fermeture du pylore) mais est simple à mettre en œuvre si l’on dispose d’un endoscope, permet de shunter les sécrétions gastriques de manière avantageuse, et est facile à poursuivre une fois la sonde posée. La sonde utilisée est la même que pour un sondage naso-œsophagien.

Le recul n’est pas suffisant pour dire aujourd’hui quelle solution apporte les meilleurs résultats pronostic.

• Chez le chat, l’administration d’aliments liquides destinés à l’homme, qui contiennent peu de lipides et beaucoup de glucides simples, a des effets secondaires marqués (diarrhées et hyperglycémies) alors que les aliments liquides destinés au chat (type Fortol®) sont beaucoup mieux tolérés ([a]. Nous avons la même expérience. Le risque de coagulopathie par carence en vitamine K conduit à prescrire des injections de celle-ci pendant quelques jours [a].

• Lors de la réalimentation, de très petits repas sont tout d’abord administrés (comme chez le chien), de l’ordre de 5 kcal soit 5 ml de Fortol®/kg de poids vif par jour, en deux repas le premier jour. Cette quantité par repas est doublée chaque jour jusqu’à la couverture du besoin énergétique qui est de l’ordre de 50 kcal/kg de poids vif/jour. Un rythme de deux à trois repas par jour est conservé pour éviter des stimulations trop fréquentes du pancréas. Si le chat accepte de se nourrir spontanément après quelques jours de réalimentation entérale forcée par sonde, un aliment normo-protéique pas trop riche en graisses est proposé, par exemple du Hill’s Feline w/d.

  • (1) Médicament à usage humain.

  • (2) Médicament à usage humain.

Comment s’assurer que le chien reçoit une quantité d’aliment industriel en rapport avec ses besoins ?

1 Calculer la densité énergétique, c’est-à-dire la quantité de kcal pour 100 g d’aliment brut.

• La composition analytique minimale indiquée sur l’étiquette est généralement la suivante :

humidité, protéines brutes, matières grasses brutes, cellulose brute, cendres.

• Il convient de calculer par différence la teneur en extractif non azoté (ENA) :

ENA = 100 - % humidité - % protéines - % matières grasses - % cellulose brute - % cendres.

• L’énergie est ensuite calculée par la formule suivante :

Energie (kcal/100 g) = % protéines x 3,5 + % ENA x 3,5 + % matières grasses x 8,5.

Cela correspond à la densité énergétique en kcal/100 g d’aliment.

2 Déterminer combien de grammes de cet aliment le chien reçoit et consomme par jour.

3 En déduire la quantité de kcal qu’il ingère.

4 La comparer ensuite au besoin énergétique quotidien de ce chien, grossièrement estimé en fonction de son poids vif : 156 x P0,67 kcal/j

(P : poids idéal du chien, en kg).

Pour un calcul plus précis du besoin énergétique, qui peut varier en fonction de la race, du comportement et du statut physiopathologique voir [2].

Exemple : Un chien berger allemand de quatre ans pesant 30 kg est présenté pour une maigreur et une diarrhée chronique.

Il consomme 2 kg d’un aliment humide (boites) dont la composition est la suivante : humidité 79 %, protéines brutes 6 %, matières grasses brutes 5 %, cellulose brute 0,3 %, cendres brutes 2,5 %.

ENA = 100 - 79 - 6 - 5 - 0,3 - 2,5 = 8,2 %

Énergie : 6 x 3,5 + 8,2 x 3,5 + 5 x 8,5 = 92,2 kcal dans 100 g

Le chien en consomme 4 kg, soit 4 000 g, soit 30 x 92,2 = 3 688 kcal/j.

Or, son besoin énergétique, pour son poids théorique normal de 40 kg, serait de : 156 x 400,67 = 1 847 kcal/j.

Sans préjuger de la qualité de l’aliment, le premier réflexe doit être de diminuer la quantité distribuée.

Si la qualité de l’aliment est jugée médiocre, il est possible de le modifier pour un autre de meilleure qualité.

Points forts

Chez le chien qui présente une insuffisance pancréatique exocrine, il convient de calculer précisément les apports d'extraits pancréatiques en fonction de la ration distribuée, afin d’obtenir une action digestive optimale.

Le traitement de la pancréatite aiguë chez le chien nécessite une diète totale de 2 à 5 jours ; l’absence de stimulations (olfactives, visuelles, etc) et de distension gastrique permet en effet de limiter les sécrétions pancréatiques.

Chez le chat, lors de pancréatite aigüe, la diète n'est pas systématiquement instaurée : en effet, si l’animal est anorexique depuis plusieurs jours, il convient d’envisager une réalimentation progressive, afin de limiter le risque de lipidose hépatique.

En savoir plus

– Arpaillange C. Soutien nutritionnel du chat anorexique. Point Vét. 1996 ; 28(175): 19-27.

– Arpaillange C. Techniques d’alimentation entérale. Point Vét. 1996 ; 28(175): 29-40.

– Nguyen P, Martin L, Loukil L, Dumon H. Alimentation du chat : comportement et particularités physiologiques. Point Vét. 1996 ; 28(175): 13-18.

– Martin L, Loukil L, Dumon H, Nguyen P. Recommandations nutritionnelles dans le traitement des principales affections du chat. Point Vét. 1996 ; 28(178): 327-337.

Congrès

a – Simpson KW, Michel KE. Medical and nutritionnal management of feline pancreatitis. (abstr.) Proc. 18th ACVIM, Seattle, WA. 2000 : 428.

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