Agents bactériens impliqués dans les BPI des bovins - Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002
Le Point Vétérinaire n° 231 du 01/12/2002

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE

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COURS

Auteur(s) : Alain Douart

Fonctions : Médecine des animaux d’élevage, ENVN, Atlanpole La Chantrerie, BP 40706, 44307 Nantes Cedex 03

Les pasteurelles (Mannheimia haemolytica et Pasteurella multocida) et les mycoplasmes (Mycoplasma bovis) sont les principaux agents bactériens impliqués dans les affections de l’appareil respiratoire profond des bovins.

Les bronchopneumonies infectieuses (BPI) des jeunes bovins relèvent le plus souvent d’une étiologie complexe où interagissent de manière séquentielle et synergique trois types de facteurs :

1des facteurs prédisposants : anatomie de l’appareil respiratoire, immaturité physiologique et fonctionnelle de l’appareil respiratoire des jeunes bovins, en particulier dans les races dites « viandeuses » ;

2 des facteurs favorisants, qui agissent soit en augmentant les risques de contamination des animaux, soit en diminuant leurs moyens de défense générale ou locale ;

3 des agents microbiens, qui, même s’ils ne peuvent pas le plus souvent agir isolément, restent les éléments indispensables des atteintes de l’appareil respiratoire profond des bovins.

Les agents microbiens impliqués dans ces bronchopneumonies sont de nature virale (VRSB, virus PI3, coronavirus, BVDV, BHV1, etc.) ou bactérienne. De très nombreuses espèces bactériennes peuvent être isolées de lésions pulmonaires lors d’évolution de BPI. Celles-ci sont responsables de la gravité des lésions, du passage à la chronicité et de l’apparition de non-valeurs économiques. Les bactéries les plus fréquemment isolées des poumons de bovins malades sont des pasteurelles : Mannheimia haemolytica et Pasteurella multocida. D’autres bactéries sont également isolées, entre autres des mycoplasmes (Mycoplasma bovis), des corynébactéries (Arcanobacterium pyogenes), des salmonelles (Salmonella Typhimurium) et une autre bactérie de la famille des Pasteurellacae, Haemophilus somnus(1).

Les pasteurelles

Les pasteurelles sont à l’évidence, par leur fréquence d’isolement (l’essentiel des souches bactériennes isolées lors de troubles respiratoires chez les jeunes bovins appartient à l’une des deux espèces bactériennes citées) et l’importance de leur pouvoir pathogène, les bactéries qui méritent le plus d’attention. Les pasteurelles sont des hôtes normaux du nasopharynx des bovins, où elles vivent en germes commensaux chez nombre d’entre eux, sous forme de flore dominée. Le veau se contamine très tôt après sa naissance, sans doute par contact nez à nez avec sa mère.

1. Mannheimia haemolytica

Mannheimia haemolytica est la pasteurelle réputée la plus pathogène chez les bovins (voir l’ENCADRÉ « De Pasteurella à Mannheimia »). Cependant, même s’il semble exister des souches de M. haemolytica dont le pouvoir pathogène est suffisant pour qu’elles soient des agents pathogènes primaires, le plus souvent, la « pasteurellose » est secondaire, soit à une primo-infection virale ou mycoplasmique, soit à tout autre facteur d’agression des systèmes de défense de l’animal (stress, ambiance délétère).

D’une manière générale, l’administration de M.haemolytica par voie nasale chez des animaux sains est peu probante : les bactéries qui pénètrent jusqu’au poumon sont rapidement éliminées (90 % en quatre heures), avec tout au plus l’apparition d’une fièvre transitoire et d’une infiltration neutrophilique discrète du poumon. Le « shunt » des premières voies respiratoires permet une reproduction plus aisée des lésions pulmonaires de pasteurellose.

Au bilan, M. haemolytica, sans satisfaire pleinement à la rigueur des postulats de Koch, apparaît néanmoins comme un agent pathogène majeur.

Mannheimia haemolytica est un parasite ou un commensal obligatoire des bovins et des ovins. Toutes les souches sont isolées chez les bovins et chez les ovins. La bactérie n’est pas retrouvée dans le milieu extérieur, sauf lorsque celui-ci est contaminé par un animal excréteur. Sa résistance dans le milieu extérieur est faible. Elle est augmentée par le froid ou l’humidité (voir le TABLEAU « Résistance de Mannheimia haemolytica dans le milieu extérieur »).

Par hémagglutination passive, il est possible de définir dix-sept sérotypes au sein de l’ex-espèce Pasteurella haemolytica. Il existe une corrélation entre les biotypes et les sérotypes : les sérotypes 1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 16 et 19 appartiennent au biotype A, c’est-à-dire à l’actuelle espèce Mannheimia haemolytica. Certains sérotypes (notamment les sérotypes 1 et 2) sont des hôtes normaux des voies respiratoires. Cependant, M. haemolytica (et ses sérotypes 1 et 2) ne constitue pas la flore dominante des premières voies respiratoires, et est souvent difficile à isoler à partir d’écouvillonnages nasaux pratiqués chez des animaux en bonne santé.

Le sérotype 2 est le plus fréquemment isolé du nasopharynx des animaux sains. Le sérotype 1 a été pendant longtemps le plus souvent isolé lors d’atteinte respiratoire profonde, d’où le terme de pasteurellose à Mannheimia haemolytica 1 (Pasteurella haemolytica A1). Le sérotype 6 est également isolé de plus en plus fréquemment depuis quelques années.

Le sérotype 1 (ex-Pasteurella haemolytica A1)

• Facteurs de virulence de Mannheimia haemolytica 1 (PhA1)

Mannheimia haemolytica 1 tire son pouvoir pathogène de multiples facteurs de virulence. Les souches isolées de matériel pathologique possèdent en particulier :

– des fimbriae (ou pili), qui permettent, semble-t-il, une adhésion au niveau des voies respiratoires supérieures, facilitant la colonisation de l’épithélium pulmonaire ;

– un polysaccharide de capsule (dont la composition chimique varie selon les sérotypes). La capsule, volumineuse chez les souches isolées de matériel pathologique, permet l’attachement aux cellules épithéliales et est chimiotactique pour les polynucléaires neutrophiles, tout en s’opposant à la phagocytose (diminution de l’ingestion, résistance à la bactéricidie). Elle s’oppose également à l’action lytique du complément.

Les fimbriae et le matériel capsulaire sont fortement représentés lorsque les bactéries sont en phase de multiplication ;

– le LPS, qui, localement, via l’activation de la voie alterne du complément, la stimulation de la synthèse de cytokines (IL-1b, TNFa, IL-8) et la stimulation de la synthèse des métabolites de l’acide arachidonique par les macrophages, provoque une inflammation avec infiltration cellulaire, notamment par des neutrophiles. Le rôle du LPS, dans le chimiotactisme des neutrophiles, donc dans la genèse des lésions, est important. Il ne semble pas cependant que, dans le cadre particulier des pasteurelloses respiratoires, il ait des effets systémiques majeurs, à moins d’une rupture de l’intégrité de la muqueuse respiratoire ;

– des protéines de membrane (Outer Membrane Protein, OMP), qui inhibent la phagocytose des neutrophiles et la lyse des bactéries ingérées.

Mannheimia haemolytica 1 sécrète de nombreuses enzymes (protéases, neuraminidases), qui peuvent faciliter la colonisation des muqueuses, ainsi qu’une leucotoxine.

La leucotoxine de M. haemolytica est une exotoxine thermolabile, classée parmi les « repeat in the structural toxin » (RTX) en raison de sa structure. Elle est produite seulement par la bactérie métaboliquement active (pendant la phase exponentielle de la croissance bactérienne).

La leucotoxine est chimiotactique pour les leucocytes (et particulièrement pour les polynucléaires neutrophiles), ce qui induit un recrutement cellulaire et, secondairement, une aggravation des lésions pulmonaires.

En effet, la leucotoxine est une cytolysine qui, en formant des pores dans les membranes des cellules cibles (uniquement macrophages, leucocytes, thrombocytes des ruminants) ou par apoptose, entraîne leur destruction et la libération de nombreuses substances phlogogènes (enzymes protéolytiques, radicaux libres oxygénés, eicosanoïdes, histamine). À moindre dose, elle favorise la dégranulation des polynucléaires neutrophiles, ainsi que l’agrégation et l’activation des plaquettes (avec thrombose vasculaire et exsudation fibrineuse). Elle provoque une importante réaction inflammatoire locale (œdème et dépôt de fibrine).

L’importance de la leucotoxine est mise en évidence par l’existence de mutants bactériens incapables de synthétiser cette toxine et qui, expérimentalement, sont moins pathogènes pour les bovins.

• Pathogénie de l’infection à Mannheimia haemolytica 1 (PhA1)

L’expression du pouvoir pathogène de Mannheimia haemolytica 1 est conditionnée par une première multiplication locale (dans le nasopharynx) des germes (donc par leur augmentation dans les sécrétions), concomitante d’une altération des mécanismes de défense de l’appareil respiratoire. La rupture d’équilibre entre les bactéries commensales et l’hôte trouve son origine dans les stress de transport (« shipping fever »), les regroupements d’animaux (« crowding disease ») (PHOTO 1), les mauvaises conditions climatiques ou les brusques changements d’alimentation. Les infections respiratoires virales ou mycoplasmiques constituent d’autres facteurs favorisants dont l’importance est prouvée expérimentalement par l’obtention plus aisée de lésions pulmonaires typiques chez les animaux soumis à un brusque changement climatique ou préalablement inoculés avec un virus respiratoire. Grâce à ses facteurs d’attachement (pili, capsule en particulier), Mannheimia haemolytica 1 adhère à l’épithélium, et ce d’autant plus facilement qu’un agent pathogène primaire (viral par exemple) a lésé préalablement la muqueuse. L’ensemencement secondaire de l’appareil respiratoire profond, par inhalation d’aérosols infectieux, conduit à la maladie. L’inflammation qui résulte de la multiplication du germe dans le poumon s’accompagne d’un afflux massif de polynucléaires neutrophiles. Ceux-ci, ainsi que les cellules de l’immunité spécifique cellulaire (lymphocytes, macrophages alvéolaires) sont détruits par la leucotoxine sécrétée alors par Mannheimia haemolytica 1 en phase de pleine multiplication. Cela favorise la multiplication bactérienne, de même que la libération des enzymes intracellulaires exacerbe la réponse inflammatoire.

De cette réaction suicidaire (par réaction inflammatoire incontrôlée) résultent les lésions typiques de pneumonie broncho-alvéolaire fibrineuse ou fibrinohémorragique avec présence de foyers de nécrose (PHOTO 2).

La localisation préférentielle des lésions est, pour des raisons anatomiques, cranioventrale. Le tiers antéroventral du poumon est préférentiellement atteint. Les lésions pulmonaires sont symétriques, largement exsudatives et fibrineuses (PHOTO 3), ce qui les distingue des lésions d’origine virale. Elles sont souvent accompagnées de lésions de pleurésie fibrineuse, ce qui entraîne des adhérences entre lobes ou entre plèvres. Les ganglions médiastinaux sont hypertrophiés et succulents. Après section des lobes pulmonaires atteints, la coupe révèle un aspect hétérogène dû à des zones hémorragiques, à des zones de nécrose et à des zones de consolidation. La nécrose de coagulation est la lésion la plus caractéristique de la pasteurellose à Mannheimia haemolytica. Les foyers de nécrose sont rouge sombre, à contours irréguliers, strictement limités par un liseré blanchâtre. Les lésions inflammatoires sont prédominantes, et sont mises en évidence par la présence d’un exsudat sérofibrineux dans les espaces interlobulaires et celle d’une pleurésie fibrineuse. À la pression, les bronches laissent sourdre du liquide, muqueux ou purulent, voire hémorragique (présence de caillots). L’analyse histologique confirme la nature inflammatoire des lésions et permet de décrire des lésions caractéristiques (avec une zone centrale nécrotique entourée d’une couche dense de cellules à l’aspect particulier, dites « cellules en grains d’avoine », ou oat-cells).

• Immunité

Dans le poumon sain, la cellule de défense la plus importante est le macrophage alvéolaire qui assure, avec les anticorps opsonisants, la première ligne de défense.

L’immunité spécifique envers Mannheimia haemolyticaa est dirigée contre la leucotoxine, les antigènes de capsule et les autres antigènes de surface.

La leucotoxine est un support essentiel de l’immunité. La capacité de résistance des animaux à la pasteurellose à Mannheimia haemolytica est corrélée à leur titre en anticorps circulants qui neutralisent la leucotoxine. La classe d’anticorps qui semble la plus active est celle des IgG, cet isotype étant prédominant dans le poumon, par passage des anticorps du sérum lors d’inflammation pulmonaire. Les IgA (immunité locale) semblent peu efficaces. S’ils sont nécessaires à la protection, les anticorps antileucotoxine ne sont cependant pas suffisants. Ainsi, les anticorps recombinants antileucotoxine seuls ne protègent pas contre une épreuve virulente expérimentale. Même si la résistance à une exposition expérimentale est largement corrélée au titre en anticorps neutralisant la leucotoxine, présents dans le sérum, d’autres antigènes, en particulier des antigènes de surface de la bactérie, participent cependant à l’apparition d’une immunité protectrice.

La leucotoxine n’est jamais produite en grande quantité par l’animal sain. M. haemolytica n’est alors qu’une bactérie commensale, « dominée », de la flore normale du nasopharynx et n’exprime pas ou peu ses capacités de synthèse de la leucotoxine. Les animaux qui n’ont pas été atteints d’une infection de l’appareil respiratoire profond par Mannheimia haemolytica n’ont donc que fort peu d’anticorps antileucotoxine, le site majeur de la réponse immune étant le poumon. Les animaux « naturellement » immunisés ont probablement fait l’objet d’une infection pulmonaire subclinique, laquelle a induit une réponse immune à ce niveau.

Les anticorps anticapsule complètent l’action des anticorps antileucotoxine, en favorisant l’opsonisation, sous la protection d’une neutralisation de la leucotoxine.

Les fimbriae, seuls, induisent une protection incomplète, mais participent à la protection conférée par les vaccins mis sur le marché au cours des dernières années.

Ceux-ci, réalisés à partir d’un surnageant de culture en phase logarithmique de croissance contenant des fimbriae, du matériel capsulaire et de la leucotoxine, induisent la production d’un ensemble d’anticorps agglutinants, opsonisants, anticapsulaires et neutralisant la toxine.

Les anticorps dirigés contre le LPS n’ont aucune efficacité pour protéger les animaux d’une infection expérimentale. C’est pourquoi les organismes bactériens (et le LPS) ont été éliminés des derniers vaccins commercialisés, ce qui supprime nombre d’effets secondaires défavorables.

Les autres sérovars

Le sérotype 6 est de plus en plus souvent isolé des poumons pathologiques de bovins, qu’il s’agisse de veaux ou de broutards.

La comparaison des groupages capsulaires réalisés, dans la première moitié des années 1990, par hémagglutination passive, au Laboratoire national de pathologie bovine (actuellement Afssa-Lyon) sur les souches françaises d’origine bovine montrait que, chez les bovins, le sérotype A1 de Pasteurella haemolytica prédominait très nettement. Un bilan récent réalisé sur soixante-cinq isolats issus de bovins d’origine française, reçus entre 1997 et 2000 et typés à l’Afssa-Lyon, montre qu’au cours de ces dernières années le sérotype 6 a progressé notablement, le pourcentage de souches A6 devenant proche de celui des souches A1. Selon J.-L. Martel, directeur de l’Afssa-Lyon, deux points doivent être précisés : d’une part, de nombreuses souches (environ un tiers) ne sont pas typables par hémagglutination passive ; d’autre part, les souches typées n’ont pas été collectées dans le cadre d’études épidémiologiques spécifiques et, en conséquence, les résultats obtenus ne sont qu’une indication de la fréquence relative de certains groupes capsulaires en pathologie.

Toutefois, pour les souches d’origine bovine reçues au laboratoire de Lyon, les critères de recrutement étaient similaires au cours des périodes antérieures (isolements dans un contexte pathologique et, en général, sélection des souches résistantes aux antibiotiques) et la progression du type A6 reflète une réelle tendance épidémiologique.

D’autres études étayent ces résultats. Ainsi, 48 % des cent douze souches isolées chez des bovins malades par lavage broncho-alvéolaire, entre 1991 et 1998 en Europe (principalement en France), appartiennent au sérotype A6, contre 44 % pour le sérotype A1.

Ce phénomène est constaté également dans les quelques rares pays où le typage capsulaire est réalisé. Au Royaume-Uni, le sérotype A6 représente 32 % des isolements pour la période 1993-1997, contre seulement 3 % lors des quatre années précédentes. Aux États-Unis, 27 % des cent vingt-quatre souches typées en 1996, qui proviennent de veaux morts de maladie respiratoire, appartiennent au sérotype A6 (60 % au sérotype A1).

Le pouvoir pathogène de ces souches semble aussi important que celui des souches de sérotype 1. Les mécanismes pathogéniques sont les mêmes que ceux mis en œuvre par les souches de sérotype 1.

Les différents sérotypes de Mannheimia haemolytica produisent une leucotoxine. La leucotoxine n’est pas spécifique du sérotype. Ainsi, les anticorps antileucotoxine de Mannheimia haemolytica 1 protègent contre celles des autres sérotypes, même si les anticorps dirigés contre les facteurs capsulaires, spécifiques du sérotype, ont aussi une réelle importance dans la protection contre les pasteurelles.

2. Pasteurella multocida

Des données relativement anciennes montraient qu’environ un tiers des pasteurelles isolées des poumons de bovins appartenaient à l’espèce Pasteurella multocida, au type capsulaire A, au type somatique 3 (P. multocida A3). Une première étude, menée chez des veaux de boucherie à partir d’aspirations transtrachéales par Six, a montré que P. multocida était la bactérie la plus fréquemment isolée chez les animaux atteints de troubles respiratoires. Un bilan national, effectué récemment à partir des données du Résabo(2), montre qu’au cours des dernières années les fréquences relatives des souches de P. multocida et de M. haemolytica se sont inversées, P. multocida occupant aujourd’hui la première place devant M. haemolytica en régression dans les prélèvements pathologiques. Cette évolution coïncide avec l’arrivée sur le marché des vaccins de nouvelle génération qui ne comportent pas la valence Pasteurella multocida.

Les souches de Pasteurella multocida isolées chez les bovins sont dépourvues de pili et ne produisent pas de toxine, différant ainsi de celles du porc (coresponsable de la rhinite atrophique) qui appartiennent au type D.

Leur pouvoir pathogène apparaît moins important que celui de M. haemolytica. Le facteur de pathogénicité essentiel semble le LPS. Cependant, alors que celui-ci joue un rôle important dans la protection contre la pasteurellose aviaire, il semble moins efficace dans la protection contre les infections à P. multocida dans les autres espèces (y compris l’espèce bovine). Les études concernant P. multocida sont moins avancées que celles effectuées sur M. haemolytica, mais nul doute que l’importance réelle des pneumopathies à P. multocida favorisera les recherches sur cette espèce bactérienne.

Les mycoplasmes

Des mycoplasmes sont fréquemment isolés des poumons pathologiques de bovins. Les différentes espèces en cause ne possèdent pas toutes le même pouvoir pathogène.

M. bovirhinis, M. arginini, M. bovigenitalium et Acholeplasma laidlawii sont fréquemment isolés, mais ne possèdent pas de pouvoir pathogène expérimental. Ils constituent cependant une gêne au diagnostic car, de croissance plus aisée et plus rapide que les espèces réputées pathogènes, ils empêchent fréquemment leur isolement et, par conséquence, leur implication dans les phénomènes pathologiques.

M. dispar comme Ureaplasma diversum sont aussi fréquemment isolés des lésions. Expérimentalement, ils génèrent au plus une infection subclinique et doivent donc être considérés comme des agents pathogènes occasionnels, qui participent à l’initiation des problèmes respiratoires.

Si l’on fait abstraction de M. mycoides mycoides SC, agent de la péripneumonie contagieuse bovine (PPCB), M. bovis resteleseul mycoplasme réellement et fréquemment impliqué dans les problèmes respiratoires des jeunes bovins. Six, à partir d’aspirations transtrachéales, l’isole fréquemment chez le veau de boucherie atteint de troubles respiratoires (44 % des prélèvements positifs). D’après Le Grand, en élevage allaitant et selon les régions, le pourcentage de troupeaux contenant au moins un animal séropositif varie de 28 à 90 %. Son pouvoir pathogène semble réel : doué de contagiosité, il adhère aux épithéliums et altère les mécanismes de transport mucociliaire. Un certain pouvoir immunodépresseur s’ajoute à ces facteurs de pathogénicité, ce qui favorise la genèse de lésions de pneumonie interstitielle. À cette action pathogène au niveau de l’appareil respiratoire s’ajoute un réel pouvoir invasif et septicémique qui explique la fréquence des atteintes articulaires, à la suite des problèmes respiratoires.

Dans l’état actuel des connaissances, il est cependant difficile de préciser le rôle de M.bovis en pathologie respiratoire des bovins ; à ce jour, son activité directe n’est pas démontrée, en revanche, son rôle d’initiateur et de potentialisateur est largement admis. Il est fréquemment isolé en association avec d’autres agents pathogènes, des Pasteurelles en particulier.

Le genre Salmonella

Les formes pulmonaires de salmonellose atteignent pour l’essentiel les veaux de boucherie, en élevage intensif. Elles font suite à une dissémination par voie sanguine, constituant une complication respiratoire des formes entéritiques typiques, ou bien elles sont liées à une contamination par voie aérienne (les paramètres d’ambiance, notamment le fort degré hygrométrique, favorisent la survie des salmonelles dans les aérosols) et peuvent évoluer alors en l’absence de diarrhée. Ces formes pulmonaires sont extrêmement contagieuses. Le sérovar le plus couramment isolé est le sérovar Typhimurium.

  • (1) Haemophilus somnus, bactérie de la famille des Pasteurellacae, est reconnue de première importance dans les feed-lots d’Amérique du Nord. Il n’est pas exceptionnel de l’isoler dans la mesure où certaines précautions sont prises par le laboratoire.

  • (2) Résabo : Réseau de surveillance de la résistance aux antibiotiques des bactéries pathogènes pour les bovins, devenu aujourd’hui « Résapath » (voir l’article « La salmonellose chez les ruminants », par J.-L. Martel. Point Vét. 2001 ; 32(221): 34).

De Pasteurella à Mannheimia

Au sein de l’ex-espèce bactérienne Pasteurella haemolytica, trois biotypes (« bioviars ») étaient reconnus :

– le biotype A pour les souches fermentant l’arabinose mais pas le tréhalose ;

– le biotype T pour les souches fermentant le tréhalose, mais pas l’arabinose ;

– un troisième biotype réunissant les souches n’appartenant ni au biotype A, ni au biotype T.

Par taxonomie numérique, il a été montré que les souches des biotypes A et T sont distinctes, d’où la proposition, faite en 1990, d’appeler les souches tréhalose-positives (biotype T) Pasteurella trehalosi et celle, faite en 1999, de dénommer les souches appartenant au biotype A Mannheimia haemolytica, terme qui doit être maintenant utilisé.

D’autres études (hybridation ADN-ARN) tendent à rapprocher Pasteurella haemolytica d’un autre genre de la famille des Pasteurellacae, le genre Actinobacillus (les genres Pasteurella et Actinobacillus sont en effet très proches, aussi est-il particulièrement intéressant de comparer les facteurs de pathogénicité d’Actinobacillus pleuropneumoniae, agent pathogène du porc, à ceux de M. haemolytica).

Le biotype A (Mannheimia haemolytica) constitue le biotype le plus important en pathologie respiratoire des bovins. Chez le mouton, le biotype A (Mannheimia haemolytica) est largement impliqué dans les problèmes respiratoires (pneumonie enzootique) et le biotype T (Pasteurella trehalosi) est responsable de la pasteurellose septicémique.

ATTENTION

• Le biosérotype A1 de M. haemolytica est le plus souvent isolé lors d’atteinte respiratoire profonde.

• Le biosérotype A2 est le plus fréquemment isolé du nasopharynx des animaux sains.

• Le biosérotype A6 est de plus en plus souvent isolé des poumons pathologiques de bovins.

ATTENTION

• La leucotoxine est un support important de l’immunité contre M. haemolytica.

• Les anticorps antileucotoxine de M. haemolytica A1 protègent contre la leucotoxine des autres sérotypes.

Classification physiopathologique des troubles respiratoires des bovins

Selon P. Lekeux, les bronchopneumonies infectieuses peuvent être scindées en quatre stades cliniques, selon la sévérité de la maladie, les mécanismes physiopathologiques mis en oeuvre et le niveau de réversibilité.

Le stade 1 décrit la maladie subclinique. Les mécanismes de défense physiologiques fonctionnent alors de manière adéquate. La prolifération bactérienne est contrôlée sans réaction inflammatoire significative. Il n’y a pas ou peu de dysfonctionnement pulmonaire, les symptômes sont discrets.

Le stade 2 correspond à la maladie clinique compensée. Les différents mécanismes mis en jeu tendent à limiter l’atteinte fonctionnelle chez l’animal malade. La résultante de ces processus est la correction des perturbations des échanges gazeux. À ce stade, la réaction inflammatoire et les adaptations fonctionnelles induites par la prolifération bactérienne sont bénéfiques. Il n’y a pas lieu de les inhiber systématiquement.

Le stade 3 est la maladie clinique décompensée. La réponse de l’animal malade à l’agression bactérienne tend à aggraver le déficit fonctionnel. L’animal est plus affecté par ces dysfonctionnements et par les lésions induites par la réponse inflammatoire que par les agents pathogènes eux-mêmes. Pour éviter une issue défavorable, il convient de contrôler les réponses inflammatoires excessives et les adaptations fonctionnelles inadéquates.

Le stade 4 est la maladie clinique irréversible. Les lésions pulmonaires, induites par les agents pathogènes ou la réponse inflammatoire, menacent le niveau de performance de l’animal et même sa survie. Cette classification permet d’ajuster le schéma thérapeutique (utilisation ou non des anti-infectieux, des anti-inflammatoires et des modificateurs de la fonction respiratoire) et le devenir de l’animal malade (réforme ou traitement) selon les désordres qu’il subit. Elle relève de l’appréciation d’indicateurs pertinents (lactates sanguins, saturation de l’hémoglobine en oxygène), qui, seuls, permettent de situer l’animal malade soumis à l’examen clinique dans l’un ou l’autre stade.

Points forts

Les bactéries les plus fréquemment isolées des poumons pathologiques de bovins sont des pasteurelles.

Les pasteurelles sont des hôtes habituels du nasopharynx des bovins, où elles vivent en germes commensaux.

La rupture d’équilibre entre les bactéries commensales et l’hôte trouve son origine dans le stress de transport, les regroupements d’animaux, les mauvaises conditions climatiques ou les brusques changements d’alimentation.

La « pasteurellose » fait fréquemment suite à une primo-infection virale ou mycoplasmique.

La résistance des pasteurelles dans le milieu extérieur est faible.

P. multocida A3 est de plus en plus fréquemment isolé des poumons de bovins.

En raison de leur croissance plus rapide que celle des espèces pathogènes, M. bovirhinis, arginini, et bovigenitalium, et Acholeplasma laidlawii constituent souvent une gêne au diagnostic.

M. dispar et Ureaplasma diversum ne sont que des agents pathogènes initiateurs occasionnels.

M. bovis possède un pouvoir pathogène et immunodépresseur, ainsi qu’une activité invasive et septicémique.

Les formes pulmonaires de salmonellose chez les veaux de boucherie peuvent être extrêmement contagieuses.

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