Le tépoxalin, un AINS “dual” anti-cox et anti-lox - Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002
Le Point Vétérinaire n° 230 du 01/11/2002

ANTI-INFLAMMATOIRES ORAUX POUR CHIENS “ARTHROSIQUES”

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

La “double inhibition” du tépoxalin et son profil pharmacocinétique expliquent sa tolérance rénale et digestive. Il se distingue ainsi des autres AINS.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) “oraux” pour les chiens âgés “arthrosiques” ont le vent en poupe. Le marché ne cesse de croître, avec les lancements récents d’AINS dits “de seconde génération”, mieux tolérés : méloxicam, carprofène, védaprofène ou même acide tolfénamique.

Un lyophilisat oral

Le tépoxalin (Zubrin®) qui vient d’êtrelancé par Schering-Plough apporte néanmoins deux nouveautés supplémentaires. La plus immédiatement visible est la forme galénique en lyophilisat oral, très peu utilisée en santé animale. Le comprimé lyophilisé est placé dans la bouche au contact de la salive. Il colle à la muqueuse et se désagrège en trois secondes. Zubrin® se présente en lyophilisat de 50 mg (pour un chien de 5 kg), de 100 mg (10 kg) ou 200 mg (20 kg).

Double inhibition

Cependant, la nouveauté la plus intéressante est davantage liée à son mode d’action, dit de “double inhibition”. Le tépoxalin (et surtout son métabolite actif) inhibe en effet à la fois les cycloxygénases 1 et 2 (cox1 et cox2) à l’origine des prostaglandines, des thromboxanes, et… la 5-lipoxygénase (lox) à l’origine des leucotriènes. Ces derniers participent également à l’inflammation (voir la FIGURE “Le mode d’action des différents anti-inflammatoires sur la cascade inflammatoire”). Cette double inhibition est soulignée dans la bibliographie comme l’une des voies prometteuses permettant de réduire la toxicité gastrique des AINS.

Cox1 et cox2, un schéma trop simpliste

Jusqu’à présent, les AINS les mieux tolérés annoncent inhiber préférentiellement les “mauvaises” cycloxygénases 2 (cox2) à l’origine des prostaglandines “inflammatoires” et moins les“bonnes”cox1 constitutives, qui sont à l’origine de la synthèse de prostaglandines « cytoprotectrices de la muqueuse gastrique et de la fonction rénale ».

Il n’existe toutefois pas, en médecine vétérinaire, d’inhibiteur totalement sélectif de la cox2, comme les “coxib” de médecine humaine : le célécoxib ou le rofécoxib. Néanmoins, il est désormais admis que la cox2 (et pas seulement la cox1) joue aussi un rôle physiologique dans de nombreuses fonctions. La cox2 ne doit plus être considérée comme “mauvaise” à 100 %. À l’inverse, la cox1 (et pas seulement la cox2) peut aussi jouer un rôle pro-inflammatoire.

Pas de détournement de la cascade

Les AINS “traditionnels” inhibent uniquement la voie des cycloxygénases, ce qui conduit à favoriser la dégradation de l’acide arachidonique par la voie de la 5-lipoxygénase (lox). Cela aboutit à la synthèse des leucotriènes (notamment le leucotriène B4), puissants agents inflammatoires et vasoconstricteurs, qui participeraient aux troubles gastro-intestinaux associés au traitement par les AINS. Grâce à une double inhibition anti-cox et anti-lox, le tépoxalin bloque ce détournement de la cascade inflammatoire vers la synthèse des leucotriènes. Cela contribuerait à son niveau d’innocuité gastro-intestinale observé dans les études précliniques.

Cette double inhibition n’est pas commune à tous les AINS, mais a déjà été signalée pour d’autres AINS plus anciens (le kétoprofène, entre autres). Pour le tépoxalin, le terme d’AINS “duals” ou à “double inhibition” permet de le différencier des autres AINS.

Un effet cytoprotecteur

Cette propriété a conduit les chercheurs à imaginer des essais où le tépoxalin est administré avant un AINS classique (indométacine, diclofénac) afin d’éviter l’apparition des effets indésirables digestifs. Le plus étonnant est que la conclusion de ces essais chez le rat est probante. L’indométacine seule, administrée à 100 mg/kg per os, provoque des perforations digestives chez tous les rats (40 % en meurent). L’administration préalable (30 minutes) de tépoxalin conduit à n’observer aucune perforation digestive (ni donc aucune mortalité). Cet effet protecteur est corrélé avec une faible inhibition de la synthèse de la prostaglandine E2 (protectrice de la muqueuse digestive),à l’inverse des deux autres AINS.

« Bien toléré »

L’Agence européenne du médicament (EMEA) affirme aussi que « le tépoxalin est bien toléré », en conclusion de son analyse des cinq essais de tolérance chez le chien : sur sept jours, sur un, trois ou six mois, et sur un an. Chez le chien, les experts européens estiment la dose sans aucun effet indésirable observé à 300 mg/kg pour un traitement sur un mois, à 100 mg/kg/j pour une durée de trois mois, et aux alentours de 20 à 30 mg/kg/j pour des traitements de six mois ou d’un an. Le protocole thérapeutique recommandé (10 mg/kg/j pendant 28 jours) leur apparaît donc comme sûr.

Dans ces essais, il est aussi surprenant de constater la quasi-absence d’ulcérations digestives jusqu’à 100 mg/kg/j. Ces ulcérations apparaissent à 300 mg/kg/j chez trois chiens sur huit (soit trente fois la dose thérapeutique) après un traitement de six mois. La fonction rénale (urémie, créatinémie) n’est jamais modifiée, même à ces fortes doses.

10 % de vomissements et de diarrhées

Dans deux grandes études cliniques multicentriques américaines comparatives avec le carprofène, la fréquence du vomissement ou de la diarrhée est de 5,5 % chez les animaux traités avec le tépoxalin et de 7 % avec le carprofène. Dans une troisième étude européenne, de la diarrhée ou un vomissement est noté chez 10 % des chiens traités avec le tépoxalin, au lieu de 19 % avec le méloxicam. D’autres études comparatives entre le carprofène et un comprimé placebo donnent des résultats de tolérance digestive similaires.

Innocuité rénale

Les experts de l’EMEA estiment aussi que « les chiens présentant une insuffisance rénale chronique modérée ou pré-insuffisants rénaux peuvent être traités par le tépoxalin ». L’explication est surtout de nature pharmacocinétique. Le tépoxalin et son métabolite actif sont éliminés quasi exclusivement (99 %) par la bile et par les fèces. Seul 1 % est éliminé par l’urine. Une insuffisance rénale ne conduit donc à aucun risque d’accumulation plasmatique.

Avec le repas

Par rapport à une administration intraveineuse, cette biodisponibilité orale est de 50% en moyenne avec le lyophilisat oral administré chez six chiens à jeun, de 75 % chez les mêmes chiens nourris avec un régime pauvre en graisses(administration concomitante de la ration et du lyophilisat) et totale (120 %) lorsqu’ils sont nourris avec un régime riche en graisse. Il est donc recommandé d’administrer le lyophilisat avec le repas ou dans les deux heures suivantes. Une fois résorbé, (en une à trois heures), le tépoxalin est rapidement métabolisé en un métabolite acide actif. Au final, les concentrations plasmatiques de ce métabolite sont cinq à dix fois plus élevées que celles du tépoxalin et décroissent surtout plus lentement (T1/2 de 12 heures au lieu de 2 à 3 pour le téxopalin).

Efficacité sans surprise

Les quatre études cliniques de terrain, dont les trois comparatives avec le carprofène ou le méloxicam, sont sans surprise. Le tépoxalin est efficace « pour réduire l’inflammation et la douleur dans les affections musculosquelettiques aiguës ou les crises aiguës de ces affections chroniques ». Au total, 637 chiens, dont 357 traités par le nouvel AINS pendant sept jours, ont été inclus dans les essais. Sur les critères fonctionnels (mobilité) comme au niveau de la douleur, le tépoxalin obtient des scores comparables (voire un peu meilleurs) à ceux des AINS de référence : « 83 à 93 % d’amélioration », selon le rapport européen. Cependant, ces quatre études ont un point faible : elles ne sont réalisées que sur sept jours de traitement.

Une cinquième étude non comparative sur 107 chiens plutôt âgés (plus de dix ans en moyenne) confirme néanmoins l’intérêt de traitements plus longs (sur vingt-huit jours) lors d’affections chroniques (arthrose surtout). La douleur à la palpation ou au mouvement forcé est nettement moins élevée après un mois qu’après une ou deux semaines de traitement. « Ces données sont toutefois insuffisantes pour supporter l’indication d’un traitement à vie », conclut l’Agence européenne qui préconise une durée « jusqu’à vingt-huit jours » avec des réévaluations régulières de l’intérêt ou non de poursuivre cette thérapeutique.

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