Maîtriser la dermatite digitée avec de la mousse - Le Point Vétérinaire n° 228 du 01/09/2002
Le Point Vétérinaire n° 228 du 01/09/2002

MALADIE DES PIEDS DES VACHES LAITIÈRES

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Catherine Journel*, Thomas Carteron**

Fonctions :
*40, rue de la Madeleine 22210 La Cheze
**ECOLAB 8, rue Rouget-de-Lisle Issy-Les-Moulineaux

Un traitement collectif avec une mousse à base d’acide peracétique diminue la prévalence de la dermatite digitée chez les vaches laitières.

La dermatite digitée, ou maladie de Mortellaro, est caractérisée par une inflammation subaiguë de la peau à la limite des onglons [4]. Elle affecte essentiellement les pieds postérieurs. La douleur est vive et diminue les déplacements de l’animal. Cette affection est responsable d’une baisse de la production laitière et de réformes prématurées dans les cheptels atteints [5].

De nombreux agents pathogènes ont été isolés des lésions : majoritairement des spirochètes et des coques anaérobies.

Éradication impossible dans un troupeau

De nombreux traitements individuels ou collectifs, à base d’antibiotiques (oxytétracycline, lincomycine, spectinomycine, celtiofur) ou d’antiseptiques (formol, sulfate de zinc, sulfate de cuivre) ont été testés. Le traitement individuel guérit l’animal atteint, mais il semble très difficile, voire impossible, d’éradiquer la maladie dans le troupeau. Des essais de vaccination n’ont pas permis de faire varier de façon significative la prévalence de la dermatite digitée [7].

Passage collectif dans la mousse

Cet essai a pour but de tester pendant 22 semaines le procédé d’hygiène des pieds P3 KOVEX FOAM®, élaboré par la recherche HENKEL-ECOLAB, sur l’évolution des lésions de dermatite digitée [6]. Ce procédé consiste en un traitement collectif des pieds par un passage régulier des vaches en lactation dans une mousse à base d’acide peracétique, appliquée sur la surface de l’aire d’attente ou à l’entrée des quais de traite (PHOTO 1). Le protocole de traitement comprend deux phases :

- une phase de stabilisation de huit semaines (phase1) pendant laquelle les animaux sont traités matin et soir pendant sept jours, une semaine sur deux ;

- une phase d’entretien de quatorze semaines (phase 2) au cours de laquelle les traitements sont plus espacés : les vaches sont traitées matin et soir pendant trois jours, tous les quinze jours.

L’essai a été réalisé dans les Côtes d’Armor, dans deux élevages à forte prévalence de dermatite digitée depuis plus de huit ans.

Aucun lot témoin n’a été constitué car le traitement est réalisé dans le parc d’attente, avant la traite : il n’a pas été possible de séparer les animaux avant les traites du matin et du soir pendant 22 semaines.

Évaluation de l’efficacité du traitement

Tous les pieds des bovins sont observés au début et à la fin de chaque phase de traitement :

- observation 1 avant le début de la phase de stabilisation des lésions (phase 1) ;

- observation 2 après la phase 1 ;

- observation 3 après la fin de la phase d’entretien (phase 2).

Un parage de tous les pieds qui le nécessitent (65 %) est réalisé lors de la première observation. Pour chaque pied observé, une note est attribuée aux lésions. Une description précise (nature et taille) de toutes les lésions est réalisée (PHOTOS 2 et 3).

Prévalence des lésions de dermatite

L’effectif moyen des vaches présentes lors des différentes observations dans les deux troupeaux est de 77 bovins. 124 pieds ont reçu le traitement complet (phase 1 + phase 2), 136 pieds n’ont été traités que pendant la phase 1 (voir la FIGURE “Évolution de la prévalence de l’infection dans les deux troupeaux au cours de l’essai”). De nombreuses vaches ont présenté des lésions de “cicatrices” de dermatite (32 % des pieds observés), dont 56 % ont totalement disparu à l’issue du traitement (passage d’un stade 4 à un stade 1). Les cicatrices de dermatite digitée ne correspondraient donc pas à des lésions stabilisées, mais à une régression marquée de la forme hyperkératosique. Elles constituent probablement des réservoirs à l’origine de la pérennisation de l’infection dans les troupeaux. Ces lésions observables uniquement lors d’un examen attentif justifient la nécessité de poursuivre un traitement d’entretien.

22 semaines pour maîtriser l’évolution des lésions

Le taux de guérison est de 91 % pour les pieds traités pendant toute la durée du protocole (voir le TABLEAU “Taux de guérison calculé à l’issue des différentes phases du protocole”). En raison de la gravité de certaines lésions de départ, il est difficile de guérir 100 % des pieds. Certaines vaches atteintes depuis deux, voire trois lactations, semblent plus fragiles et davantage susceptibles de développer des lésions, ce qui est probablement le reflet de prédispositions génétiques (défauts d’aplombs ?). À l’issue de la phase 1, 59 % des pieds sont guéris, chiffre inférieur à celui obtenu après les deux phases de traitement. La forte prévalence des lésions au début de la phase 1 explique peut-être ce résultat. Lors de l’observation 2, de nombreuses lésions sont en voie de guérison et encore comptabilisées comme “non guéries”. La mise en place du traitement pendant une durée de temps suffisamment longue a permis de maîtriser leur évolution.

Diminution des nouvelles infections

Le taux de nouvelles infections, calculé sur le nombre de pieds sains ou qui présentent une cicatrice de dermatite au début de la phase de traitement est de 8 % pour les pieds traités pendant toute la durée du protocole (voir le TABLEAU “Taux de nouvelles infections à l’issue des différentes phases du protocole”). Il n’est que de 5 % pendant la phase d’entretien. Cette différence peut s’expliquer par la forte diminution de la prévalence de l’infection au début de la phase 2 : dès la deuxième observation, la prévalence de l’infection a chuté à 19 %. La pression infectieuse est moins élevée et le risque de contagion diminue. L’existence de nouvelles infections pendant les deux phases de traitement traduit toutefois la difficulté d’enrayer totalement la dermatite digitée avec P3 KOVEX FOAM. Cela semble notamment illusoire sous des climats pluvieux du type Centre Bretagne, avec des zones d’humidité qui perdurent toute l’année (aires d’exercice non couvertes, entrées de prairies boueuses). Les réservoirs bactériens sont nombreux et, à moins d’une forte sécheresse, il semble nécessaire de maintenir longtemps un traitement d’entretien pour maîtriser le développement des bactéries responsables de la dermatite digitée.

Au cours de cet essai, le taux de nouvelles infections chez les génisses entrées dans le troupeau est nul, alors que les premières lactations sont, en général, plus souvent atteints par cette affection.

Quel rythme de traitement d’entretien ?

Les facteurs de risque identifiés doivent amener à adapter le protocole d’application de la mousse pendant la phase d’entretien. Un an après la mise en place du protocole, les deux éleveurs sont parvenus à déterminer le rythme de traitement qui permet d’éviter les nouvelles infections : trois jours toutes les deux semaines dans le troupeau 1 et trois jours toutes les trois à quatre semaines, selon les entrées des vaches taries ou des génisses, dans le troupeau 2.

Parage recommandé avant le traitement

La qualité des aplombs des vaches a une influence sur l’usure de la corne et, indirectement, sur sa production. Un parage régulier a pour effet de rééquilibrer la pousse de la corne qui a tendance, lors de dermatite digitée, à s’exacerber au niveau du talon par manque d’usure (la vache marche sur la pointe du sabot). De ce fait, les sabots sont très souvent épais en talon et des lésions secondaires de dermatite interdigitée et de pododermatite aseptique apparaissent. Un parage systématique avant le début du traitement permet d’améliorer les aplombs de l’animal et d’obtenir un écartement normal entre les onglons. La restauration des aplombs favorise en outre l’évacuation des souillures, limite la macération de bactéries dans l’espace interdigité et facilite la pénétration de la mousse.

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