Mesure de la pression artérielle pulmonaire - Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002
Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002

ANESTHÉSIOLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Eric Troncy

Fonctions : Service d’anesthésiologie
Professeur adjoint
Faculté de médecine vétérinaire
Saint-Hyacinthe, Québec
J2S 7C6 Canada

La mesure de la pression artérielle pulmonaire permet notamment d’adapter la thérapie hydrique lors d’un œdème aigu du poumon d’origine cardiogénique.

Cet article présente des notions de base sur les pressions - sur la pression artérielle pulmonaire en particulier -, sur les tracés et sur les techniques de mesure, ainsi que sur leurs applications en anesthésie-réanimation chez le chien et chez le chat.

Mise en évidence d’une onde de pression

L’effet de pompe cardiaque aboutit au développement d’une pression au sein de l’aorte et des artères. Si la pression dans l’aorte est enregistrée dans le temps, une onde de pression peut être observée (voir la figure « Tracé de pression artérielle systémique »).

La pression artérielle systémiquesystolique maximale (PASs normale : 120 mmHg chez un chien vigile de 20 kg) et la pression diastolique minimale (PASd : 80 mmHg) sont les deux mesures essentielles.

La pression artérielle systémique moyenne ne correspond pas à la moyenne arithmétique, mais à la formule : PASm =

PASd + [(PASs – PASd)/3] = 80 + (40/3) = 93 mmHg.

Influence du débit cardiaque et des résistances vasculaires

De nombreux facteurs peuvent influer sur l’onde de pression. Il s’agit d’un remplissage ventriculaire plus élevé ou moindre en présence de tachycardie, de l’état de la valve aortique, de la compliance (élasticité) de l’aorte (qui diminue avec l’âge), des résistances vasculaires systémiques (RVS) ou du débit cardiaque (DC).

La PAS est ainsi tributaire du DC et du niveau de RVS. Le DC (L.min-1) dépend de la fréquence cardiaque (b.min-1) et du volume d’éjection systolique (L.b-1) ; ce dernier dépend du remplissage diastolique (précharge), de l’éjection systolique (inotropisme) et de la RVS (postcharge).

Mesure de la pression veineuse centrale

Les grosses veines (veines caves antérieure et postérieure) se jettent dans l’atrium droit. Un cathéter inséré dans une veine jugulaire, descendu en direction de l’atrium droit et connecté à un transducteur de pression, permet de mesurer la pression veineuse centrale (PVC). Cette dernière est quasi identique à la pression de l’atrium droit puisque aucune valve ne sépare les grosses veines de l’atrium droit. Les valeurs mesurées de la PVC en fonction du temps (voir la FIGURE « Mesure de la pression veineuse centrale en fonction du temps ») sont un peu élevées dans ce cas (PVCs = 10 mmHg) en raison principalement d’une insuffisance cardiaque associée à une fluidothérapie trop abondante. La norme de la PVCs chez le chien est de l’ordre de 5 mmHg, alors que la PVCd doit être nulle.

La pression dans l’atrium gauche présente essentiellement le même type de tracé que la PVC, mais généralement avec une amplitude plus grande. Il est toutefois anatomiquement difficile d’insérer un cathéter dans l’atrium gauche : la voie rétrograde via son insertion dans une artère, puis dans le ventricule gauche et son passage par la valve mitrale est une procédure risquée (source de perforations ou de troubles du rythme) et délicate. L’insertion directe au sein d’une veine pulmonaire ou de l’atrium gauche nécessite une thoracotomie…

Utilisation du cathéter de Swan Ganz

Pour pallier ces difficultés techniques, un cathéter spécial dit de « Swan Ganz » (PHOTO 1) est utilisé.

Son extrémité distale est pourvue d’un ballonnet gonflable à volonté à l’aide d’une petite seringue. Ce cathéter est inséré dans une veine jugulaire (PHOTO 2) et le procédé est identique à celui utilisé pour la mesure de la PVC, tracé obtenu dans un premier temps.

Le cathéter est ensuite introduit de l’atrium droit, dans le ventricule droit, via la valve tricuspide en gonflant légèrement le ballonnet - ce qui facilite le transport de l’extrémité distale de l’instrument -, puis au sein d’une artère pulmonaire après être ressorti du cœur via la valve pulmonaire.

A ce stade, le ballonnet n’est pas gonflé, ce qui permet de faire une lecture de la pression artérielle pulmonaire (PAP). Le tracé de PAP est similaire à celui de PAS, mais avec une amplitude moindre (voir la figure « Tracé de la pression artérielle pulmonaire »).

Lorsque le ballonnet est gonflé, le cathéter obstrue complètement la branche de l’artère pulmonaire dans laquelle il se trouve (voir la figure « Obstruction de la branche de l’artère pulmonaire par le cathéter de « Swan Ganz »).

La pression mesurée par le transducteur (débit zéro en aval de la branche artérielle pulmonaire bloquée) correspond alors à celle qui existe en aval dans l’atrium gauche, même si le tracé est généralement plus aplati que celui qui serait obtenu avec un cathéter directement placé dans l’atrium gauche. Cette pression, appelée « pression capillaire pulmonaire bloquée » ou pulmonary artery wedge pressure (PAWP), est un excellent reflet de celle qui existe dans l’atrium gauche (voir la figure « Mesure de la pression capillaire pulmonaire bloquée »). Le ballonnet utilisé pour bloquer l’artère pulmonaire ne doit toutefois pas rester gonflé trop longtemps : la PAWP n’est donc mesurée qu’épisodiquement.

Adaptation de la fluidothérapie

Les informations fournies par la pose d’un cathéter de Swan Ganz sont riches et nombreuses. En effet, celui-ci présente, outre son extrémité distale, une ouverture proximale indépendante de la première qui aboutit au niveau de l’atrium droit. Il est ainsi possible de mesurer les deux pressions atriales droite et gauche. Cela est d’un grand intérêt pour le suivi des capacités de remplissage (précharge) du cœur et, notamment, pour déterminer l’adaptation de la thérapie hydrique à mettre en œuvre chez un animal qui présente un œdème aigu pulmonaire cardiogénique ou son degré de réponse à un traitement diurétique et veinodilatateur.

Diagnostic de l’hypertension pulmonaire

En outre, la mesure de la PAP permet de diagnostiquer l’hypertension pulmonaire qui survient lors d’un œdème aigu pulmonaire cardiogénique ou non. La pose d’un cathéter de Swan Ganz rend possible un calcul du DC (normale = 2,8 - 3 L.min-1 pour un chien de 20 kg) par la méthode de thermodilution. Le principe en est simple : une quantité donnée de liquide physiologique froid est injectée par l’ouverture proximale au niveau de l’atrium droit et un thermosenseur situé à la hauteur de l’extrémité distale effectue un relevé dans le temps du volume de liquide froid qui parvient à l’artère pulmonaire. Une intégration mathématique de l’aire sur la courbe obtenue donne une valeur précise du DC. Cette technique est couramment utilisée en anesthésie et en soins intensifs de médecine humaine. Elle est pratiquée dans certains centres vétérinaires même si d’autres méthodes sont aussi rencontrées : indicateurs colorés, radioactifs (lithium chez le cheval), méthode de Fick sur la consommation d’O2 ou la production de CO2 (NICO2® non invasive cardiac output, Novamétrix, Normed, St-Thibault-des-Vignes) qui permet l’estimation du DC de manière non invasive chez les animaux qui pèsent entre 7 et 80 kg.

Pour intéressant et performant qu’il soit, ce procédé requiert un équipement et une technicité qui limitent encore son utilisation à des structures de pointe. Il existe en outre certaines alternatives « plus à la portée » du praticien : mesure de la PVC par un cathéter jugulaire et une simple colonne au mercure ou un transducteur anéroïde, mesure de la pression artérielle non invasive [1, 2], etc.

Bibliographie

  • 1 - Chetboul V. Mesure de la pression artérielle chez le chien et le chat. Point Vét. 2002 ; 33(223): 12-13.
  • 2 - Chetboul V. Mesure de la pression artérielle par la méthode Doppler. Point Vét. 2002 ; 33(224): 12-13.
  • 3 - De Roth L. Les bases de la cardiologie vétérinaire. Université de Montréal, Saint-Hyacinthe (Québec, Canada). 1994 : 121 p.
  • 4 - Katz AM. Physiology of the Heart. 2nd ed. Raven Press, New York (États-Unis), 1992 : 687 p.
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