Détection rapide des inhibiteurs dans le lait - Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002
Le Point Vétérinaire n° 227 du 01/07/2002

QUALITÉ DU LAIT

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Robin Verhnes
Lahore (Pakistan) *, Éric Vandaële**

Une demi-douzaine de tests rapides d’inhibiteurs sont accessibles au praticien. Plus ou moins concordants avec les LMR, ils permettent de lever des « doutes ».

Dans les laboratoires interprofessionnels laitiers, la détection des inhibiteurs de croissance bactérienne (ICB) est effectuée grâce à une technique qui révèle sur des microplaques la baisse du pH du lait, grâce à la fermentation lactique. Plusieurs milliers de prélèvements peuvent ainsi être analysés en une seule journée. Cette méthode est similaire à celle de référence dans l’Union européenne. Elle est efficace et sensible, mais néanmoins assez difficile à reproduire dans des conditions normales de laboratoire d’un cabinet vétérinaire ou d’un « petit labo » de réception du lait, dans une laiterie. En France, la méthode officielle utilise Streptococcus thermophilus pour le dépistage et Bacillus subtilis, Bacillus stearothermophilus et Bacillus megaterium dans la seconde phase de confirmation.

Nouvelle méthode

D’autres méthodes rapides ont été mises au point par des industriels pharmaceutiques ou chimiques. Plus rapides et plus simples d’exécution que la méthode de référence, elles sont en revanche beaucoup plus onéreuses. En France, depuis le 1er janvier 2002, les laboratoires interprofessionnels ont ainsi adopté Delvotest® MCS en dépistage, qui utilise Bacillus stearothermophilus (voir la figure « Origine des inhibiteurs »). Les échantillons douteux et positifs sont ensuite confirmés positifs par la méthode officielle française (étape de confirmation).

Inhibiteur et LMR

Les notions d’inhibiteur et de limites maximales de résidus médicamenteux dans le lait sont au départ différentes pour un même résidu antibiotique. Les LMR sont calculées en prenant en compte la santé du consommateur, le risque toxicologique (sur la base d’une consommation quotidienne d’un litre et demi de lait par personne), le risque microbiologique sur la flore digestive humaine (déséquilibre de la flore) et surtout le risque économique d’inhibition de la transformation du lait.

Risques microbiologiques

Les risques microbiologiques pour la flore digestive de l’homme, et surtout pour l’industrie laitière, sont ceux qui permettent la fixation des LMR à leurs niveaux actuels (de l’ordre du ppb ou µg/kg ou de quelques dizaines de ppb). Pour les pénicillines, le risque allergique n’apparaît qu’à des doses environ dix fois plus élevées que le risque pour l’industrie laitière.

Le risque toxicologique est rarement pris en compte pour le calcul final des LMR lait, à l’exception de quelques toxicités pour des antibiotiques dont le risque microbiologique est moindre. Ces LMR « toxicologiques » sont alors parmi les plus élevées (quelques centaines de ppb).

Mais aucune des méthodes de détection des inhibiteurs n’est parfaitement concordante avec les limites maximales de résidus. D’autant que les LMR européennes sont souvent différentes des LMR américaines (voir la figure « Concordance entre le nouveau protocole interprofessionnel et les LMR européennes »). Néanmoins, le test le plus conforme à ces LMR est celui fabriqué par Charm (Charm®II ou Rosa®).

Méthodes d’inhibition de fermentation

Les méthodes qui mettent en évidence l’inhibition de fermentation reproduisent, dans des ampoules, l’acidification produite lors de la fermentation lactique (Delvotest® SP, Vialo-T®). Elles nécessitent quelques heures d’incubation avant la lecture par un indicateur coloré de virage du pH.

La méthode du test au yaourt est peu onéreuse, mais les limites de fiabilité de ce test sont en relation directe avec les conditions opérationnelles et le savoir-faire du technicien.

Delvotest® SP est un test utilisé depuis longtemps dans l’industrie laitière. Son avantage est d’avoir un spectre large de détection des inhibiteurs. Le revers de la médaille, c’est qu’il est moins sensible pour la détection de certaines familles (aminosides et quinolones, par exemple), parfois au-dessus des LMR. C’est un bon test au niveau du tank à la ferme (Delvotest® SP mini), car les résidus sont en général en plus haute concentration. Dans une citerne, la dilution peut prendre ce test en défaut. En revanche, il détecte beaucoup de ßlactamines en dessous de la LMR. Malheureusement, il est assez long (trois heures) par rapport aux tests Elisa et peu sensible aux antiseptiques ou désinfectants (iode, dérivés chlorés, ammoniums quaternaires).

Valio-T® est assez similaire du Delvotest® SP dans sa méthode et son spectre de détection. Mais il est encore plus long dans son opération, ce qui en limite davantage l’intérêt.

La méthode officielle française repose sur ce même principe avec Streptococcus thermophilus pour le dépistage.

Tests Elisa

Les tests Elisa sont les plus rapides (de quelques minutes à vingt minutes) et les plus onéreux. Ils sont spécifiques d’une famille d’antibiotiques (souvent les ßlactamines) et sensibles pour ces antibiotiques. Leurs limites de détection sont souvent inférieures à la LMR. Certains tests sont utilisés dans l’industrie depuis longtemps (Penzym®), mais sont moins précis. D’autres, comme Delvotest®-X-Press, Beta-Star ou bien Snap®, sont plus récents et plus sensibles. Ces tests sont réalisables à la ferme et permettent de détecter rapidement la présence d’antibiotiques dans le lait en dessous des LMR. Le lait testé négatif n’est donc pas dangereux pour la consommation humaine et l’industrie laitière peut le transformer sans aucun problème.

Charm® proche des LMR

Charm® II Test exploite une réaction Ag-Ac et comprend une gamme de sept tests pour les différentes familles d’antibiotiques recherchés. Un analyseur identifie la présence ou non d’ICB grâce aux propriétés de scintillement du lait contaminé. C’est le test actuel le plus sensible et le plus spécifique, qui donne des indications quantitatives. Malheureusement, l’investissement est lourd, chaque test coûte cher, ce qui ne permet pas de le généraliser. Il est plus approprié pour des industriels, des laboratoires interprofessionnels, que pour des cabinets vétérinaires. Du même fabricant, à partir d’une technique d’immuno- chromatographie, le test Rosa® sur bandelettes permet de détecter quatre familles d’antibiotiques à des valeurs proches des LMR : ßlactamines, tétracyclines, quinolones (c’est le seul test rapide à les détecter) et sulfamides.

En cas de doute seulement

Les vétérinaires peuvent, s’ils le souhaitent, réaliser des tests rapides (Delvotest® SP mini, Penzym®, Bétastar®, Snap®, Rosa®, etc.) pour conseiller leurs éleveurs laitiers, éviter de retrouver des inhibiteurs dans le tank, mais aussi analyser l’origine médicamenteuse. Les tests inhibiteurs n’étant pas (pas encore ?) bien corrélés aux LMR et donc, a fortiori, aux temps d’attente, les praticiens ne devraient pas les utiliser systématiquement, mais seulement en cas de doute (usage hors RCP intentionnel ou accidentel, mauvaise identification d’un animal, erreur de traitement, etc.).

Pour l’équipement de base (incubateur), il est alors nécessaire de prévoir plus de 150 e d’investissement et un coût pour chaque test compris, selon les fabricants, entre moins de 1 e et 3 e.

Chercher mieux, c’est trouver plus !

Depuis le 1er janvier dernier, un changement de méthode de dépistage est en train de multiplier par 1,5 à 2 le nombre d’analyses positives. Pourquoi ? Parce que le test commercial Delvotest® MCS, qui se substitue à la première étape de la méthode officielle dans les laboratoires interprofessionnels, est beaucoup plus sensible. Il détecte des quantités résiduelles d’inhibiteurs inférieures par rapport à l’ancien protocole.

Dans 40 % des cas douteux ou positifs lors du dépistage avec le Delvotest®, les suspicions ne sont pas validées par l’étape de confirmation de la méthode officielle. Les confirmations sont réelles dans seulement 60 % des cas, mais cela aboutit néanmoins à multiplier par 2,3 le nombre de positifs confirmés dans la période de transition.

En Bretagne et Pays-de-la-Loire, cette proportion est légèrement réduite. Avec l’ancien protocole (méthode officielle), 0,15 % des prélèvements étaient confirmés positifs. Aujourd’hui, 0,38 % sont douteux ou positifs au Delvotest® (soit 2,5 fois plus) et 0,22 % sont finalement confirmés positifs (soit 1,5 fois plus qu’auparavant).

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