Cystite chronique chez un chien - Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002
Le Point Vétérinaire n° 226 du 01/06/2002

UROLOGIE DES CARNIVORES DOMESTIQUES

Pratiquer

IMAGERIE

Auteur(s) : Wilfried Maï

Fonctions : DMV, dipl. ECVDI, DEA IMB
Animage,
laboratoire Créatis, Cermep
59, boulevard Pinel, 69003 Lyon

La cystographie à double contraste est une technique facile à mettre en œuvre et peu onéreuse qui se révèle efficace lors de la recherche de lésions vésicales.

Un chien mâle de race croisée, âgé de quatre ans, est présenté à la consultation pour une pollakiurie qui persiste depuis deux mois. Celle-ci a rétrocédé modérément à la suite d’un traitement médical à base d’antibiotique et d’anti-inflammatoire, mais a récidivé quelques jours après son arrêt. Une hématurie est également rapportée par les propriétaires.

Examen clinique et premiers examens complémentaires

L’animal est en bon état général. L’examen clinique ne révèle aucune anomalie significative, hormis une légère douleur à la palpation de l’abdomen caudal.

Un examen des urines par bandelette réactive permet de mettre en évidence une hématurie microscopique (3 croix), une protéinurie (2 croix) et une leucocyturie (3 croix). Le pH des urines est de 8. Un examen microscopique du culot urinaire ne montre pas de cristallurie. Un examen radiographique sans préparation de l’abdomen ne met en évidence aucune anomalie.

Pour explorer plus en détail ces signes urinaires, qui évoquent une affection vésicale, urétrale ou prostatique, une cystographie à double contraste est réalisée.

Cystographie à double contraste

La cystographie à double contraste est réalisée selon les techniques habituelles (voir l’ENCADRÉ “Cystographies à simple et double contraste chez le chien et chez le chat” ET PHOTO 1). Le cliché orthogonal n’est pas présenté, car il ne montre aucun signe radiographique supplémentaire.

Un cliché d’une cystographie à double contraste chez un animal normal permet une analyse comparative (PHOTO 2).

1. Qualité de l’examen

Le contraste, l’exposition et la netteté (absence de flou significatif) du cliché sont corrects.

La structure d’intérêt de l’examen, c’est-à-dire la vessie, est correctement visible. La paroi vésicale est nettement visualisée, contrastée à l’extérieur, par la graisse péritonéale et à l’intérieur par l’air et le produit de contraste iodé. La qualité de l’étude en contraste est satisfaisante : la vessie est suffisamment dilatée par l’air. Par comparaison avec le cliché obtenu chez l’animal sain, le diamètre ventrodorsal n’est pas aussi élevé, mais ceci est lié à un défaut de distension de la paroi vésicale, souvent associé aux infiltrats chroniques (de nature inflammatoire ou tumorale). Il ne s’agit donc pas d’une erreur technique. La quantité de produit de contraste iodé est en outre suffisante, puisque la muqueuse est uniformément soulignée par le produit de contraste iodé.

2. Signes radiographiques

• La forme et la position de la vessie sont normales et sa dilatation par le produit de contraste négatif (air) est homogène.

• L’urètre prostatique est visible, car il est marqué caudalement au col de la vessie par le produit iodé.

• La “flaque” de produit de contraste, d’aspect normal, est située au centre de l’ombre vésicale, de contour ovale et discrètement flou comme il est habituel de l’observer.

Aucune anomalie n’est détectée dans le produit de contraste positif, hormis deux petites images par soustraction, de forme circulaire, de contour net et de quelques millimètres de diamètre. Elles sont visibles en région périphérique dorsale. En raison de leur localisation périphérique, de leur contour net et du fait qu’elles n’ont pas été retrouvées sur d’autres clichés, ces images correspondent probablement à des bulles d’air (les images obtenues lors de lithiases sont généralement situées plus au centre de la flaque de produit de contraste et leur contour est plus flou).

• Le contour muqueux de la vessie montre une irrégularité, en particulier au pôle cranial. Une adhérence inhabituelle du produit de contraste iodé, d’aspect punctiforme, est également présente en région craniale de la vessie. Ce type d’adhérence évoque la présence d’érosions muqueuses.

• La paroi vésicale est facilement évaluée grâce au contraste offert par la graisse péritonéale et par le produit iodé souligné par l’air. Un épaississement franc et homogène de la paroi est ainsi nettement observé en partie cranioventrale de la vessie. Cet épaississement diminue très progressivement en direction craniodorsale ou caudoventrale. La paroi vésicale retrouve ensuite une épaisseur normale.

3. Synthèse des signes radiographiques

Un épaississement de la paroi vésicale est localisé en région cranioventrale de la vessie. Le contour muqueux y est irrégulier, avec une adhérence marquée du produit de contraste sur la muqueuse.

Hypothèses diagnostiques

Les anomalies observées et leur localisation évoquent une cystite chronique.

L’hypothèse d’une infiltration tumorale débutante ne peut être complètement exclue, mais elle est peu probable en raison de l’aspect relativement régulier de la paroi et de la localisation apicale. Les tumeurs vésicales se développent en effet plus souvent dans la zone caudodorsale du trigone vésical. Une infiltration tumorale diffuse ne peut cependant pas être totalement écartée.

L’hypothèse de cystite chronique est en outre étayée par l’examen bactériologique de l’urine, qui a permis de mettre en évidence des bactéries Proteus spp.

L’examen cytologique n’a pas révélé de signes compatibles avec l’évolution d’une lésion néoplasique.

Un traitement antibiotique adapté, administré pendant deux mois, a permis de faire rétrocéder les symptômes, sans récidive.

Conclusion

Même si l’échographie est un examen complémentaire de choix pour l’exploration des affections du bas appareil urinaire, il est néanmoins possible d’obtenir des informations pertinentes avec des examens radiographiques relativement simples à effectuer.

Lorsqu’une affection infiltrante pariétale ou qu’une lithiase radiotransparente est suspectée, la cystographie à double contraste est préférable à la cystographie à simple contraste positif. Cette dernière est surtout recommandée pour localiser la vessie lorsqu’elle n’est pas visible sur des clichés sans préparation, ou pour mettre en évidence une perforation vésicale.

Lorsque l’échographe n’est pas disponible, la radiographie avec produit de contraste se révèle être un examen complémentaire judicieux pour le diagnostic des affections vésicales.

Les produits de contraste utilisés sont en outre facilement disponibles et peu onéreux.

  • (1) Produit à usage humain.

Points forts

La cystographie est une technique d’imagerie radiographique recommandée lorsqu’un examen échographique n’est pas réalisable.

De nombreuses affections de la vessie peuvent être mises en évidence : cystite, tumeur, lithiases, etc.

Une analyse attentive des images obtenues est nécessaire, en s’aidant au besoin d’un cliché témoin obtenu chez un animal sain.

D’autres examens complémentaires sont toutefois indispensables pour étayer les hypothèses diagnostiques : examen bactériologique des urines, examen cytologique, etc.

Cystographies à simple et double contraste chez le chien et chez le chat

Préparation

• Pour réaliser une cystographie, il convient de s’assurer de la vacuité du côlon et du rectum afin de limiter les superpositions du contenu colorectal avec la vessie, qui compliquent l’interprétation. Des lavements sont donc conseillés avant la réalisation de la cystographie, ainsi qu’une diète hydrique dans les 24 heures qui précèdent l’examen.

• Il est indispensable de réaliser des radiographies sans préparation avant la cystographie afin de rechercher des anomalies de taille, de forme, de position ou d’opacité de la vessie. Elles permettent en outre d’adapter les constantes pour les clichés avec préparation et de vérifier la vacuité du côlon et du rectum.

• Une tranquillisation ou une anesthésie générale sont préconisées si l’animal n’est pas coopératif, ce qui facilite les opérations de sondage vésical et permet d’effectuer les clichés radiographiques avec un minimum de contention.

• Les sondes stériles utilisées pour le cathétérisme de la vessie sont : de type Tom Cat® chez le chat ; des sondes urétrales longues ou des sondes de Foley® à ballonnet et de calibre adapté chez le chien. Un robinet à trois voies est connecté à la sonde pour injecter les produits de contraste en limitant le reflux par la sonde.

• Avant d’introduire la sonde dans l’urètre, il est important de la remplir de sérum physiologique pour ne pas introduire d’air dans la vessie lors des procédures de vidange, rinçage, ou injection dans la vessie. Ces bulles d’air pourraient en effet gêner l’interprétation.

• Il convient de vider la vessie par sondage avant la cystographie. Si des caillots de sang sont présents dans l’urine, il est conseillé d’effectuer plusieurs rinçages à l’aide de sérum physiologique pour en éliminer le maximum et éviter ainsi les artefacts qui peuvent perturber l’interprétation des clichés cystographiques.

• Pour réduire la douleur et le spasme vésical pendant la cystographie, une solution de lidocaïne à 2 % (Xylocaïne®, un volume de 2 à 5 ml selon la taille de l’animal suffit en général) peut être injectée dans la vessie après cathétérisation suite à la vidange et avant l’injection de produit de contraste.

Cystographie à simple contraste positif

• Un produit de contraste iodé ionique hydrosoluble (par exemple, Télébrix 35®(1)) est utilisé dilué dans du sérum physiologique pour obtenir une concentration finale de 200 mg d’iode/ml. Le volume injecté de la solution diluée est de 5 à 10 ml/kg.

• Le degré de dilatation vésicale peut être contrôlé par palpation transabdominale. Si l’injection devient difficile ou s’il existe un reflux de produit de contraste par l’urètre autour de la sonde, il convient d’arrêter l’injection et d’effectuer les clichés pour éviter des complications telles qu’une rupture vésicale.

• À la fin de l’injection, une projection radiographique latérale est obtenue et permet souvent de répondre à l’hypothèse qui a motivé l’examen (évaluation de la position, mise en évidence d’une rupture).

Des projections obliques de trois quarts, obtenues par une légère rotation sur la droite ou sur la gauche de l’animal en décubitus dorsal, peuvent être utiles.

Cystographie à double contraste

• Lorsque la vessie a été vidée de son contenu urinaire, une plus faible quantité de produit de contraste iodé que lors d’une cystographie simple est injectée : de 2 à 15 ml selon le format de l’animal.

Le produit de contraste doit en outre avoir une concentration d’environ 400 mg d’iode/ml [2]: la solution de Télébrix 35®(1) ne doit donc pas être diluée pour les procédures en double contraste.

• L’animal est ensuite tourné sur lui-même pour répartir le produit de contraste.

• De l’air est alors introduit lentement : un volume de 10 ml/kg suffit en général. Le degré de distension vésicale est contrôlé par palpation transabdominale. Il est conseillé de ne pas trop distendre la vessie, car cela peut éventuellement masquer des lésions muqueuses modérées.

• Des clichés radiographiques sont ensuite réalisés sous des incidences latérales et latérales obliques.

• Une cystographie à double contraste peut également être effectuée après une étude en simple contraste, en vidant la vessie de la plus grande partie de produit de contraste et en injectant ensuite de l’air.

Complications des cystographies

Les complications liées à la cystographie sont rares.

Des traumatismes de la paroi vésicale sont parfois observés lors de cathétérisme un peu trop violent.

Des complications infectieuses sont également possibles. Lors de cystographie à simple contraste, des passages de produit de contraste dans la paroi vésicale, parfois jusqu’en région sous-muqueuse, ont été rapportés. Ils peuvent survenir lorsque le degré de distension vésicale est marqué ou lorsque des lésions muqueuses sont présentes. Cependant, il n’existe pratiquement pas de conséquences cliniques associées à ce passage malgré quelques cas rapportés d’ulcération muqueuse, d’inflammation et de cystite granulomateuse d’évolution favorable. Lors de l’injection d’air dans la vessie (cystographie à double contraste), l’embolie gazeuse sanguine, potentiellement mortelle, est une complication possible, mais exceptionnelle.

En savoir plus

1 - Maï W. Atlas de radiographie abdominale du chien et du chat. Med’Com Editions, Paris. 2001 : 146 pages.

2 - Barthez P. Technique en radiologie des petits animaux. PMCAC Editions, Paris. 1997 : 182 pages.

À lire également

- Maï W. Cas clinique : incontinence chez une chienne d’un an. Point Vét. 1999 ; 30(196) : 75-78.

- Muller C, Puechguiral C, Marescaux L. Cas clinique. Rupture urétrale chez un chat accidenté. Point Vét. 2001 ; 32(215) : 70-73.

- Ruel Y, Besso J. Imagerie du bas appareil urinaire. Radiographie et échographie du bas appareil urinaire. Point Vét. 2001 ; 32 (n° spécial “urologie et néphrologie des carnivores domestiques”) : 44-51.

- Stambouli F. Techniques d’explorations radiographiques de l’appareil urinaire avec produit de contraste. L’urographie intraveineuse. Point Vét. 1998 ; 29(189) : 177-183.

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