Mesure de la pression artérielle chez le chien et chez le chat - Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002
Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002

CARDIOLOGIE DES CARNIVORES DOMESTIQUES

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NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Pr Valérie Chetboul

Fonctions : Unité pédagogique
de pathologie médicaleUnité de cardiologieENVA, 7 av. du Gal de Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

Le praticien dispose désormais de méthodes simples de mesure indirecte de la pression artérielle systémique.

L'hypertension artérielle se définit comme une augmentation chronique systolique et/ou diastolique de la pression artérielle systémique. Bien que longtemps méconnue chez les carnivores domestiques [9], sa prévalence n'est pas négligeable : de 1 à 2 % lorsque seuls les critères cliniques d'hypertension artérielle sont pris en compte ; jusqu'à 10 % dans une étude sur cent deux chiens cliniquement normaux [16].

Un article sur la mesure de la pression artérielle par la méthode Doppler chez le chien et le chat est prévu dans le prochain numéro.

Calcul de la pression artérielle moyenne

La pression artérielle oscille entre-deux valeurs : une maximale, qui correspond à la pression artérielle systolique, et une minimale, la pression artérielle diastolique (voir la FIGURE “Évolution de la pression artérielle”). Ces deux pressions sont mesurées au niveau de l'aorte et des grosses artères, respectivement lors de l'éjection de sang par le ventricule gauche et au moment de sa phase de remplissage [8].

La pression artérielle moyenne correspond à la moyenne de toutes les pressions mesurées, milliseconde après milli-seconde, pendant un laps de temps donné. Elle n'est pas la moyenne arithmétique des pressions artérielles systolique et diastolique : la pression artérielle moyenne est plus proche de la valeur diastolique que de la valeur systolique, car la diastole est physiologiquement plus longue que la systole [11]. Sa valeur est généralement calculée automatiquement par les appareils de mesure oscillométrique.

Elle se définit par la formule suivante : pression artérielle moyenne = (pression artérielle systolique - pression artérielle diastolique)/3 + pression artérielle diastolique.

Trois indications

La mesure de la pression artérielle est indiquée :

- lorsque l'animal est atteint d'une affection susceptible de se compliquer d'hypertension artérielle : l'hyperthyroïdie chez le chat, l'hypercorticisme et le diabète sucré chez le chien, l'insuffisance rénale chez les deux espèces, pour les plus fréquentes (voir le TABLEAU “Principales causes d'hypertension artérielle”) ;

- lorsque l'animal présente des symptômes qui peuvent être dus à une hypertension artérielle : troubles oculaires (tortuosité des artères rétiniennes, hémorragies rétiniennes et prérétiniennes, décollement de rétine avec ou sans cécité, hyphéma), cardiaques (souffle systolique apexien gauche, bruit de galop chez le chat, plus rarement essoufflement et dyspnée), nerveux (hyper-nervosité, convulsions, ataxie, amaurose, etc.) et épistaxis (chez le chien surtout) ;

- lorsqu'une hypertrophie ventriculaire gauche (excentrique, concentrique ou localisée), non liée à un obstacle aortique, est détectée lors d'un examen échographique. L'hypertension artérielle expliquerait ainsi près de 50 % des hypertrophies myocardiques gauches observées chez le chat [15].

Limiter “l'effet blouse blanche”

Quelle que soit la technique de mesure de la pression artérielle employée, plusieurs règles simples sont à respecter :

- ne jamais fonder le diagnostic d'hypertension artérielle sur une mesure isolée. Il convient d'en réaliser toujours plusieurs, puis d'effectuer la moyenne des trois à cinq (au minimum) dernières valeurs “stables” obtenues. Il est en effet fréquent de constater que les valeurs de pression artérielle sont plus élevées au début d'une série de mesures, en raison de l'appréhension de l'animal [3]. Il est en outre prouvé que mesurer cinq fois la pression artérielle et en calculer la moyenne permet d'augmenter significativement la corrélation avec les méthodes de mesure directe [4] ;

- préférer une pièce dont la température ambiante n'est pas trop basse, afin de limiter la survenue d'une vasoconstriction périphérique qui pourrait majorer la valeur réelle de la pression artérielle [10] ;

- opérer dans le calme [2], pour limiter “l'effet blouse blanche” (élévation aiguë de la pression artérielle en raison du stress). Si possible, mieux vaut laisser l'animal seul avec le propriétaire dans la salle d'examen avant de réaliser la mesure, cette période “d'acclimatation” pouvant durer de dix à quinze minutes.

Analyse des oscillations de la paroi d'une artère superficielle

La méthode oscillométrique de mesure de la pression artérielle utilise un brassard occlusif relié à un transducteur et placé en regard d'une artère superficielle (PHOTO 1a, PHOTO 1b). Elle consiste en l'analyse des oscillations de la paroi de cette artère. Ces oscillations de paroi artérielle varient selon le degré d'occlusion de l'artère [14], qui dépend lui-même des valeurs respectives de la pression artérielle et de la pression de gonflement du brassard (voir la FIGURE “Principes de mesure de la pression artérielle par la méthode oscillométrique”).

Le brassard peut-être positionné à la base de la queue (en regard de l'artère coccygienne),sur le membre antérieur (en regard de l'artère médiane du carpe, en région distale du radius) (PHOTO 2) ou plus rarement sur le membre postérieur (chez l'animal vigile, le tendon d'Achille peut en effet gêner la pose correcte du brassard). L'animal peut être assis, en sphinx, ou en décubitus latéral (position souvent préférée pour les mesures sur le membre postérieur).

Idéalement, la largeur du brassard doit correspondre à 60 % de la circonférence du site de mesure ou à 40 % de son diamètre [12]. La longueur recommandée est de 1,5 fois celle de la circonférence [9] : la pression artérielle est surestimée si le brassard est trop serré (ou inversement si le brassard est trop large) [14].

Une méthode simple, mais onéreuse

La méthode oscillométrique est un moyen simple de mesurer la pression artérielle. Les appareils actuels permettent en effet un gonflement et un dégonflement automatiques du brassard, avec l'affichage direct des valeurs des pressions artérielles systolique, diastolique et moyenne. La tonte du poil en regard de l'artère explorée n'est pas nécessaire, sauf chez les animaux obèses ou au pelage dense [18].

Bien qu'ayant tendance à sous-estimer modérément la pression artérielle (entre 5 et 20 mm Hg), les valeurs obtenues par la méthode oscillométrique sont bien corrélées à celles issues des mesures directes, à la fois chez le chien vigile (r2 de 0,886 pour la pression artérielle systolique et 0,901 pour la pression artérielle diastolique), chez le chien anesthésié (r2 de 0,85 et 0,86 respectivement) et chez le chat anesthésié (r2 entre 0,602 et 0,853 selon le site de mesure) [4, 5, 13].

Pas d'interprétation possible chez le chat vigile

Outre son coût (entre 1 524 et 3 049 e), l'inconvénient majeur de la méthode oscillométrique est que la mesure de la pression artérielle est parfois impossible chez le chat vigile (en raison de la petite taille des artères). De plus, même si elle se révèle réalisable, sa corrélation avec les méthodes de mesure directe est très mauvaise (r2 entre 0,000 et 0,359 selon le site de mesure) [4].

En savoir plus

- Saignes C-F, Salmon Y. Méthodes de mesure de la pression artérielle et leurs indications chez les carnivores domestiques. Point Vét. 1999 ; 30(201): 491-497.

- Saignes C-F, Salmon Y, Roegel C. Hypertension artérielle chez un chat. Point Vét. 1998 ; 29(195): 1167-1172.

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