La stérilisation des rongeurs et des lagomorphes - Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002
Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Didier Boussarie

Fonctions : 118, avenue Pierre Mendès-France
02000 Laon

Pour stériliser un rongeur ou un lagomorphe, il est nécessaire de tenir compte des particularités d'espèce pour choisir la technique la plus sécurisante.

Les praticiens sont de plus en plus souvent sollicités pour effectuer une stérilisation chez les rongeurs et les lagomorphes de compagnie. Cela suppose de connaître la physiologie de la reproduction pour renseigner les propriétaires, établir une diagnose du sexe et décider de l'âge auquel sera effectuée l'intervention. Les indications de la stérilisation sont la suppression des comportements indésirables liés à l'activité hormonale, tant chez la femelle que chez le mâle, et l'obtention d'une contraception lorsque les individus vivent en groupe ou en couple. Cette dernière est d'autant plus souhaitable que la plupart de ces animaux ont un remarquable pouvoir de prolificité.

Stérilisation médicale

1. Chez la femelle

L'administration de progestatifs est une méthode alternative à la chirurgie de convenance [1, 2]. L'acétate de médroxyprogestérone(1) et l'acétate de mégestrol(1) sont à déconseiller en raison de leurs effets secondaires (augmentation de l'appétit, prise de poids et léthargie).

La proligestone(1) (Delvostéron(r)), efficace dès vingt-quatre heures après son administration, est recommandée chez la lapine et les rongeurs de compagnie. Elle n'influe pas sur la prise de nourriture ou sur le gain de poids et n'induit pas d'affection utérine. Le protocole d'utilisation est le suivant :

- chez la lapine : 30 mg/kg de proligestone(1) par voie sous-cutanée, après une vérification au préalable de l'absence de gestation. La durée moyenne de prévention de l'œstrus est de trois à quatre mois, sans effets secondaires et tout en préservant le potentiel reproducteur de la femelle [1] ;

- chez les rongeurs de compagnie (femelle du cobaye, du chinchilla, du hamster, du rat et de la souris) : 50 mg/kg. La durée moyenne de prévention de l'œstrus est de deux à trois mois.

2. Chez le mâle

L'acétate de delmadinone(1) est utilisable chez le mâle, à raison de 10 mg/kg. Même s'il diminue la libido, il n'offre toutefois pas la garantie d'obtenir une stérilité.

Castration chirurgicale

1. Chez le mâle

Rappels anatomiques

Rongeurs et lagomorphes sont dits endorchides : l'anneau inguinal est relativement large (surtout chez le lapin, le cobaye et la gerbille). Il est donc conseillé d'opérer à testicule couvert en raison du risque d'éventration, à l'exception du cobaye et du chinchilla, chez lesquels deux techniques sont possibles (cf. infra).

Matériel

Des instruments de chirurgie courante sont suffisants pour réaliser la castration. Il est cependant conseillé d'utiliser un matériel fin (comme des instruments d'ophtalmologie) chez les rongeurs de petite taille.

Chez le lapin [2, 3]

• Technique

- La région scrotale est rasée (délicatement, car la peau est particulièrement fine) et désinfectée.

- Le lapin est placé en décubitus dorsal, les postérieurs sont ramenés vers l'avant et tenus dans chaque main par un aide (PHOTO 1). Une bonne myorelaxation est nécessaire (voir l'ENCADRÉ “Anesthésie recommandée chez le lapin”).

- Les testicules sont maintenus fermement, une incision scrotale prudente est effectuée sur chacun, sans atteindre la gaine vaginale. Il existe une grande adhérence entre cette dernière et le scrotum.

- L'énucléation du premier testicule est réalisée après sa dissection prudente aux ciseaux fins.

- Une pince hémostatique est mise en place sur le cordon testiculaire couvert. Celui-ci est ligaturé. L'exérèse du testicule et de la totalité de la graisse rétroépididymaire est effectuée.

- Le scrotum n'est pas suturé.

- Le même protocole est appliqué au second testicule.

• Remarques

- En raison de la largeur de l'anneau inguinal, une bonne myorelaxation est indispensable pour éviter le refoulement des testicules en position intra-abdominale sous l'action des puissants muscles crémaster. Pour la même raison, la castration à testicule couvert est préconisée pour éviter une éventration.

- Il est possible de suturer les incisions scrotales.

Chez le cobaye [2, 4]

Les cordons testiculaires sont particulièrement fragiles. Il est donc nécessaire de ne pas exercer une trop forte traction afin d'éviter une grave hémorragie. L'anneau inguinal est également large. D'une façon générale, la castration est plus délicate chez le cobaye que chez les autres rongeurs et doit être réalisée avec soin. En outre, il existe des risques élevés d'infection postopératoire : le cobaye se déplace peu et souille facilement sa litière.

Le cobaye est placé en décubitus dorsal. Trois techniques sont possibles.

• Incision scrotale sans ouverture de la gaine vaginale : la technique est identique à celle appliquée chez le lapin, mais elle présente le risque d'exercer une traction parfois dangereuse sur le cordon testiculaire.

• Incision inguinale après le refoulement des testicules dans la région inguinale :

- la gaine vaginale est isolée, ouverte et conservée à l'aide de pinces hémostatiques ;

- une pince hémostatique est mise en place sur le cordon testiculaire découvert, le plus près possible de l'anneau inguinal. Le cordon testiculaire est ligaturé et l'exérèse du testicule est effectuée ;

- la gaine vaginale est suturée à l'aide de fil résorbable (Vicryl(r) déc. 1,5), puis la peau (Vicryl(r) déc. 1,5) ;

- le même protocole est appliqué pour le second testicule.

Les points cutanés sont retirés dix jours après.

• Incision médiane de la paroi abdominale et extraction intra-abdominale.

• Remarques

- La méthode par l'incision inguinale est un peu plus longue, mais elle est plus sûre et permet de prévenir une éventration ou une hémorragie. Elle offre également une meilleure protection de la plaie opératoire vis-à-vis des souillures d'origine fécale.

- Une technique équivalente convient au chinchilla et à l'octodon.

- La voie intra-abdominale est la seule à pouvoir être utilisée chez le chien de prairie.

Chez le rat, la souris, le hamster et la gerbille

• Technique

- L'animal est placé en décubitus dorsal et une incision interscrotale unique est réalisée, en prenant garde à ne pas ouvrir la vaginale (PHOTO 2).

- Les testicules sont extériorisés, les cordons testiculaires sont ligaturés, puis l'exérèse des testicules est effectuée. Le corps adipeux rétro-épididymaire est également enlevé.

- L'incision scrotale peut être suturée ou laissée ouverte.

• Remarques

- L'extraction intra-abdominale est également possible chez le rat.

- Les testicules sont volumineux chez les myomorphes, notamment chez le hamster et, en particulier, chez certaines espèces naines (hamster chinois).

- Il convient de ne pas laisser plusieurs animaux récemment castrés dans la même cage (risque de morsure des sites opératoires).

2. Chez la femelle

L'ovariectomie est plus rarement pratiquée, mais la demande est croissante de la part des propriétaires.

Rappels anatomiques

Les ovaires sont petits, ovoïdes, jaunâtres ou rosés, situés au niveau du pôle postérieur du rein et entourés d'un corps adipeux parfois volumineux (cobaye, rat, souris, hamster). L'utérus est bifide (rongeurs) ou double (lapine). Le placenta est discoïde.

Matériel

Une trousse à ovariectomie pour chatte convient pour la lapine, les femelles cobaye et chinchilla. Le crochet à ovariectomie facilite l'intervention. Il est néanmoins conseillé d'utiliser du matériel fin (de type instruments d'ophtalmologie) pour les espèces de petite taille. Les pansements collés postopératoires sont déconseillés. Il est en revanche indispensable de maintenir la femelle opérée sur une litière propre.

Chez la lapine

Deux techniques sont envisageables [2, 3].

• Par la ligne blanche

- La technique est comparable à celle qui est utilisée chez la chatte. Une incision cutanée médiane est effectuée en arrière de l'ombilic, suivie par une incision de la paroi abdominale sur la ligne blanche, sur deux à trois centimètres.

- Les cornes utérines sont recherchées à l'aide du crochet à ovariectomie et les ovaires sont isolés (PHOTO 3). Leur exérèse est pratiquée après une double ligature.

- Le péritoine et le plan musculaire sont suturés, puis une suture de la peau est réalisée à l'aide d'un fil à résorption lente (déc. 2 ou 3).

• Par le flanc

- La lapine est placée en décubitus latéral droit ou gauche. Une incision verticale au milieu du flanc est pratiquée sur deux à trois centimètres de long, à une largeur de main en arrière de la dernière côte.

- Une dissection mousse des muscles abdominaux dans le sens des fibres musculaires est réalisée, suivie par une ponction du péritoine.

- Une corne utérine est recherchée à l'aide du crochet à ovariectomie, ce qui permet de remonter jusqu'à l'ovaire correspondant.

- L'exérèse de l'ovaire est pratiquée après une double ligature des vaisseaux de chaque côté.

- L'autre ovaire est recherché en remontant la corne utérine jusqu'à sa bifurcation.

- Une suture du péritoine et du plan musculaire profond est réalisée, suivie par une suture du plan musculaire superficiel et une suture de la peau à points séparés. Un fil à résorption lente est préféré (type Vicryl(r) déc. 2 ou 3).

• Remarques

- La technique par le flanc supprime le risque de souillure ou d'éventration par la désunion des sutures. Cependant, l'extériorisation du second ovaire est parfois délicate et la technique est difficile à mettre en œuvre chez les femelles obèses. Elle est donc à déconseiller en pratique.

- La technique par la ligne blanche est simple, rapide et n'expose pas à des complications majeures.

- En pratique, l'ovariectomie simple est réalisée préférentiellement à l'ovariohystérectomie de convenance. Cependant, celle-ci est préconisée par certains auteurs [3] en raison des risques (réels) d'adénocarcinome utérin chez la lapine après l'âge de quatre ans. Cette remarque s'applique également aux femelles des rongeurs de compagnie.

- Les points cutanés sont retirés dix jours après l'intervention.

Chez le cobaye [3, 4]

• Par la ligne blanche

La technique est comparable à celle qui est appliquée chez la chatte ou chez la lapine. Elle peut également être employée chez la femelle du chinchilla, de l'octodon et du chien de prairie.

• Remarques

- La technique par la ligne blanche est simple, rapide et n'expose pas à des complications particulières.

- En pratique, l'ovariectomie simple est réalisée, mais l'ovariohystérectomie de convenance est préconisée par certains auteurs [3].

- La pose d'un pansement collé postopératoire est superflue.

- Les fils cutanés sont retirés dix jours après l'intervention.

! Chez le hamster, le rat, la souris et la gerbille [2, 4]

• Technique

Elle est comparable à celle utilisée chez la chatte :

- Incision par la ligne blanche.

- Recherche des cornes utérines à l'aide d'un crochet à ovariectomie et isolement des ovaires.

- Exérèse des ovaires après une double ligature.

- Sutures du péritoine, des muscles et de la peau à l'aide d'un fil à résorption lente (déc. 1,5).

• Remarques

- L'ovariectomie est réalisable par le flanc.

- Il est préférable d'isoler les sujets opérés des congénères.

- Il est indispensable d'utiliser une instrumentation fine (de type trousse à ophtalmologie).

- Les fils cutanés sont retirés dix jours plus tard.

Conclusion

Une antibiothérapie postopératoire de trois à cinq jours est utile chez les mâles et chez les femelles. Outre le risque d'infection postopératoire par souillure, elle prévient une éventuelle entérotoxémie par l'arrêt du transit intestinal. Les rongeurs et les lagomorphes sont sensibles à de nombreux antibiotiques en raison de leur flore Gram positif dominante, avec des risques d'accident mortel. Il est possible d'administrer une fluoroquinolone (enrofloxacine(1) à raison de 10mg/kg ou marbofloxacine(1) à la dose de 5mg/kg) ou le triméthoprime-sulfamétho-xazole(1) (30 mg/kg).

(1) Médicament dont l'AMM n'est pas validée chez les rongeurs et les lagomorphes.

Anesthésie recommandée chez le lapin

Anesthésie fixe

• Induction et maintien : mélange de médétomidine(1) (250 à 300 mg/kg) et de kétamine (20 mg/kg) administré par voie intramusculaire.

• Une prémédication est possible à l'aide de glycopyrrolate (Robinul(r)(1)), à raison de 0,01 à 0,02 mg/kg.

• Le réveil est assuré par l'administration d'atipamézole(1) (50 µg/kg par voie intraveineuse ou intramusculaire).

Anesthésie gazeuse

• L'halothane ou l'isoflurane s'utilisent à raison de 3 à 4 % à l'induction, puis de 1 à 2 % à l'entretien, au moyen d'un circuit ouvert ou semi-ouvert.

• Une induction à l'aide de kétamine (15 mg/kg) ou de tilétamine-zolazépam (10mg/kg) est à prévoir.

D'après [2].

En savoir plus

- Boussarie D. Consultation et chirurgie des rongeurs et lagomorphes. Quel matériel utiliser pour la médecine et la chirurgie ? Point Vét. 2001 ; 32(219): 58-60.

- Boussarie D. Utilisation des anti-infectieux chez les rongeurs et lagomorphes de compagnie. Point Vét. 1999 ; 30 (n° spécial “Nouveaux animaux de compagnie”): 611-615.

  • 1 - Baudoin L. La contraception chez la lapine comme animal de compagnie. Thèse Doc. Vét. Toulouse. 1995 : 90 pages.
  • 2 - Boussarie D. La chirurgie de convenance des rongeurs et lagomorphes de compagnie. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 1997 ; 32(5): 371-391.
  • 3 - Jenkins JR. Rabbits. Soft tissue surgery and dental procedures. In : Ferrets, rabbits and rodents ; Hillyer EV, Quesenberry KEI, ed. Philadelphia, WB Saunders co. 1997 : 227-241.
  • 4 - Mullen H. Small rodents. Soft tissue surgery and dental procedures. In : Ferrets, rabbits and rodents ; Hillyer EV, Quesenberry KEI, ed. Philadelphia, WB Saunders co. 1997 : 329-337.
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