L'interféron oméga augmente la survie lors de viroses graves - Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002
Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002

PARVOVIROSE CANINE, FeLV-FIV ET CALICIVIROSE FÉLINE

Éclairer

NOUVEAUTÉS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Le premier interféron d'origine féline (Virbagen Oméga®) est ciblé contre la parvirose canine et aussi contre les rétroviroses et caliciviroses félines.

Il y a longtemps que Virbac a investi dans le développement vétérinaire d'un interféron par génie génétique. Depuis le 11 juillet dernier, ses efforts sont récompensés en Europe. L'Agence européenne du médicament (EMEA) a en effet émis un avis favorable pour une future autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne d'un interféron oméga : Virbagen Oméga®.

L'indication validée par les experts de l'EMEA est la « diminution de la mortalité et des signes cliniques de la parvovirose (forme digestive) chez les chiens âgés de plus d'un mois ». Au Japon, où le même médicament est commercialisé depuis février 1999 sous la marque Intercat®, l'indication officielle correspond au traitement des « infections à calicivirus chez le chat ». Récemment, les autorités australiennes ont accepté les deux indications, chez le chien et le chat. Des essais préliminaires, notamment en France, montrent aussi un intérêt clinique certain contre les rétroviroses félines FeLV et/ou FIV.

Glycoprotéine injectable

Cet interféron oméga est une glycoprotéine complexe de 25 kDa identifiée chez le chat, mais qui ne peut être produite en grande quantité que par génie génétique. Les protéines (interféron inclus) étant dégradées par les enzymes digestives et trop grosses pour être résorbées, seule la voie parentérale est utilisable. La voie intraveineuse, qui assure la diffusion immédiate dans l'organisme, est la voie retenue par les AMM européenne et japonaise. Des essais ont toutefois été réalisés par voie sous-cutanée chez le chat, avec des résultats positifs. L'interféron lyophilisé se présente dans un petit flacon de verre (type vaccin unidose), dosé à 5 ou 10 millions d'unités. Conditionnés par cinq, ces flacons sont accompagnés de cinq petits flacons de solvant aqueux (1 ml de soluté isotonique de chlorure de sodium).

Trois effets

Cet interféron oméga félin est de type 1. Les interférons de type 1 ont trois effets principaux :

1 un effet antiviral (qui est le premier exploité pour cet interféron félin oméga, Virbagen Oméga®) ;

2 un effet immunomodulateur (exploité en médecine humaine avec des interférons ß comme traitement de la sclérose en plaque) ;

3 une activité antiproliférative (exploitée aussi en thérapeutique humaine avec des interférons, en combinaison avec l'effet immunomodulateur pour le traitement de leucémies, sarcomes de Kaposi associé au Sida, etc.).

Systèmes 2-5 A et PKR

L'activité antivirale repose sur l'induction par l'interféron, dans une cellule infectée, de deux protéines nouvelles : l'une appelée 2-5 A (2-5 oligo-adénylate synthétase) et la seconde PKR (protéine kinase).

• Le système 2-5 A est le plus important. Il active des enzymes (ARNases) de destruction des ARN messagers (ARNm) d'origine virale. Le virus ne peut alors faire produire par la cellule les protéines virales nécessaires à sa réplication.

• Le système PKR bloque la traduction de l'ARN messager en protéines par les ribosomes (par inhibition d'un facteur initiation appelé elF2).

La parvovirose européenne

Le dossier d'enregistrement européen ne retient qu'une seule indication, la parvovirose canine, pour valider l'efficacité de l'interféron oméga. Cette activité repose sur deux essais expérimentaux préliminaires, avec inoculation expérimentale du parvovirus (CPV2b per os). Le premier, sur 39 chiens beagles d'environ quatre mois, consiste à vérifier l'activité de l'interféron oméga (à 1 et 5 millions d'unités par kilo pendant trois jours). Le second, sur 10 beagles plus jeunes (huit à neuf semaines), ne teste qu'une seule dose : 2,5 millions d'unités pendant trois jours. Le placebo (solution physiologique) ou l'interféron sont administrés par voie intraveineuse, quatre ou cinq jours après le virus, alors que tous les chiens montrent des signes cliniques de parvovirose. « Indubitablement, le médicament administré à 1 MU/kg pendant trois jours a un effet bénéfique », constate le rapport d'évaluation européen. Dans le second essai à 2,5 MU/kg, l'efficacité est encore plus évidente, puisque les 5 chiens du groupe placebo décèdent, alors que 4 des 5 traités survivent et, après une semaine, sont complètement guéris.

Mieux qu'un traitement symptomatique

Les essais cliniques de terrain sur la parvovirose inclus dans le dossier d'enregistrement européen sont au nombre de trois (soit 234 chiens au total), tous comparatifs contre placebo et réalisés à l'aveugle. Compte tenu de la gravité de cette affection (confirmée par détection du parvovirus dans les selles), les praticiens sont autorisés à prescrire le traitement habituel de leur choix : réhydratation, antibiotiques, antispasmodiques et antiémétiques, pansements gastro-intestinaux, etc. Les traitements immunomodulateurs, les corticoïdes, sont exclus.

La dose de 2,5 MU/kg pendant trois jours apparaît toujours meilleure que ces seuls traitements symptomatiques. « Un net avantage [est noté] en faveur de l'interféron oméga par rapport au traitement symptomatique classique », conclut le rapport européen. Dans l'essai le plus intéressant, la mortalité est en effet de 28,6 % (14 chiens sur 49) pour le groupe placebo, au lieu de 7 % (3 sur 43) pour le lot interféron (voir la FIGURE “Les courbes de survie lors de parvovirose”).

Cet essai confirme aussi la guérison clinique dans la semaine qui suit le début du traitement. Le statut vaccinal des chiots traités ne semble pas être relié à une différence significative d'efficacité de l'interféron.

Rétroviroses

Le traitement antiviral des chats infectés par le FeLV et/ou le FIV est sans doute l'indication la plus prometteuse. Son développement clinique est encore en cours.

Des espoirs sont fondés sur les résultats d'un essai clinique préliminaire comparatif contre placebo et en aveugle en France sur 48 chats, tous confirmés FeLV positifs (et coinfectés par le FIV dans un tiers des cas). Tous ces chats présentent souvent des signes cliniques avérés : stomatites (81 % des cas), déshydratation (51 %), apathie (61 %), anémie (42 %), leucopénie (20 %)ou leucocytose (24 %). L'interféron à 1 MU/kg par voie sous-cutanée pendant cinq jours est administré à l'aveugle et de manière randomisée à 28 chats, et le placebo à 20 chats. Une thérapeutique classique (antibiotiques, réhydratant, etc.) est maintenue ou mise en place. Les corticoïdes sont proscrits.

Réévaluer le traitement

Deux mois après le traitement, les résultats sont en faveur du traitement à l'interféron. Dans le groupe placebo, seuls 36 % des chats ont survécu à l'évolution de cette maladie, alors que le taux de survie est de 75 % avec l'interféron. Dans des essais où les chats infectés sont traités plus précocement par l'interféron (voir la FIGURE “Les courbes de survies lors de FeLV/FIV en phase symptomatique avérée”), le taux de survie peut être plus élevé, de l'ordre de 95 %. D'autres études sont en cours en Autriche, en Allemagne, en France et en Italie, avec des périodes d'observation plus longues (six mois) pour évaluer précisément la durée de rémission obtenue avec l'interféron et ainsi mieux prévenir les rechutes par des traitements répétés. D'ores et déjà, il peut être recommandé, après une cure de cinq injections, d'effectuer une réévaluation clinique quinze jours après le premier traitement, puis tous les deux mois, pour mesurer l'intérêt de répéter le traitement si l'évolution clinique n'est pas favorable (rechute, etc.).

Calicivirose

L'efficacité contre les calicivirus, à l'origine des “coryzas” chez les jeunes chatons, a initialement été développée au Japon avec trois injections à 5 MU/kg par voie intraveineuse pendant trois jours. Deux autres essais, dont un sur 160 chats mais aucun contre placebo, montrent que le taux d'efficacité clinique est de 85 à 95 % pour l'interféron à 2,5 MU/kg comme à 5 MU/kg (trois injections intraveineuses un jour sur deux). En revanche, les résultats cliniques sont d'autant meilleurs que l'interféron est administré précocement (96 % dans les deux jours au lieu de 85 % dans les quatre jours). Là encore, ces résultats sont obtenus dans les trois quarts des cas, en combinaison avec un traitement symptomatique classique.

Bonne tolérance chez le chien

Tous les essais cliniques réalisés chez des chiens atteints de parvovirose concluent à une bonne, voire une excellente tolérance de l'interféron. Il est vrai que lorsque ces animaux sont atteints de parvovirose sévère, il n'est pas facile de déceler des effets indésirables bénins. Sur des chiens sains traités à dix fois la dose thérapeutique (25 MU/kg), une légère léthargie est observée dans les heures qui suivent l'injection, ainsi qu'une légère tachycardie sinusale et une augmentation de la fréquence respiratoire. Ces effets disparaissent spontanément en quelques jours et ne sont pas observés sur des chiots de quatre à cinq semaines traités à quatre fois la dose.

Un cas sur dix chez le chat

Dans l'espèce féline, les essais de terrain révèlent une fréquence plus élevée d'effets indésirables d'environ 10 %. Ils restent bénins (réactions locales au point d'injection, léger abattement, leucopénie transitoire), modérés, et disparaissent en l'absence de traitement. Surtout, ces effets non recherchés, aussi bien chez le chien que chez le chat, doivent être mis en balance avec le bénéfice clinique escompté en terme de survie. En pratique, le coût du traitement (entre 4 et 4,5 e HT le million d'unités en prix centrale) restera un frein plus important à son utilisation que les quelques effets indésirables sans véritable conséquence sur le pronostic vital d'affections graves.

Les protocoles thérapeutiques

Les schémas thérapeutiques validés par les autorités d'enregistrement ou des études cliniques sont les suivants :

Chien, parvovirose

Voie intraveineuse : 2,5 MU/kg pendant trois jours (AMM européenne), soit 1 flacon (1 ml) de 5 MU pour 2 kg ou un flacon (1 ml) de 10 MU pour 4 kg. Traiter un chiot de 4 à 5 kg contre la parvovirose revient alors aux alentours de 150 e HT (prix centrale).

Chat, FeLV et/ou FIV en phase symptomatique

Voie intraveineuse ou sous-cutanée : 1 MU/kg pendant cinq jours (essai réalisé sur 48 chats par voie sous-cutanée en France). Traiter un chat de 3 kg pendant cinq jours revient ainsi aux alentours de 67 e HT (prix centrale).

Chat, coryza (calicivirose) :

Voie intraveineuse ou sous-cutanée : 2,5 à 5 MU/kg pendant trois jours (AMM japonaise par voie intraveineuse) ou trois injections de 2,5 MU/kg espacées de quarante-huit heures à J0, J2, J4 (essai sur 160 chats).

Ce traitement revient aux alentours de 100 e HT (prix centrale).

Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr