L'extraction forcée contrôlée chez la vache - Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002
Le Point Vétérinaire n° 223 du 01/03/2002

GYNÉCOLOGIE BOVINE

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CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Bertrand Guin

Fonctions : 11, rue de l'Hôpital
71800 La Clayette

Malgré la banalisation de la césarienne, c'est encore souvent à l'occasion de vêlages difficiles par les voies naturelles que les praticiens gagnent leur réputation d'obstétriciens auprès de leurs clients éleveurs.

Le moment le plus difficile d'une intervention obstétricale est la prise de décision, qui consiste à choisir entre la césarienne ou l'extraction forcée(1). Si le praticien opte pour cette dernière solution, il n'aura droit à l'erreur que dans certaines circonstances bien particulières !

Veau en présentation antérieure

1. Marche à suivre générale

Une fois la décision prise, il est préférable, en stabulation entravée ou si l'éleveur possède une vêleuse classique, de coucher la vache avant de commencer, afin de travailler sans risques et d'être dans une position idéale (PHOTO 1). La vache est alors placée en décubitus latéral, les deux postérieurs étendus. En revanche, en stabulation libre ou si l'éleveur possède une vêleuse légère, il est possible de commencer l'extraction forcée debout (PHOTO 2), en prenant garde de relâcher légèrement la traction si la vache se couche.

Après une traction modérée sur les antérieurs et sur la tête du veau dans le prolongement du corps de la vache, l'axe de traction est incliné d'environ 30° vers les postérieurs, afin d'engager le front du veau hors du vagin. La vêleuse est ensuite redressée, et l'on tire dans l'axe de la vache jusqu'à ce que le veau soit extrait jusqu'au flanc. À ce stade, il convient de vérifier l'état de santé du veau et d'attendre que les contractions utérines reprennent. La traction s'exerce alors dans l'axe de la vache simultanément aux contractions et, lorsqu'elle est de nouveau importante, la vêleuse est rabattue d'environ 30° en direction des postérieurs pour permettre le décrochement des jarrets et l'expulsion du veau.

2. Épisiotomie

La décision de pratiquer une épisiotomie est prise en cas d'atrésie vulvaire importante, le plus souvent chez les génisses. Il est toujours préférable d'effectuer une épisiotomie plutôt que de laisser le vagin se déchirer seul. Le matériel utilisé est une simple lame de bistouri. L'incision est réalisée entre 10 h 10 et 11 h 5. Pour cela, l'index et le médius de la main gauche sont glissés entre le vagin et la tête du veau ; un aide exerce une traction assez importante ; la muqueuse vaginale, puis le périnée, sont alors incisés de l'intérieur vers l'extérieur si cela est possible. Sinon, le périnée est d'abord incisé, puis la muqueuse vaginale, en prenant soin de ne pas blesser le veau.

Après l'expulsion du veau, la plaie est suturée sur la vache debout, grâce à un fil résorbable synthétique (Vicryl(r), par exemple) serti (déc. 5). Un surjet de Schmieden lâche, intéressant la muqueuse vaginale et le conjonctif périnéal jusqu'au bord de la vulve, est effectué du fond de la plaie vers l'extérieur. Après un nœud d'arrêt, il est poursuivi par un surjet cutané à points passés. Les suites comprennent une antibiothérapie et une désinfection quotidienne (Vagizan(r)).

3. Lésions vaginales

Lors d'un appel pour une vache “déchirée au vêlage”, la rupture des voies vaginales est parfois complète et donne une impression de dentelle. Les sutures sont très difficiles et l'avenir économique de la vache compromis (risques d'infécondité, d'urovagin, de cystite, de néphrite, de fistule rectovaginale, etc.).

Dans le cas d'une rupture de l'artère vaginale, il est important de diagnostiquer le côté concerné et d'effectuer une suture serrée, intéressant la muqueuse vaginale et le vaisseau lésé, avant de commencer le surjet réparateur de l'épisiotomie. Ces sutures se font toujours à l'aveugle et demandent de la dextérité.

4. Veau incarcéré

Lorsque le veau reste enclavé dans le bassin de la vache au niveau des hanches, le point le plus important est de conserver son sang-froid et de rester calme. Il est essentiel de ne pas se précipiter et d'éviter de tirer très fort sur le veau. En effet, à ce stade, l'erreur ou la faute est déjà commise : on doit penser à l'avenir. Ce n'est plus une urgence.

Si l'extraction de la partie antérieure du veau a été difficile, le veau ne supportera pas l'incarcération. Si elle est passée sans problème, le veau peut supporter la situation durant quelques minutes. Il convient tout d'abord de cesser les tractions, d'empêcher la vache de tenter de se relever et de réanimer le veau. Cette réanimation peut être physique ou chimique (corticoïdes à action rapide par voie veineuse). Le bassin du veau est ensuite abondamment lubrifié, le col utérin est repoussé s'il était resté en avant des hanches du veau. On tente alors de faire pivoter un peu le veau, afin de profiter de la plus grande dimension du bassin.

Lorsque le veau est mort, tout doit être fait pour préserver la vache. Une embryotomie est alors indiquée. Deux sections sont réalisées : l'une derrière les côtes, l'autre entre les postérieurs.

Lorsque le veau est vivant, il convient de tirer simultanément aux contractions de la mère, dans l'axe de celle-ci, en demandant à un aide de lever très haut le postérieur superficiel de la vache. Lorsque les cordes sont tendues, la vêleuse est rabattue vers les postérieurs pour engager les hanches dans le bassin. Ces manœuvres sont renouvelées jusqu'à l'expulsion du veau, en prenant toujours soin de préserver la mère (il est parfois préférable d'euthanasier le veau et de pratiquer une embryotomie).

Il est nécessaire d'essayer ensuite de faire lever la vache, sans trop insister, en lui liant les postérieurs au niveau des paturons à une distance d'environ 30 cm, afin d'éviter un écartèlement. Si elle ne peut pas se lever, il convient de vérifier l'intégrité des voies génitales sur la vache couchée, de lui injecter des anti-inflammatoires et des antibiotiques et de la retourner matin et soir afin d'éviter l'apparition d'escarres.

Veau en présentation postérieure

Lorsque le veau est en présentation postérieure, lors de la prise de décision, la vêleuse est déjà installée sur la vache debout (PHOTO 3)(1). La traction doit commencer sur un plan horizontal, et il est essentiel de veiller à ce que la queue du veau ne se retourne pas pendant l'extraction (risque de perforation utérine).

Si le veau s'engage, il doit être extrait rapidement. En effet, la phase pendant laquelle le cordon ombilical est comprimé et la tête bloquée à l'intérieur de l'utérus est critique. La compression du cordon peut déclencher les mouvements respiratoires et le veau risque d'inhaler du liquide amniotique. Si l'extraction bloque au niveau des épaules, il n'y a aucun espoir d'extraire le veau vivant.

Si, au relevé de la vache, celle-ci ne s'occupe pas du tout du veau et émet des plaintes accompagnées d'efforts expulsifs, il est possible qu'une anse intestinale de la mère soit lésée. Une laparotomie doit alors être pratiquée d'urgence dans le flanc droit, pour vérifier l'état des anses intestinales et réaliser si nécessaire une entérectomie.

Les suites de l'extraction forcée

1. Pour le veau

Une fois extrait, le veau doit faire l'objet d'un examen clinique attentif, afin de vérifier la mise en route des fonctions cardio-respiratoires(2). La présence ou l'absence de réflexe pupillaire doit être vérifiée.

Le premier geste consiste en un arrosage de la tête ou des oreilles avec de l'eau froide. Si le veau ne réagit pas en secouant la tête, la cause la plus fréquente est une anoxie fœtale grave par compression des centres nerveux, qui peut entraîner une mort rapide si le centre de la respiration ne se met pas en route rapidement.

Le traitement de l'anoxie relève d'une véritable réanimation :

- suspension du veau par les membres postérieurs pendant 40 à 90 secondes, pour favoriser la sortie par gravitation des eaux fœtales présentes dans les voies respiratoires ;

- aspersion de la région occipitale avec de l'eau très fraîche ;

- aspiration pharyngée et nasale systématique, afin de dégager les voies aériennes supérieures ;

- placement en décubitus sternal plutôt qu'en décubitus latéral ;

- administration d'un analeptique respiratoire injectable (Dopram V(r)) ou en gouttes (Respirot(r)) ;

- insufflation d'air dans les poumons pour favoriser le développement des alvéoles pulmonaires ;

- injection d'un vasodilatateur cérébral (Candilat(r) 5 ml) au moment de la naissance, une heure plus tard, puis deux fois à douze heures d'intervalle.

Si le veau survit, il fera l'objet de soins attentifs : séchage, placement sous une lampe infrarouge, administration de colostrum à la sonde et aide à l'expulsion du méconium.

2. Pour la mère

Après une extraction forcée, la vache doit être relevée et son veau lui être présenté. La filière génitale est à explorer systématiquement et le plus complètement possible : c'est un acte obligatoire, qui engage pleinement la responsabilité du praticien. Cet examen a pour but de vérifier l'absence d'autres veaux dans l'utérus, de contrôler l'intégrité de l'utérus, du col et du vagin, et de détecter la présence d'hémorragies cervicales ou vaginales(3). En effet, une lésion perforante du col ou de l'utérus (muqueuse, musculeuse et séreuse) a pour conséquence directe l'apparition, en six heures, d'une péritonite au pronostic sombre.

Il existe trois cas de figure lors de perforation ou de déchirements liés à l'extraction forcée :

1 la perforation simple ;

2 la déchirure en arc de cercle au plafond se prolongeant sur le corps de l'utérus ;

3 la déchirure en arc au plancher de col (au pronostic le plus sombre).

Ces traumatismes peuvent être réparés :

- soit par une suture réalisée en aveugle par voie vaginale, en prenant garde de ne pas coudre le rectum avec le col. Cette suture doit s'effectuer avec un fil très long afin de pouvoir faire les nœuds plus facilement ;

- soit par utéroraphie, après laparotomie dans le flanc droit, si l'intervention par voie vaginale est impossible.

L'antibiothérapie postopératoire est de règle. En outre, il est conseillé aux éleveurs de mettre en place systématiquement un système de bouclement vulvaire (la “boucleuse”) après une extraction forcée, afin de prévenir les prolapsus utérins.

(1) Voir l'article “Les critères de la décision obstétricale”, par B. Guin, Point Vét. 2001 ; 32(221): 44-46.

(2) L'hypoxie sévère lors d'extraction forcée représente une cause importante de mortalité néonatale. C'est pourquoi il est important de mettre en œuvre, le plus tôt possible, les procédures de “nursing” permettant d'améliorer l'adaptation du veau.

(3) Cet examen doit être minutieux, surtout lors de vêlage en présentation postérieure, car les lésions du col y sont plus fréquentes.

ATTENTION

Lors d'extraction forcée en présentation antérieure, le fait de se retrouver avec un veau incarcéré au niveau des flancs ne sera pas considéré comme une faute :

1 si l'anamnèse (complète) n'a pas révélé de facteur de risque spécifique ;

2 si le consentement de l'éleveur pour une extraction était clairement acquis ;

3 si l'extraction de la partie antérieure s'est déroulée sans difficulté.

Il n'en sera pas de même dans les autres cas, pour lesquels la responsabilité civile professionnelle pourra être recherchée.

En savoir plus

- Chastant-Maillard S. Épisiotomie chez la vache. Point Vét. 2001 ; 32(n° spécial): 50.

- Chastant-Maillard S. Traitement des plaies du tractus génital chez la vache. Point Vét. 2001 ; 32(n° spécial): 47-49.

- Derivaux J, Ectors F. Physiopathologie de la gestation et obstétrique vétérinaire. Maisons-Alfort. Ed. Point Vét. 1980 : 273 p.

- Pech A. Contribution à l'étude des disproportions fœto-pelviennes et de l'extraction forcée chez la vache. Thèse de doctorat vétérinaire, Alfort 1981 : 65 p.

- Uystepruyst C. Adaptation du veau nouveau-né à la vie extra-utérine. Thèse de doctorat vétérinaire, Liège 2001.

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