Enregistrement prolongé de la température et de l’hygrométrie pour évaluer l’ambiance d’un bâtiment - Le Point Vétérinaire expert rural n° 352 du 01/01/2015
Le Point Vétérinaire expert rural n° 352 du 01/01/2015

BIEN-ÊTRE DES RUMINANTS EN BÂTIMENT

Article original

Auteur(s) : Gilles Le Sobre*, Lorenzo Richard**

Fonctions :
*Unité clinique rurale de l’Arbresle,
Groupe de médecine des populations
VetAgro Sup, 69210 L’Arbresle
**Le Bourg
Rue de la Chavoche
71510 Perreuil

L’enregistrement par puce électronique renseigne sur la qualité de l’isolation et de la ventilation du bâtiment et permet de conseiller les travaux à effectuer pour les améliorer, puis de vérifier leur efficacité.

La comparaison d’enregistrements prolongés de la température et de l’hygrométrie entre un bâtiment et l’extérieur sous abri permet d’évaluer la qualité de l’isolation et le comportement du bâtiment en fonction des variations météorologiques et des fluctuations entre le jour et la nuit.

Des travaux ont été préconisés par un technicien du bâtiment dont l’expérience est reconnue dans un élevage des Monts du Lyonnais, qui fait partie de la clientèle de l’Unité clinique rurale de l’Arbresle (VetAgro Sup), à la suite de diarrhées bénignes mais à forte prévalence et d’omphalites, mais les observations dépendent en partie de la météorologie du jour de l’audit.

L’étude d’enregistrements par puces électroniques, effectués avant et après les travaux d’aménagements de la nurserie, permet de vérifier l’efficacité des préconisations et de proposer une démarche “scientifique”.

ENREGISTREMENTS AVANT TRAVAUX

1. Commémoratifs

Seule la mesure du volume du bâtiment a été effectuée par le technicien et le volume par veau a été calculé en fonction de la répartition des vêlages. Des préconisations ont été réalisées sur les observations et l’expérience de celui-ci. Les travaux proposés puis chiffrés par un vendeur de matériel (extracteur et volets régulés par une sonde de température) sont mal adaptés à l’hygiène de l’élevage, leur coût est important (3 500 €) et aucun contrôle de leur efficacité après réalisation n’est prévu. De plus, l’amélioration de la ventilation ne peut suffire si l’hygiène est défectueuse, surtout vis-à-vis des omphalites [3, 4].

2. Audit bâtiment par le Groupe de médecine des populations de VetAgro Sup

La consultation du carnet sanitaire montre (comme souvent) des manquements dans l’enregistrement des maladies courantes des veaux. Le mode d’élevage, la répartition des vêlages, le nombre de veaux, ainsi que leur âge et leur poids, sont relevés. Les génisses ainsi que les veaux gras restent en nurserie jusqu’à l’âge de 3 mois, les mâles montbéliards quittent l’élevage vers 3 semaines.

L’étude des plans et la visite des locaux permet de noter la surface des bâtiments, leur volume, l’orientation des ouvertures (châssis) selon les points cardinaux, ainsi que leurs surfaces, leur nombre, etc.

L’audit bâtiment commence par un enregistrement des paramètres d’ambiance classiques (surface par animal, volume, température, hygrométrie, etc.) avec les outils habituels (mètre laser, thermomètre, hygromètre, etc.) et se poursuit par une comparaison des résultats par rapport aux normes préconisées (tableau 1) [5].

Dans ce bâtiment :

– la nurserie est aménagée avec huit box, dont les cloisons sont en métal, et des caillebottis en bois de fabrication “maison” où de la paille est accumulée (photo 1) ;

– le ruissellement d’urines sous les caillebottis et à travers la nurserie montre un manque d’hygiène évident en entrant, à corriger prioritairement par rapport à l’amélioration de la ventilation. La paille est fortement souillée sous les veaux les plus âgés.

– le fenil situé au-dessus permet l’isolation du plafond, en revanche les murs situés à l’Est (froids l’hiver) et au Sud (chauds l’été) ne sont pas isolés ;

– la réalisation de fumigènes met en évidence une insuffisance de l’évacuation (très supérieure à 20 minutes).

3. Enregistrements

L’enregistrement des données de température et d’hygrométrie par puces électroniques est pratiqué en plaçant une puce à l’intérieur du bâtiment, juste au-dessus des nez des veaux et une autre à l’extérieur, contre le mur est (photo 2).

Les puces sont programmées pour un enregistrement toutes les 30 minutes durant la dernière quinzaine du mois de janvier, du 16 (11 h 30) au 30 (10 h 30).

Les températures extérieures s’étagent entre – 6,4 °C, le 26 janvier 2013 (2 h 30) à 13,5 °C le 30 janvier 2013 (10 h 30). Les températures intérieures varient de - 0,6 °C le 26 janvier 2013 (2 h 30) à 10,7 °C le 30 janvier 2013 (10 h).

ANALYSE DES ENREGISTREMENTS

1. Calcul et analyse des données

→ La différence entre la température intérieure (Tint) et la température extérieure (Text) ainsi que celle entre l’hygrométrie intérieure (Hint) et l’hygrométrie extérieure (Hext) sont mises en évidence sur le fichier et calculées (photo 3, tableau 2). Les résultats montrent que la température de la nurserie est en permanence néfaste aux veaux (inférieure à 10 °C et inférieure à 4 °C la nuit). Elle fluctue le jour en fonction des ouvertures de la porte de la laiterie (traite vers 6 h 30 et 17 h 30). De plus, les Tint sont parfois inférieures aux Text, car les éleveurs ouvrent la porte le jour (quand l’odeur est forte), et si la Text s’élève, la Tint ne s’élève pas immédiatement par effet tampon du bâtiment.

→ Ces opérations sont reprises en prenant les dates et heures où la différence entre Tint et Text est inférieure à 2 °C et ou la différence entre Hint et Hext est supérieure à 10 %, ce qui permet, en période froide, de mettre en évidence les heures où une hygrométrie réellement plus élevée que celle extérieure se combine à une température intérieure ressentie réellement plus basse qu’à l’extérieur.

→ Les moyennes des températures, des hygrométries et de leurs variations sont calculées et placées tout en bas du tableau (tableau 3).

2. Conclusion

Sur cette période (janvier), la nurserie est trop froide, trop humide et la différence avec l’extérieur trop faible.

La nurserie nécessite d’être chauffée, surtout la nuit, et l’hygrométrie doit être évacuée au moins en heures diurnes. Parfois, le soleil du matin a réchauffé la puce extérieure (pas sous abri).

Mais ces mesures ne sont pas suffisantes si l’hygiène générale et, notamment, l’évacuation des effluents ne sont pas réalisées au préalable. L’ammoniac (le facteur le plus agressif de l’arbre respiratoire) sera en quantité moindre en évacuant les lisiers et les omphalites persisteront si les fentes des caillebotis ne sont pas agrandies pour permettre l’assèchement de la paille de couchage.

RECOMMANDATIONS ET TRAVAUX

1. Recommandations

Des recommandations sont données pour améliorer la température et l’hygrométrie dans le bâtiment, mais surtout l’hygiène, en tenant compte des coûts (des matériaux, des produits d’adhérence, de l’enduit de ragréage, etc.). Il convient ainsi :

– de couler du béton pour la réalisation d’une pente sous les box individuels (5 %) sur les deux côtés de la nurserie pour améliorer l’hygiène et limiter l’humidité (photo 4) ;

– de creuser devant les box deux caniveaux d’évacuation qui rejoignent le tabouret déjà existant (pente limitée par la profondeur du tabouret) (photo 5) ;

– d’élargir les grilles des caillebotis en bois à la tronçonneuse pour favoriser l’évacuation (paille sur caillebotis) (photo 6) ;

– de poser une ventilation mécanique contrôlée (VMC) de maison individuelle (coût réduit) à l’opposé des entrées d’air inévitables que sont la porte de la laiterie et la porte extérieure. Son fonctionnement doit être continu en s’affranchissant de la gestion manuelle, souvent mal adaptée. Un T “anti-retour” doit être prévu sur le tuyau d’évacuation afin de prévenir des entrées d’air froid en nurserie en cas de vent ;

– de fermer les châssis et les portes de la nurserie : la porte extérieure doit être fermée à clé, celle de la laiterie doit comporter un groom ;

– de réaliser un seuil entre la porte qui sépare la laiterie de la nurserie afin d’éviter les infiltrations d’eaux de lavage de la laiterie ;

– de séparer les classes d’âge dans un second temps par une cloison ;

– d’isoler les murs, surtout celui au Sud pour l’été (isolation extérieure) et d’ajouter des volets sur les deux châssis.

2. Réalisation des travaux

Les travaux sont réalisés en suivant les recommandations. Toutefois, certains conseils ne sont pas suivis. Notamment, l’emplacement de la VMC est modifié et le T anti-retour n’est pas posé, les grilles des caillebotis ne sont pas élargies et les murs ne sont pas isolés.

ENREGISTREMENTS APRÈS TRAVAUX

De nouveaux enregistrements électroniques sont effectués à la fin des travaux, sur le même modèle que précédemment, et durant un mois, du 8 octobre 2013 (13 h 39) au 8 novembre 2013 (11 h 39). Ils révèlent une Text qui varie de 2,6 °C le 31 octobre 2013 (7 h 40) à 30,1 °C le 28 octobre 2013 (10 h 40) et une Tint dont les valeurs extrêmes sont de 4,5 °C le 5 novembre 2013 (8 h 40) à 24,6 °C le 6 novembre 2013 (16 h 40). Les différentes moyennes sont également calculées (tableau 4).

En laissant les portes fermées, la température et l’hygrométrie intérieures sont satisfaisantes. L’ouverture des portes peut améliorer encore légèrement l’ambiance, sauf si la Text se trouve en dessous de 10 °C. La VMC est insuffisante lorsque la Tint dépasse 21 °C.

DISCUSSION

1. Résultats

→ Une nette amélioration des enregistrements bruts est observée, mais elle est liée à la saison. En revanche, aucune amélioration du différentiel n’est notée. La VMC semble insuffisante et la claustration de la nurserie non respectée paraît préférable.

→ Les résultats des performances en mars de l’année suivante (31 mars 2014) montrent une nette diminution des maladies, ce qui était l’objectif recherché.

→ Le coût des travaux, réalisés par l’éleveur, est réduit par rapport à celui du devis qui avait été proposé par l’entreprise, de même que celui des matériaux.

→ Toutefois, les préconisations ne sont pas entièrement respectées, alors qu’elles auraient pu être à l’origine de meilleurs résultats :

– les enregistrements sur le carnet sanitaire sont toujours insuffisants ;

– aucun agrandissement des fentes des caillebotis n’a été effectué ;

– le T anti-retour de la VMC n’a pas été posé et cette dernière, qui n’est pas placée à l’endroit indiqué, ne fonctionne pas ainsi de façon idéale ;

– la réfaction de la porte de la laiterie n’a pas été réalisée et le groom n’a pas été installé ;

– l’isolation des murs n’a pas été faite.

2. Nouvelles recommandations

Devant ces constats, de nouveaux conseils sont dispensés et reprennent en partie ceux qui n’ont pas été suivis :

– ajouter un autre moteur de VMC (100 € supplémentaires) ;

– agrandir les fentes des caillebotis et, à terme, acheter des grilles de récupération en plastique (ou métalliques), pouvant être lavées et désinfectées sans s’imprégner de bactéries ;

– séparer les classes d’âge par une cloison longitudinale ou transversale avec une VMC par compartiment ;

– isoler les deux murs extérieurs ;

– reposer les puces enregistreuses après la fin de ces nouveaux travaux.

L’éleveur ne souhaite pas, pour l’instant, ajouter un autre moteur de VMC car le nombre de maladies a bien réduit. Il est prévenu que l’ambiance n’est pas maîtrisée correctement et que cela représente toujours un facteur de risque lorsque les conditions météorologiques seront plus défavorables.

Conclusion

L’enregistrement de la température et de l’hygrométrie intérieures et extérieures permet d’effectuer une démarche structurée pour l’évaluation de l’ambiance d’un bâtiment en s’affranchissant des conditions météorologiques extérieures [1].

C’est un élément complémentaire très important des autres mesures habituelles d’ambiance.

L’évaluation de l’efficacité des mesures préconisées devient alors immédiatement possible et elle est confirmée par la diminution des affections éventuellement préexistantes.

Il est nécessaire de poser la puce intérieure au niveau des nez des animaux et la puce extérieure sous abri.

Référence

  • 1. Arcangioli MA, Mounier L, Alves de Oliviera L et coll. Approche méthodologique de la visite d’élevage. Point Vét. 2009;40 (n°spécial):9-14.
  • 2. Dudouet C. La production des bovins allaitants (conduite, qualité, gestion). 3e éd. Éd. France Agricole, Paris. 2010:414p.
  • 3. Le Sobre G, Otz P, Fernandez G et coll. Suivi intégral d’élevage : mise en œuvre dans un cas de mauvaise croissance des veaux. Point Vét. 2011;315:48-54.
  • 4. Ménard JL, Capdeville J. L’hygiène et l’ambiance dans les bâtiments. Maladies des bovins (manuel pratique). 4e éd. Institut de l’élevage. Éd. France Agricole. 2008:743-748.
  • 5. Vin H, Vin-Dekoker J. L’audit bâtiment : un champ diagnostique comme un autre. Point Vét. 2009;n°spécial “Les outils pour la visite d’élevage”(40):105-108.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

Aucun.

Points forts

→ Les commémoratifs et l’audit bâtiment permettent d’évaluer les points à améliorer et précèdent l’enregistrement par deux puces, l’une située au niveau des nez des veaux dans la nurserie, l’autre sous abri à l’extérieur. Les températures et l’hygrométrie intérieures et extérieures sont relevées toutes les 30 minutes durant 15 jours.

→ La nurserie est trop froide, trop humide et la différence avec l’extérieur trop faible.

→ Les travaux conseillés visent à améliorer l’ambiance du bâtiment dont les manquements ont été mis en évidence par les enregistrements.

→ L’ambiance du bâtiment s’est améliorée, montrant l’efficacité de cette méthode de mesures. Toutefois l’éleveur n’a pas réalisé tous les travaux conseillés et de nouvelles recommandations lui sont apportées.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Point Vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné au Point Vétérinaire, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr