Santé publique vétérinaire : antibiorésistance - Le Point Vétérinaire expert rural n° 406 du 01/06/2020
Le Point Vétérinaire expert rural n° 406 du 01/06/2020

Éditorial

Auteur(s) : Yves Millemann

Fonctions : Département des productions animales
et de santé publique
Pathologie des animaux de production
Mission antibiorésistance du LSAl
ENV d’Alfort
7, avenue du Général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort

Dans le domaine de la santé publique vétérinaire, un point saillant majeur est évidemment constitué par la problématique générale de l’antibiorésistance, un sujet toujours d’actualité, même s’il est un peu occulté ces dernières semaines par une maladie humaine virale à point de départ probablement animal. C’est donc naturellement que nous avons décidé de consacrer un dossier à ce sujet qui est, lui aussi, à envisager de manière globale, dans le cadre de l’approche “Une seule santé”.

La résistance aux antibiotiques est particulièrement aiguë en médecine humaine, notamment dans le secteur hospitalier, où des bactéries “extrêmement résistantes”, voire “pan-résistantes”, sont retrouvées, posant de graves problèmes en matière thérapeutique, avec une surmortalité associée de l’ordre de 25 000 décès par an, en Europe comme aux États-Unis. Le monde médical se trouve parfois démuni, et en vient même à souhaiter utiliser à nouveau des molécules comme la colistine, en dépit de sa néphrotoxicité qui avait amené à la réserver à l’usage vétérinaire pendant des décennies. De plus, même si c’est sans doute marginal, quelques cas rapportés de transmission de résistances de l’animal vers l’homme incitent à l’usage prudent et raisonné des antibiotiques en médecine vétérinaire. Un point sur les enjeux de la lutte contre l’antibiorésistance dans les filières de productions animales (Céline Gaillard-Lardy) permettra d’éclairer ce contexte. Ce même article décrit également les modalités de recours aux antibiotiques en médecine vétérinaire (utilisés à plus de 95 % en masse dans les filières de production) et d’échanges de résistances entre les différents compartiments. Ces échanges possibles justifient les énormes efforts consentis par la profession vétérinaire depuis 2011, et couronnés de succès, dans le cadre du premier plan ÉcoAntibio. Il nous a semblé utile, à ce stade, de procéder à un bilan de l’impact des deux premiers plans ÉcoAntibio (Delphine Urban et coll.), non seulement sur le niveau de recours aux antibiotiques, mais aussi - et c’est plutôt encourageant - sur l’antibiorésistance en médecine vétérinaire rurale.

La maîtrise de l’antibiorésistance chez les bactéries animales passe donc par l’application de bonnes pratiques visant à utiliser moins et mieux les antibiotiques. Et bien entendu, il convient de rechercher, comme le préconisent les plans ÉcoAntibio, des solutions alternatives à l’utilisation de ces molécules. En l’absence de produits alternatifs permettant de remplacer efficacement les antibiotiques eux-mêmes chez les animaux malades, le renforcement des mesures de prévention, zootechniques et médicales, est donc à privilégier. Ces dernières peuvent comprendre des solutions originales, qui mériteraient d’être testées de manière rigoureuse, comme le recours en élevage aux litières de bois, dotées de propriétés antimicrobiennes. L’aspect rationnel de cette approche est présenté par Michel Federighi et ses coauteurs dans le dernier article de ce dossier.

Après deux mois de confinement, au cours desquels les médias ont régulièrement parlé de biosécurité, de patient zéro ou de R0, nous retrouvons une vie plus normale. Espérons que, contrairement à la résistance aux antibiotiques chez les bactéries, qui s’acquiert généralement plus vite qu’elle ne se perd, le retour à une situation normale ne soit pas beaucoup plus long. Je vous souhaite dans ce contexte une excellente lecture de ce troisième dossier. Continuez à prendre soin de vous et restez prudents !

Yves Millemann

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