DOULEUR ARTHROSIQUE
Thérapeutique
Auteur(s) : Marc Gogny*, Yassine Mallem**
Fonctions :
*Unité de pharmacologie et toxicologie
Oniris, site de La Chantrerie
101, route de Gachet
44300 Nantes
**Auteur coordinateur
Le mode d’action novateur du grapiprant lui confère une efficacité analgésique et antihyperalgésique rapportée à un profil d’innocuité intéressant par rapport aux AINS classiques.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) classiques restent la pierre angulaire du traitement de l’arthrose canine, associés à la lutte contre la surcharge pondérale et à un exercice modéré et contrôlé [3]. Les études s’accordent sur le bénéfice de leur utilisation au long cours (c’est-à-dire supérieure à 28 jours), caractérisé par une amélioration du confort et de la mobilité de l’animal durant le traitement pendant au moins deux mois [4]. Toutefois, les principaux freins à l’administration des AINS restent leurs effets indésirables digestifs, hématologiques, hépatiques et surtout rénaux, ce qui induit l’arrêt immédiat du traitement dès la moindre réaction rapportée par le propriétaire [1].
Le grapiprant appartient à une nouvelle famille, les piprants, dont deux caractéristiques essentielles permettent un rapport bénéfice/ risque amélioré. La première est leur grande liposolubilité, qui leur ménage un excellent passage de la barrière hémato-méningée et leur offre donc un accès direct aux sites médullaires sollicités lors de la mise en place de l’hyperalgésie arthrosique [5, 6, 9]. La seconde est leur mode d’action, totalement différent de celui des AINS classiques. Ces derniers inhibent la synthèse des prostaglandines et des thromboxanes, en bloquant les enzymes impliquées (les isoformes de la cyclo-oxygénase COX1 et/ou COX2). Les piprants agissent comme des antagonistes compétitifs d’une sous-classe de récepteurs, dits EP4, de la prostaglandine E2 (PGE2). La PGE2 est l’un des médiateurs clés de l’inflammation articulaire, et surtout de la genèse de l’hyperalgésie qui s’ensuit, par l’intermédiaire de ses récepteurs EP4 [6, 7].
Ainsi, les piprants respectent la synthèse de l’ensemble des prostaglandines et des thromboxanes, qui conservent leurs rôles physiologiques, mais ils bloquent le récepteur impliqué dans les effets inflammatoires et surtout hyperalgésiants de la PGE2 [8, 10, 11, 12]. Cela explique leur effet anti-inflammatoire et leur activité antihyperalgésiante, favorisés par un volume de distribution très élevé leur permettant d’atteindre ces cibles médullaires et d’y exercer leur effet antagoniste [5, 6, 11].
C’est dans un contexte de douleur chronique, arthrosique, que l’efficacité des piprants prend tout son sens. Les études sur des modèles expérimentaux de synovite ou d’arthrite aiguë s’éloignent clairement de ces conditions cliniques [2, 16].
Le profil d’innocuité des piprants est intéressant, car les récepteurs EP4 ne sont pas impliqués dans le contrôle de la filtration glomérulaire, de l’hémostase, de la coagulation ou des fonctions hépatiques, qui sont ainsi préservées [5, 11, 12].
Les prostaglandines, synthétisées grâce aux COX1 principalement, favorisent la protection de la muqueuse gastroduodénale contre les agressions mécaniques et chimiques, d’où les effets irritant et ulcérigène des AINS classiques, même s’ils sont plus modérés pour les inhibiteurs sélectifs COX2. Le blocage sélectif des récepteurs EP4 explique ainsi les effets digestifs modérés du grapiprant, qui respecte la barrière mucus-bicarbonates [17]. Seuls des vomissements transitoires et des diarrhées passagères, non associés à des érosions muqueuses, sont parfois observés avec les formes galéniques du grapiprant. Il est possible que l’administration des comprimés au moment des repas limite ces effets chez le chien arthrosique, tout en conservant l’efficacité, bien que des études cliniques manquent encore sur ce point. Les études pharmacocinétiques montrent que si la prise de repas réduit la résorption du grapiprant, celui-ci atteint tout de même largement les concentrations efficaces [6].
Par précaution, une période de lavage (période sans traitement) d’au moins une semaine doit être respectée en cas de passage d’un AINS classique au grapiprant, afin de permettre la cicatrisation muqueuse complète avant le début du nouveau traitement [13, 17].
L’auteur a été sollicité par Elanco en 2018 et 2019 pour préparer le lancement du Galliprant®. Il ne travaille actuellement plus pour le laboratoire. Cet article n’entre pas dans le cadre du contrat qui les a liés.