Boiterie du membre antérieur chez un épagneul nain phalène - Le Point Vétérinaire n° 404 du 01/04/2020
Le Point Vétérinaire n° 404 du 01/04/2020

ORTHOPÉDIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Alexis Bertrand*, Loïc Larguier**

Fonctions :
*Clinique vétérinaire Benjamin-Franklin
38, rue du Danemark
56400 Brech
alexisbertrand@hotmail.fr

Présentation clinique

Une chienne épagneul nain phalène stérilisée, âgée de 2 ans, est référée pour l’exploration d’une boiterie du membre antérieur droit. Survenue quelques semaines auparavant, elle se serait subitement aggravée à la suite d’une course après un chat. Depuis lors, la chienne présente une suppression d’appui complète du membre antérieur droit. L’examen clinique montre un animal en bon état général. L’examen orthopédique confirme la suppression d’appui permanente du membre antérieur droit. L’articulation du coude est tuméfiée à la palpation et douloureuse à la manipulation. Le reste de l’examen orthopédique ne révèle aucune anomalie. Comme des radiographies ont déjà été réalisées chez le vétérinaire traitant, sans montrer d’anomalie, un examen tomodensitométrique est proposé. En l’absence de traumatisme majeur rapporté, une anomalie congénitale ou du développement est suspectée en priorité. Les deux coudes sont donc explorés à l’aide du scanner (photos 1 à 3).

Qualité des images tomodensitométriques

L’animal est bien positionné. Les coupes réalisées dans les plans sagittal et transversal sont satisfaisantes. Les images obtenues sont de qualité diagnostique.

Description des images

Pour les deux coudes, dans le plan sagittal, une ligne hypoatténuante "en dents de scie" est visualisée, entourée d’os sclérotique et localisée au centre de chaque condyle huméral. Cette fissure s’étend jusque dans la fosse olécranienne. Sur l’humérus droit, elle se prolonge latéralement, proximalement à l’épicondyle huméral latéral, entraînant une séparation complète de celui-ci du reste de l’humérus. L’épicondyle latéral fracturé est légèrement déplacé latéralement et dorsalement par rapport au reste de l’humérus. Pour le coude gauche, l’articulation est modérément tuméfiée.

Interprétation

Le scanner permet d’objectiver une ossification incomplète du condyle huméral, bilatérale, ainsi qu’une fracture secondaire, sans déplacement, de l’épicondyle latéral droit.

Références

  • 1. Carrera I, Hammond GJC, Sullivan M. Computed tomographic features of incomplete ossification of the canine humeral condyle. Vet. Surg. 2008;37:226-231.
  • 2. Farrell M, Trevail T, Marshall W et coll. Computed tomographic documentation of the natural progression of humeral intracondylar fissure in a cocker spaniel. Vet. Surg. 2001;40:966-971.
  • 3. Hattersley R, McKee M, O’Neill T et coll. Postoperative complications after surgical management of incomplete ossification of the humeral condyle in dogs. Vet. Surg. 2011;40:728-733.

DISCUSSION

Chez le chien de race spaniel, l’ossification incomplète du condyle huméral est connue depuis 1989. Son origine reste inconnue (défaut de fusion des centres d’ossification de l’humérus distal ou fractures “de fatigue”) [2, 3]. Les centres d’ossification latéral et médial du condyle huméral doivent être complètement fusionnés à 70 +/- 14 jours d’âge [1, 2, 3].

Les chiens de type épagneul ou spaniel sont prédisposés à la survenue de ces fissures intercondyliennes, ainsi qu’à des fractures de l’humérus distal secondaires (le plus souvent en Y, ou de l’épicondyle latéral comme dans le cas présenté), comme le cocker, le cavalier king charles et le springer spaniel (avec le labrador et le rottweiler). Les mâles d’âge moyen sont plus fréquemment atteints [1].

Le diagnostic est établi en général au moment de la survenue d’une fracture condylienne (au cours d’une activité normale ou à la suite d’un traumatisme mineur). Mais une boiterie chronique et/ou une douleur localisée au coude sont souvent signalées avant même la fracture [1, 3]. L’affection étant bilatérale dans 95 % des cas, l’examen des deux coudes est justifié lors d’une telle atteinte [1, 2, 3]. Le diagnostic est parfois difficile à établir avec la radiographie, même si des vues obliques peuvent augmenter la sensibilité de celle-ci. Le scanner est l’examen de choix [1, 3]. Les images caractéristiques sont une ligne hypoatténuante qui traverse le condyle huméral, aux contours réguliers ou “en dents de scie”, entourée de marges osseuses hyperdenses (sclérotiques). Par ailleurs, une incongruence articulaire, une dysplasie du processus coronoïde médial ou de l’arthrose peuvent aussi être mises en évidence [1].

Le traitement repose sur la pose d’une vis transcondylienne destinée à réduire l’instabilité, et les fractures associées, le cas échéant.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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