Paraparésie chez un chiot bichon frisé - Le Point Vétérinaire n° 403 du 01/03/2020
Le Point Vétérinaire n° 403 du 01/03/2020

NEUROLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Marine Scheffen*, Fabrice Bernard**

Fonctions :
*CHV Saint-Martin
275, route Impériale
74370 Saint-Martin-Bellevue
**(Dip. ECVS)

Présentation clinique

Un chiot bichon frisé mâle, âgé de 10 mois, est présenté pour une ataxie des membres postérieurs consécutive à une crise algique survenue quelques heures plus tôt au cours d’un toilettage. Son état de conscience et son score corporel sont normaux. Il manifeste une douleur marquée à la palpation de la jonction cervico-thoracique et présente des déficits proprioceptifs des membres postérieurs. Les mouvements volontaires et la nociception de ces derniers sont conservés. L’examen des réflexes spinaux révèle une atteinte de type motoneurone central des membres pelviens, ce qui permet de localiser l’atteinte médullaire en T3-L3. Un examen tomodensitométrique et un myéloscanner sont réalisés afin d’explorer les causes de cette myélopathie de stade 2 sur 5 (photos).

Qualité des images tomodensitométriques

→ Le marquage de l’espace sousarachnoïdien par le produit de contraste iodé est satisfaisant.

Description des images

L’examen tomodensitométrique met en évidence de multiples malformations vertébrales congénitales avec un défaut de fusion des arcs vertébraux dorsaux depuis T2 jusqu’à T9. La 8e côte gauche est partiellement formée. Les 5e, 6e et 7e côtes gauches sont fusionnées.

Le rachis thoracique présente une scoliose marquée, centrée sur ces malformations vertébrales. La myélographie permet d’observer un engagement de la moelle épinière et de l’espace sous-arachnoïdien au niveau du défaut de fusion de l’arc vertébral dorsal de la 4e vertèbre thoracique.

Interprétation et prise en charge thérapeutique

→ Il s’agit d’une spina bifida (1) thoracique (de T2 à T9) et d’un méningomyélocèle (2) à la hauteur de T4. Une scoliose, un défaut de développement des 5e, 6e et 7e côtes gauches, qui apparaissent fusionnées, ainsi qu’une hypoplasie de la 8e côte, sont également observés.

→ L’examen tomodensitométrique doit obligatoirement être complété par une myélographie afin d’apprécier les conséquences médullaires de la malformation vertébrale.

→ La spina bifida occulta (fermée) ne nécessite aucun traitement. En revanche, la spina bifida aperta (ouverte) peut être refermée chirurgicalement afin de prévenir le risque associé de fuite de liquide cérébrospinal et de méningomyélite. Toutefois, la littérature vétérinaire ne rapporte que de rares cas et le traitement chirurgical n’est possible que lorsque peu de structures nerveuses sont en contact avec le milieu extérieur. Dans le cas présent, le traitement chirurgical a été décliné par les propriétaires et un repos strict préconisé. En cas de dégradation, l’euthanasie doit être envisagée [2].

DISCUSSION

La spina bifida (du latin “épine fendue en deux”) est une malformation osseuse congénitale très rare d’origine inconnue. Le bulldog anglais et le chat manx y sont prédisposés. Elle se caractérise par une fermeture incomplète des arcs vertébraux dorsaux qui peut induire un engagement des méninges (méningocèle), voire de la moelle spinale (myéloméningocèle). Il est alors question de spina bifida aperta (ouverte) ou manifesta : les méninges ou la moelle spinale qui font protrusion sont adhérentes au tissu sous-cutané en regard [3]. Elles forment une petite dépression visible en surface. La spina bifida peut être associée à d’autres anomalies congénitales vertébrales, du système nerveux central et des tissus mous adjacents. Ce défaut du tube neural touche plus fréquemment les vertèbres lombosacrées. Il est parfois corrélé à une incontinence urinaire et fécale, voire à une ataxie/parésie des membres pelviens. La palpation lombosacrée profonde est douloureuse et peut révéler une zone de dépression. En cas de fistule dorsale, un écoulement de liquide cérébrospinal est observé [1, 3]. À ce stade, des examens complémentaires d’imagerie sont nécessaires. À défaut d’un examen par résonance magnétique (gold standard), la tomodensitométrie, associée à la myélographie, permet de délimiter le canal vertébral et la moelle spinale anormale, confirmant ainsi le diagnostic [4]. La prise en charge et le pronostic dépendent du type de spina bifida et du degré d’engagement médullaire (méningocèle ou myéloméningocèle) [2].

  • (1) Malformation liée à un défaut de fermeture du tube neural.

  • (2) Protrusion de la moelle épinière par défaut de fermeture du canal vertébral.

Références

  • 1. Arias MVB, Marcasso RA, Margalho FN et coll. Spina bifida in three dogs. Braz. J. Vet. Pathol. 2008;1(2):64-69.
  • 2. Song RB, Glass EN, Kent M et coll. Surgical correction of a sacral meningomyelocele in a dog. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 2014;50(6):436-443.
  • 3. Song RB, Glass EN, Kent M. Spina bifida, meningomyelocele, and meningocele. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 2016;46(2):327-345.
  • 4. Widmer WR, Thrall DE. Magnetic resonance imaging and computed tomography features of canine and feline spinal cord disease. In : Textbook of Veterinary Diagnostic Radiology, 7th ed. Saunders, Elsevier. 2018;Chapter 15.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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