JURISPRUDENCE
Juridique
Auteur(s) : Christian Diaz
Fonctions : 7, rue Saint-Jean
31130 Balma
Saisie par l’Ordre vétérinaire roumain, la cour d’appel de Bucarest sollicite l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), selon la procédure de la question préjudicielle.
L’Autorité de santé vétérinaire et de sécurité alimentaire roumaine assouplit, par l’arrêté du 26 mars 2015, la réglementation concernant l’exclusivité vétérinaire en matière de commerce de détail et d’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments vétérinaires. Le Conseil de l’Ordre des vétérinaires roumains réagit en introduisant un recours afin de faire annuler cet arrêté.
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 2006/123 CE, dite directive Services :
- le droit de l’Union s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui prévoit, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail et de l’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire ? ;
- si une telle exclusivité est conforme au droit de l’Union, ce dernier s’oppose-t-il à ce que les établissements qui exercent un tel commerce soient détenus majoritairement ou exclusivement par un ou plusieurs vétérinaires ?
À ce double questionnement, la CJUE répond, après avoir rappelé les textes concernés, au visa de l’article 15 de la directive :
- « l’article 15 (…) ne s’oppose pas à une réglementation nationale (…) qui prévoit, en faveur des vétérinaires, une exclusivité du commerce de détail et de l’utilisation des produits biologiques, des produits antiparasitaires à usage spécial et des médicaments à usage vétérinaire ;
- l’article 15 (…) s’oppose à une réglementation nationale (…) qui impose que le capital social des établissements commercialisant au détail des médicaments vétérinaires soit détenu exclusivement par un ou plusieurs vétérinaires. »
Après avoir rappelé que la profession vétérinaire ne peut être considérée comme une profession de santé, un qualificatif réservé à la santé des personnes, les magistrats développent leur raisonnement :
- « une exigence visant à réserver le commerce des médicaments (à usage humain) à certains professionnels peut être justifiée par les garanties que ces derniers présentent et par les informations qu’ils doivent être en mesure de donner aux consommateurs (arrêt du 19 mai 2009, Commission/Italie) ;
- les considérations prévalant au sujet du commerce des médicaments à usage humain (…) sont en principe transposables dans le domaine du commerce de médicaments à usage vétérinaire et de produits similaires ;
- par conséquent, l’exclusivité du commerce et de l’utilisation de certaines substances vétérinaires accordée aux vétérinaires (…) constitue une mesure apte à garantir l’objectif de protection de la santé publique, qui occupe le premier rang parmi les biens et les intérêts protégés par le traité de l’UE ;
- de plus, la marge d’appréciation accordée à chaque État permet à un État membre de considérer qu’une prescription médicale ne suffit pas pour écarter le risque d’une administration incorrecte ;
- ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour (…), si un État membre peut légitimement empêcher que des opérateurs économiques non vétérinaires soient en position d’exercer une influence déterminante sur la gestion d’établissements commercialisant au détail des médicaments vétérinaires, l’objectif (…) ne saurait justifier que ces opérateurs soient complètement écartés de la détention du capital desdits établissements, dès lors qu’il n’est pas exclu qu’un contrôle effectif puisse être exercé par les vétérinaires (…) ».
En conclusion, si un État membre peut légitimement imposer certaines modalités de délivrance et d’administration des médicaments vétérinaires, il ne peut réserver l’exclusivité du capital des sociétés vétérinaires aux seuls vétérinaires.
Aucun.
Cour de justice de l’Union européenne, arrêt du 1er mars 2018.