Tétraparésie consécutive à une morsure chez un yorkshire - Le Point Vétérinaire n° 401 du 01/12/2019
Le Point Vétérinaire n° 401 du 01/12/2019

TRAUMATOLOGIE

Quel est votre diagnostic ?

Auteur(s) : Chloé Job

Fonctions : Clinique Alliance 8,
boulevard Godard
33300 Bordeaux
chloe.job@hotmail.fr

Présentation clinique

Un yorkshire terrier mâle entier, âgé de 14 ans, est référé pour une tétraparésie non ambulatoire survenue brutalement à la suite de morsures au cou par un congénère deux jours auparavant. Une prise en charge par le vétérinaire traitant (soins des plaies, analgésie, antibiothérapie non précisée) a permis de stabiliser l’animal et de constater une amélioration du statut neurologique : des mouvements volontaires sont apparus après cette phase inaugurale.

L’examen clinique révèle une parésie des deux membres pelviens, associée à un retard proprioceptif sur le membre pelvien droit et à une absence de proprioception sur le membre pelvien gauche. Un retard proprioceptif sur les deux membres thoraciques, surtout à droite, est également noté. Cependant, des mouvements volontaires sont observés sur les quatre membres, associés à des réflexes de retrait normaux. Aucune mobilisation du cou n’est effectuée à l’examen d’admission compte tenu des lésions externes : la douleur cervicale ne fait aucun doute.

Les différentes anomalies sont compatibles avec une atteinte de type motoneurone central (MNC) des membres pelviens et motoneurone périphérique (MNP) des membres thoraciques, permettant de localiser la lésion en C6-T2. Pour l’objectiver, des radiographies du rachis cervical sont réalisées (photos 1 et 2).

Qualité de l’image

→ La densité, le contraste et la netteté sont corrects.

Description des images

→ Un emphysème sous-cutané est visible dans les tissus mous cervicaux gauches, a priori issu du délabrement cutané (3 agrafes de suture sont repérées).

→ Sur la projection latérale, le corps vertébral de la sixième vertèbre cervicale est déplacé dorsalement par rapport à celui de la cinquième. Sur la vue ventro-dorsale, l’espace intervertébral C5-C6 semble irrégulier, avec une ouverture exagérée latéralisée à gauche.

Interprétation

→ Les images sont compatibles avec une subluxation vertébrale cervicale atteignant l’espace C5-C6, avec un déplacement dorsal. Une fracture vertébrale en C6 ne peut être exclue. fAfin de confirmer cette conclusion, et vu l’importance de la précision diagnostique, un scanner est réalisé (photo 3). Il permet de confirmer la lésion et de la caractériser : il s’agit d’une fracture du processus articulaire cranial gauche de C6, associée à une subluxation de C5-C6, de toute évidence consécutives au traumatisme. Une compression médullaire secondaire à la luxation dorsale et à l’oedème/hématome est également mise en évidence. D’autres anomalies vertébrales (hernies discales multiples thoraco-lombaires) sont visibles (sans incidence clinique observée).

DISCUSSION

Les morsures de chiens sont rapportées comme la seconde cause de traumatisme spinal après les accidents de la voie publique (prévalence de 3,8 à 14,3 %) [1]. Lors de ce type d’atteinte, les plaies sont souvent dites “contaminées” et imposent un report de la chirurgie afin de prévenir tout risque infectieux.

La gestion conservatrice des fractures et des luxations vertébrales cervicales bénéficie d’un bon pronostic, grâce à la musculature importante du cou qui permet un soutien important des structures osseuses [1, 2, 3]. Un traitement conservateur offre un taux de récupération entre 82 et 89 %. Un repos strict et absolu, associé à une contention externe (de type minerve) et des antalgiques, sont utilisés [1, 2, 3]. Dans le cas décrit, la compression de la moelle est due à un oedème et à un hématome spinal, et la fracture implique uniquement le processus articulaire cranial de C6, d’où la gestion conservatrice. La récupération totale s’est opérée en deux mois.

Le traitement chirurgical d’une fracture ou d’une luxation vertébrale cervicale est fortement recommandé face à une compression significative de la moelle, lors d’absence d’amélioration ou de dégradation des signes neurologiques malgré la mise en place d’un traitement conservateur, ou lorsque la fracture atteint simultanément le corps vertébral, la lamina dorsale ou les facettes articulaires [1, 3].

Les radiographies offrent une option diagnostique simple pour la mise en évidence des lésions vertébrales. Cependant, il est fortement recommandé, compte tenu de l’anatomie complexe des vertèbres, de caractériser la fracture à l’aide du scanner ou de l’IRM [1, 3].

Chez le yorkshire blessé, c’est le scanner qui a permis de préciser la fracture de C6 et de s’assurer que son déplacement n’engendrait qu’une compression non significative.

Références

  • 1. Chai O, Johnston DE, Shamir MH. Bite wounds involving the spine: characteristics, therapy and outcome in seven cases. Vet. J. 2008;175:259-265.
  • 2. Hawthrone JC, Blevins WE, Wallace LJ et coll. Cervical vertebral fractures in 56 dogs: a retrospective study. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1999;35: 135-146.
  • 3. Weh JM, Kraus KH. Veterinary surgery small animal. In: Tobias KM, Johnston SA eds, 2nd ed. St Louis: Elsevier. 2018:529-548.
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