Estimer les apports et ajuster la complémentation minérale des bovins au pâturage - Le Point Vétérinaire expert rural n° 401 du 01/12/2019
Le Point Vétérinaire expert rural n° 401 du 01/12/2019

ALIMENTATION

Article de synthèse

Auteur(s) : Céline Gaillard

Fonctions : Health Initiative
Le Point Vétérinaire
11-15, quai de Dion Bouton
92800 Puteaux

Au pâturage, l’apport de certains minéraux peut être insuffisant pour assurer un niveau de production adapté. Les carences, une fois objectivées, peuvent être aisément corrigées.

Chez les bovins, les éléments minéraux essentiels peuvent être classés en deux grandes catégories. Les éléments majeurs sont le potassium (K), le calcium (Ca), le phosphore (P), le magnésium (Mg), le sodium (Na), le chlore (Cl) et le soufre (S). L’iode (I), le cobalt (Co), le zinc (Zn), le sélénium (Se), le fer (Fe), le cuivre (Cu) et le manganèse (Mn) constituent les éléments mineurs, ou oligoéléments [4].

Les vitamines essentielles sont soit liposolubles (A, D, E et K), soit hydrosolubles (B et C).

Tous ces éléments sont indispensables pour assurer les fonctions biologiques des animaux. Ils peuvent être fournis par l’alimentation dans la ration et/ou via une complémentation, mobilisés à partir des réserves corporelles, ou synthétisés in situ par l’animal ou son microbiote. Au pâturage, selon le stade physiologique de l’animal et la teneur en minéraux de l’herbe, des carences sont possibles. Elles doivent être connues, objectivées et corrigées, afin d’assurer une production optimale [7].

ABSORBABILITÉ DES MINÉRAUX

Le système défini par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) exprime les besoins majeurs en minéraux en quantité d’éléments absorbables (abs) par jour ou par kilo de matière sèche (kg de MS) [3].

L’absorbabilité des minéraux varie selon le type d’aliment ; les coefficients d’absorption réelle (CAR) déterminent la proportion d’éléments disponibles pour le bovin dans un aliment, par rapport à la quantité brute.

1. Calcium et phosphore

L’absorbabilité du Ca et du P sont très variables : selon les aliments, le coefficient d’absorption réelle du calcium varie entre 20 et 60 % et celui du phosphore entre 60 et 90 % (tableau 1). Pour les compléments vitaminiques, le coefficient d’absorption réelle du Ca est estimé à 65 % et celui du P à 0,4 %.

2. Magnésium

L’absorption du magnésium est conditionnée par la teneur en potassium. En effet, plus ce dernier est présent en quantité dans la ration, moins le magnésium est absorbé. Son coefficient d’absorption réelle dépend ainsi de la teneur en potassium de la ration, selon la formule suivante : CAR = 0,254 – 0,03 × (teneur en potassium en g/ kg de MS de la ration).

3. Potassium, sodium et chlore

Pour ces éléments, le coefficient d’absorption réelle est de l’ordre de 90 %, les teneurs dans les aliments peuvent donc être considérées comme de bonnes estimations de l’absorption.

BESOINS EN MINÉRAUX ET VITAMINES DES BOVINS

1. Minéraux

Les besoins des bovins varient selon le type de production (laitier ou allaitant), de l’âge et du stade physiologique, surtout ceux en calcium et en phosphore (tableau 2). Les besoins en magnésium dépendent uniquement du poids de l’animal (2 mg/kg de poids vif) [5].

Ces besoins sont exprimés en quantité absorbable.

2. Oligoéléments

Les besoins en oligoéléments sont estimés selon la quantité de matière sèche ingérée par jour et sont exprimés en apports totaux, indépendamment de leur absorbabilité. Pour les oligoéléments, les apports recommandés sont fixés entre des seuils de carence et de toxicité. Les recommandations visent à se situer entre ces deux limites, en incluant une marge de sécurité. Pour les veaux et les génisses, les oligoéléments pour lesquels le calcul s’impose sont le cuivre, le zinc, le manganèse, l’iode et le sélénium. En revanche, le fer, le cobalt et le soufre sont rarement déficitaires dans l’alimentation des ruminants, sauf cas particulier (tableau 3).

3. Vitamines

Comme pour les oligoéléments, les valeurs recommandées se situent entre des seuils de carence et de toxicité (tableau 4). Les apports alimentaires sont particulièrement importants pour les vitamines A, D et E, bien que la deuxième puisse être synthétisée par la peau. Les bovins sont généralement autosuffisants pour les vitamines B et K, synthétisées en grande partie par le microbiote, sauf en cas de besoins accrus (forte production) ou de troubles tels que l’acidose ruminale, et pour la vitamine C produite par le foie [7].

TENEUR EN MINÉRAUX ET VITAMINES DE LA PÂTURE

En moyenne et dans les conditions normales, l’herbe pâturée présente une teneur toujours supérieure aux besoins, avec des risques d’excès pour le potassium (diminution de l’absorption du magnésium) et le fer (risque d’interférence au-delà de 400 ppm). Un meilleur raisonnement des fumures potassiques et azotées peut limiter les niveaux de potassium dans l’herbe. La fourniture de calcium par l’herbe n’est suffisante qu’en période estivale et uniquement dans les prairies qui associent le trèfle blanc aux graminées. Le magnésium est particulièrement déficitaire en début de pâturage, lorsque les teneurs en potassium et en azote sont élevées. La faible concentration en sodium accentue le risque d’hypomagnésémie et peut pénaliser I’ingestion de fourrages. La déficience en cuivre et en zinc concerne la plupart des pâtures [1].

1. Minéraux

En fonction de la composition du pâturage

La composition en minéraux dépend du type de plantes et de leur répartition dans la pâture.

Les légumineuses contiennent environ deux fois plus de Ca abs que les graminées (2,8 à 4,8 g/kg de MS versus 1,5 à 2,3), et montrent des taux de phosphore équivalents (entre 1,9 à 2,5 selon le stade végétatif). Les besoins en magnésium sont généralement couverts, mais la présence de potassium peut perturber son absorption. Les prairies permanentes montrent des teneurs élevées en potassium. Le pâturage est plus riche en Ca abs et en P abs que l’ensilage de maïs. Attention aux périodes de transition alimentaire, susceptibles d’engendrer des carences. Les fourrages à base d’herbe offrent des compositions minérales proches de la pâture d’origine. Si le potassium n’est pas un facteur limitant, puisqu’il est contenu en grande quantité dans la pâture, le sodium est souvent présent en quantité insuffisante (0,3 à 0,4 g/kg de MS) [1].

En fonction du cycle végétatif

L’herbe de printemps est pauvre en magnésium, en sodium et en calcium et très concentrée en potassium. La teneur en minéraux baisse au cours d’un même cycle, lorsque le stade de l’herbe évolue. Avec l’avancement de la saison, l’herbe pâturée se concentre sensiblement en magnésium, et surtout en calcium, là où le trèfle blanc se développe (photo 1).

À l’inverse, la teneur en phosphore diminue tout au long de la saison [1].

Le soufre peut être présent en quantité insuffisante, surtout lorsque les pâtures sont riches en légumineuses.

2. Oligoéléments

Les pâturages sont globalement pauvres en cuivre, en zinc, en sélénium et sont généralement déficitaires en cobalt et en iode. En revanche, les teneurs en manganèse se révèlent souvent suffisantes pour couvrir les besoins. Cependant, il existe de grandes variabilités selon les régions et une analyse des pâturages ou des profils métaboliques peut être souhaitable. Des informations sur les carences locales sont également disponibles(1).

2. Vitamines

La concentration en vitamines des pâturages est largement suffisante pour couvrir les besoins des bovins. Les vitamines ne sont donc pas un facteur limitant du pâturage.

SUPPLÉMENTATION AU PÂTURAGE

Des analyses de fourrages, peu coûteuses, sont utiles pour connaître la composition précise de l’herbe en minéraux (Ca, P, K, Mg) et en vitamines, afin de corriger les apports via une supplémentation minérale et/ou vitaminique fondée sur la consommation volontaire du bovin, donc peu prévisible et non mesurable de façon individuelle.

Une réelle autorégulation n’existe que pour le sodium, consommé sous forme de sel ou de bicarbonate.

La distribution des compléments alimentaires est encadrée par l’existence de doses maximales autorisées quotidiennes pour les oligoéléments, ce qui interdit donc les cures.

1. Blocs et seaux à lécher

La consommation des blocs et seaux à lécher est comprise entre 80 et 120 g par jour chez la vache et entre 30 et 50 g/j chez les génisses, bien qu’il existe de grandes variations individuelles et entre individus [5, 6].

Plusieurs types de blocs ou de seaux sont proposés, qui diffèrent selon leur composition :

– apport de sel uniquement ;

– apport de sel et de magnésium, utilisés pour la prévention de la tétanie d’herbage ;

– apport de sel, de magnésium et d’oligoéléments ;

– apport de tous les minéraux majeurs.

Leur teneur en calcium est toujours faible (6 à 20 %) et ne permet pas de corriger une hypocalcémie en début de lactation. En revanche, leur teneur en phosphore n’est pas un facteur limitant, puisque les carences en ce minéral sont inexistantes au pâturage.

Les seaux ou blocs sont choisis en fonction des déficits de la ration et de leur concentration. La consommation journalière doit permettre d’apporter les éléments déficitaires.

Quant au nombre nécessaire, il faut compter environ un seau ou bloc à lécher pour cinq bovins (photo 2).

Ils sont disposés loin des points d’eau pour éviter la surconsommation.

Les seaux peuvent également être préparés par les éleveurs à la ferme.

2. Bolus

Des formulations adaptées au pâturage sont disponibles. Les bolus permettent une diffusion régulière et continue des oligoéléments, voire de quelques macroéléments. Différentes compositions et durée de diffusion existent. La supplémentation en calcium et/ou en magnésium doit être assurée par ailleurs, le cas échéant.

Sous forme liquide

La supplémentation peut s’effectuer dans l’eau de boisson, par dilution manuelle ou automatique via une pompe doseuse de compléments minéraux. Dans ce cas, une solution de chlorure de magnésium – sans dépasser 1,5 g par litre d’eau de boisson, car l’eau présente une amertume au-delà –, complétée si besoin de sodium et d’oligoéléments, est proposée aux animaux.

Conclusion

Au pâturage, la complémentation en calcium, en sodium et en magnésium est essentielle, tant pour les vaches laitières fortes productrices que pour les vaches allaitantes en début de lactation ou les génisses. Les carences en oligoéléments sont également fréquentes au pâturage, notamment chez les adultes en fin de gestation et chez les génisses, selon les apports de l’herbe.

Références

  • 1. Beguin JM, Dagorne RP, Girona A. Teneur en éléments minéraux de I’herbe pâturée par les vaches laitières. Dans : Proceedings du 8e congrès Rencontres Recherches Ruminants (3R), Paris. 2001.
  • 2. Inra. Alimentation des bovins, ovins et caprins. Jarrige R. (ed.), Inra éditions, Paris. 1988:471p.
  • 3. Inra. Alimentation des bovins, ovins et caprins. Besoins des animaux. Valeur des aliments. Tables Inra 2007. Quæ éditions, Paris. 2007:307p.
  • 4. Inra. Alimentation des ruminants. Quæ éditions, Paris. 2018:728p.
  • 5. Meschy F. Alimentation minérale et vitaminique des ruminants : actualisation des connaissances. Inra Prod. Anim. 2007;20 (2):119-128.
  • 6. Metais D, Ducret L, Budan A. Minéraux et oligoéléments en libre-service chez la vache laitière : relations entre paramètres de production laitière et consommation de seaux et blocs à lécher. Journées 3R. 2014:157.
  • 7. Rousseau C. La minéralisation des bovins au pâturage, de la théorie à la pratique. Proceedings des JNGTV, Nantes. 2019:149-158.

Conflit d’intérêts

Aucun.

ENCADRÉ

Stockage et règles d’apport

Certains minéraux sont faiblement ou mal stockés par les bovins, et doivent donc être fournis de façon régulière par le biais de la ration : c’est le cas du magnésium, stocké dans les os mais qui ne peut être mobilisé rapidement, du potassium et du sodium. Calcium et phosphore sont accumulés de façon réversible dans les os, mais leur mobilisation excessive engendre le dysfonctionnement d’autres fonctions (reproduction, etc.). Un apport régulier est donc recommandé.

La plupart des oligoéléments peuvent être stockés, ce qui permet de stabiliser les teneurs plasmatiques, même en l’absence d’apport. C’est le cas du cuivre, du zinc et du sélénium. Bien que l’iode puisse également être stockée, sa teneur plasmatique baisse dès que l’apport est supprimé. Les vitamines liposolubles sont emmagasinées dans le foie, le bovin est donc capable de répondre à des situations temporaires de carence ou d’excès [7]

Points forts

→ Dans l’aliment, le calcium et le phosphore présentent des capacités d’absorption réelle très variables. L’absorbabilité du magnésium est d’autant plus élevée que la teneur en potassium de la ration est faible.

→ Au pâturage et dans des conditions météorologiques normales, l’alimentation apporte potassium, phosphore et calcium sauf en cas de forte production (lactation, croissance). Une complémentation en chlore, en magnésium, en sodium, ainsi qu’en oligoéléments, apparaît incontournable.

→ Les analyses de pâturages permettent d’objectiver la teneur de l’herbe pâturée en différents minéraux et d’ajuster au mieux la complémentation.

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