Bénéfices potentiels de la chlorphénamine chez les bovins - Le Point Vétérinaire n° 401 du 01/12/2019
Le Point Vétérinaire n° 401 du 01/12/2019

THÉRAPEUTIQUE DES BOVINS

Thérapeutique

Auteur(s) : Vincent Plassard*, Yves Millemann**, Yassine Mallem***

Fonctions :
*Pathologie des animaux de production
ENV d’Alfort
7, avenue du général de Gaulle
94700 Maisons-Alfort
**Auteur-coordinateur
***Oniris
101, route de Gachet
44307 Nantes Cedex 3

Les propriétés pharmacologiques de la chlorphénamine sont assez simples et connues. En revanche, ses indications et son intérêt en médecine bovine sont uniquement présomptifs.

Ancesol®, dont le principe actif est la chlorphénamine, est indiqué dans le cadre du « traitement symptomatique d’affections associées à la libération d’histamine », d’après le résumé des caractéristiques du produit (RCP). Cette indication, plutôt vague, mérite de faire un point sur l’intérêt supposé des antihistaminiques dans l’espèce bovine.

Historique des indications

Les indications empiriques des antihistaminiques chez les bovins sont les phénomènes allergiques, les maladies respiratoires associées à un bronchospasme, la fourbure d’origine nutritionnelle, certains cas de météorisation, les mammites, les métrites et les rétentions placentaires [1]. Aucune preuve de leur efficacité clinique n’existe. En revanche, il a été démontré dans des conditions expérimentales que les antihistaminiques utilisés seuls n’étaient pas efficaces pour prévenir l’anaphylaxie chez les veaux, et qu’ils n’avaient pas d’effet bronchodilatateur sur les bronches des bovins à partir de 16 mois d’âge [4, 5, 6].

Propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques

La chlorphénamine appartient à la famille des antihistaminiques de première génération, dont l’un des effets secondaires notables est la sédation [11]. Il s’agit d’un agoniste-inverse des récepteurs H1, c’est-à-dire qu’elle stabilise ces récepteurs en mode “inactif” et prévient ainsi la transduction de leur message intracellulaire ; elle n’empêche ni la formation ni la libération de l’histamine [11]. Comme tous les membres de cette famille, elle fonctionne donc mieux en prévention. Les messages conditionnés par l’activation des récepteurs H1 par l’histamine chez les bovins sont encore mal connus, notamment parce que l’histamine exprime ses très nombreuses fonctions via quatre récepteurs, numérotés de H1 à H4.

Chez les bovins, la chlorphénamine administrée par voie intramusculaire est totalement et rapidement absorbée. Sa distribution est large à tout l’organisme, y compris au système nerveux central, ce qui explique ses effets secondaires sédatifs. Sa demivie est courte, de l’ordre de 2 heures après l’administration intraveineuse, d’où des délais d’attente courts (tableau).

Bénéfices escomptés mais non prouvés

L’administration de chlorphénamine avant la réalisation d’une transfusion sanguine pourrait permettre de diminuer le risque de réaction due à une allergie immédiate, comme cela a été rapporté chez le chien [3]. Face à un cas d’anaphylaxie, d’origine médicamenteuse par exemple, l’administration de chlorphénamine, associée à un anti-inflammatoire, pourrait aider à une résolution plus rapide des symptômes [8]. L’implication de l’histamine dans la pathogénie des bronchopneumonies infectieuses dues au virus respiratoire syncytial, à M. haemolytica (photo) ou à H. somni a été proposée dans certaines études, auquel cas l’ajout de chlorphénamine à un anti-inflammatoire non stéroïdien pourrait potentiellement être intéressant [2, 7, 10].

L’implication de l’histamine dans les affections suivantes fait débat au sein de la communauté scientifique : les ruménites, la fourbure d’origine nutritionnelle, les métrites puerpérales et les déplacements de caillette à gauche [9, 12, 13]. L’intérêt de la chlorphénamine mériterait cependant d’être exploré comme traitement adjuvant de ces affections.

Aucun essai clinique ne permet d’affirmer qu’il existe un bénéfice médical ou économique à administrer de la chlorphénamine à un bovin dans le cadre du traitement symptomatique des affections réputées associées à la libération d’histamine, ces dernières n’étant d’ailleurs pas clairement identifiées dans l’espèce bovine.

Références

1. Adams H. Histamine, serotonin and their antagonists. In: Veterinary pharmacology and therapeutics, 9th ed. Ames, Wiley-Blackwell. Riviere J, Papich M eds. 2009:411-427. 2. Adusu T, Conlon P, Shewen P et coll. Pasteurella haemolytica leukotoxin induces histamine release from bovine pulmonary mast cells. Can. J. Vet. Res. 1994;58:1-5. 3. Bruce J, Kriese-Anderson L, Bruce A et coll. Effect of premedication and other factors on the occurence of acute transfusion reactions in dogs. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2015;25 (5):620-630. 4. Eyre P, Lewis A, Wells P. Acute systemic anaphylaxis in the calf. Br. J. Pharmacol. 1973;47:504-516. 5. Jolly S, Desmecht D. Functional identification of epithelial and smooth muscle histamine-dependent relaxing mechanisms in the bovine trachea, but not in bronchi. Comp. Biochem. Physiol. C. Toxicol. Pharmacol. 2003;134:91-100. 6. Jolly S, Robinson E, Descmecht D. Effects of histamine on lung contractile elements in growing cattle. Am. J. Vet. Res. 2003;64 (7):819-822. 7. Kimman T, Terpstra g, Daha M. Pathogenesis of naturally acquired bovine respiratory syncytial virus infection in calves: evidence for the involvement of complement and mast cell mediators. Am. J. Vet. Res. 1989;50 (5):694-699. 8. Omidi A. Anaphylactic reaction in a cow due to parenteral administration of penicillin-streptomycin. Can. Vet. J. 2009;50:741-744. 9. Rossbach K, Strattner A, Meurer D. Einsatz von H1-Antihistaminika in der Veterinärmedizin. Prakt. Tierarzt. 2016;97:1011-1020. 10. Ruby K, griffith R, Kaeberle M. Histamine production by Haemophilus somnus. Comp. Immunol. Microbiol. Infect. Dis. 2002;25:13-20. 11. Simons F, Simons K. Histamine and H1-antihistamines: celebrating a century of progress. J. Allergy Clin. Immunol. 2011;128: 1139-1150. 12. Sun X, Yuan X, Chen L et coll. Histamine induces bovine rumen epithelial cell inflammatory response via NF-kB pathway. Cell. Physiol. Biochem. 2017;42:1109-1119. 13. Wang g, Hou J, Huang H et coll. Role of mast cells in cow metritis. J. Vet. Res. 2016;60:177-180.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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