REPRODUCTION
Dossier
Auteur(s) : Céline Levrier*, Christophe Bulliot Dipl. ECZM (small mammals)**, Lucas Flenghi résident ECZM (small mammals)***
Fonctions :
*Exotic clinic
CHV des Cordeliers
29-35, avenue du Maréchal Joffre
77100 Meaux
La stérilisation des rats, mâles comme femelles, présente de nombreux avantages. Si plusieurs techniques chirurgicales peuvent être envisagées, la pose d’un implant de desloréline (hors AMM) est de plus en plus pratiquée.
Le rat est une espèce de plus en plus appréciée par les particuliers qui les font généralement cohabiter en petits groupes. La stérilisation de ces animaux fait donc l’objet d’une demande croissante auprès des vétérinaires. Cependant, la maîtrise de la reproduction n’est pas le seul enjeu car la stérilisation présente d’autres intérêts, notamment en ce qui concerne le comportement, mais aussi le traitement et la prévention de certaines maladies.
La stérilisation chirurgicale des rats, mâles et femelles, présente plusieurs avantages particulièrement intéressants chez cette espèce prolifique généralement élevée en petits groupes [9]. Elle permet tout d’abord de contrôler la reproduction, mais aussi d’atténuer certains comportements gênants comme le marquage urinaire ou l’agressivité. Chez les mâles, la stérilisation sert également à diminuer l’odeur corporelle.
De plus, la stérilisation se révèle parfois comme le traitement de choix face à certaines affections de l’appareil reproducteur comme les tumeurs, qu’elles soient testiculaires, ovariennes ou utérines [9, 10]. Elle est aussi utilisée chez le mâle en cas de séborrhée sévère, puisque cette affection est androgène-dépendante.
Enfin, la stérilisation joue un rôle préventif. En effet, lorsqu’elle est réalisée entre 3 et 6 mois d’âge, elle limite l’apparition de tumeurs mammaires et de tumeurs hypophysaires, chez le mâle comme chez la femelle. Elle fait en outre partie du traitement des tumeurs mammaires puisqu’elle réduit les risques de récidive [9].
L’anesthésie des rats est induite directement, dans une boîte à induction, avec 3 % d’isoflurane pour 2 l/min d’oxygène. Une prémédication contenant un anti-inflammatoire (méloxicam à la dose de 1 mg/kg) et un analgésique (buprénorphine à raison de 0,05 mg/kg ou morphine de 2 à 5 mg/kg) doit être administrée au préalable par voie sous-cutanée [7].
L’anesthésie gazeuse est maintenue au masque. La tonte est réalisée selon l’abord chirurgical choisi.
La stérilisation chirurgicale du rat peut se faire selon plusieurs modalités. L’approche peut être scrotale, ante-scrotale ou abdominale. Lors d’approche scrotale ou préscrotale, si le testicule est en position abdominale, il peut être redescendu par une pression douce exercée sur l’abdomen.
L’approche scrotale présente l’avantage d’être relativement aisée, mais il existe un risque infectieux en raison de la proximité de la zone opératoire avec le méat urinaire et l’anus. Le scrotum est incisé entre les deux testicules, en prenant éventuellement appui sur l’un d’eux (photo 1), et le tissu sous-cutané est disséqué. La castration peut alors se faire à testicule couvert ou à testicule découvert.
→ Lors de castration à testicule découvert, la tunique vaginale est visualisée puis incisée. Le ligament reliant l’épididyme à la vaginale est rompu et le testicule est extériorisé. Le cordon testiculaire et les vaisseaux sont ligaturés en masse à l’aide d’un fil tressé résorbable 2.0 ou 3.0, puis sectionnés. Le cordon est réintroduit dans la vaginale après un contrôle de l’hémostase. La tunique vaginale est refermée par un point en croix à l’aide du même fil, afin de limiter le risque de hernie inguinale. La même technique est reproduite sur le second testicule. Enfin, le tissu sous-cutané puis la peau sont suturés par un point en croix chacun [1, 8, 11].
→ En cas de castration à testicule découvert, la tunique vaginale n’est pas incisée, mais complètement extériorisée. Pour cela, elle est disséquée caudalement, ce qui éverse généralement le scrotum. Une ligature au fil tressé résorbable 2.0 ou 3.0 est posée sur la vaginale, contenant le cordon testiculaire et les vaisseaux, proximalement au testicule qui est ensuite réséqué. Après le contrôle de l’hémostase, le tissu sous-cutané et la peau sont refermés par un point en croix avec le même fil [1, 11].
Les deux techniques de castration, à testicule couvert ou découvert, peuvent être utilisées lors d’un abord ante-scrotal. Cette méthode présente un risque infectieux moindre par rapport à l’approche scrotale en raison de la plus grande distance séparant la zone opératoire du méat urinaire et de l’anus.
L’incision est réalisée cranialement à chaque testicule. Les étapes suivantes sont identiques à celles décrites lors d’une approche scrotale [1].
Cet abord est la méthode de choix chez les jeunes. Le risque infectieux est encore moins important, de même que le risque de hernie inguinale. En revanche, il existe un faible risque d’iléus postopératoire, ainsi que d’éventration et de lésion des organes abdominaux. De plus, l’ouverture de la cavité abdominale est une intervention plus lourde pour l’animal.
Cette technique consiste en une laparotomie par la ligne blanche dont l’incision, d’environ 1 cm, est réalisée à mi-chemin entre l’ombilic et le pubis. La vidange préalable de la vessie, assurée par une pression douce, permet une meilleure visualisation des structures.
Un premier testicule est refoulé dans la cavité abdominale par une simple pression sur le scrotum, à travers le champ opératoire, et il est extériorisé après la rupture du ligament fibro-épididymaire (photo 2). Le cordon est ligaturé par un fil tressé résorbable 2.0 ou 3.0. L’hémostase est contrôlée puis le cordon est réintroduit dans la cavité abdominale (photo 3). Une procédure analogue est réalisée pour le second testicule avant la fermeture classique de la paroi abdominale en trois plans. De la colle chirurgicale peut être utilisée pour refermer la peau [1].
Une ovariectomie ou une ovariohystérectomie peuvent être effectuées. Il n’existe pas de réelle différence au niveau de la durée de l’intervention.
Les deux techniques sont réalisées classiquement par la ligne blanche. La peau est incisée caudalement à l’ombilic sur 1 à 2 cm (photo 4), puis le tissu sous-cutané est disséqué et la ligne blanche est ponctionnée à la lame de bistouri. Il est essentiel de prendre garde de ne pas léser les organes abdominaux, volumineux chez les rongeurs [8].
Le col utérin est le plus facile à repérer sous la vessie et permet de remonter jusqu’aux ovaires qui ne possèdent pas de bourse ovarique. Une ligature est posée sur le pédicule ovarien au fil tressé résorbable 3.0 (photo 5). La pose préalable d’une pince Halstead entre l’ovaire et l’utérus peut faciliter le travail du chirurgien, mais des précautions sont à prendre en raison du poids de l’instrument et du risque de déchirure des tissus [1, 11].
En cas d’ovariectomie, une seconde ligature est posée entre l’ovaire et l’utérus, l’ovaire étant alors réséqué. La même procédure est pratiquée sur le second ovaire et la seconde corne utérine, le cas échéant. En cas d’ovariohystérectomie, la corne utérine est individualisée en rompant le ligament jusqu’à l’unique col utérin [1, 11].
Une ligature est posée caudalement au col utérin en masse sur le vagin et les vaisseaux utérins si ceux-ci ne sont pas trop développés. Dans le cas contraire, les vaisseaux utérins doivent être ligaturés individuellement. Il est nécessaire de repérer la vessie préalablement afin de ne pas l’inclure dans les ligatures. L’utérus est sectionné, l’hémostase contrôlée, et la cavité abdominale est refermée en trois plans (photo 6) [1, 8].
Une technique d’ovariectomie par les flancs est décrite. Elle présente l’avantage de limiter l’exposition des organes abdominaux, mais ne permet pas une ovariohystérectomie. Le temps de récupération et la douleur postopératoire seraient moindres qu’avec la technique par la ligne blanche. La rate est alors placée en décubitus ventral. Une incision transverse est réalisée en arrière des côtes, approximativement en regard de la troisième vertèbre lombaire [8].
Le tissu sous-cutané est disséqué, puis les muscles abdominaux sont incisés. L’ovaire est repéré à travers la graisse, en arrière du rein, et peut alors être précautionneusement extériorisé. Une ligature est posée de part et d’autre de l’ovaire (photo 7).
Le muscle et la peau sont ensuite refermés de façon classique. Une procédure identique est réalisée sur l’autre flanc pour le second ovaire (photo 8).
En phase postopératoire, la douleur doit être prise en compte [7]. Un anti-inflammatoire (méloxicam à la dose de 1 mg/kg, une fois par jour) peut être administré pendant quelques jours.
Le port d’une collerette est nécessaire pour empêcher le rat de ronger les points de suture, un comportement quasi systématique chez cette espèce. Les individus stérilisés doivent en outre être maintenus séparés de leurs congénères, en raison du toilettage mutuel, mais aussi de la persistance des spermatozoïdes dans les voies génitales mâles. Les fils de suture et la collerette pourront être retirés 10 à 15 jours après l’intervention [1].
Déjà couramment employé chez le furet, l’implant de 4,7 mg de desloréline peut être utilisé, hors AMM, pour la stérilisation des rats. Des études, bien que peu nombreuses encore et portant sur un faible nombre d’individus, montrent l’efficacité de cette méthode de stérilisation, tant chez le mâle que chez la femelle. Pour le moment, aucune étude n’a cherché à déterminer l’intérêt préventif de cet implant quant à l’apparition de tumeurs mammaires.
Il est montré que la pose d’un implant de desloréline permet la diminution significative du volume moyen des ovaires et du nombre de follicules préantraux [2]. Le temps de latence est d’environ deux semaines [3] et la durée d’efficacité d’un an au minimum [10, 4]. Des études à plus long terme seraient intéressantes à mener pour définir la durée moyenne d’efficacité tel que cela a été réalisé chez le furet.
Les études publiées rapportent peu d’effets indésirables et ils sont généralement bénins. Sur 35 rates suivies pendant 6 mois après la pose de l’implant, un seul cas de métrite est décrit, à côté d’une augmentation transitoire du poids au cours des deux semaines suivant l’implantation et un prurit au site d’implantation durant la première semaine. Deux rates auraient présenté un comportement plus affectueux, selon les propriétaires, mais il n’y a pas eu d’évaluation scientifique pour le certifier [4, 5].
D’après une étude récente, la pose d’un implant de desloréline à la suite du traitement chirurgical d’une tumeur mammaire bégnine ne semble pas prévenir l’apparition de nouvelles tumeurs. À l’inverse, dans une autre étude, cet implant contraceptif semble prévenir l’apparition de tumeurs mammaires malignes [14]. Cependant, ces travaux portent sur un faible nombre d’individus, les résultats doivent donc être considérés avec précaution. Des études complémentaires seront nécessaires pour les confirmer.
Chez les rats mâles, la pose d’un implant de desloréline entraîne la réduction de la taille des testicules de deux tiers, et diminue les quantités plasmatiques des hormones lutéinisante (LH) et folliculostimulante (FSH), avec une action principale ciblée sur cette dernière [3, 6, 12, 13].
Si la stérilisation chirurgicale des rats, mâles comme femelles, est pour le moment la plus fréquemment pratiquée, une nouvelle technique moins invasive, la pose d’un implant contraceptif, commence à se démocratiser. Les essais sont encore trop peu nombreux et réalisés sur des effectifs trop faibles. De nouvelles études sont attendues afin de préciser la durée moyenne d’efficacité, les répercussions sur le comportement des animaux, l’intérêt en cas de maladie préalable et les effets secondaires potentiels.
Aucun.