Les mammites à Streptococcus uberis : revue - Le Point Vétérinaire expert rural n° 400 du 01/11/2019
Le Point Vétérinaire expert rural n° 400 du 01/11/2019

ÉPIDEMIOLOGIE

Avis d’expert

Auteur(s) : Bernard Poutrel

Fonctions : Consultant en santé animale
b.poutrel@wanadoo.fr

Les connaissances sur les mammites dues à Streptococcus uberis ont progressé ces dernières années. Cet article fait le point sur les acquis en matière d’épidémiologie, de prévention et de traitement.

Ces dernières années, les mammites à Streptococcus uberis ont été l’objet d’un intérêt grandissant, notamment en raison de l’augmentation de leur prévalence, alors que dans le même temps, celle de Staphylococcus aureus diminuait. Cette espèce bactérienne a longtemps été considérée, au même titre que Escherichia coli, comme un “germe d’environnement”, avec une faible transmission entre animaux du même troupeau.

L’utilisation d’outils de biologie moléculaire pour le typage des souches a permis dernièrement d’améliorer les connaissances dans des domaines tels que les processus infectieux, l’épidémiologie, les moyens de contrôle et de prévention des mammites à Str. uberis.

Cet article a pour objectif de faire le point des avancées dans ces différents domaines.

ISOLEMENT ET IDENTIFICATION DE STR. UBERIS

Cette espèce bactérienne appartient à la famille des Streptococcacae. Les Str. uberis sont des cocci à Gram positif, catalase négative. Sur une gélose au sang de mouton comportant de l’esculine, qui facilite leur identification, les colonies de Str. uberis apparaissent petites, de couleur marron à noire, après 16 à 24 heures d’incubation à 37 °C (photo 1) [16]. Si la gélose ne comporte pas d’esculine, les colonies peuvent être repiquées dans une gélose esculine commercialisée en tube : un noircissement du milieu apparaît après environ 3 à 6 heures d’incubation. L’esculine est un hétéroside, hydrolysé par l’esculinase, qui réagit avec l’ion ferrique apporté par le citrate de fer présent dans le milieu en donnant un précipité de couleur noire. D’autres espèces bactériennes moins souvent impliquées dans les mammites, comme les entérocoques, possèdent également cette activité enzymatique. Quelques caractères permettent de les distinguer (tableau 1).

Des géloses contenant des milieux sélectifs peuvent également être utilisées, comme le système Minnesota Tri plate®, commercialisé en France sous l’appellation Vetorapid® [18]. La gélose comporte trois secteurs différents qui permettent de caractériser directement les espèces “esculine positives” : Str. uberis et les entérocoques. ­L’impossibilité de contrôler la présence éventuelle de contaminants dans l’échantillon de lait sur ces milieux, et le faible inoculum présent sur chaque secteur pouvant fournir un résultat faussement négatif, l’utilisation en parallèle d’une gélose au sang non sélective est recommandée. Le recours à la polymerase chain reaction (PCR), technique d’une très grande sensibilité, peut également présenter des difficultés d’interprétation, car les risques de contamination de l’échantillon de lait sont importants en raison d’une forte présence de Str. uberis dans l’environnement et sur l’animal. La spectrométrie de masse (Maldi-TOF) est une méthode d’identification rapide et peu coûteuse, à partir de colonies préalablement isolées, mais elle n’est pas toujours accessible car le prix du matériel est élevé. Environ 80 % des souches de Str. uberis sont identifiées correctement par les galeries API (analytical profile index), dont l’intérêt est contestable compte tenu de leur faible apport et de leur coût [17]. Les souches de Str. uberis n’appartiennent pas à un sérogroupe de Lancefield particulier, contrairement à Str. agalactiae (B) et Str. dysgalactiae (C). Elles peuvent, par exemple, appartenir aux groupes E ou P, ou être non typables. L’aspect caractéristique en chaînettes, décrit dans la littérature, n’est visible que lorsque la culture est réalisée en bouillon, ce qui permet alors une croissance des bactéries en trois dimensions.

IMPORTANCE DES INFECTIONS MAMMAIRES À STR. UBERIS

Leur importance est liée à leur prévalence, à leur sévérité et aux conséquences économiques qu’elles entraînent. En France, cette prévalence a pu être estimée sur la base de résultats d’enquêtes épidémiologiques et d’évaluations de traitements antibiotiques. Il apparaît qu’environ 1/5e des mammites, quelle que soit leur sévérité, sont dues à Str. uberis (tableau 2).

Comme les autres types de mammites, celles à Str. uberis entraînent pour l’éleveur des coûts liés aux traitements, aux réformes et à l’augmentation des concentrations cellulaires. Par ailleurs, elles affectent la production et la composition du lait (tableau 3).

Les estimations de coût vont de 109 € pour les mammites subcliniques à 250 € pour les mammites cliniques [Lebœuf, communication personnelle].

ÉPIDÉMIOLOGIE ET CARACTERISTIQUES DES MAMMITES À STR. UBERIS

Le typage des souches par différentes techniques de biologie moléculaire – pulsed field gel electrophoresis (PFGE), multilocus sequence typing (MLST), multilocus variable tandem repeats analysis (MLVA) – a permis de faire progresser les connaissances sur l’épidémiologie des mammites à Str. uberis, tant pour déterminer les sources d’infection, leur durée, la virulence des souches que pour évaluer l’efficacité des traitements, en permettant de distinguer une non-guérison d’une nouvelle infection [4]. Le typage par la technique MLVA, fondée sur la caractérisation de huit régions conservées de l’ADN bactérien et qui présente des nombres variables de séquences répétées en tandem, apparaît actuellement comme la méthode de choix, compte tenu de son pouvoir discriminant, de sa reproductibilité, de sa facilité et rapidité d’utilisation (figure 1) [7, 19].

Lors d’infection mammaire, une seule souche est présente dans le quartier concerné ; si plusieurs quartiers d’une même vache sont infectés, les souches sont différentes dans environ la moitié des cas [14]. Les quartiers “arrière” sont plus souvent infectés (deux sur trois) et, en cas de mammite, si une seule souche est présente sur le trayon, cette même souche est retrouvée dans le quartier (photo 2). Cinq à trente souches différentes peuvent être mises en évidence dans un troupeau et certains génotypes sont communs à plusieurs troupeaux. Cette diversité des souches montre que l’environnement constitue une voie importante de contamination. Le fait qu’une souche prédomine parfois dans un troupeau indique qu’une transmission entre vaches, pendant la traite, est possible. Il existe donc une dualité des voies de contamination qui peut varier selon le stade de lactation (tableau 4).

Ainsi, dans une étude réalisée dans 14 élevages, l’utilisation de la technique MLVA a permis de déterminer que les contaminations des vaches par Str. uberis pouvaient être considérées comme d’origine environnementale dans huit troupeaux, six relevant d’une origine mixte. Actuellement, aucun élément ne permet de savoir si les infections résultent d’une contamination aléatoire ou d’une sélection liée à des particularités de certaines souches. Par ailleurs, l’association entre la souche et la sévérité des infections n’est pas démontrée : la même souche peut induire des infections de sévérité différente dans les quartiers d’une même vache ou chez des vaches différentes. La durée des infections subcliniques varie d’une quinzaine de jours à plusieurs mois et est plus longue chez les vaches que chez les génisses [14]. La prévalence et la sévérité des infections dépendent du stade et du rang de lactation (tableau 5).

SOURCES D’INFECTION

Les souches de Str. uberis sont présentes sur l’animal et dans son environnement (tableau 6) [11, 12, 21].

Les isolats correspondent à des souches différentes, mais celle qui est responsable d’une infection est également présente sur l’animal. Dans l’environnement, les sources sont multiples, en relation avec la présence des animaux et la traite : pâture, litière, abreuvoir, parcours des animaux, aire d’attente, couloir de contention, fèces (excrétion intermittente de différentes souches), faisceaux trayeurs des vaches infectées, etc. Après l’épandage des effluents sur les zones de pâture, Str. uberis peut être retrouvé pendant deux semaines. Le niveau de contamination des parcours est lié à l’importance du trafic et à la saison, plus faible en été qu’en hiver. Une forte humidité et une température élevée favorisent la présence de Str. uberis dans ces différents sites, ce qui n’implique pas qu’ils sont tous responsables d’infections mammaires (figure 2).

Les trayons apparaissent dix fois plus contaminés chez les vaches taries que chez celles en lactation, sans doute en raison de la pratique du trempage chez ces dernières. Il existe par ailleurs une relation entre cette contamination et les infections observées au vêlage chez les génisses [12].

Une mauvaise stérilisation des lavettes et/ou leur usage multiple sont également des facteurs de risque d’infection.

PROCESSUS INFECTIEUX ET FACTEURS DE VIRULENCE

Les connaissances actuelles concernant les processus infectieux ont pu être obtenues soit à partir d’infections expérimentales, soit à partir d’études de terrain.

L’étape initiale est la colonisation de la peau du trayon par des souches différentes de Str. uberis, suivie par la sélection d’une seule souche, qui pénètre et se multiplie dans la mamelle. Lorsque cinq souches distinctes sont introduites expérimentalement dans la mamelle, une seule se maintient et ce n’est pas toujours la même [22]. Plusieurs hypothèses, dont aucune n’est à ce jour validée, sont avancées pour expliquer cette sélection : capacité d’adhésion, croissance plus rapide, présence d’une capsule permettant d’échapper aux mécanismes de défense, production de bactériocine ? Si des Str. uberis sont placés à l’extrémité du trayon, seuls 40 % d’entre eux (32 sur 80) induisent des mammites cliniques, ce qui suggère que le trayon joue un rôle (longueur et kératine) dans la résistance aux infections [15]. Lors d’infections expérimentales, il existe une phase silencieuse de multiplication des bactéries, pendant environ deux traites, puis un recrutement des polynucléaires survient, en général après trois traites, lorsque la population atteint 104 bactéries/ml. Cette dernière peut atteindre 109 bactéries/ml et, dans ces conditions, les modifications du lait sont apparentes à partir de la cinquième traite. Pour une même souche, la concentration cellulaire du lait peut différer, selon les quartiers infectés expérimentalement, ce qui indique que cette réponse n’est ni souche ni vache dépendante. Lors de mammites subcliniques, la population bactérienne évolue de manière sinusoïdale, en symétrie opposée à la population cellulaire. Les bactéries sont présentes dans les polynucléaires, dans les canaux et les alvéoles sécrétoires.

Environ 80 % des souches possèdent une capsule constituée d’unités répétitives de N-acetyl glucosamine et d’acide glucoronique. In vitro, elle confère aux souches de Str. uberis une activité antiphagocytaire, mais les résultats sont contradictoires concernant son implication dans la capacité d’infection et la sévérité de cette dernière. La production d’un biofilm par de nombreuses souches, au rôle encore non précisément défini, est mise en évidence in vitro. Les souches possèdent un activateur du plasminogène (PauA), qui permet l’acquisition d’amino-acides, et qui ne serait pas impliqué dans la capacité d’infection des souches et la sévérité des infections (figure 3).

Un facteur d’adhésion in vitro aux cellules épithéliales, la Strepto uberis adhesin molecule (Suam), est souvent présent dans les souches et agit en synergie avec la lactoferrine.

TRAITEMENT DES MAMMITES À STR. UBERIS

D’une façon générale, l’efficacité de l’antibiothérapie dépend de la précocité et de la durée du traitement, de la durée de l’infection, de la molécule et de la voie utilisées. Ainsi, un traitement intramammaire permet d’obtenir 60 % de guérisons versus 80 % respectivement dans le cas d’une infection ancienne ou récente, et 70 % versus 100 % pour des durées de traitement respectivement de trois et six jours [8]. L’effet bénéfique de la précocité du traitement, à la fois sur les concentrations cellulaires et sur la production de lait, est démontré lors d’infections expérimentales par Str. uberis (tableau 7).

En résumé, il s’agit donc de traiter le plus tôt possible et suffisamment longtemps. La voie intramammaire, qui permet d’obtenir une forte concentration d’antibiotique, est considérée comme plus efficace, à la fois sur les plans clinique et bactériologique, que la voie parentérale (tableau 8). Cette dernière peut éventuellement être envisagée d’un point de vue économique, si plusieurs quartiers de la même vache sont infectés, sachant que le risque d’antibiorésistance pour des “bactéries intestinales” non ciblées est augmenté. L’efficacité du traitement serait moindre lorsque plusieurs quartiers sont infectés. L’efficacité de l’ocytocine utilisée seule n’est pas démontrée. En France, des données récentes indiquent que la résistance des souches de Str. uberis vis-à-vis de l’oxacilline et de la gentamicine est faible (environ 2 %) et plus élevée pour la tétracycline (18 %), la lincomycine (19 %), l’érythromycine (20 %) et l’enrofloxacine (33 %) [2]. Environ 53 % des souches sont multisensibles et 14,5 % sont multirésistantes.

Le traitement en lactation des mammites subcliniques à Str. uberis présente, en théorie, plusieurs avantages : diminution de la durée des infections, des concentrations cellulaires, des mammites cliniques, des risques de transmission, et augmentation de la production laitière. Cependant, le taux de guérison spontanée est parfois élevé, proche de 50 % [25]. De plus, pour des infections anciennes, l’efficacité est d’environ 60 %, alors qu’elle est de 70 à 90 % pour des traitements au tarissement. Ainsi, l’intérêt économique du traitement en lactation des mammites subcliniques à Str. uberis apparaît contestable.

PREVENTION DES MAMMITES À STR. UBERIS

En dehors de la réforme des animaux, les possibilités de prévention consistent à limiter les contaminations de l’environnement, à pratiquer une bonne hygiène de traite, à traiter les animaux au tarissement (antibiotique et/ou obturateur), voire à utiliser un vaccin efficace.

1. Bâtiment et litière [10]

Dans le bâtiment, les animaux doivent pouvoir disposer d’une aire de couchage de 6 à 8 m2, hors surface exposée à la pluie, passages vers l’aire d’exercice et zones soumises aux courants d’air. L’accès entre l’aire d’exercice et l’aire de couchage doit être libre sur toute la longueur du bâtiment. Le paillage doit être effectué au moins une fois par jour avec une paille stockée à l’abri de l’humidité, à raison de 1 à 2 kg/m2 de couchage. Mieux vaut éviter un paillage trop important qui entraîne un tassement insuffisant de la litière par les animaux et favorise le développement des bactéries par la présence d’air. La litière doit être éliminée avant qu’elle ne chauffe trop (37 °C au maximum dans les dix premiers centimètres). Le traitement avec des produits à base de superphosphate (150 à 250 g/m2) une à deux fois par semaine, ou avec des activateurs de fermentation, est préconisé en cas d’humidité. L’accumulation de cette dernière sous l’aire paillée peut être limitée, sur un sol bétonné, par une légère pente vers l’aire d’exercice. Le curage est à programmer selon l’état de la litière et ne présente pas de caractère d’urgence si elle est propre et pleine. Pour la conception des logettes, il faut prendre en considération les animaux de plus grande taille.

2. Hygiène de traite

Les recommandations dans le domaine de l’hygiène de traite ont une valeur générale et ne sont pas spécifiques aux infections à Str. uberis. Le nettoyage des trayons doit être réalisé avec des lavettes individuelles, stérilisées entre chaque traite, ou avec des lingettes à usage unique pour chaque animal. Il faut éviter les jets de lait sur le sol, source de contamination de l’environnement, et utiliser un bol à fond noir pour vérifier l’aspect du lait avant la traite (photo 3). La pratique du prétrempage et du post-trempage des trayons limite de moitié leur contamination, donc les risques d’infection, par comparaison avec le nettoyage à l’eau suivi d’un essuyage. L’utilisation de iodophore sur les trayons pendant 30 secondes, ou d’eau oxygénée pendant 15 secondes, offre la meilleure désinfection [5]. Dans un autre modèle d’évaluation, fondé sur l’utilisation de disques de diffusion, la chlorexidine et l’acide lactique se sont révélés les plus efficaces vis-à-vis de Str. uberis [6]. En toute rigueur, le post-trempage devrait être réalisé rapidement après la dépose du faisceau trayeur, afin de permettre au produit utilisé de pénétrer dans le canal du trayon par capillarité. Il est recommandé d’utiliser une griffe spécifique pour les vaches atteintes de mammites, ou de la désinfecter et de maintenir les animaux debout après la traite, si possible au moins pendant une heure. La machine à traire doit être nettoyée en respectant les fréquences et les dosages des produits recommandés.

3. Traitement au tarissement

Au tarissement et pendant la période “sèche”, le traitement avec un antibiotique à longue persistance et/ou l’utilisation d’un obturateur limitent la survenue des mammites cliniques à Str. uberis au vêlage et au cours des premiers mois de lactation (tableau 9).

L’efficacité des antibiotiques est de l’ordre de 80 à 90 % et le choix entre un traitement systématique et un traitement sélectif et l’utilisation ou non d’un obturateur doit prendre en compte un certain nombre d’éléments : la fréquence des mammites cliniques dans l’élevage, les conditions de logement des animaux et la proportion de vaches affichant une concentration cellulaire supérieure à un certain seuil (lequel fait actuellement l’objet de débats).

4. Vaccination

Selon le degré d’exigence, il est par exemple possible d’attendre d’un vaccin qu’il prévienne les infections, et/ou qu’il réduise la sévérité des symptômes, et/ou qu’il diminue l’excrétion des bactéries, et/ou qu’il agisse comme un vaccin thérapeutique en éliminant les infections chroniques.

La mise au point d’un vaccin rencontre de nombreuses difficultés. D’une part, il existe une grande variété de souches, à laquelle peut correspondre une grande variété d’antigènes. D’autre part, la “réponse naturelle” de l’animal semble en partie inefficace. En effet, un quartier peut être infecté plusieurs fois par la même souche de Str. uberis ou par des souches différentes, et la répétition des infections ne diminue pas leur sévérité. L’induction d’anticorps ne semble pas efficace in vivo.

Par le passé, plusieurs approches ont été explorées. Des vaccinations répétées par voie intramammaire de bactéries tuées, associées à un extrait bactérien, n’ont conféré une protection que contre la souche homologue. L’utilisation d’une sous-unité de l’activateur du plasminogène (PauA) n’assure qu’une protection partielle contre des souches hétérologues, en dépit de l’induction d’anticorps. Récemment, un vaccin destiné aux mammites à Str. uberis a obtenu une AMM et fait l’objet d’une commercialisation (Ubac®, Hipra). La souche vaccinale a été sélectionnée pour sa capacité à produire un biofilm in vitro. Dans des conditions expérimentales, ce vaccin a été évalué chez des génisses (n = 13) par comparaison avec un lot non vacciné (n = 12). La préparation vaccinale, présentée dans une émulsion eau dans l’huile, est constituée d’un composant de la paroi bactérienne, l’acide lipotéichoïque (LTA), et d’un adjuvant dérivé du lipide A [3]. Après une vaccination par voie intramusculaire 60 et 21 jours avant le vêlage, la totalité des animaux des deux lots ont été infectés expérimentalement (100 CFU), 14 jours après le vêlage, dans deux quartiers, par une souche hétérologue. Tous les quartiers ont développé une mammite clinique. La sévérité des infections, le nombre des bactéries et les pertes de production laitière se sont révélés plus faibles chez les vaches vaccinées que chez celles du lot témoin. Une augmentation des anticorps anti-IgG2, dirigés contre le LTA, a été observée chez les animaux vaccinés. Selon les auteurs, le LTA pourrait être impliqué dans la formation du biofilm, et les anticorps pourraient empêcher celle-ci, favorisant par conséquent la phagocytose des bactéries. Ils concluent sur la nécessité de disposer de résultats “de terrain”.

Un tel essai a été réalisé par l’administration du vaccin, en deux injections, avant le vêlage et 40 jours plus tard [23]. L’essai inclut 401 vaches immunisées et 380 vaches témoins, issues de 6 troupeaux confrontés à des problèmes de mammites à Str. uberis. L’incidence des mammites cliniques est de 6,1 % dans le lot vacciné et de 13,5 % dans le lot témoin. La fréquence des infections par Str. uberis est similaire dans les deux lots, pendant les 21 premières semaines de lactation. La production moyenne de lait est de 36,8 l par jour pour les vaches vaccinées, versus 36,4 l/jour pour les vaches témoins. Ces résultats indiquent que la vaccination a un effet sur la sévérité des infections, sans impact significatif sur la production laitière et l’incidence des infections. Il est possible de douter de l’effet protecteur des anticorps et de postuler que ce vaccin pourrait en fait induire une immunité à médiation cellulaire qui n’a pas été évaluée à ce jour [24]. Bien que ce vaccin ne prévienne pas les infections et ne les élimine pas, il pourrait éventuellement être un élément au sein d’un programme complet, dans des troupeaux confrontés à des problèmes de mammites cliniques à Str. uberis.

Conclusion

Contrairement à la plupart des autres espèces bactériennes impliquées dans les mammites qui présentent soit un réservoir mammaire, soit un réservoir environnemental, Str. Uberis montre à la fois les deux types de “profil”. Ceci explique la difficulté de contrôler ces infections et la forte prévalence qui en résulte. Les connaissances actuelles, concernant les facteurs de virulence et les mécanismes immunitaires capables d’assurer une protection de la mamelle, ne permettent pas de disposer du vaccin idéal pour une prévention efficace des infections. Dans ces conditions, le rôle du praticien, par sa connaissance de l’élevage et ses conseils auprès de l’éleveur, est essentiel.

Références

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CONFLIT D’INTERETS

Aucun.

Points forts

→ En France, environ 20 % des mammites sont dues à Streptococcus uberis.

→ Différentes souches de Str. uberis sont présentes sur l’animal et dans son environnement, mais une seule est responsable de l’infection. Une transmission entre vaches pendant la traite est possible. La dualité des voies d’infection (contagion/contamination) varie selon le stade de lactation.

→ Expérimentalement, la précocité du traitement antibiotique, lors de mammites à Str. uberis, a des effets bénéfiques sur les concentrations cellulaires et la production de lait. La voie intramammaire est considérée comme plus efficace que la voie parentérale.

→ En dehors de la réforme des animaux, la prévention consiste à limiter les contaminations de l’environnement, à pratiquer une bonne hygiène de traite, à traiter les animaux au tarissement (antibiotique et/ ou obturateur), voire à utiliser un vaccin efficace.

POUR EN SAVOIR PLUS

– Kremker V, Reinecke F. Bovine Streptococcus uberis intramammary infections and mastitis. Clin. Microbiol. 2014;3:157.

– Zadoks RN. Sources and epidemiology of Streptococcus uberis with special emphasis on mastitis dairy cattle. CAB Review. Perspectives in agriculture, Veterinary science, Nutrition and Natural Resources. 2007;30:1-15.

REMERCIEMENTS

Mes remerciements vont à A. Thaille, PH. Lepage et F. Gilbert pour la relecture de cet article.

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